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Delhi révoque l’autonomie constitutionnelle du Cachemire indien

lundi 5 août 2019 par Bruno Drwesky (ANC)

Le gouvernement indien a annoncé lundi la révocation de l’autonomie constitutionnelle du Cachemire, une décision explosive pour cette région en proie à une insurrection séparatiste dont le Pakistan ne reconnait pas l’annexion par l’Inde.

Les autorités ultra-nationalistes hindouistes ont passé un décret présidentiel abolissant le statut spécial de l’État du Jammu-et-Cachemire (nord) qui était garanti par la Constitution indienne. L’annonce en a été faite au Parlement par le ministre de l’Intérieur Amit Shah, au milieu d’un tumulte assourdissant venant des rangs de l’opposition, Parti du Congrès, régionalistes et communistes.

Le décret présidentiel « entre en vigueur immédiatement, et remplace aussitôt » les articles constitutionnels relatifs au Jammu-et-Cachemire, en particulier l’article 370, selon un texte diffusé par le gouvernement. L’article 370 de la Constitution indienne conférait un statut spécial au Jammu-et-Cachemire et autorisait le gouvernement central de Delhi à légiférer seulement en matière de défense, affaires étrangères et communications dans la région, le reste relevant de l’assemblée législative locale.

Le gouvernement de droite radicale nationaliste du Premier ministre Narendra Modi a également présenté au Parlement un projet de loi pour diviser le Jammu-et-Cachemire. Le Ladakh, sa partie orientale à majorité bouddhiste, en sera séparé pour former un état séparé mais le Jammu-et-Cachemire restant, très majoritairement musulman, qui comprendra les plaines à majorité hindoue de Jammu au sud et la vallée de Srinagar à majorité musulmane dans le nord, va perdre de son côté le statut d’État fédéré, pour être rétrogradé au statut de « territoire de l’Union ». Cela signifie que la région sera sous l’administration directe du gouvernement central indien et n’aura presque plus aucune autonomie.

La révocation de l’autonomie du Cachemire était une vieille promesse de campagne des ultra-nationalistes hindouistes du Premier ministre Narendra Modi, qui a été triomphalement réélu au printemps pour un deuxième mandat. Les rassemblements étaient interdits et les communications totalement coupées lundi dans la vallée de Srinagar, où seuls les militaires et paramilitaires déployés en nombre pouvaient être présents dans la rue.

« Aujourd’hui marque le jour le plus noir de la démocratie indienne », a tweeté l’ancienne cheffe de l’exécutif de Jammu-et-Cachemire Mehbooba Mufti. « La décision unilatérale du gouvernement indien d’abolir l’article 370 est illégale et inconstitutionnelle fera de l’Inde une force d’occupation au Jammu-et-Cachemire », a-t-elle déclaré sur le réseau social, assignée à résidence depuis la nuit dernière. « Cela aura des conséquences catastrophiques pour le sous-continent. Les intentions du gouvernement de l’Inde sont claires. Ils veulent le territoire du Jammu-et-Cachemire en terrorisant son peuple », a-t-elle poursuivi.

Il faut rappeler que depuis la partition de l’empire britannique des Indes en plusieurs États indépendants (Inde, Pakistan, Bangladesh, Sri Lanka, Maldives, Bhoutan, Népal) lors du départ des colons, le Cachemire constitue un territoire disputé entre l’Inde et le Pakistan, et qu’aucun référendum n’a eu lieu pour donner à la population le droit de choisir son appartenance. Ce territoire est divisé entre une partie majoritaire occupée par l’Inde et une partie périphérique rattachée de fait au Pakistan, une ligne de cessez-le-feu précaire ayant été établie entre les deux États en conflits. Aujourd’hui, il existe dans cette région des partisans du rattachement à l’Inde, au Pakistan et des partisans de l’indépendance du Cachemire.

La création d’un état autonome du Ladakh peut être comprise à la fois comme une réponse aux désirs de la population locale bouddhiste d’origine tibétaine et comme une façon de diminuer le poids du Cachemire musulman, voire comme une provocation potentielle envers la Chine. Jouer la carte "bouddhiste" pour un pouvoir par ailleurs intégriste hindouiste peut apparaître comme une tentative supplémentaire de diviser les minorités religieuses, ethniques ou de caste de l’Inde pour mieux les dominer ou les réprimer une par une.

Il faut rappeler que les musulmans, mais aussi les chrétiens sont régulièrement victimes de violences dans le pays, de même que les membres des castes "inférieures" de la société, en particulier les "intouchables", et que le quart du territoire de l’Inde est touché par différentes insurrections naxalites (communistes maoïstes) s’appuyant sur les éléments les plus pauvres et les plus marginalisés des campagnes indiennes. Les citoyens indiens, en particulier les "intouchables", qui veulent échapper à leur statut de discriminés ont parfois tendance à rejoindre la guérilla naxalite ou à se convertir à l’islam ou au christianisme, ce qui justifie aux yeux des intégristes hindouistes les violences organisées à leur égard par des groupes de militants de l’organisation fascisante RSSS liée au parti du premier ministre Modi et qui se réfèrent pour certains ouvertement à l’idéologie hitlérienne mêlée de culte de l’aryanité et de la religion hindoue instrumentalisée dans un sens raciste.

Ce qui n’empêche évidemment pas le gouvernement actuel d’avoir par ailleurs conclu de nombreux accords de coopération avec Tel Aviv, en particulier dans le domaine de la coopération entre services secrets et entre armées. Certains soupçonnent Delhi et/ou Tel Aviv d’avoir provoqué en coopération avec Riyad les attentats "islamistes" à Sri Lanka contre des lieux de culte chrétien pour renforcer l’influence de l’Inde dans le pays et le pousser à accepter simultanément de céder une partie de son territoire pour en faire une base navale de l’US Navy.

Car Tel Aviv sait très bien collaborer aujourd’hui avec des nazis déclarés, en Ukraine par exemple, restaurant en quelque sorte la vieille tradition de coopération idéologique et politique entre sionistes et nazis qui s’était développée entre 1933, avant d’être interrompue, dans la plupart des cas mais pas toujours, en 1939.

Bref, tous les intégrismes religieux, ethno-religieux, racialistes, racistes ou fascistes sont caractérisés par un opportunisme idéologique qui va de pair avec l’utilisation d’une extrême violence dans le cadre d’une politique à géométrie variable mise en place à chaque étape en fonction des cibles privilégiées du moment.

L’objectif étant de remplacer la lutte des classes par la lutte des "races" (et/ou des "cultes"). Mais beaucoup de hauts fonctionnaires et de militaires indiens restent attachés à la tradition indienne du non alignement, ce qui laisse espérer que, même largement majoritaire au parlement, le gouvernement de Delhi ne pourra pas mener à bien tous ses projets.

   

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