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Le Yémen ne sera pas un protectorat saoudien

jeudi 25 mars 2021 par Badia Benjelloun (ANC)

Joe Biden a ouvertement annoncé qu’il utiliserait la question des droits de l’homme pour isoler la Chine et freiner son développement économique. Ainsi, plus un jour ne passe sans qu’un média nous parle du Xinjiang. Alors que les accusations douteuses de génocide prolifèrent, la plus grave crise humanitaire du moment se poursuit au Yémen. Les médias n’en parlent que très peu. 3,5 millions de personnes souffrent de la famine, plus du quart des victimes directes du conflit sont des enfants. C’est le résultat de la guerre menée par l’Arabie saoudite avec le soutien des États-Unis. Un soutien qui révèle toute l’hypocrisie de Joe Biden.

La famine invisible, une arme de guerre

Le niveau de l’insécurité alimentaire au Yémen a été évalué par l’ONU pour la dernière fois en décembre 2020. L’analyse emploie la classification IPC , elle indique que des poches de famine absolue sont réapparues. La phase dite d’urgence (phase 4), juste en dessous au niveau de la gravité de la famine totale, concerne actuellement 3,6 millions de personnes et risque de monter à 5 millions au cours du trimestre en cours.

La presse occidentale, celle qui compte pour forger l’opinion, donne assez peu à voir les images des enfants yéménites victimes de la faim. Il est vrai que les Houthis n’emploient pas les services d’une agence de publicité pour relayer la misère des millions d’enfants exposés à toutes sortes d’insécurité, la première concerne l’alimentation et l’eau potable.

Ce que fit le Secrétariat à la Propagande du Biafra lors de la guerre de sécession qui dura de juillet 1966 à janvier 1970. Il avait inauguré l’ère de l’exploitation du spectacle des victimes pour justifier des guerres profitant aux intérêts occidentaux. Sur les conseils de la France, l’agence de relations publiques Markpress à Genève a produit plus de cinq cents communiqués et reportages sur des enfants au corps squelettique et au ventre bombé, une caractéristique de la malnutrition et de la carence en apports protéinés.

Le gouverneur militaire de la région de l’Est du Nigéria disposait d’un trésor pour payer la publicité. Il avait accaparé les redevances des sociétés pétrolières BP et Shell qui exploitaient les champs d’un pétrole d’excellente qualité, bonny light, dans le golfe du Biafra.

Le peuple du Yémen est cependant confronté à la pire crise humanitaire, la plus rapide et la importante, depuis 1949 selon l’OMS. On compte plus de 3,5 millions de réfugiés et plus de vingt millions de Yéménites (sur vingt sept de la population totale) ont besoin d’assistance humanitaire. Selon l’ONG Save the Children, 1,8 millions d’enfants souffrent de malnutrition modérée et 400 000 de malnutrition sévère. Plus du quart des victimes directes du conflit armé, blessées ou décédées, sont des enfants.

Cessez-le-feu, cesser la faim

Quand une certaine presse occidentale titre que les Houthis rejettent le cessez-le-feu proposé par l’Arabie saoudite, elle fait son travail, elle désinforme en effet avec subtilité.

L’exigence première des Yéménites est la levée du blocus aérien et maritime qui affame le pays. Le Yémen est dépendant de l’extérieur pour 80% de son alimentation en temps normal.

La guerre menée contre lui par une coalition de pétromonarchies rend de plus difficile de travailler la terre, or 70% de la population vit de l’agriculture.

Depuis juin 2020, en pleine pandémie SARS-CoV-2, la coalition empêche l’accostage de navires transportant des dérivés pétroliers au large du port de Hodeïda. La pénurie de carburant aggrave l’insécurité alimentaire dont souffrent des millions d’assiégés pendant que 350 000 tonnes d’hydrocarbures sont détenues au large des côtes yéménites.

La famine des Yéménites n’est pas un accident, un effet secondaire et inévitable d’une guerre qui n’a rien de civil, elle est la conséquence d’une décision délibérée des Usa et des Bédouins du Nedjd de les affamer. Un groupe d’experts a plaidé devant le Conseil de Sécurité de l’ONU pour que la situation au Yémen soit déférée devant la Cour Pénale Internationale.

Le complexe qataro-turc

L’embargo très strict imposé au Qatar depuis juin 2017 par ses voisins immédiats, Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Arabie saoudite a été levé le 15 janvier 2021. Une forte pression de l’administration Trump y a concouru. Le Qatar abrite la plus grande base militaire étasunienne au Moyen Orient à partir de laquelle sont menées toutes les opérations militaires dans la région.

Le Qatar sert de médiateur entre les Talibans et les Usa, maintenant convaincus au bout de vingt ans de destruction de la nécessité d‘en finir avec le bourbier afghan. L’interdiction pour l’aviation civile d’emprunter les espaces aériens des pays arabes qui le jouxtent l’oblige à les contourner en survolant l’Iran.

L’isolement de l’Iran est une obsession de l’entité israélo-étasunienne, il est donc impérieux de ressouder un front uni arabe autour de Tel Aviv contre Téhéran. L’équarisseur de Ryad a obtempéré aux ordres de Washington alors que Doha n’a fait aucune concession. Le Qatar conserve une base militaire turque sur son sol et n’a pas mis fin à la chaîne Al Jazira si insolente envers les Bédouins du Nedjd.

L’introduction de la variable turque dans l’équation est une actualisation régionale d’un air déjà joué en Libye et en Azerbaïdjan. Des djihadistes syriens ont été embauchés pour prêter main-forte au complexe pétro-monarchique et israélo-étasunien. Ces mercenaires sont devenus les hommes à tout faire d’Erdogan.
Près de trois cents vont renforcer les lignes saoudiennes, fort mises à mal par les Houthis tout le mois de mars. À Idlib, les services de renseignement turcs proposent des salaires oscillant entre 2500 et 5000 dollars mensuels selon le type de mission à accomplir.

Leurs guerres ingagnables

Le Yémen fait partie des cinq pays les plus pauvres de la planète. Une offensive menée contre lui par une coalition de pays dotés d’armements sophistiqués et de techniques de surveillance les plus en pointe n’a pas réussi à le vaincre au bout de six ans de destruction acharnée par voie aérienne, terrestre et par un blocus criminel que l’on se devrait d’apparenter à un génocide planifié.

Les actions de Raytheon, de Boeing et de General Dynamics ont certes grimpé instantanément dès l’entrée en guerre des pétro-monarques en mars 2015. Les Bédouins du Nedjd déploient les armements achetés à coup de centaines de milliards auprès des fournisseurs étasuniens. Les fabricants d’armes européens ne sont pas de reste non plus, qu’ils soient français, italiens ou allemands.

Mais les Houthis (Ansar Allah) tiennent toujours Sanaa malgré les 266 510 frappes aériennes. Le Général Yahia Sari a donné un bilan de l’offensive. Les chiffres donnés des pertes infligées à la coalition saoudienne sont impressionnants (ils sont sûrement un peu gonflés).

Il met en garde l’agresseur et lui promet que la « septième année verra encore plus d’opérations militaires si l’agression n’est pas arrêtée et le blocus levé ».

Les performances des missiles et des drones qui enfoncent les lignes ennemies et parviennent jusqu’aux sites stratégiques bien défendus de l’ARAMCO sont remarquables. Les Bédouins du Nedjd ont été obligés de reconnaître que des installations pétrolières ont été touchées près de la capitale saoudienne et ont subi des dégâts le 19 mars. Quelques jours plus tôt, Ansar Allah ont lancé des attaques sur les provinces de Najran et de l’Assir au Sud de l’Arabie.

Le Yémen ne sera pas un protectorat saoudien

Ce déchaînement contre le Yémen fait suite à une succession d’évènements. La jeunesse avait manifesté continûment en 2011 dans le sillage de ce qui fut désigné par ‘printemps arabe’, réclamant le départ du Président Ali Abdallah Salah au pouvoir depuis 1978. Les foules déversées dans les rues après la prière chaque vendredi devenaient de plus en plus nombreuses.

Les Saoudiens ont alors décidé d’exfiltrer Salah et de le remplacer par le vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi chargé de conduire des réformes à la tête d’un gouvernement provisoire de deux ans. Les Houthis, les Frères Musulmans et le Mouvement du Sud furent écartés du gouvernement nommé fin 2014.

Les Houthis ont alors mené des manifestations dans le Nord du pays. Hadi démissionne, gagne le Sud, déclare qu’il a été victime d’un coup d’État et réclame l’intervention armée de ses protecteurs. Un peu plus tard, les Houthis proclament la création d’un Comité Révolutionnaire. Le Comité regroupe les principaux partis, gouverne et doit assurer l’organisation d’élections.

Le gouvernement du Yémen internationalement reconnu n’est rien d’autre qu’un ‘pantin aux mains de la maison des Ibn Saoud ’. Ce n’est que récemment, depuis que le Conseil de Transition du Sud a renoncé à l’autonomie en juillet 2020 et la sécession, que s’est constitué en décembre dernier un nouvel exécutif de coalition qualifié par certains de gouvernement de fiction. Il n’a aucune marge de manœuvre pour restaurer une quelconque stabilité. Celle-ci est bien entre les mains des États étrangers sans lesquels il n’y aurait pas de guerre.

Les Emirats arabes unis ont reconnu leur échec au Yémen il y a plus d’un an et avaient confié au Conseil de Transition du Sud la délégation de leur nuisance.

En retirant les Houthis de la liste des organisations terroristes, l’administration Biden permet au moins aux ONG de venir en aide aux populations dévastées. Elle reconnaît ainsi que le mouvement est incontournable si un processus d’apaisement était recherché.

Les rebelles souvent désignés comme des alliés de l’Iran, sont les parties de la population ignorées obstinément par le pouvoir central depuis des décennies, décidées à ne pas renoncer à leur représentation au sein du pouvoir.

Le Secrétaire d’Etat étasunien Blinken vient de déclarer que les Usa soutiendraient une issue avec un Yémen stable, libre de toute ingérence étrangère. Le responsable des Houthis a commenté cette position en twitttant qu’il la considérait positive.

Le processus de somalisation des pays arabes est en bonne voie. Les Saoud ne l’ont pas encore compris, leur royaume est sans doute l’une des prochaines cibles.

   

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