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À propos des ordonnances qui vont "assouplir" le droit du travail

jeudi 26 mars 2020 par Philippe Arnaud

Les journaux télévisés de France 3 de 19 h 30 et de France 2 de 20 h de ce jour annonçaient que le gouvernement allait adopter des ordonnances qui "assouplissent" le droit du travail. Les salariés pourront travailler 60 heures sur une semaine au lieu de 48 heures aujourd’hui. Et, sur une période consécutive de 12 semaines, ils pourront travailler 48 heures au lieu de 44 heures. Le travail du dimanche pourra être assoupli pour travailler 7 jours sur 7. Des règles qui pourraient s’appliquer jusqu’en décembre prochain. [Et un bandeau portant "la semaine des 60 heures" défilait sur l’écran].

Remarque 1. Le verbe assouplir est révélateur par ses connotations négatives, c’est-à-dire par ce à quoi il s’oppose, par ce à quoi il est contraire. Il est révélateur par ses antonymes, ses opposés. "Assouplir", c’est rendre plus souple. Or, quels sont les contraires de souple ? Ce sont les adjectifs buté, cassant, dur, empesé, gourd, inflexible, intraitable, intransigeant, lourd, rigide, sévère, strict...

C’est-à-dire des termes à connotation négative, qu’ils soient pris au sens propre (physique) ou au sens figuré (moral). On peut donc en déduire que si on "assouplit" le droit du travail, ce droit est quelque chose de buté, cassant, dur, empesé, gourd, inflexible, intraitable, intransigeant, lourd, rigide, sévère, strict... donc, de souverainement antipathique, désagréable, gênant, anti-naturel, etc.

Remarque 2. Il est à cet égard révélateur - et, au passage scandaleux - que le droit (et, spécialement le droit du travail) soit présenté d’une façon aussi négative alors que, selon la belle formule de Lacordaire "entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit". En effet, depuis le XIXe siècle, tout le droit du travail a été élaboré pour encadrer et limiter les pouvoirs discrétionnaires du patron en matière de salaire ou de condition de travail. Si, au journal télévisé, on présente ainsi le droit c’est donc qu’implicitement, au journal télévisé, on se place du point de vue patronal...

Remarque 3. Le journal ajoute que les syndicats sont inquiets et l’on donne la parole à une porte-parole de la CFDT, qui dit qu’il y a des risques d’épuisement et d’accident de travail... mais le tout en quelques secondes, après un panoramique sur l’immeuble de la CGT et un autre sur celui de F.O. Ce que l’on peut noter, au passage, c’est que la communication de la télévision est pour ainsi dire uniquement gouvernementale. On entend très peu les syndicats, les partis de gauche, les journaux de gauche, les intellectuels de gauche, les associations de gauche.

Remarque 4. Il est dit, dans le reportage, que les mesures (des 60 heures, du travail le dimanche...) pourraient s’appliquer jusqu’en décembre prochain. Or, décembre, c’est bien au-delà des dates de fin probable de l’épidémie et du confinement, prévus en mai ou en juin. [Déjà, le journal signale que la situation sanitaire a arrêté de se dégrader en Italie, pays le plus touché au monde].

Il est néanmoins possible que le gouvernement affirme qu’en décembre le pays n’aura toujours pas remonté la pente et qu’il faudra rattraper les retards de production. Mais pourquoi, sur sa lancée, ne prolongerait-il pas la période de rattrapage jusqu’à la mi-2021 ?
Jusqu’à décembre 2021 ?
Jusqu’à l’été 2022 ?
Et pourquoi, tant qu’il y serait, n’en reviendrait-il pas en catimini aux 39 heures, voire aux 40 heures ?
Après tout, il pourrait prétendre que 40 heures, c’est moins que 60 heures et pourrait même présenter cette régression subreptice comme un cadeau ! Même chose pour le travail du dimanche : une fois qu’on aura travaillé tous les dimanches jusqu’à la Saint-Sylvestre 2020, pourquoi ne pas étendre le travail du dimanche à tous les corps de métier ? Notamment à ceux auxquels les syndicats s’opposaient le plus fermement ?

Remarque 5. Ces questions posent le problème des faits accomplis et des habitudes acquises. Une fois que l’on a fait passer dans la réalité un certain nombre de choses, il est très difficile de revenir à la situation antérieure. Cela se vérifie dans les deux sens : il y a 76 ans (depuis la Libération) que la droite, les riches et le patronat ne cessent de miner, saboter, détruire, annihiler les conquêtes sociales du C.N.R. Et ils se disent peut-être que l’actuelle pandémie constitue une occasion rêvée (une "divine surprise") pour en finir avec les régimes honnis existant depuis 1944.

Je vous saurais gré de vos remarques, compléments, rectifications et critiques.

   

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