Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > Repères et Analyses > Manipuler l’histoire ou en tirer leçon ?

Manipuler l’histoire ou en tirer leçon ?

vendredi 24 janvier 2020 par Francis Arzalier (ANC)

Depuis que des historiens s’efforcent de raconter et d’expliquer le passé, les Pouvoirs Politiques, hommes d’État, d’Églises, de Médias, s’efforcent d’utiliser leurs travaux pour favoriser leurs desseins. Au prix bien sûr de quelques distorsions, de simplifications et d’oublis. C’est ainsi que nos petits écrans diffusent chaque jour une vision du monde semblable à un mauvais western, opposant gentils et méchants. Macron le paladin de la Démocratie Européenne, pourchassant au Sahel les bandes terroristes. Gentils Occidentaux, Puissances nucléaires, et Méchants Iraniens, ou Coréens du Nord qui veulent une bombe ; Bachar El Assad le Satan de Syrie et ses gentils opposants démocrates, etc, etc...

Ces contes à dormir debout ignorent délibérément les brutaux intérêts qui opposent aux peuples dominés et entre eux les maîtres financiers et les États à leur service, les Puissances qui se disputent d’Afrique au Moyen-Orient et d’Asie lointaine en Amérique du Sud le droit d’accès aux richesses du sous-sol, au pétrole, aux minerais et aux profits que l’on en tire : un mécanisme de domination économique, diplomatique et militaire qui se nomme Impérialisme.

Cette lecture simpliste de l’histoire, d’inspiration nationaliste ou xénophobe, s’exerce aussi au détriment des peuples, jugés bons ou méchants en bloc, niant que chacun d’eux est traversé d’oppositions de classe, divisé en exploiteurs et exploités, en dominants et dominés, et qu’aucun d’eux n’est génétiquement voué au bien ou au mal, aux délires racistes ou aux progrès sociaux.

Car tous sans exception sont capables du pire comme du meilleur, suivant les circonstances :
la Nation allemande, qui a su enfanter l’une des cultures les plus fécondes de l’histoire Européenne, Beethoven et Mozart, Goethe et Schiller, Kant et Marx, a aussi approuvé majoritairement les crimes des Nazis, tant qu’ils furent victorieux, jusqu’en 1943.

Et des dérives du même ordre ont entaché l’histoire de bien d’autres, qui ne sauraient leur donner des leçons : pas plus les petits-fils du Peuple Juif exterminé à Auschwitz devenus colons racistes en Palestine, que les Rwandais victimes de l’oppression coloniale tout au long du XXeme siecle transformés en génocidaires en 1994.

Et pas davantage le peuple français, fier d’avoir inventé les Droits de l’Homme et du Citoyen en 1789, mais qui n’hésita guère à soutenir longtemps les tortionnaires coloniaux en Indochine et Algérie, tant qu’ils furent vainqueurs.

Autre banalité de cette lecture biaisée, l’idée complaisamment admise de peuples de tout temps victimes de l’histoire et de la géographie, de voisins trop puissants et constamment guerriers, alors qu’eux n’ont jamais provoqué de conflit. C’est le cas, pour ne parler que de ceux -à, des peuples de Pologne et de Baltique, dont l’image courante est qu’ils furent toujours menacés d’invasion, de négation, par les géants d’Allemagne et de Russie, sans jamais aucune responsabilité de leur côté. La vérité, nous le verrons, est plus complexe.

Les faussaires de l’union européennes

L’exemple significatif le plus récent de cette distorsion de la vérité historique est le vote il y a quelques mois par la grande majorité des députés européens ( UE ), gauche et Droite réunies, à l’exception des quelques élus communistes grecs et portugais, de cette effarante décision d’interdire les emblèmes et noms rappelant le passe nazi et communiste. Une façon pour eux d’affirmer la similitude entre les deux ! Et pour justifier cette assimilation, 75 ans après que la bête hitlérienne ait succombé à Berlin sous les coups de l’Armée Rouge, au prix de 20 millions de morts soviétiques, ces politiciens n’hésitent pas à affirmer que " le Pacte germano-soviétique de 1939 fut la cause du déclenchement de la Guerre Mondiale."
Une affirmation souvent banalisée par les médias qui nous enserrent, et qui n’en est pas moins une contre-vérité historique quand on énumère les faits.

1/De 1918 à 1920, de multiples troupes des pays capitalistes ( Francais, Britanniques, Tchèques, Japonais, etc… ) ont tenté de détruire l’URSS née de la Révolution, en aidant les" Blancs" contre la jeune Armée Rouge. Parmi ces "Interventionnistes", les plus virulents étaient des nationalistes polonais (le jeune officier Charles De Gaulle a combattu à leurs côtés). En mars 1918, par le traité de Brest Litovsk, Lénine, pour sauver l’URSS, accepte de céder à la Pologne anti-soviètique de vastes régions ukrainiennes et biélorusses, qui faisaient partie de l’Empire des Tsars.

2/Le régime hitlérien s’est installé en Allemagne en 1933 avec l’assentiment de la Droite allemande et d’abord pour détruire le Parti Communiste allemand, dont les militants ont inauguré les camps de concentration et les prisons. Bien avant son accès à la Chancellerie, Hitler avait annoncé dans son livre-programme que son objectif était de détruire l’Internationale Communiste, le " Judéo-Bolchevisme " puisque les Juifs "apatrides" étaient les complices des Communistes. Il annonçait aussi clairement sa volonté de guerre à l’Est, pour détruire l’Union Soviétique et peupler les terres conquises de colons germaniques.

3/ l’URSS a été dès 1933 la seule puissance à proposer des alliances contre les ambitions impérialistes de l’Allemagne Nazie, ce qui a été refusé par tous les gouvernements européens par anticommunisme, à la notable exception de la France dirigée par Laval en 1935. Ce refus d’une alliance avec l’URSS contre l’expansionnisme nazi fut surtout évident en 1936 et 1937, quand les Nazis aidèrent les insurgés fascistes de Franco à combattre la République espagnole de Front Populaire. Le seul État qui l’aida de son mieux contre les Franquistes et l’aviation allemande fut celui Soviétique, alors que ceux de Grande Bretagne, de France et les autres d’Europe jouaient la "non-intervention" jusqu’à l’effondrement des Républicains espagnols. Cette non-assistance à l’Espagne en danger de subversion fasciste pour cause d’anticommunisme fut même l’une des raisons de l’échec en 1937 du gouvernement de Front Populaire en France ( Blum ).

Certes, des négociations franco-soviètiques eurent lieu durant de longs mois parce que l’opinion les désirait, mais elles ne pouvaient aboutir, l’antisoviètisme était dominant au Quai d’Orsay comme à Downing Street. Par contre, de multiples accords entre les États capitalistes d’Europe et l’Allemagne nazie ont été signés durant les 6 ans qui précèdent la guerre.

4/Des 1934, traité de " non-recours à la force " entre le gouvernement polonais antisoviètique et Le IIIeme Reich. Il sera entériné par les dirigeants de Pologne ultérieurs, d’extrême droite, dont certains auraient accepté une offensive commune contre l’URSS, si Berlin l’avait accepté.

5/1935 accord anglo-allemand, permettant au IIIe Reich de refaire sa marine de guerre. Et, par la suite, acceptation par Paris et Londres du réarmement de l’Allemagne nazie, malgré l’interdiction du Traité de Versailles.

6/Et surtout, 1938 : par le Traité de Munich, les dirigeants français Daladier et britannique Chamberlain acceptent de voir Hitler occuper la région tchèque des Sudètes, puis toute la Tchécoslovaquie, après l’Autriche. Une façon pour les Puissances Occidentales de céder l’Europe centrale aux Nazis, pour orienter exclusivement l’expansion allemande vers l’Est, vers l’URSS.

7/Le gouvernement polonais profite de cet accord de Munich pour s’emparer avec l’assentiment de Berlin d’un territoire tchèque. Et Il s’oppose à toute alliance militaire des pays occidentaux avec l’URSS contre une agression nazie, en refusant tout survol de son territoire à l’aviation soviétique.

8/de novembre 1939 a mars 1940, l’URSS est en guerre contre la Finlande, alliée de l’Allemagne nazie, et soutenue par les gouvernements et les médias occidentaux.

9/En 1939, ce sont les gouvernements baltes anti-soviètiques de Lituanie et de Lettonie, qui signent des "traités de non-agression" avec l’Allemagne nazie, en récupérant quelques territoires en échange.

10/En août 1939, le dirigeant soviétique Staline constate que les négociations pour une éventuelle alliance antinazie, en cours depuis de longs mois, n’ont aucune chance d’aboutir, du fait de l’opposition polonaise, et de la mauvaise foi des Franco-Britanniques. Désireux d’empêcher une guerre possible avec l’Allemagne, qui serait certainement soutenue par les Occidentaux, et persuadé à juste titre que l’Armée Rouge déstabilisée par l’épuration de 1938 (des milliers d’officiers arrêtés et fusillés avec Toukhatchevski) n’y résisterait pas, il accepte de signer avec Hitler un traité de non-agression, qui n’est en fait que le dernier signé par les États de la Région. Ce n’est pas une alliance, même si le traité se concrétise par des accords économiques URSS-Allemagne, qui ne seront d’ailleurs pas totalement respectés.

11/ le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne, ce qui est dans son optique, le début de la conquête allemande des terres de l’Est. Il est alors persuadé que France et Royaume Uni de Grande-Bretagne ne bougeront pas davantage qu’ils ne l’ont fait pour la Tchécoslovaquie. En fait, Londres et Paris déclarent la guerre au Reich, mais ne font aucune action militaire. En quelques semaines, la Wermacht, forte de ses blindés, détruit l’armée polonaise. Staline ordonne alors à l’Armée Rouge de réoccuper les territoires anciennement russes récupérés par la Pologne en 1918 (ce qui, même si le procédé est discutable, se révélera un avantage militaire décisif pour l’URSS en 1941 er 42.
Les Soviétiques ne sont évidemment pas mécontents de l’effondrement de leurs ennemis déclarés polonais.

12/ durant près de 9 mois, les troupes françaises et allemandes sont en guerre déclarée, mais ne combattent pratiquement pas (" drôle de guerre"), jusqu’à l’invasion de mai-juin 1940 ou l’armée allemande culbute les forces françaises par une " guerre-éclair" et occupe notre pays. Et le Maréchal Pétain, mis au pouvoir par un vote de l’Assemblée Nationale (celle élue en 1936 sous le sigle Front Populaire, moins les députés PCF interdits et emprisonnés !) s’empresse de mettre en place la Collaboration avec les Nazis.

13/ Faute de pouvoir trouver un "arrangement" avec la Grande Bretagne invaincue grâce a son insularité, Hitler déclenche en juin1941 l’invasion de l’URSS, qui a toujours été son objectif premier. Il espérait battre une Armée Rouge jugée faible par le biais d’une " guerre-éclair " comme en Pologne ou en France, ce qui échouera malgré les succès des premiers mois face à la détermination soviétique (et a l’industrialisation de l’URSS des années précédentes).

Le temps des meurtres de masse...et de l’oubli.

Comme dit plus haut, l’histoire rationnelle ne connaît ni " peuples élus ", ni nations vouées génétiquement au bien ou au mal, à devenir soit victimes innocentes, soit criminels tortionnaires.

Ainsi, l’invasion de l’URSS par la Whermacht et la SS nazie en 1941 s’est faite en collaboration avec les alliés de l’Allemagne, notamment des dirigeants fascistes, le roumain Antonescu, et de ceux de Baltique, avec les mêmes pratiques criminelles dans les territoires occupés, notamment les massacres systématiques de Communistes et de Juifs.

Dès le 28 juin 1941, la ville roumaine de Iasi, proche de l’Union Soviétique a l’est du pays, a été le théâtre d’un des plus féroces massacres antisémites et anticommunistes retracé récemment par un documentaire télévisé (" le pogrom de Iasi ", Fr3, 16/1/2020). Massacre organisé par les autorités roumaines et la presse, qui accusait les juifs locaux ("Evrei Communisti") de communiquer par signaux avec les Soviétiques ennemis, et accompli sous le regard complaisant de l’armée allemande. En une semaine, policiers et civils roumains chauffés à blanc par les fascistes contre le " judéo-bolchevisme" ont tué 15 000 juifs, égorgés et pillés dans les rues, asphyxiés dans des wagons...

Ce n’est qu’en 2004 que l’État roumain a reconnu officiellement sa responsabilité en la matière, car jusque-là cette tuerie était attribuée aux seuls soldats allemands. Même le régime Socialiste de Ceaucescu en 1980 cultivait la fiction d’un peuple roumain unanimement antinazi en 1941-44, et occultait le rôle décisif de l’Armée Rouge dans la Libération du pays. Il est vrai qu’à la même date sévissait en France le mythe gaulliste d’une France unanime derrière la Résistance de 1940 à 44...

A la même époque, 1941 et 42, dans l’Ukraine et les autres régions soviétiques envahies par l’armée de Hitler, les Communistes qui n’avaient pu fuir et les juifs, considérés par les Nazis comme complices, étaient pourchassés, déportés, et exécutés massivement par des unités spécialisées de la SS et de la Whermacht, les Einsatzgruppen. Ces commandos de tueurs étaient essentiellement constitués d’Allemands, mais aussi de suppletifs recrutés localement, sur la base de l’antisémitisme et de l’anticommunisme. Déportations, fusillades (notamment des juifs), pendaisons (notamment des militants communistes et cadres des kolkhozes). Au total, de 1941 a 44, près d’un million d’exécutés, un prélude a l’extermination dans les camps de Pologne.

Ces crimes de masse contre les populations d’URSS, furent d’abord de la responsabilité des dirigeants allemands, civils et militaires, mais elles ont profité de la collaboration locale active d’une partie des habitants. D’ailleurs il y a eu une SS ukrainienne, recrutée notamment à l’ouest du pays, même si l’URSS victorieuse d’après-guerre occultait l’existence de cette minorité pro-nazie (tout en la réprimant a juste titre sans états d’âme).

Dans l’Ukraine actuelle anti-communiste, leurs héritiers n’hésitent pas à défiler parfois en uniformes désuets pour célébrer leur mémoire.

On peut constater une démarche identique d’oubli des crimes du passé dans les actuels petits pays Baltes indépendants, ou l’extrême droite anti-russe fleurit sous l’aile de l’UE et de l’OTAN. Ainsi en Lituanie, sous l’autorité d’une " Commission de la mémoire des luttes pour la liberté"(sic), vient de sortir un projet de réécriture des manuels d’histoire pour démontrer que "la nation lituanienne n’a pas participé à l’Holocauste" :

Il s’agit donc d’effacer la mémoire des 200 000 juifs massacres de 1941 à 44, (soit près d’un citoyen de Lituanie sur 10 !), avec la collaboration des supplétifs locaux des occupants allemands, policiers ou SS baltes, en guerre aussi contre le " judéo-bolchevisme ".

En Europe de l’Est (et ailleurs), partout où les possédants ont besoin de la xénophobie pour fournir des boucs émissaires à leur électorat, les pires moments de l’histoire peuvent refaire surface si on les oublie.

Les 20 millions de citoyens Soviétiques morts de 1941 à 45 pour détruire la peste nazie, les millions de juifs exterminés par le fascisme européen, allemand certes, mais aussi ses alliés de France et des autres pays, méritent qu’on commémore leur mémoire.

Oui, il est bon de rappeler la Shoah, que ce soit à Jérusalem ou Paris, pour jamais plus ne la revoir. Mais à condition de ne pas en faire une approbation de la colonisation israélienne, reposant elle aussi, sur l’exaction et le racisme.

N’est-ce pas, Monsieur Macron ?

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?