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LA "RÉVOLUTION" MACRON EST EN MARCHE, NOUS DEVONS L’ANALYSER ET LA COMBATTRE.

vendredi 21 juillet 2017 par Francis Arzalier

Dans le cadre de l’assemblée générale du 26 août, Francis nous envoie sa contribution

Le Jupiter du Touquet qui s’est fait élire notre President-monarque l’a annoncé à " ses députés " réunis à Versailles : sa " Révolution " est commencée, elle va transformer le pays.

En fait, on ne peut ignorer que son action s’inscrit dans une constante historique française, vieille d’au moins deux siècles :

Depuis 1800 en effet, une partie majoritaire ou importante des Français, éprouve le besoin irrationnel de se jeter périodiquement dans les bras d’un monarque, auquel ils attribuent quelque temps la capacité de conjurer leurs peurs, de les sauver. La raison initiale, tous les historiens le savent, est qu’ils ne sont pas devenus moins monarchistes en 1792 : ils se sont contentés en ce lointain 10 aout d’approuver la déchéance de Louis XVI, Roi au départ très aimé, mais qui avait trahi les aspirations populaires, en appelant à son secours les envahisseurs étrangers pour rétablir les privilèges seigneuriaux et son pouvoir de droit divin abolis par les représentants de la Nation. La République proclamée, faute d’un Roi qui ne méritait plus de l’être, les Français, dès lors, ne cesseront de se chercher un Monarque choisi, un Sauveur, quitte à s’en détacher peu après.

Le premier, le plus grand, de ces monarques élus par la Nation française, était né Bonaparte. Il est devenu Napoléon, le héros des bourgeois et paysans de France, parce qu’il leur garantissait les acquis de la Révolution ( égalité devant la loi sans privilèges de naissance, possession de la terre par la majorité rurale, etc ), et qu’il avait soumis à leur volonté et leur pillage un bonne partie de l’Europe. Cette même Europe, qui, quinze ans plus tard, le détruisit et réduisit la France quelques temps à la " Restauration " des Capétiens et des Aristocrates honnis.

Le second de ces monarques élus, longtemps soutenu par la majorité des Français, même s’il avait débuté sa carrière impériale par un coup d’état militaire, fut baptisé à juste titre Napoléon le petit par Victor Hugo. Ce qualificatif polémique ne doit pas tromper : Napoléon III savait flatter par la démagogie le nationalisme et les aspirations des paysans et des ouvriers, alors que parallèlement il aidait avant tout les possédants français à multiplier les usines. Comme son oncle 40 ans plus tôt, il multiplia dans ce but les aventures extérieures, d’Italie au Mexique et en Allemagne. Mais il n’avait pas les qualités militaires de son ancêtre : piètre stratège, il ne sut qu’aller de défaite en défaite, jusqu’au désastre final et à l’invasion de 1870.

Le " sauveur " suivant, paradoxalement, a été hissé au pouvoir en 1940 dans les conditions dramatiques de la défaite française, grâce aux " pouvoirs spéciaux " votes par la quasi-totalité des députés de 1936, y compris ceux dits de " Front populaire ", a l’exception des communistes expulsés de l’Assemblée. Ce vieux Maréchal Pétain, héros controverse du massacre de Verdun en 1917, eut, malgré la légende gaulliste ultérieure, une popularité massive durant ces quelques mois de désastre, auprès des Français affolés, qu’il était supposé protéger des envahisseurs allemands. Evidemment, cela ne dura pas : les réalités brutales de l’occupation et de la " collaboration "avec un gouvernement de Vichy domine par l’extreme-droite firent basculer en trois ans l’opinion dans le désamour. Un processus identique à l’égard de tous les " sauveurs " adoubés par les Français depuis Napoléon Ier, simplement réduit dans le temps par les circonstances historiques particulières.

Le monarque choisi suivant fut son contraire suppose : Charles de Gaulle, un officier nationaliste qui avait eu le courage de refuser la soumission aux Nazis en 1940. Mais il ne fut porté au pouvoir qu’en 1958, grâce à l’insurrection armée de l’armée et des coloniaux, et au soutien, encore une fois, de la majorité des députés, y compris les socialistes, hormis les trublions communistes et quelques minorités de" gauche " comme Mitterrand. Le Général sut jouer de toutes les peurs et les ambiguïtés : la grande masse des Français, ne voyant en lui que le " seul moyen d’éviter une guerre civile ", lui donna alors les moyens d’instaurer une Constitution d’essence monarchiste à sa mesure, et une majorité de députés " godillots " à sa dévotion : les élections de 1958 furent pour le PCF un coup de massue, dont il ne put se relever que peu à peu, grâce aux luttes sociales et pour la paix qu’il sut animer sans céder au découragement. La popularité du général n’était de ce fait que l’ombre d’elle même en 1968, sous les coups de boutoir des grèves ouvrières et de la fièvre étudiante. Quand une partie de la Droite atlantiste l’abandonna l’année suivante, De Gaulle fut contraint à la démission ; mais sa Constitution de " Monarchie républicaine " continua, jusqu’à nos jours : l’élection périodique au suffrage universel et majoritaire d’un "monarque choisi " et de sa cour de députés dévoués, véritable héritage bonapartiste, ne pouvait que satisfaire une bonne partie des Français, notamment la bourgeoisie, attachée à cette tradition depuis deux siècles. C’est pourquoi, à l’exception du PCF, jusqu’à ses années de déclin parce qu’en perte de repères, tous les dirigeants politiques français alternant au pouvoir endossèrent sans coup férir la constitution gaulliste qu’ils avaient parfois dénoncée au départ.

L’exemple le plus évident de cette conversion fut l’élection en 1981 de François Mitterand, l’inoubliable auteur d’une critique acerbe du pouvoir gaulliste ( "le coup d’état permanent ") qui, sitôt "President de le Gauche Unie ", se glissa avec gourmandise dans les oripeaux des successifs " monarques choisis " de la France. Lui, qui se laissait volontiers nommer " Dieu " par les humoristes, débuta en persuadant la majorité des Français qu’il allait "changer la vie", voire comme le disaient quelques uns de ses épigones au sein du PCF, "aller vers le socialisme ". Les désillusions qui suivirent ne doivent pas faire oublier les vertiges illusoires et irrationnels de départ : il fut en 1981 aussi facile de se faire élire députe ( " de gauche " ) avec le parrainage de Mitterand qu’il l’avait été en 1958 avec celui de De Gaulle....et en 2017 avec celui de Macron...

Tous ces épisodes passés permettent de mesurer à sa juste mesure la" macromanie" actuelle assénée quotidiennement par télévisions et radios. Certes, le discrédit est massif de tous les partis politiques français, PS, UMP-Republicains, et PCF, parce qu’ils ont chacun à leur manière, trahi les mandats que leur avaient confiés leurs électeurs. Certes, l’abstention massive qui en découle, le mode de scrutin absurdement majoritaire et la manipulation toujours plus grande des esprits par des medias aux ordres , ont donné au President Macron une majorité massive a l’Assemblée, alors qu’il n’a été choisi que par moins d’un Français su cinq. Cette fragilité est d’autant plus vraie que le nouveau " sauveur " à rassemblé dans sa mouvance " En Marche " tous ceux de Droite, de Gauche, et du Centre, qui acceptent son credo " liberal-post-moderniste ". Il reste que, avec ses spécificités, l’événement de 2017 renoue avec la vieille tradition française du "monarque élu", comme le confirment les premières semaines du " President Jupiterien ", décide à accomplir au plus vite le néfaste travail pour lequel ses sponsors l’ont choisi : precarisation accrue des salariés, " uberisation" de l’économie et de la société, alignement de la France sur l’UE et l’Allemagne, et les USA , et ingérences accrues en Afrique avec l’aide de l’Occident.

Mais l’euphorie de départ n’a qu’un temps limite, tous les épisodes similaires depuis deux siècles le démontrent. Notre Jupiter du Touquet se heurtera lui aussi à ses contradictions, aux luttes de classe, et aux mouvements sociaux qui en résultent. Et le plus tôt sera le mieux.

On ne peut bien sûr prévoir les échéances : elles seront d’autant plus proches que les forces anticapitalistes dont c’est la mission, sauront animer les luttes populaires, notamment sur les lieux de travail et dans la rue, pour compenser leur petit nombre dans les Assemblées élues, caricatures de la représentation nationale. Encore faut il que ces forces militantes parviennent à surmonter les pièges qui leur sont aujourd’hui tendus :

1/ les opportunismes, carriérismes et électoralistes qui ont réduit en quelques décennies le PCF a l’agonie.

2/ la dispersion en organisations trop souvent concurrentes des Communistes authentiques, (réseau FV le PCF au sein même de ce Parti, PRCF, PCRF, Coordination communiste, Rouges Vifs en diverses régions, Association Nationale des Communistes, etc), disparité encore accentuée en 2017 avec la croissance rapide à l’occasion des Présidentielles du Mouvement de la France Insoumise, qui a rassemblé des quantités de jeunes sincèrement désireux de combattre le capitalisme et l’impérialisme, en refusant souvent la discipline et les dérives idéologiques des partis antérieurs, PCF, PS, NPA, etc. La période récente, l’occurrence des élections présidentielles et législatives, ont vu malheureusement ces divers groupes anticapitalistes s’épuiser en querelles tactiques sectaires, qui les rendent tous inaudibles de l’opinion. Espérons qu’ils pourront s’allier au service des combats de classe à venir, dans le respect de leur diversité : cet ajout nécessaire des forces anticapitalistes ne pourra évidemment se réaliser par la soumission de toutes à l’une d’entre elles.

3/ le glissement de militants anticapitalistes sincères vers des mouvements informels, refusant l’organisation démocratique du débat en leur sein, au profit de décisions tactiques et d’orientation prises par quelques meneurs charismatiques est un danger réel AUJOURDHUI : la contamination de notre mouvance anticapitaliste par l’idéologie bonapartiste du " monarque choisi " est aussi dangereuse en 2017 que l’implosion menaçant un PCF perdu dans ses dérives.

Il ne peut y avoir d’échéances proches des luttes populaires si les militants révolutionnaires français oublient qu’ils sont les héritiers de la Commune de Paris, de ses aspirations au contrôle par la majorité proletarienne des moyens de production, et du refrain de l’Internationale qui en est issu :

" Il n’y a pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni Tribun.
Producteurs, sauvons nous nous mêmes, assurons seuls notre destin."

Francis Arzalier, 21 juillet 2017

   

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