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La CGT et la construction de l’Union Européenne.

dimanche 16 juin 2019 par Philippe Cordat (ANC)

Cher.es camarades,
Tout d’abord je tiens à remercier les animateurs de votre syndicat, particulièrement Michel Pénichon pour cette invitation à participer à votre réflexion et échanges sur un thème d’actualité « la CGT et la construction de l’Union Européenne ».
J’ai accepté d’être parmi vous ce soir en remplacement de Jean Pierre Page retenu hors de nos frontières durant cette période pour vous livrer quelques réflexions, faits et pistes pour le combat syndical.

Votre initiative se situe dans un moment très particulier, une semaine après le congrès confédéral de la CGT et deux jours après des élections européenne, dont les résultats devraient alerter tous les progressistes, toutes celles et ceux qui se confrontent au système économique en place et à la pression qu’il organise sur le peuple avec l’aide des institutions.
Pour celles et ceux qui en doutaient encore l’Union européenne constitue un thème extrêmement sensible dans la CGT avec des opinions différentes pour ne pas dire parfois opposées, comme nous avons pu le vérifier à nouveau durant les débats préparatoires et ceux qui se sont tenus à Dijon du 13 au 17 mai durant le 52ème congrès confédéral.
Beaucoup de discussions se focalisent en interne sur la CES, la place de la CGT dans cette confédération ou sa sortie, mais la question essentielle n’est pas la CES mais bien la capacité de la CGT à réfléchir, analyser, proposer par elle-même des voies et objectifs de luttes pour nourrir des actions qui rassemblent les salariés et leurs organisations en France, en Europe et dans le Monde.
Il convient du point de vue du constat de convenir que nous nous sommes appauvris dans notre réflexion sur ce qu’est réellement cette Union européenne, son rôle, sa mission et comment la CGT peut et doit évoluer au regard des enjeux posés aux salariés et au syndicalisme pour ouvrir de nouvelles perspectives de luttes à partir du local.
Mon propos s’inscrira donc dans la continuité du travail que nous avions engagé avec Jean Pierre Page, Charles Hoareau et Jean Claude Vatan il y a maintenant trois ans dans le cadre de la rédaction du livre intitulé « Camarade je demande la parole ».
Cette contribution s’inscrit dans cet objectif qui est pour nous de poursuivre nos explications pour essayer modestement d’éclairer les syndicalistes CGT sur, les positionnements et regards de la CGT tout au long de la construction de cette Union Européenne, de la Libération à nos jours aussi bien au niveau confédéral qu’au niveau d’autres structures de la CGT.
Pour être très clair d’entrée, il faut intégrer dès le départ que la construction européenne est marquée du sceau des grandes puissances financières et de l’église catholique.
Je vous invite d’ailleurs à lire l’excellente contribution de Jean Claude Vatan dans le livre « camarade je demande la parole », l’article du journal Fakir du mois d’avril 2019 intitulé l’Europe et le goupillon et les travaux d’Annie Lacroix-Riz, historienne engagée dont les travaux font références en France et au plan international.
Le coup d’envoi officiel de la construction européenne a été donné le 19 septembre 1946 dans un discours à Zurich prononcé par l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill invitant les pays européens à constituer les « États-Unis d’Europe », projet soutenu par les U.S.A.
Mais il faut bien mesurer que pendant l’occupation Nazi dès le début des années 40, des représentants de la finance, des banques, des grandes industries se sont réunis en Autriche pour préparer l’après-guerre et se répartir les marchés et les territoires comme vous pourrez le découvrir dans les travaux de Annie Lacroix-Riz.
L’édification de ce projet passe par le plan économique Marshall imposé par les USA aux pays de l’Europe occidentale dans le cadre de l’aide à la reconstruction.
Dès les 12-13 novembre 1947 : par 857 voix contre 127 voix, le Comité confédéral national (CCN) de la CGT condamne le Plan Marshall d’aide américaine à la France, dont résulterait l’asservissement économique de la France aux États-Unis. Le clivage entre les "pour" et les "contre" à cette motion est celui formé entre la majorité de la CGT et la minorité Force ouvrière.
L’appréciation de la CGT s’avérait tout à fait pertinente puisque quelques mois plus tard le 16 avril 1948 était créée l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE), destinée à faciliter la répartition de « l’aide » économique américaine à l’Europe donc du plan Marshall.
Cette OECE sera remplacée en 1960 par l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE) et élargie aux U.S.A et au Canada.
Le 4 avril 1949, la France avec neuf pays d’Europe signe avec Le Canada et les U.S.A à Washington le pacte de l’Atlantique nord. Le traité à vocation défensive, donne naissance à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), son organe militaire intégré.
Le 9 mai 1950, dans une déclaration rédigée par Jean Monnet, commissaire général au plan, le ministre français des affaires étrangères, Robert Schuman appelle à une coopération franco-allemande dans le domaine de la production du charbon et de l’acier qui sera ratifiée le 18 avril 1951 par un traité établissant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA).
Dès le 9 janvier 1956, le Bureau confédéral de la CGT pose les raisons de l’opposition de la confédération aux projets de Marché commun. Dans son communiqué, elle rejette aussi :
“Tout protectionnisme conservateur et son appui à toute formule authentique de coopération économique internationale.”
“- La libre circulation des marchandises, donc le déchaînement de la concurrence fondée sur l’infériorité des salaires et de la législation sociale, l’harmonisation par le bas des conditions sociales dans les différents pays, l’opposition renforcée à toutes les revendications des travailleurs. (…)
– La libre circulation des capitaux, le danger d’évasion des capitaux, de dévaluation et même de remplacer la monnaie nationale par une monnaie commune. (…)”
Le 23 janvier 1957, l’Assemblée nationale, par 331 voix contre 210, émet un vote positif à l’établissement d’une "Communauté économique européenne" plus communément dénommée "Marché commun".
Pour la CGT, aucune illusion à cette époque, "le Marché commun est un aspect de l’offensive internationale du Capital, l’alliance des pays de l’Europe capitaliste".
Et en 1957, avant la ratification par la France du Marché commun, la CGT, par la voix de Jean Duret, directeur du Centre d’études économiques de la confédération déclare :
L’enjeu est énorme : le Marché commun conduit infailliblement, à plus ou moins brève échéance, à la disparition des souverainetés nationales, à la création d’un super-État européen, réduisant à sa plus simple expression tout ce qui pourrait subsister d’individuel, de politiquement et économiquement indépendant chez les membres de la Communauté.
Ce super-État sera dominé par le pôle d’activité économique le plus puissant : la Ruhr ; par la puissance la plus énergique et la plus dynamique : l’Allemagne de l’Ouest. […]
Pour la France, la réalisation du Marché commun c’est l’acceptation de l’hégémonie allemande. Son industrie ne pouvant lutter contre la concurrence d’outre-Rhin tombera sous la coupe des konzerns de la Ruhr.
La signature du traité de Rome, le 25 mars 1957, institue la Communauté Économique Européenne (CEE) qui crée une union douanière impliquant la libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) pour bâtir une industrie commune du nucléaire civil.
A son 31ème Congrès du 16 au 21 juin 1957, la CGT accuse la politique inaugurée en 1947 avec le plan Marshall, qui se matérialise aujourd’hui par le Pacte Atlantique, le Pool Charbon-Acier et la soi-disant unification de la « petite Europe », d’être à la base des difficultés financières et du déficit du commerce extérieur…
En aliénant l’indépendance nationale de la France à des visées impérialistes, elle a entrainé les classes dirigeantes à sacrifier quelques-unes des bases essentielles du développement économique indépendant de notre pays…
Ce sont elles qui pressent le Parlement de ratifier les traités sur le Marché commun et l’Euratom…Les protagonistes tentent de démontrer que le Marché commun et l’Euratom aboutiraient à une amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière, d’unification par le haut, alors que les trusts utiliseraient et utilisent déjà dans chaque pays, les nécessités de la concurrence dans le Marché commun pour s’opposer aux augmentations de salaires et attaquer les avantages sociaux.
A notre action contre le pool charbon-acier, il faut joindre notre action vigoureuse contre le Marché commun et l’Euratom et lutter contre leur ratification.
C’était une position claire et nette qui s’opposait aux promoteurs néo-libéraux de L’Europe comme seule possibilité de créer un cadre pour le néo-libéralisme.
Par contre un de leur ténor, Daniel Villey, se déclarait avec humour surpris du soutien apporté par les socialistes à la ratification du traité : « Je suis certes enchanté pour la cause de l’Europe que des socialistes convaincus, comme le président Guy Mollet…aient pris parti en faveur de l’Europe des Six. Mais ils se leurrent à mon avis pour autant qu’ils s’imaginent servir ainsi, en même temps que le salut de l’Occident, la cause de leur doctrine socialiste. Historiquement, les Etats-Unis d’Europe seront libéraux, ou ne seront pas. »
C’est là aussi sans ambiguïté, l’Europe économique qui dans sa conception ne peut pas être sociale mais de plus en plus libérale au service du capital.
Du 3 au 12 juillet 1958, la conférence de Stresa en Italie définit une politique agricole commune (PAC) : unicité des marchés, préférence communautaire et solidarité financière. Elle entre en vigueur le 30 juillet 1962.
Le 8 février 1962, Benoit Frachon, secrétaire général de la CGT, dans un entretien avec le journal L’Humanité déclare : « Dans tous les pays du Marché commun, l’État fait corps avec les monopoles et met à leur service le pouvoir politique. Comme on le voit, le Marché commun n’est pas ce qu’en disent en général ses promoteurs, un moyen d’améliorer le niveau de vie général des populations. C’est une entente, une association des grands capitalistes en vue d’essayer de surmonter leurs contradictions et de renforcer leur puissance sur le dos des masses exploitées. L’habilité des capitalistes est d’avoir obtenu de certains dirigeants réformistes, qui siègent sur des strapontins au Marché commun, qu’ils couvrent leur marchandise. »
Alors qu’aujourd’hui le Royaume-Uni s’apprête à sortir de U.E, je ne pouvais pas ne pas rappeler que le 14 janvier 1963, le général de Gaulle a pour la France mis son veto à l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté Économique Européenne.
Le 20 juillet 1963, la signature de la convention de Yaoundé au Cameroun associe la CEE à dix-huit pays africains.
Dans un discours prononcé par Benoit Frachon en 1964 devant le Conseil général de la Fédération Syndicale Mondiale, la CGT réaffirme très clairement son opposition à l’Union Européenne :
« Nous nuirions à la collaboration fraternelle des peuples, nous retarderions l’union ouvrière pour le progrès, pour la liberté et la paix, si nous laissions croire un seul instant que dans l’Union européenne que les capitalistes veulent réaliser, il y a la moindre parcelle de cet internationalisme auquel aspirent les travailleurs. Nous devons au contraire démasquer leurs subterfuges et expliquer que les Etats-Unis d’Europe dont parlent d’abondance les représentants les plus typiques des monopoles, ne seraient qu’une simple association réactionnaire d’exploiteurs unissant leurs efforts pour maintenir les peuples sous leur domination, et empêcher l’évolution de la société vers le socialisme, vers une véritable collaboration fraternelle des peuples. » Et « Nous le disons très franchement aux militants des organisations qui participent aux institutions du Marché commun, nous n’avons aucune confiance dans la possibilité de transformer ces organismes, de les infléchir vers une politique différente. »
Nous pouvons constater, 65 ans plus tard, que la posture de la CGT a complétement changé…
Mais revenons à la chronologie de la construction de l’U.E. Le 1er juillet 1968, l’union douanière est totalement réalisée avec l’élimination des derniers droits de douane intracommunautaires pour les produits industriels et un tarif extérieur commun est mis en place aux frontières de la CEE.
Le 24 mai 1972, les six constituent le « serpent » monétaire afin de limiter à 2,25% les marges de fluctuation de leurs monnaies entre elles et le 1er janvier 1973, le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni rejoignent la CEE. En 1975, la convention de Lomé au Togo est signée entre la CEE et quarante-six pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ; le traité de Bruxelles crée la Cour des comptes européens.
Lors d’un meeting de rentrée porte de Pantin, le 5 septembre 1978, Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, rappelle les positions de la CGT sur l’Europe. « Il est instructif d’observer que… sur la gestion de la crise au mieux des intérêts des grandes firmes multinationales pour imposer leur domination aux travailleurs…se rencontrent et s’entendent les gouvernements des principaux pays d’Europe occidentale indépendamment de la couleur politique des partis dont ils sont composés.
…la similitude des positions des cercles dirigeants de la bourgeoisie et des tenants de la collaboration de classe dans le mouvement ouvrier…sur la prétendue fatalité de la crise, l’universalité de l’inflation, et depuis peu sur l’internationalisation du chômage qui serait la conséquence inéluctable des progrès scientifiques et techniques.
Ces convergences idéologiques érigées en théorie sont destinées à dissimuler la malfaisance du capitalisme et à le disculper ; elles montrent à quel point il est important d’associer étroitement à la lutte revendicative l’analyse de classe que nous faisons de la situation européenne et internationale et de dénoncer la véritable nature des ententes et des alliances fondées sur le renforcement de la domination des puissances d’argent et l’accumulation du profit.
C’est de ce point de vue que nous apprécions tout ce qui se trame au sein de l’Europe du capital. C’est le cas en ce qui concerne les projets monétaires qui renforceraient la suprématie du Deutschemark…
C’est le cas pour les projets d’intégration européenne fondés sur l’aliénation des souverainetés nationales à l’avantage de l’hégémonie des plus puissants. C’est le cas enfin en ce qui concerne l’élargissement de la CEE à de nouveaux pays.
Il est une réalité première et fondamentale de laquelle le mouvement syndical ne peut faire abstraction…c’est le fait que…le Marché Commun est entièrement sous la coupe des géants transnationaux de l’industrie et de la finance et que tout ce qu’ils peuvent préconiser est destiné à servir leurs intérêts et donc, par définition, va à l’encontre des intérêts des travailleurs.
Dans ce discours est aussi exprimé « la volonté d’agir avec les travailleurs des autres pays de la partie occidentale de notre continent pour une Europe démocratique, progressiste, libérée de l’écrasante hégémonie des magnats de la finance et de l’industrie, tournée vers la satisfaction des besoins des populations qui la composent.
La Confédération Européenne des Syndicats devrait être le centre privilégié de cette coopération syndicale européenne ; mais force est de constater que…le mouvement syndical a encore un certain nombre d’obstacles à surmonter… »
Ces obstacles résident dans le préambule des statuts de la C.E.S quand elle annonce agir, en tout lieu et circonstance…dans le cadre du processus d’intégration européenne…et soutenir l’élargissement de l’Union Européenne à d’autres pays européens…Ces deux concepts de la CES s’opposent diamétralement aux positions de la CGT exposées par Georges Séguy.
En 1978, la CGT au congrès de Grenoble partant de « la réalité que représente le Marché commun » annonce renforcer « son action afin de contribuer à une réelle démocratisation de tous ses aspects et notamment de ses institutions économiques et sociales, en s’opposant avec détermination à tout ce qui pourrait conduire à l’abandon de la souveraineté nationale. » …
« La CGT soutient l’idée d’une juste coopération servant …de base à la construction d’une Europe communautaire démocratique et de progrès social…
La situation actuelle pose avec plus de force que jamais le problème de l’unité d’action entre les syndicats de tous les pays d’Europe Occidentale.
Elle souhaite…participer à la Confédération Européenne des Syndicats dans un esprit constructif et réaliste. »
Le 13 mars 1979, le système monétaire européen (SME) est créé et remplace le serpent monétaire européen. Le 1er janvier 1981 la Grèce entre dans la CEE.
A son 41ième congrès, du 13 au 18 juin 1982 à Lille dans ses documents d’orientation la CGT déclare « L’impérialisme…renforce les moyens économiques, politiques, idéologiques et militaires, notamment par des structures d’intégration entre États.
La naissance de la Communauté européenne a été une illustration significative de cette solidarité des monopoles ; la perspective soutenue de la supranationalité entre dans cette stratégie d’ensemble…
La CGT veut une autre Europe. Pour correspondre aux nécessités actuelles sur le plan économiques et social, l’Europe doit donner aux travailleurs et aux peuples, pris dans leur diversité, la maîtrise des moyens de production…
Elle s’oppose à toute intégration qui pourrait conduire à l’abandon de la souveraineté nationale comme à tout élargissement qui conduirait à accentuer les déséquilibres économiques et sociaux, à renforcer le poids des intérêts monopolistes et à aggraver les difficultés dans les secteurs industriels et agricoles ainsi que dans les régions les plus sensibles à la crise…
Fidèle à son internationalisme fondé sur des principes de classe, la CGT se place aux côtés des travailleurs et de tous les peuples en lutte pour conquérir ou consolider leur indépendance économique et politique…
Le congrès confirme la position de la CGT approuvant la déclaration universelle des droits syndicaux de la Fédération Syndicale Mondiale (FSM).
Le 25 janvier 1983, les dix signent une convention de politique commune de la pêche et l’aquaculture. Le 14 juin 1985 les accords de Schengen prévoient la libre circulation des personnes.
Le 1er janvier 1986, l’Espagne et le Portugal rejoignent officiellement la CEE. Les 11 et 12 février 1989, le Conseil européen de Bruxelles accepte le « paquet Delors I » visant à financer les mesures d’accompagnement du marché unique.
*A la commission exécutive confédérale des 7 et 8 octobre 1987, Joannès Galland, présente au nom du bureau sur l’Europe dans lequel est proposé l’activité CGT sur et dans l’Europe à partir des évolutions dans le mouvement syndical. Il est notamment écrit dans ce rapport :
« … La CES est réellement affrontée à l’alternative qu’elle est en capacité, à terme, de proposer : ou l’engagement sur des revendications sociales et économiques qui correspondent au contenu des actions engagées par les travailleurs ; ou poursuivre dans la voie du consensus, de la conciliation et du renoncement dans le cadre unique et feutré des institutions et de dialogue avec le patronat, déconnecté de l’expression même des salariés. Mais elle prend le risque de se discréditer et de s’exclure du terrain de la défense des intérêts qu’elle entend représenter…
Au fond, me semble-t-il, c’est à la redoutable question de ses caractères et de ses conceptions d’organisation et de sa politique unitaire en Europe que la CES est confrontée…
Nous restons candidats mais nous observons les déclarations et les actes réels. Dans la CES telle qu’elle est, nous comptons rester tels que nous sommes. Notre participation sera loyale dans le seul but de réunir les conditions de la défense des travailleurs d’Europe…
Et si les questions européennes relèvent encore pour une part d’une activité internationale courante ou ordinaire, de plus en plus elles s’inscrivent dans une politique syndicale nationale.
Cela ne signifie pas une adaptation et encore moins une soumission aux thèses européanistes. Mais nous avons un terrain à investir et à couvrir…
Je crois que c’est bien là un de nos terrains d’intervention pour faire bouger et progresser vers une autre Europe dans le sens des opinions et options de notre 42ème Congrès.
C’est un espace d’activité pour tous et c’est du concret pour la CGT et ses secteurs, les Fédérations et les Régions, pour les entreprises…
Ce n’est donc pas pour négocier que nous nous proposons d’intervenir dans ces instances, mais pour porter les idées d’une authentique défense des intérêts des gens. C’est, je pense une possibilité pour faire progresser une connaissance, une conscience et des actions convergentes en Europe sur des bases claires.
Un moyen pour nous d’exercer notre responsabilité à faire progresser en Europe la conception du syndicalisme de classe… Je crois important de progresser dans le sens de cet investissement européen de la CGT… » Ce rapport représente un changement dans le positionnement de la CGT vis-à-vis de l’Union Européenne.
Les 22-23 février 1989, le Conseil économique et social de la CEE prononce un avis sur les droits sociaux fondamentaux européens demandé par Jacques Delors.
La CGT votera contre avec 21 autres organisations, 135 voteront pour dont la CFDT, la CGC et la CFTC et s’abstiendront dont FO.
La CGT explicite son vote dans une déclaration : « La principale caractéristique de ce texte est bien qu’il n’offre aucune garantie réelle aux salariés, mais par contre propose au patronat de la CEE la possibilité d’une attaque en règle des droits que les travailleurs ont acquis dans leurs pays respectifs.
Il comprendrait un ensemble de textes adoptés par différentes organisations internationales.
Il serait également complété par des directives communautaires, touchant à l’hygiène et la sécurité dans le travail, à la formation professionnelle et au statut de la société anonyme européenne…
Henri Krasucki, secrétaire général de la CGT dans une déclaration au 43ième congrès du 21 au 26 mai 1989, à Montreuil décrit les objectifs de l’Europe :
« Pour la France, par exemple, plus d’élus dans les CHSCT, la sécurité de chacun abandonnée au bon vouloir du patron, alors que se multiplient les accidents de travail. Plus d’interventions ou de contrôle des CE notamment en ce qui concerne l’introduction de nouvelles technologies et leurs conséquences pour les travailleurs. Des statuts publics vidés de leur contenu, une protection sociale laminée, la disparition d’un tiers des lits d’hôpitaux. Individualisation de la formation professionnelle, élaboration d’une classification des emplois du niveau de CAP dans une série de branches industrielles, préfigurant une « Convention collective européenne » dont on peut imaginer le contenu !...
La Confédération européenne des syndicats (CES) fait un constat de situation qui n’est pas différent du nôtre. Ce qui manque, c’est l’action. Elle critique mais se prête à la mise en œuvre de l’intégration telle que l’imposent capitalistes et gouvernements.
Un peu plus tard en 1991, il ajoute : « Ne jamais renoncer à un devoir international mondial, même complexe, dans l’espoir, d’ailleurs illusoire, d’être admis dans une organisation ouest européenne qui boycotte la CGT, non pour son adhésion à la FSM, mais parce qu’elle est la CGT, par anticommunisme, sur des bases politiques et idéologiques. Une question de dignité et d’efficacité »
Le 29 mai 1990, l’accord de Paris crée la banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) des pays de l’Est. Les 9 et 10 décembre 1991, le traité de Maastricht sur l’Union européenne est adopté avec la création d’une monnaie unique sauf pour le Royaume-Uni, l’ECU, avant le 1er janvier 1999 ; le traité est signé le 7 février 1992.
En 1990 les positions dans la CGT étaient déjà loin d’être unanime sur le traité de Maastricht, dans la confédération, les fédérations et UD avec déjà des cadres de l’organisation impliqués politiquement souvent au PS et dans une frange du PCF qui étaient favorables à la construction européenne qui plaidaient déjà pour un non positionnement de la CGT !
Le 26 août 1992, lors d’une conférence de presse, le secrétaire général de la CGT, Louis Viannet, rappelle que la commission exécutive confédérale s’est prononcée pour le rejet du traité de Maastricht et invite les organisations de la CGT à mener une campagne nationale de masse auprès des salariés pour le non au traité de Maastricht.
La grande majorité des UD de la CGT mènera campagne avec les syndicats pour le NON à ce traité. A l’issue de ce référendum le oui l’emporte sur le fil du rasoir avec déjà un rejet des citoyens qui se situe à l’échelle d’un électeur sur deux.
Les Danois rejettent ce traité à 50,7% ; les Français l’approuvent à 51,04% par référendum le 20 septembre 1992. Le 28 novembre 1994, les Norvégiens refusent de rejoindre l’Union Européenne.
En 1995, le 1er janvier, l’Autriche, la Finlande et la Suède entrent dans l’U.E. Le 26 juillet de la même année est créée un Office européen de police (Europol). Le 2 octobre 1997, signature du traité d’Amsterdam qui donne à l’U.E de nouvelles compétences ; il entre en vigueur le 1er mai 1999.
Dans le Peuple du 15 janvier 1997, la CGT analyse : « …la privatisation de la création monétaire est largement acquise. Ce sont les institutions financières bancaires qui sont avant tout à la source de la création de monnaie au travers des opérations de crédit. L’État a progressivement abandonné son pouvoir, laissant les marchés financiers et les taux d’intérêts réguler la monnaie.
Avec la monnaie unique, la tutelle des banques restera nationale. Mais les taux d’intérêt court-terme qui conditionnent l’activité monétaire seront fixés par la banque centrale européenne.
Joël Decaillon et Jean-Christophe Le Duigou, membres de la commission exécutive confédérale exposent dans cet article qu’ils « voient difficilement un abandon du franc au profit de l’euro sans une consultation du pays. « Monnaie et Nation » n’ont fait qu’un depuis plusieurs siècles.
Ce lien ne peut se défaire sans que le peuple ait la parole. Tout milite donc pour l’ouverture d’un réel débat sur les finalités mêmes de la construction européenne.
Il s’agit bien de construire des structures de solidarités, de coopérations dans une Europe ouverte, élargie en particulier à l’Europe centrale et orientale qui s’appuient sur l’expression démocratique de chaque peuple. Ils concluent en appelant à « redéfinir des buts sociaux, changer les règles entièrement fondées sur la concurrence, permettre l’intervention des salariés et des peuples à tous les niveaux de l’Union sont autant de dimensions d’une nouvelle construction plus solidaire à promouvoir. Ce serait un cadre différent pour un codéveloppement où les perspectives et les modalités d’une Union économique et monétaire seraient d’une tout autre nature. »
Dans l’hebdo Vie-Ouvrière du 7-13 mars 1997, la CGT déclare « ne pas se satisfaire de la venue prochaine de l’euro et des modalités qui y président…
La première fondamentale porte sur la nature de l’Union européenne en construction, indissociable de l’instrument monétaire retenu et des contraintes que le traité de Maastricht et le pacte de stabilité y attachent.
Il s’agit dans les faits de parvenir à l’intégration européenne par la monnaie. La monnaie unique oblige les États membres à respecter…les critères de convergence : déficit budgétaire, dette publique, inflation.
Or, ils renforcent l’austérité, et la rigueur imposée aux budgets publics et sociaux vient encore pénaliser une croissance déjà problématique…
Ce que souhaite la CGT qui appelle précisément à la consultation et à l’intervention des citoyens sur toutes questions posées pour aboutir à la redéfinition du cadre économique et institutionnel de l’Union économique et monétaire qui lui paraît incontournable pour construire une Europe « mode d’emploi » et de progrès social. »
Ce sont ces appréciations qui confirment un changement de posture de la CGT qui aboutiront à l’adhésion de la CGT à la Confédération Européenne des Syndicats après que le CCN de novembre 1994 vote par 90 pour, 0 contre 23 abstentions et 15 NPPV) la sortie de la FSM et que l’abandon de la référence à la " socialisation des moyens de production et d’échange" soit adopté au 45ème congrès. Le 19 mars 1999, quelques jours seulement après l’arrivée de Bernard Thibault au secrétariat général de la CGT, le comité exécutif de la CES décide de proposer l’entrée de la CGT dans ses rangs. Le congrès de la CES (28 juin au 2 juillet 1999) confirme la décision, Force ouvrière votant contre.
Le discours de Bernard Thibault au congrès de la CES le 30 juin 1999 marque un changement radical de position puisque le secrétaire général de la CGT déclare « …on risque avec l’élargissement de l’Union européenne que la souhaite la CGT, d’amplifier le décalage entre les attentes des salariés… et la capacité de l’UE à y répondre. »
Alors que la CGT s’était toujours opposée à toute intégration européenne et à l’élargissement de l’U.E. La fin de son discours est très évocatrice de cette évolution « … relever les défis jetés au syndicalisme et international, notamment dans la perspective du nécessaire élargissement de l’Union européenne.
Je suis venu ici vous affirmer la volonté de la CGT de s’inscrire résolument dans ces combats communs au syndicalisme européen rassemblé pour les mobilisations futures, dans la CES et avec la CES. »
Pour démontrer cette volonté, le 6 décembre 2000, une première grande « euro-manifestation » est organisée à Nice (60 000 à 80 000 manifestants).
La CGT, grande organisatrice du défilé, montre à ses nouveaux partenaires syndicaux européens sa capacité d’organisation militante et son engagement dans une démarche de coopération inter-syndicale en Europe. Cela se gâtera par la suite…
Le 23 juin 2000, un accord est signé à Cotonou entre l’U.E et les pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique et du 7 au 11 décembre 2000 le système décisionnel de l’U.E est réformé par le traité de Nice et la Charte des droits fondamentaux est proclamée.
Ce traité de Nice est rejeté par les Irlandais lors d’un référendum le 8 juin 2001puis approuvé l’année suivante après aménagement.
Le 1er janvier 2002, l’Euro est mis en circulation dans douze États mais le 15 septembre 2003, les Suédois rejettent l’adoption de l’euro par leur pays.
Le 1er mai 2004, dix pays entrent dans l’Union : Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie.
Le début des années 2000 marquera une confrontation grandissante en interne de la CGT sur la nature de l’Union européenne avec des syndicats, des UL, UD et quelques comités régionaux opposés par l’expérience des luttes au traité constitutionnel européen et un appareil confédéral, des directions de fédérations plutôt favorables !
En région Centre dans le journal Centre infos de nov.-déc. 2004, dans ma responsabilité de secrétaire du Comité Régional j’avais écrit dans l’édito « Derrière le projet de Constitution Européenne, c’est l’expression du peuple qui est mise en cause, c’est notre système de protection sociale, nos services publics, le devenir des collectivités locales, le rôle et l’existence même du parlement qui sont menacés par les objectifs qu’il contient.
La CGT qui lutte, depuis toujours, pour la paix, le désarmement, la coopération et la solidarité entre les peuples ne peut aujourd’hui apporter sa pierre à la mise en concurrence, à la marchandisation de l’ensemble des activités, des richesses naturelles et de la vie des individus sur cette planète.
Lutter pour des droits nouveaux, des garanties renforcées pour les salariés, les êtres humains, implique de continuer aujourd’hui à résister aux chants des sirènes, du réalisme économique justifiant toutes les régressions. Le social, les libertés sont à bâtir et reconquérir dans les luttes. Le développement durable ne peut exister sans la mobilisation au plan social et politique des peuples.
Indépendante mais surtout pas neutre, la CGT peut contribuer dans la mission qui est la sienne, à élever la conscience collective en apportant sa pierre au rejet de cette constitution par le plus grand nombre de salariés comme elle l’avait fait en 1992 pour le traité de Maastricht ».
Beaucoup d’autres dirigeants des UD seront sur cette ligne syndicale ainsi que des camarades impliqués dans les premières responsabilités dans plusieurs fédérations de la CGT.
Le 12 janvier 2005, les Eurodéputés approuvent le traité constitutionnel européen (TCE) à une large majorité ; les Français le rejettent par référendum du 29 mai avec 54,6% de « non » suivis par les Néerlandais, le 1er juin avec 61,6% des voix.
La Confédération Européenne des Syndicats (CES) dans un communiqué du 30 mai 2005 « est déçue et regrette que des citoyens français aient rejeté la Constitution européenne, tout en respectant leur choix ».
Un petit retour en arrière aux 2 et 3 février 2005, le comité confédéral national de la CGT après dix heures d’âpres débats et interventions se prononce pour le rejet de la constitution européenne.
La direction confédérale était favorable à un non positionnement de la CGT sur cette constitution européenne arguant que des avancées avaient été obtenues en termes de droits fondamentaux.
D’ailleurs, le projet de texte de la contribution de la CGT au débat public rédigée par la commission exécutive confédérale allait dans ce sens.
Il n’est pas inutile de rappeler que plusieurs acteurs confédéraux du Bureau, de la CEC et conseillers confédéraux membres de l’association confrontation ont pris position publiquement en faveur de ce traité.
Plus les nombreuses interventions des membres du CCN se succédaient le 2 février et plus la direction confédérale mesurait l’écart entre sa position et celle de la très large majorité des camarades des unions départementales et des fédérations.
Le secrétaire général excédé prit la parole pour fustiger les membres du CCN qui s’étaient exprimé clairement pour le rejet, les accusant d’être des gauchistes manipulés de l’extérieur ; il alla jusqu’à laisser supposer qu’il pourrait mettre à un terme à son mandat de secrétaire général si la direction confédérale était mise en minorité.
Il quitta d’ailleurs la salle du CCN laissant Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral et président de séance gérer la situation.
Il y a eu 90 inscrits au débat, pour trouver une solution entre la posture de la direction confédérale et la volonté du CCN, Jean-Christophe Le Duigou a proposé une série de votes pour déterminer le texte final donnant le positionnement de la CGT.
Le premier vote consiste à choisir le texte proposé par la commission exécutive confédérale comme base d’expression de la CGT ou à s’orienter vers une réécriture du texte de contribution de la CGT sur le traité de constitution européenne.
Une douzaine de membres du CCN se sont prononcés pour la réécriture dont quatre de la région Centre : les secrétaires des unions départementales du Cher, de l’Indre, du Loir et Cher et du Loiret.
Le deuxième vote a porté sur une appréciation favorable de la charte des droits fondamentaux dans le texte ; il y a eu 18 contre et 12 abstentions. Le troisième vote doit porter sur le positionnement de la CGT par rapport au traité. A cette fin le bureau confédéral propose d’ajouter une phrase :
« A ce stade, les débats ont montré qu’une grande majorité des militants considère que le projet de traité est inacceptable en l’état ». Il y a désaccord du CCN sur cette rédaction notamment sur la formule en l’état alors que le traité constitutionnel ne sera plus modifié d’ici sa ratification.
Les membres du CCN demandent pourquoi ne pas positionner clairement la CGT ou le CCN. Le secrétaire de l’UD du Var intervient pour qu’enfin une position soit adoptée en affirmant que la discussion a montré que le CCN est pour le rejet du traité.
Jean-Christophe Le Duigou estime avoir entendu l’inverse. Le vote portera sur la phrase suivante : « Le CCN se prononce pour le rejet du traité constitutionnel ».
L’UD des Bouches du Rhône demande un vote de représentativité puis un vote par appel : le score est très nettement pour le rejet du traité constitutionnel à 74 voix dont cinq UD de la région Centre sur six :
Le lendemain, la reprise des débats se concentre sur la décision du CCN de rejeter clairement le traité de constitution européenne (TCE) par le vote du texte.
Il est demandé au CCN de confirmer ou non son vote de la veille. Le score en faveur du rejet du traité est renforcé puisque ce sont 81 organisations qui le rejettent dont les six UD de la région Centre cette fois ci et seulement 18 contre et 17 abstentions.
Plusieurs membres du CCN ont voté ce texte bien qu’ils ne le jugeaient pas très bon, uniquement parce l’essentiel était d’être parvenu au rejet du traité constitutionnel.
Plusieurs membres étaient favorables à ce que la CGT lance un appel national aux salariés pour qu’ils rejettent en masse ce projet de constitution européenne en utilisant le vote lors du référendum.
Faute de l’avoir obtenu nationalement, plusieurs UD comme en région Centre feront une campagne publique de masse pour le non au référendum.
Ce CCN restera dans la mémoire collective de la CGT comme un moment fort de l’importance de la place et du rôle du CCN dans la CGT.
Quand ça tangue dans les idées, les positions, le fonctionnement de la CGT, c’est toujours le CCN qui permet à la CGT de se repositionner sur les rails du syndicalisme de classe, de masse et de ses valeurs.
A partir de ce moment le positionnement de la CGT sur les questions de l’Europe ne cessera plus de susciter des critiques vis-à-vis d’une posture confédérale qui s’obstine à refuser de faire l’analyse et le bilan de nos actions, de nos luttes et des acquis ou des reculs sociaux depuis notre entrée à la CES.
Pendant ce temps les libéraux mettent les bouchées doubles pour élargir leur domination et mettre au pas les salariés et les peuples sous le diktat du capital dont l’UE est l’outil conçu pour le faire. Le 1er janvier 2007, la Bulgarie et la Roumanie entrent dans l’Union et la Slovénie intègre la zone euro. Les 18-19 octobre 2007, le traité de Lisbonne est approuvé par le Conseil européen. Il est ratifié par le parlement français mais rejeté par les Irlandais lors d’un référendum le 12 juin 2008 approuvé un an plus tard après aménagement.
Le 9 mai 2010 est créé le Fond européen de stabilité financière puis le 2 mars 2012 sont adoptés le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et le mécanisme européen de stabilité (MES).
Le 8 décembre 2011, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, cosignait avec François Chérèque, secrétaire général de la CFDT et d’autres syndicalistes européens un texte vantant le modèle social européen et affirmant notamment « nous continuons de soutenir qu’il n’y a pas d’autre solution que l’approfondissement du projet européen ».
En septembre 2012, après avoir attendu l’avis négatif de la CES ; la CGT mobilise pour s’opposer à la ratification du "Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance" (TSCG).
Ce texte est destiné à imposer une discipline budgétaire stricte à tous les États de l’Union européenne... Les différents parlements nationaux seraient en grande partie dessaisis d’une de leur principale prérogative actuelle, celle qui consiste à définir les orientations économiques et sociales d’une nation.
Ce traité, baptisé le "Merkozy", est un déni de démocratie, un instrument dangereux, au service des puissances financières pour imposer l’austérité aux différents peuples.
Il est de plus en plus difficile aux militants CGT de se retrouver dans une organisation syndicale ou les dirigeants se déclarent pour plus d’intégration dans le projet européen et puis ensuite demandent de se mobiliser contre les outils de cette intégration.
De leurs côtés les peuples des pays d’Europe supportent de moins en moins les cures d’austérité et de régression sociale imposées par les différents traités européens.
Le 23 juin 2016 les habitants du Royaume-Uni décident par référendum à 51,89% de sortir de l’U.E.
C’est la première fois que la population d’un État membre se prononce en faveur de la sortie de l’Union européenne. Le 29 mars 2017, la Première ministre Theresa May informe le Conseil européen du souhait du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, lançant formellement la procédure de retrait.
Aujourd’hui force est de constater que les luttes ne sont pas à la hauteur des besoins sociaux et faute d’un syndicalisme de classe offensif ; une partie des salariés actifs, chômeurs, retraités se mobilisent spontanément en dehors de toute organisation traditionnelle au travers du mouvement des « gilets jaunes » en France.
Cela devrait interpeller au plus haut point la CGT, non pas en terme, de défiance envers ce mouvement mais au contraire sur comment créer les convergences de luttes pour répondre aux revendications de salaires, de protection sociale, de services publics de proximité, de travail stable au plus près du domicile et de transports en commun pour se déplacer.
C’est d’ailleurs ce qu’ont exprimé de nombreux délégués présents au 52ème congrès dans leurs interventions.
Il convient à présent bien au-delà des manipulations des médias et des Européistes de prendre toute la mesure dans la CGT du fort rejet de cette Union européenne que les peuples perçoivent bien comme opposée à leur bien- être et contraire à la satisfaction de leurs revendications.
Les résultats des élections européennes confirment partout en Europe que les seuls qui progressent réellement sont ceux qui pour des motivations différentes s’affichent contre cette UE.
Si en France cette consultation révèle un paysage politique ravagé avec des forces progressistes totalement exsangues, nous devrions syndicalement analyser pourquoi depuis des décennies en fait depuis le tournant du blocage des salaires du gouvernement Mauroy en 1983, la gauche et le syndicalisme n’ont cessé de reculer et d’accumuler les défaites.
La CGT ne devrait-elle pas faire un gros travail d’introspection pour regarder d’où elle vient, quelles sont ses valeurs historiques et ses objectifs de réponses immédiates aux revendications des travailleurs et de contribuer par les luttes à les satisfaire et à la transformation de la société.
Le chemin emprunté ces dernières années s’inscrit-il dans ses objectifs ?
La stratégie syndicale de la CGT dépend aujourd’hui en grande partie de son positionnement sur l’U.E. Faut-il y rester pour agir de l’intérieur avec la CES en continuant à renforcer le mythe et le leurre d’une union européenne sociale ou faut-il la combattre avec détermination et opiniâtreté parce que les intérêts des salariés y sont totalement opposés et que de salut des salariés et des peuples il n’y aura que par les luttes ?
Le moins que l’on puisse faire en tant que syndicalistes ayant l’expérience des luttes menées ces quarante dernières années c’est de nous interroger après les résultats des dernières élections européennes du 26 mai avec la montée de l’extrême droite.
Soit, nous laissons le drapeau, l’indépendance de la Nation, de son peuple souverain aux fascistes, soit la CGT assume ses responsabilités de classe en luttant pour la reconnaissance de l’exercice du pouvoir politique des citoyens pour peser sur toutes les politiques publiques.
Soit, nous reprenons le drapeau du respect de la souveraineté populaire, de l’indépendance de notre Nation ; du point de vue de la recherche, de l’industrie, de la défense, nous participons à œuvrer pour de nouvelles coopérations à l’échelle de l’Europe et au plan international en aidant les pays les plus pauvres à leur auto détermination et total indépendance soit nous pouvons, nous et les générations qui suivront s’apprêter au pire.
A présent sous la pression des grandes puissances financières, d’un de ses bras armés qu’est l’Union européenne, les injonctions de l’UE vont s’accentuer pour en finir en France avec la fonction publique, les retraites, la sécurité sociale, les collectivités territoriales.
Nous nous trouvons maintenant à la croisée des chemins.
Dans ce paysage syndical et politique dévasté, la CGT peut reprendre l’initiative du rassemblement du salariat et de toutes les forces qui entendent sortir des griffes de la finance par la mobilisation revendicative répondre aux besoins sociaux et changer de société.
Avoir cette ambition exige de faire preuve d’ouverture, d’écoute et de détermination à impulser les luttes avec toutes les forces syndicales en France, en Europe et au plan international sans exclusive ni ostracisme et les forces qui s’opposent au dictat du capital au plan politique, associatif et mutualiste.
Il ne s’agit pas de questions qui ne concerneraient que des spécialistes mais bien d’enjeux sur lesquels, tous les syndiqués de la CGT doivent réfléchir en prenant partout des initiatives pour enrayer la déferlante libérale ambiante et porter des revendications très offensives.
Pour cela nous avons besoin partout de partir des besoins sociaux, de travailler sur des ambitions revendicatives cohérentes et communes entre toutes les structures de la CGT en ayant la préoccupation de rassembler le salariat dans sa diversité de situation.
Toute l’histoire de la CGT nous montre que les débats ont été permanents dans la CGT entre révolutionnaires, réformistes, anarchistes et ils le seront toujours dans une organisation de masse. Le politique a lourdement pesé dans la réflexion, les postures syndicales mais dans le paysage politique ravagé que nous connaissons aujourd’hui il convient que la Cgt reviennent aux fondamentaux et joue tout son rôle de moteur du débat public.
La période du programme commun à imprimé les comportements, celle de l’effondrement du bloc de l’Est à rendu orphelin de nombreux dirigeants, il nous faut aujourd’hui dans la CGT savoir nous projeter à partir du terrain, là où vivent et travaillent les salariés pour aider les syndiqués en partant du revendicatif pour ouvrir des perspectives de changement en profondeur de la société Française.

Ph Cordat
UL de la CGT de Boucau
Pyrénées Atlantiques
Le 28 Mai 2019

   

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