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Le deshonneur des intelligences françaises

vendredi 12 avril 2019 par Francis Arzalier (ANC)

Durant des siècles, les grands intellectuels de France servirent de modèle culturel et moral au reste de l’Europe et du monde. Au XVIIIeme, les Souverains de Prusse et de Russie s’honoraient d’avoir pour conseillers Voltaire et Diderot, et les Traités entre Puissances étaient rédigés en français. Mais ce prestige des "Lumières" de notre pays était aussi moral et politique, car ces maîtres à penser refusaient de bénir l’injustice du monde, ne craignaient pas de se mettre à dos l’Église catholique et les Seigneurs, d’esquisser le projet d’une société d’égalité et de justice.
Le Contrat Social de Jean Jacques Rousseau avançait des idées qui révulsent y compris nos privilégiés contemporains quand on les dit trop fort !

Cet héritage lumineux d’une "Intelligentzia" de France ouvrant au peuples l’avenir, et d’abord à notre Nation, s’est perpétuée au XIXeme siecle, avec " le Père Hugo tonnant de son exil" pour dénoncer "Napoléon le Petit", avant d’être à la fin de sa vie accompagné au tombeau par tout Paris reconnaissant ; et le grand Zola eut le courage de dresser contre lui la foule haineuse des cagots du cléricalisme et les militaristes antisémites en publiant son " J’accuse " pour défendre l’innocent Dreyfus envoyé au bagne parce qu’il était juif.

La même tradition de courage intellectuel contre les turpitudes des puissants et des riches du jour, au service des " Spoliés de la Terre " écartés du banquet national, incarnant un rêve de libertés, d’égalité, d’autres flambeaux de la pensée française l’ont poursuivie jusqu’au XXeme siècle finissant. Ils se nommaient vers 1900 Jaurès, défricheur- héritier de la Révolution de 1789-93, assassine en 1914 pour avoir voulu sauver le monde des tueries ; André Breton et les Surréalistes, qui n’hésitèrent pas a dénoncer l’Empire colonial au plus fort de sa gloire en 1932.

Leur compère Aragon qui sut dire en une langue flamboyante le patriotisme du Prolétariat français et de ses héros communistes. Le conservatisme de Droite avait aussi ses grands, Barres, Maurras, ou le complexe Malraux qui fut Gaulliste en vieillissant. Mais, encore en 1968, l’Intelligence en France avait aux yeux du monde entier le visage de la contestation sociale et politique des Pouvoirs.

Le capitalisme des experts

Mais tout a basculé dans notre pays et ailleurs avec la vague idéologique contre-révolutionnaire en fin de siècle : un Capital mondialisé, des classes ouvrières déstabilisées en France et en Europe par l’éradication des industries et la précarité, des Partis et des Syndicats glissant de la lutte de classe à la cogestion sociale la plus suicidaire. Dans ce monde ou le Capital rénové se sentait le maitre du jeu, la Bourgeoisie française de Papa (qu’on disait des 200 familles), a inventé un moyen merveilleux d’élargir son assise, le Système dit méritocratique Républicain.

Une pléiade de "Grandes Écoles" supposées être meilleures que les Universités destinées au commun des bacheliers, HEC, l’ESSEC, l’ENA, Sciences Po, Polytechnique, École Alsacienne, Écoles d’Ingénieurs, de Journalisme et Communication, toutes institutions ou on n’est admis que par concours, et coûtent très cher aux impétrants.

Le niveau scientifique et culturel y est généralement élevé, leur budget le permet, mais elles sont calibrées pour fabriquer des cohortes de jeunes gens, hommes et femmes, issus, parce que jugés les plus qualifiés, de catégories sociales diverses, majoritairement de ces "classes moyennes", concept irrationnel inventé pour caractériser ceux qui ne sont pas de la bourgeoisie rentière à leur naissance, mais voudraient bien y accéder.

Pour cela, ils doivent intégrer la doxa libérale, la croyance dogmatique que les "lois du Marché " suffisent à créer une société où chacun à sa chance, ou seuls les paresseux sont voués à la pauvreté. Nous sommes ainsi entrés dans "le temps des Experts", qui défilent en troupeaux à la télévision, experts en tout.

Mais leur formation leur donne aussi les techniques politiciennes au sens original du terme : ils sauront tous parler long et bien, pour ne pas exprimer l’essentiel. Mais sûrs de leur fait, ils diront tous les mêmes dogmes libéraux, quel que soit par ailleurs leur parti ou leur croyance religieuse. De toute façon, les médias qui font leur promotion, contrôlés par d’autres experts libéraux de la même mouvance, invitent peu d’éventuels contradicteurs, sauf à leur couper à tout instant la parole. Au nom bien sûr, de la liberté de la presse...

Ces " Grandes Écoles" ne pourraient jouer leur rôle de fabrication d’une bourgeoisie élargie, s’il n’y avait à la base de la pyramide éducative qu’ils couronnent un ensemble national de lycées imprégnés peu à peu des mêmes objectifs, surtout dans les couloirs de formation commerciale et scientifique, justifiant le tri des " meilleurs" vers le paradis des concours.

Bien sûr, cette sélection qui n’ose pas dire son nom est d’abord essentiellement sociale. Le résultat au bout du compte est clair : Au sommet de l’édifice enrichissant la bourgeoisie de nouveaux membres, les Grandes Écoles, on ne peut dénombrer que deux pour cent de lauréats d’origine ouvrière. Le système reproduit pour le moins les inégalités sociales existantes, les ossifie même.

Ces clones fabriqués par les mêmes écoles, bardés des mêmes certitudes libérales, sont très fiers d’avoir accédé à la bourgeoisie par leur savoir, et cela les rend méprisants à l’égard du peuple travailleur qu’ils jugent incapable de suivre le même trajet d’ascension sociale.

Parmi eux, les plus chanceux ou les plus doués deviennent dirigeants des grandes entreprises, privées et publiques, et encaissent de mirifiques émoluments, qui sont des profits du Capital, en actions ou, accessoirement, camouflés en salaires.

Mais la majorité de cette foule parvenue n’accédera jamais à ce nirvâna capitaliste. Les plus nombreux de ces bourgeois de fraîche date ne seront que la piétaille libérale, les centaines de milliers de "petites mains du Capital", cadres persuadés d’être le cœur des entreprises, "Directeurs des Ressources Humaines" par vocation, idéologues préposés a la diffusion des dogmes libéraux dans les médias, la publicité, ou l’appareil politicien,...ils sont neuf sur dix de cette néo-bourgeoisie, très éloignés des revenus d’un Carlos Ghosn ou d’un Bernard Arnault : ils se contentent d’en rêver.

Mais ils sont d’autant plus attachés à défendre l’ordre capitaliste qu’ils croient lui devoir leurs petits privilèges, et d’autant plus méprisants à l’égard du prolétariat "qui n’est rien" du fait qu’il ne possède rien d’autre que sa force de travail si on veut bien la lui louer, et qu’ils se jugent " experts " grâce à leurs seules compétences méritées.

Le capitalisme du mépris

Comme l’a dit récemment François Ruffin à cet Emmanuel Macron qui n’est que le premier d’entre eux, ils n’ont que du mépris pour " ce pays qu’ils ne connaissent pas ". Mais c’est leur nombre, bien plus grand qu’en 1936, qui assure pour l’instant la solidité de l’édifice social capitaliste. Car si l’on fustigeait alors " les 200 familles", qui, déjà, étaient plutôt 2000 en bourgeoisie, elles se comptent en 2019 en dizaines de milliers au moins dans un pays développé comme la France.

Nous avons vu ce mépris de classe suinter crûment des écrans de nos télévisions durant cinq mois de Gilets Jaunes, souvent en phrases policées de commentateurs ( ou trices ), cravatés, manucurées, exaspérés de l’intrusion de ces " gens de rien" dans les " beaux quartiers " de Paris, Bordeaux ou Toulouse.

J’ai encore en mémoire l’image fugace de cette dame "comme il faut" devant la façade incendiée du Fouquet’s sur "ses" Champs Élysées, clamant, le visage angoissé : " ils ont brûlé un établissement qui symbolise pour eux la richesse ! Qu’ils se mettent au travail, et ils pourront eux aussi y venir !" ( sic ).

Salauds de pauvres !

Cette éructation de haine bourgeoise anonyme ne doit pas cacher les phrases plus indécentes encore des fleurons intellectuels de notre " douce France ".

A commencer par les mots de celui, Président-monarque, qui, en deux ans est devenu leur vitrine médiatique. Et depuis son intronisation, le florilège est abondant : des salariées qualifiées d’"illettrées" au boxeur amateur Gilet Jaune dont les phrases ne pouvaient avoir été écrites que " par un avocat d’extrême gauche, puisque , gitan, Il en est incapable", en passant par les allocataires des minima sociaux qui "coûtent un pognon de dingue", jugés un autre jour " fainéants ", puisque "il suffit de traverser la rue pour trouver un travail ". Un mépris qui vaut bien l’antisémitisme que le même monarque pourfend quand cela peut jouer en se faveur dans les sondages...

Dans le même registre, la foule de ceux qui doivent leur irruption sur la scène politicienne à Macron, qui se croient tous intellectuellement supérieurs alors qu’ils ne sont que diplômés, lâchent de temps à autre une énormité, d’autant plus fréquemment qu’ils y croient et ont peu d’expérience.

C’est ainsi qu’un certain Legendre, député des Macrons en marche et fier de l’être, a pris La Défense des réformes qu’il avait votées en disant : " Nous avons été trop intelligents, trop compliqués pour le commun de nos compatriotes.." L’intéressé, semble t-il, n’a toujours pas compris pourquoi la France entière s’esclaffe....

Compte tenu de ce qu’est devenu le suffrage universel en France, ne nous étonnons pas qu’il accouche d’un imbécile, expert devenu député. Les énormités haineuses lâchées par des Intellectuels considérés comme majeurs par l’hexagone en 2018 et 2019 à propos des Gilets jaunes sont plus graves et déshonorent leurs auteurs.

Jacques Julliard, maitre à penser des humanistes de salon, les qualifie de " beaufs" et " d’olibrius", Pascal Bruckner,de " racailles cagoulées ", et son compère en philosophie mondaine Luc Ferry de " salopards d’extrême droite et d’extrême gauche, qui viennent taper du policier ". Quand au célèbre Giesbert, qui laissera peut être son prénom à la postérité plutôt que le vide éditorial qui l’habite, il les a vus en " hordes de minus, de pillards rongés par le ressentiment comme par les puces " !

Certains de nos Intellectuels médiatisés se sont aussi illustrés pour dénoncer l’antisémitisme des Gilets Jaunes. A partir de la simple image télévisée d’un manifestant isolé, ressassée ad nauseam par les écrans, ils ont disserté sur le déferlement de cette lèpre en France. Les deux mondains que nos médias persistent à présenter comme les Philosophes du nouveau siècle ont élargi leur perspective au Monde, envahi, comme chacun sait, par des brutes staliniennes et populistes qui veulent du mal à l’état d’Israël, lui déniant même le droit de coloniser ses voisins.

Alain Finkielkraut les voit à Londres : " Si Corbyn s’installait a Downing Street, on pourrait dire que, pour la première fois depuis Hitler, un antisémite gouverné un pays européen." ( Die Zeit , 21/2/19 ). Et l’ineffable gravure de mode Bernard Henry Lévy découvre ( Le Point 7/3/19 ) chez le député Ruffin de la France Insoumise " une filiation consciente ou sournoise avec la prose de Gringoire ", le torchon pro-nazi de 1942.

A ces sommets de délire sioniste, que répondre,sinon le mépris ?
Où donc est passée l’Intelligence française que nos " Instruits " ont déserté ?

Réveille toi Lénine, ils sont devenus fou !

Il y a quelques années, les militants anti impérialistes d’Europe, avons fêté l’élection de dirigeants progressistes en Amérique latine. Du Brésil de Lula au Venezuela de Chavez, de la Bolivie d’Évo Morales, à l’Équateur de Correa, l’espoir revenait d’un socialisme patriotique et démocratique, qui semblait devoir servir d’exemple aux peuples du monde et d’Europe.

Aujourd’hui, le Brésil s’est livré au fasciste Bolsonaro, qui s’est empressé de livrer au fasciste italien le réfugié politique Battisti. Mais on ne l’a pas assez souligné, cet homme qu’avait en son temps accueilli en France le Président Mitterand, qui n’était certes pas un révolutionnaire, ce proscrit d’extrême gauche transalpin était allé se réfugier en Bolivie, dont le Président Socialiste Morales lui avait accordé le statut de réfugié politique. C’est ce même gouvernement bolivien qui s’est déshonore en 2019 en le livrant aux policiers brésiliens, et à ceux d’Italie, pour y finir ses jours en geôle, sans nouveau procès.

Et ce matin, c’est Julian Assange, lanceur d’alerte australien, qui avait dévoilé les turpitudes secrètes des dirigeants US et de leurs alliés ( WikiLeaks ) qui est livré a ses poursuivants à son tour. Depuis 2012, Il était a l’abri de la vindicte de la CIA grâce à la protection accordée par le Président Socialiste d’Équateur, Corréa. Confiné depuis dans l’ambassade de ce pays à Londres, il a été livré menotté à la police britannique par son successeur Moreno, élu par les électeurs de la gauche bolivienne. Et, de plus, il se prénomme Lénine, prénom donné par ses parents qui furent militants !

Alors que le Venezuela est toujours menacé d’invasion étrangère et de subversion, télécommandée de Washington, la trahison, le déshonneur se portent bien à La Paz, à Quito, et à Londres.

Gageons que nos experts parisiens vont donner de la voix pour abonder dans le sens de l’Impérialisme États-Unien. Pensez donc ! S’il venait des scrupules à l’un de ces milliers d’hommes de l’ombre qu’ils rétribuent, de dévoiler sur internet quelques uns de leurs sales petits secrets !

Déshonorez vous donc un peu plus, nous serons au contraire nombreux à dénoncer le sort du militant anti-impérialiste Assange, pour exiger des dirigeants d’Europe et du Royaume Uni qu’il ne soit pas livré à Trump, et qu’il puisse vivre librement dans le pays de son choix.

La morale l’exige autant que l’intelligence véritable.

   

Messages

  • 1. Le deshonneur des intelligences françaises
    13 avril 2019, 15:10 - par RICHARD PALAO


    il est exact que nos grandes écoles gangrenées par l idéologie capitaliste sortent a la chaîne des robots formatés pour servir l idéologie dominante quitte à contre faire la réalité scientifique ou historique persuadés que l enseignement qu’ ils ont reçu les rendent infaillibles ...j ai pu le vérifier avec des camarades en posant la même question a plusieurs jeunes cadres tout frais sortis de l école nationale des cadres de la securite sociale , nous avons obtenu au mot près et avec les mêmes formules toutes faites , les mêmes réponses ....c est peut être cela que l on appelle l intelligence artificielle ...?

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