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Syndicalisme rassemblé ou syndicalisme de classe

jeudi 29 août 2019 par Jean-Pierre Page

Le Mouvement des Gilets jaunes s’est développé massivement à côté d’un courant syndical en déclin, ce qui a provoqué le mécontentement de nombreux militants de la CGT et ce qui a permis de relancer des activités combatives et des convergences des luttes à partir de ses structures de base.

Ce qui a permis aussi d’empêcher la normalisation néolibérale du « syndicalisme rassemblé » prévue par sa direction lors du récent congrès de la CGT. Désormais, la défense de la structure confédérale et démocratique du syndicat, la multiplication des actions autonomes lancées par les fédérations syndicales les plus combatives, les activités de terrains de la part des Unions locales et départementales en coordination avec les mouvements sociaux, les gilets jaunes, les quartiers populaires a connu un essor inédit. Sans plus avoir à tenir compte des injonctions provenant d’en haut. Le reconquête d’un syndicalisme de lutte et de classe s’opère sur le terrain en même temps que la relance d’initiatives régionales et locales de formation militante.

L’ébullition sociale qui s’est répandue tout au long de l’année écoulée connaît des prolongements qui provoque des réflexions auxquelles participe notre camarade, militant de longue date de la CGT et acteur connu du mouvement syndical internationaliste et anti-impérialiste : Jean-Pierre Page.
(NDLR)

1-Assumer ses responsabilités !

L’aiguisement de la crise qui s’annonce est marqué entre autres par l’effondrement possible de la Deutsche Bank avec ses 20 000 suppressions d’emplois soutenues par la fédération Ver.di affiliée au syndicat DGB et à la Confédération européenne des Syndicats (CES), comme sur un autre plan, par la guerre commerciale, monétaire, politique et militaire qui se déroule entre la Chine, la Russie d’un côté et les USA de l’autre. Trump souffle en permanence le chaud et le froid. Les manifestations de Hong Kong et de Moscou sont là pour le rappeler !

Après les élections européennes de juin 2019, les péripéties politiques et institutionnelles liées à l’élection des nouveaux dirigeants européens ont mis en évidence une nouvelle fois la contradiction existant entre les partisans d’une Europe prétendument « plus juste et plus unie » et les peuples ! De manière plus ou moins conscients, ces derniers sentent que « l’aventure européenne » ne mène qu’à plus de casse sociale et à la confiscation de la démocratie. Une nouvelle fois, ils l’ont exprimé à travers une abstention record.

Ces exemples parmi d’autres sont les manifestations récentes et révélatrices qui précèdent un « tsunami » économique, financier, social, politique et démocratique. L’assujettissement des médias et le recul de l’esprit critique masquent de plus en plus mal cette réalité.

Enfin, le surendettement et le retournement des marchés financiers soulignent l’extrême précarité d’une économie mondiale soumise non pas aux règles, mais aux rapports des forces. Ainsi le contrôle de l’Eurasie est devenu un des enjeux majeurs de la conflictualité mondiale.

La croissance française est révisée à la baisse et sera en net recul par rapport à 2018. Les inégalités s’accroissent de manière sans précédent avec une richesse insolente à une extrémité et une pauvreté exponentielle à l’autre. À l’échelle mondiale, le montant des dividendes versés aux actionnaires atteint un nouveau record avec 513 milliards de dollars.

La France est de loin le plus grand payeur de dividendes en Europe, en hausse, à 51 milliards de dollars US. Cette situation de forte instabilité est devenue insupportable. Elle se paie socialement et politiquement au prix fort. 65% des Français avouent avoir déjà renoncé à partir en vacances faute d’argent et 4 d’entre eux sur 10 de manière répétée ! Les peuples font face à ce qu’il faut bien appeler une guerre de classes.

Cela n’est pas indifférent à l’opposition, au mécontentement, à la colère qu’expriment les travailleurs et la population, les jeunes en particulier, à travers leurs luttes et leurs sentiments à l’égard des institutions politiques et répressives. C’est ce que montre ces dernières semaines et dans une grande diversité, la permanence de l’action des Gilets jaunes, le succès de l’idée de référendum contre la privatisation d’Aéroports de Paris, l’affaire Steve, le mouvement « Justice pour Adama Traoré » ou encore les rassemblements contre le G7 de Biarritz, là où les confédérations syndicales brillent par leur absence, les nombreuses luttes paysannes contre la malfaisance du CETA, et bien sûr de nombreuses grèves dans les entreprises.

Comme l’illustre un sondage inédit, huit mois après le début du mouvement, une majorité de Français continuent à apporter leur soutien aux Gilets jaunes, quand 40 % sont convaincus qu’une révolution est nécessaire pour améliorer la situation du pays.

Or, plutôt que de prendre en charge cette radicalité, le mouvement syndical donne l’impression d’être plus préoccupé par son statut de régulateur social que par celui de donner du contenu et ouvrir une perspective à cette évolution significative de l’opinion. Ainsi, la décomposition/recomposition du syndicalisme se poursuit et va sans aucun doute s’accélérer. Cette conversion se concrétise par l’approbation et la complicité des dirigeants des confédérations syndicales européennes. Elle se fait également dans « une consanguinité » entre celles-ci, les institutions européennes, les gouvernements et le patronat.

A la veille du G7 de Biarritz, les entreprises conduites par le MEDEF et les organisations syndicales conduites par le Secrétaire général de la CFDT se sont concertées pour élaborer une déclaration commune « afin de favoriser une croissance mondiale et un libre-échange qui profitent à tous ». Ceci est présenté comme « un signal fort adressé aux gouvernements pour qu’ils prennent en compte les entreprises comme acteur du changement ». En fait, il s’agit clairement de voler au secours du libéralisme, en d’autres termes du capitalisme pour, au nom de « l’union sacrée », faire le choix de la guerre économique sous leadership US dans une confrontation avec la Chine et la Russie. Comme en d’autres périodes de notre histoire, l’objectif des « partenaires dits sociaux » va être de mobiliser le monde du travail pour faire le choix de la collaboration de classes au nom de l’association capital/travail. Tel sera le rôle imparti aux organisations syndicales.

Voilà pourquoi on souhaite aller au plus vite vers une transformation de celles-ci en un syndicalisme de service et de représentation, déléguant ses pouvoirs à des structures bureaucratiques supranationales comme le sont celles entre autre de la CES. On veille à ce que cette évolution se fasse dans l’ignorance de la part des travailleurs que l’on cherche à priver des moyens dont ils disposent pour se défendre et ouvrir une alternative de rupture avec le système dominant.

Cet objectif implique en France en particulier pour la Confédération générale du Travail (CGT), une transformation mettant un terme à sa conception confédérale. Elle consiste à la faire renoncer aux principes, aux finalités comme aux conceptions qui sont les siennes. Le type d’organisation est toujours dépendant de l’orientation et de la stratégie dont on fait le choix. Celles-ci ont changé, il lui faudrait donc s’adapter en conséquence, renoncer au confédéralisme et à la liberté de décision de chaque syndicat affilié comme à la recherche du travail en commun pour de mêmes intérêts de classe.

Cela suppose de renoncer à la relation et à la fonction des principes fondateurs qui unissent les organisations et les adhérents de la CGT. Depuis plus d’un siècle, celle-ci s’est construite entre les syndicats d’entreprises qui permettent, depuis le lieu de travail, d’enraciner toute démarche syndicale, les fédérations professionnelles, les unions départementales et unions locales interprofessionnelles. Ce qui est visé dorénavant est un syndicalisme de type institutionnel, vertical, à plusieurs vitesses, qui devra se structurer à partir d’une action et d’une organisation de type corporatiste s’adossant à de grandes régions européennes.

Une confédération comme la CGT ne saurait pas vivre, fonctionner et se reproduire pour et par elle-même, en s’écartant de la vie réelle de ses organisations de base qui l’unissent aux travailleurs, en établissant des cloisons étanches entre ses différentes structures. Déjà en désavouant son histoire, en rompant ses amarres, « Tel un bateau ivre » de ce pourquoi elle existe, on cherche à lui faire jouer un autre rôle en la déconnectant progressivement de ce qui a fondé historiquement sa conception et son rôle.

Ce qui est en cause et menacé n’est rien moins que son unité, sa cohésion, son utilité. La CGT est particulièrement visée de par l’influence et l’action qui est la sienne, par son identité et son histoire. De sa capacité à faire face à ce défi va dépendre son rôle futur. Le combat pour défendre et faire vivre la confédéralisation est déterminant et ne peut être éludé, il doit être mené dans la clarté.

Or, comme l’a montré son 52e Congrès, il est clair qu’il existe au sein de la CGT au moins deux lignes fondées sur des orientations distinctes et radicalement opposées.

La question politique est donc de savoir s’il faut chercher une position moyenne entre les deux, une forme de compromis pour infléchir l’orientation, ou bien en tenant compte de tout ce que cela signifie, s’employer à construire autre chose à partir de l’acquis, en termes d’alternative syndicale, sociale et politique et, si oui, comment le faire sans tarder ?

En effet, la situation et son évolution probable imposent d’anticiper et de ne rien exclure ! C’est une exigence pour les syndicalistes conséquents qui dans leurs analyses et leurs actions se revendiquent de la lutte des classes. Ceci est devenu un impératif car il s’agit de défendre et faire progresser l’outil indispensable aux luttes sociales et politiques des travailleurs, à leur émancipation. Le devenir de la CGT, sa raison d’être et son efficacité en dépendent.

Or, celle-ci s’est affaiblie, non seulement en influence et force organisée, mais également à travers ses idées, son programme, son projet de société, sa vision, son indépendance, son fonctionnement. La mutation stratégique de la CGT déjà engagée à la fin des années 1970 et accélérée au début des années 2000, l’a profondément déstabilisée. Ainsi par exemple et entre autres, elle s’est écartée de manière significative de toutes références aux principes de souveraineté nationale et populaire sur lesquels elle s’était pourtant construite. Son internationalisme s’est érodé !

La CGT est aujourd’hui divisée entre des options différentes et opposées, quand elle devrait contribuer à rassembler, bâtir un rapport des forces sur la durée contre la malfaisance du néolibéralisme. De la même manière, elle devrait encourager les convergences pour contribuer à un « Front populaire » de toutes les forces sociales et politiques qui luttent pour une société en rupture avec l’exploitation capitaliste et les dominations impérialistes.

Sur tout ce qui touche à son orientation stratégique, à sa finalité comme à son identité, la lucidité impose de constater combien les fractures se sont multipliées. Celles-ci menacent non seulement la place de la CGT dans les lieux de travail, la perception que l’on a de son rôle, mais y compris à terme sa nature. Les désaccords sont nombreux, ils se sont radicalisés par le refus, les atermoiements et l’opposition de sa direction à en débattre. Trop longtemps des questionnements restés sans réponse ont contribué à la mutation délétère de ce qui était la première organisation syndicale française.

Comment ne pas constater le décalage saisissant entre l’état d’esprit, le fonctionnement de la direction confédérale et celui des organisations confédérées ?

Il faut en faire un bilan lucide, tout en veillant à l’unité, sans exclusion ni ostracisme vis-à-vis des idées qui dérangent, dans un esprit fraternel et militant. Dorénavant, il y a urgence à assumer cette responsabilité !

2- Faire preuve de lucidité !

La suite de l’article de Jean-Pierre Ici.


Voir en ligne : http://www.lapenseelibre.org/2019/0...

   

Messages

  • 1. Syndicalisme rassemblé ou syndicalisme de classe
    30 août 2019, 18:28 - par RICHARD PALAO


    D accord avec cette contribution , on constate que le fossé se creuse entre une direction CGT engluée dans le réformisme et la majorité de la base qui reste sur des positions de classe je citerais pour l exemple le refus de nombreux syndicats d UL , d UD de s aligner sur les positions de la direction concernant la reforme des retraites et notamment pour défendre le systeme actuel et ses 42 regimes dont 17 de non salaries aux mains du MEDEf et de la CGPME ...nombre de ses organisations de base se réfèrent au programme du CNR alors que la direction l ignore et refuse de revendiquer ce qui etait le principal objectif du CNR et de CROIZAT : la creation d un systeme unique et universel avec un alignement par le haut sur les regimes les plus avantageux...
    cette division affaiblit la CGT et donc toute la classe ouvriere et la direction de la CGT en porte la responsabilite, car pendant que la base se bat sur des positions de classe elle participe aux negociations bidons avec le pouvoir sur la mise en place d une retraite universelle par points qui va abaisser considerablement le niveau des retraites et briser le principe de solidarite issu des ordonnances de 1945 ....
    reste a savoir combien de temps la direction pourra tenir une ligne desapprouvee par la base ...mais il s agit peut etre d une strategie pour liquider le syndicalisme de classe en ecoeurant les militants et ouvrir la voie a la creation d un syndicat unique reformiste pour repondre au souhait de la CES du MEDEf et du pouvoir

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