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Iran : pourquoi tant de haine ?

mardi 19 février 2019 par Richard Labévière pour Proche et Moyen Orient

La République islamique d’Iran commémore actuellement ses quarante ans d’existence. Et le moins que l’on puisse dire est que cette occasion donne lieu (de la part des pays occidentaux) à un déferlement continu de désinformation, de propagande, sinon d’une haine rarement égalée à l’encontre d’un pays qui ose ne pas être comme le nôtre ! Même la Corée du Nord est mieux traitée depuis qu’elle accepte de parler avec Donald Trump. Cuba aussi fête les 60 ans de sa révolution dans la même quasi-clandestinité, dans la même hostilité froide, irrationnelle et générale. La mondialisation n’aimerait-elle pas la différence ?

Quelles que soient les erreurs qu’elles aient pu commettre -comme si nos démocraties n’en faisaient jamais- les révolutions cubaine et iranienne ont su, contre vents et marée, défendre des indépendances et souverainetés nationales garantes de la permanence d’une voie spécifique de développement économique, social et culturel. Sans doute, l’idéologie dominante déteste l’Iran et Cuba, notamment parce le centre de leurs villes ont su se préserver des implantations tapageuses de McDonald’s, Starbucks Coffee et autres calamités de la malbouffe anglosaxonne.

Suprême impertinence, ces deux pays s’honorent de ne pas fonctionner comme nos vieilles démocraties parlementaires. Et c’est au moment même où leurs mécanismes fatigués craquent de toutes parts sous les coups de boutoir des jacqueries les plus profondes que les pays occidentaux font preuve de la plus invraisemblable arrogance : tout ce qui n’est pas comme nous est détestable !

Pensez : la révolution islamique qui a eu le toupet de retenir en otage quelque temps des diplomates américains ne peut qu’être vouée aux gémonies universelles. Voilà un pays de 80 millions d’habitants, héritier de plus de 7000 ans de culture, à l’articulation de l’Asie et du moyen-orient, encerclé de sept pays en crise, voire en conflit (Azerbaïdjan, Arménie, Turquie, Irak, Turkménistan, Afghanistan et Pakistan), faisant face dans le golfe Persique aux pays du golfe au premier rang desquels l’Arabie saoudite : voilà un pays en paix. Un miracle !

Certes, sa stabilité intérieure est mise à rude épreuve par des sanctions économiques américaines et européennes qui frappent les populations les plus fragiles, attisant l’inflation, le chômage, les pénuries alimentaires et sanitaires. Depuis 1979, les États-Unis, les Européens, les pays du Golfe et Israël notamment, encouragent les Kurdes du PEJAK (Parti pour une vie libre au Kurdistan), l’Organisation des Moudjahidines du peuple et d’autres groupes armés à déstabiliser le gouvernement de Téhéran. Ces dernières années, Tel-Aviv a multiplié les assassinats ciblés de scientifiques et chercheurs, les attentats meurtriers, les sabotages, et les cyberattaques, espérant ainsi favoriser un changement de régime.

Malgré toutes ces injures de l’Histoire, l’Iran d’aujourd’hui est un pays debout, soucieux de l’avenir de sa jeunesse, puissance régionale avec laquelle il faut compter pour envisager l’avenir des Proche et Moyen-Orient.

Malaise dans la civilisation

Il ne faut pas oublier non plus que Saddam Hussein a déclenché une guerre extrêmement meurtrière contre l’Iran en 1980. Celle-ci allait durer huit ans, poussée et soutenue par les États-Unis, la Grande Bretagne et la France. Alliés traditionnels des pays pétroliers sunnites, les puissances occidentales craignaient par-dessus tout une contagion révolutionnaire embrasant toute la région, reproduisant la stratégie du « cordon sanitaire » déployée après 1917 pour endiguer la révolution bolchevique. Mais plus profondément, cette « haine » récurrente de l’Iran ne traduit-elle pas un malaise dans la civilisation, sinon dans la culture (occidentale s’entend) pour reprendre le titre du livre que Freud publia durant l’été 1929 ?

A la suite de la première Guerre mondiale, qui avait entraîné Freud vers la mise en évidence de la pulsion de mort dans Au-delà du principe de plaisir, il élargit la perspective au-delà de l’inconscient au sens strict pour s’attacher à mettre en évidence un même mécanisme à l’œuvre au niveau de la culture, entendue au sens de civilisation : comme tout ce qui régit et nourrit la vie en commun de l’humanité. Parce qu’en effet, lorsque la chouette de Minerve s’envole au crépuscule pour planer sur les cimetières de l’Histoire universelle, force est de reconnaître que l’Occident, avant de lancer sa grande expédition coloniale vers le Nouveau monde, n’a cessé de porter le glaive là même où était né Jésus.

Les Croisades (1095 – 1291) au même titre que les États Latins dont les tribulations se prolongent jusqu’à la bataille de Lépante (1571) ne vont jamais réellement s’interrompre. En cherchant à bloquer la route britannique vers les Indes, la campagne d’Égypte de Bonaparte et de ses successeurs (1798 – 1801) va faire œuvre de jurisprudence stratégique durable. Les puissances occidentales ne vont plus cesser de régler leurs comptes dans cet Orient compliqué dont ils vont tracer les frontières à coup de règle pétrolière : Sykes-Picot (16 mai 1916), pacte américain du Quincy avec l’Arabie saoudite (14 février 1945), création d’Israël (1948). A partir de cette date, les guerres israélo-arabes et israélo-palestiniennes ne s’arrêteront plus…

Précédemment évoquée la guerre d’Irak (22 septembre 1980 – 20 août 1988) va renouer avec l’une des plus vieilles ficelles coloniales : la division et l’instrumentalisation des minorités, en l’occurrence une fitna (guerre interne à l’Islam) en opposant les Sunnites aux Chi’ites « hérétiques ». Le 20 mai 2017, le jour même du résultat de l’élection présidentielle iranienne qui accorde au candidat dit « modéré » Hassan Rohani un deuxième mandat, le président Donald Trump parle à Riyad devant une cinquantaine de pays sunnites, appelant à isoler l’Iran « qui soutient et finance le terrorisme international ».

Tenir de tels propos en Arabie saoudite, c’est un peu enfermer un diabétique dans une pâtisserie, mais c’est surtout faire preuve d’un déni du réel proprement hallucinant : chacun sait que la monarchie wahhabite et d’autres pays du golfe financent l’expansion de l’Islam radical depuis des décennies.

En 2016, plus de 20% de l’électorat de Donald Trump provenait des Évangélistes, ces derniers étant inconditionnellement favorables à la politique israélienne d’occupation et de colonisation des territoires palestiniens. Ces mêmes évangélistes sont évidemment farouchement hostiles à l’Iran. Obsédé par sa réélection pour un deuxième mandat, comme par la destruction de tout ce qu’a pu faire son prédécesseur Barack Obama, le nouveau président des États-Unis va, sans surprise, déchirer l’accord sur le nucléaire iranien finalisé le 14 juillet 2015 à Vienne. Suivant la même logique, la diplomatie américaine va déployer toute son énergie pour rapprocher les pays du Golfe et d’autres États sunnites avec Israël contre l’Iran…

Une OTAN arabe ?

Dernière initiative des États-Unis : la tenue d’une conférence internationale organisée à Varsovie le 14 février dernier sous l’intitulé : « Paix et Sécurité au Moyen-Orient ». On est en plein « orwellisme » et abus de novlangue, puisqu’en réalité il s’agit de préparer une guerre contre la République islamique d’Iran. En fait, après les échecs historiques du Pacte de Bagdad, des guerres successives menées en Irak, en Syrie et contre la Palestine, Washington entend mettre sur pied une « OTAN arabe » dont la mission serait de renverser le régime iranien actuel pour y installer un quelconque proconsul à sa botte !

Invité d’honneur : le criminel de guerre Benjamin Netanyahou se frotte les mains déclarant que « quelque chose d’énorme se passe ici… ». Il en profite pour tendre moult perches vers les pays sunnites et même en direction des dirigeants polonais, hongrois, tchèques et slovaques, très critiques de l’Union européenne. En effet, avec un certain courage Federica Mogherini – Haute-représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité depuis le 1er novembre 2014 – s’accroche aux paramètres historiques de résolution du conflit israélo-palestinien : dénonciation de la poursuite de la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens et opposition à toute reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu, son statut devant être déterminé au terme de négociations de paix.

Cela dit, la réunion de Varsovie a fait pschitt… L’OTAN arabe ne verra pas le jour et plusieurs grands pays sunnites refusent de marcher dans la combine israélo-américaine, au premier rang desquels l’Arabie saoudite. Le vieux roi Salman reprend le dossier au détriment du jeune prince héritier Mohammed Ben Salman afin de ne pas cautionner la moindre initiative américaine qui jetterait aux orties les aspirations nationales palestiniennes.

L’ancien patron des services secrets saoudiens, le prince Turki Ben Fayçal, lance même un avertissement important : « le peuple israélien ne doit pas être trompé et croire que la question palestinienne est morte », rappelant que sa résolution demeure un préalable à tout espèce de normalisation avec Tel-Aviv : « Israël a choisi d’ignorer tous les efforts saoudiens pour faire la paix, et s’attend à ce que notre pays lui tende la main pour avancer dans le domaine des relations économiques et technologiques comme la désalinisation de l’eau et d’autres dossiers. Cela n’arrivera pas ».

L’Égypte non plus n’est pas prête à se laisser entraîner dans une espèce de resucée des accords de Camp David, signés le 17 septembre 1978 par Anouar el-Sadate et le premier ministre israélien Menahem Begin. Plusieurs autres pays arabes rejoignent cette ligne en tirant les leçons de la défaite américaine (et celle de ses alliés européens, des pays du Golfe et d’Israël) en Syrie.

Avec l’aval de l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis (EAU) rouvrent leur ambassade à… Damas. Comme l’a dernièrement et très justement souligné le chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah, «  les EAU ne reviennent pas seulement à la raison, mais avec l’appui des Saoudiens ils cherchent à endiguer la montée en puissance de la Turquie qui cherche à prendre la tête du monde sunnite en s’appuyant sur la confrérie des Frères musulmans ».

Trump contre l’Europe

Après la fitna Sunnites/Chi’ites, la diplomatie américaine creuse une nouvelle ligne de fracture entre pays sunnites. Cette politique de gribouille – qui ne consiste pas à gagner des guerres conventionnelles en contrôlant durablement des territoires, mais plutôt à gérer de multiples foyers d’« instabilité constructive », notamment pour vendre des armes des infrastructures, du matériel de reconstruction ou sécuritaire – vise non seulement l’Iran et tous les pays qui n’acceptent pas l’ordre américain, mais aussi… l’Union européenne.

Non seulement Donald Trump veut faire payer aux Européens les dépenses de l’OTAN, qui ne doit acheter que des matériels américains, mais il cherche surtout à affaiblir encore davantage l’UE politiquement.

Trois positions européennes récentes ulcèrent particulièrement le président américain :
- le communiqué commun des « trois M » (Macron, Merkel, May) qui refusent de quitter l’accord sur le nucléaire iranien, estimant que la proximité continentale de Téhéran avec les pays européens nécessite une appréciation très différente de celle qui est cultivée outre-Atlantique ; l
- la mise en place de procédures commerciales avec l’Iran évitant le dollar et les nouvelles sanctions ;
- enfin, les velléités européennes de faire avancer une « Europe de la défense » plus indépendante de l’OTAN justement.

« Ces trois orientations qui étaient relativement encouragées par Barack Obama font voir rouge à la Maison blanche actuelle », explique un diplomate européen en poste à Washington, « Donald Trump cherche à tout prix à casser les quelques rares initiatives européennes en matière de politique étrangère, notamment concernant le dossier palestinien qu’il entend se réapproprier personnellement à ses conditions. Avec les Européens, Trump fait comme avec les Chinois sur le plan commercial : il mène une guerre sans concession au nom de son slogan électoral America first, qui sera aussi le fil rouge de sa prochaine campagne qui a déjà commencé ».

Les États-Unis de Donald Trump veulent faire la guerre à l’Iran et au Venezuela. Ils construisent un mur contre le Mexique et continuent à financer la colonisation israélienne des Territoires palestiniens occupés.

En déchirant aussi les accords internationaux destinés à lutter contre le réchauffement climatique, ils ont déclaré la guerre au monde entier ainsi qu’aux générations futures. D’ores et déjà ils condamnent le référendum à venir sur la nouvelle constitution cubaine et renforce le blocus (el bloqueo) instauré contre la Révolution cubaine depuis le 3 février 1962. Dans le même temps, ils veulent persuader le monde que l’Iran est la principale menace planétaire.

Quelle rigolade ! Ou plutôt quel cynisme morbide et mortifère… La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, écrivait à peu près Carl Von Clausewitz. Mais que faire lorsqu’il n’y a plus de politique…


Voir en ligne : http://prochetmoyen-orient.ch/iran-...

   

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