Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > Société, Culture, Environnement > Navalny contre Assange, ou la géopolitique de l’indignation sélective

Navalny contre Assange, ou la géopolitique de l’indignation sélective

jeudi 22 avril 2021 par Thomas Scripps

Le cœur des dirigeants politiques des États-Unis et de leurs alliés impérialistes saignent pour le chef de l’opposition russe emprisonné, Alexei Navalny. Emprisonné le 2 février, après son retour d’Allemagne où il fut soigné pour un empoisonnement présumé par l’État russe, Navalny a depuis entamé une grève de la faim.
L’indignation suscitée par l’emprisonnement de Navalny et la crise de santé qui s’en est suivie est une leçon de chose en cynisme et en intrigue impérialistes. Ceux qui invoquent avec le plus de ferveur les droits démocratiques de Navalny sont les architectes de la persécution continuelle et bien plus virulente du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange.

Il n’y a rien de comparable entre les deux hommes et les différences ne sont pas en faveur de Navalny.

Assange est un journaliste héroïque qui a joué un rôle de premier plan dans la révélation de certains des pires crimes impérialistes du XXIe siècle. Depuis les détails dissimulés de l’occupation brutale de l’Irak et de l’Afghanistan jusqu’aux camps de torture américains et aux ‘restitutions extraordinaires’.

Navalny est un homme politique de droite, nationaliste, qui a qualifié les migrants du Caucase de « cafards » qu’il fallait tuer. Il représente une aile de l’oligarchie russe opposée au président Vladimir Poutine et favorable à une ouverture plus large de la Russie à l’impérialisme occidental.

C’est cette différence qui sous-tend leur traitement de bout en bout.

Le travail du fondateur de WikiLeaks a donné une forte impulsion au sentiment anti-guerre mondial et a contribué aux soulèvements populaires de Tunisie et d’Égypte. On fait de lui un exemple en représailles des dommages qu’il a causés aux intérêts impérialistes. Ces mêmes intérêts mandatent le soutien à Navalny, qui se présente comme un outil pour réaliser leurs objectifs concernant la Russie.

Ce traitement contrasté met en pièces les affirmations du président américain Joe Biden et du Premier ministre britannique Boris Johnson, qui soutiennent Navalny au motif des droits de l’homme et poursuivent Assange pour des raisons prétendument juridiques.

La persécution d’Assange a commencé il y a plus de dix ans, lorsque la Suède a lancé une enquête pour agression sexuelle, montée de toutes pièces, pour obtenir son extradition. Cela devait servir d’étape intermédiaire vers les États-Unis. Assange fut contraint en 2012 de demander l’asile politique à l’ambassade d’Équateur à Londres, où la police britannique l’a retenu arbitrairement prisonnier pendant près de sept ans.

Suite à son enlèvement et son arrestation illégaux en avril 2019, il a passé les deux dernières années dans la prison de haute sécurité de Belmarsh – accusé d’avoir enfreint les conditions de sa liberté sous caution pendant 25 semaines – où il est resté en détention provisoire pendant que les États-Unis montaient une demande d’extradition, pendant plus d’un an. Il est toujours détenu pendant que les États-Unis font appel d’un jugement s’opposant à l’extradition pour raisons de santé.

Son procès à motivation politique représente une litanie d’abus des droits légaux et démocratiques. Ces abus judiciaires sont menés parallèlement à une campagne de diffamation, où sont engagés les médias et les groupes de la pseudo-gauche du monde entier, conçue pour noircir son nom et le détruire psychologiquement.

Si Assange était envoyé aux États-Unis, il y risquerait une peine de 175 ans de prison en vertu de la Loi sur l’espionnage.

Tous les gouvernements du monde se sont rangés derrière cette conspiration impérialiste pour qu’Assange, dénoncé par Biden comme « terroriste de haute technologie », « affronte la justice », selon les mots de Johnson. La chancelière allemande Angela Merkel a résumé la position des puissances européennes en déclarant en 2019 que le cas d’Assange était « une affaire qui ne concerne pas l’Allemagne et qui est entre les mains de la justice britannique. » L’Australie, pays d’origine d’Assange, s’en est lavé les mains.

En revanche, lorsque Navalny fut arrêté cette année, également pour violation de liberté sous caution, dans le cadre d’une affaire de détournement de fonds datant de 2014, et qu’il fut condamné à deux ans et huit mois de prison, cette bande de criminels a miraculeusement découvert sa sensibilité démocratique.

Johnson a fait l’éloge du « courageux » Navalny et a déclaré que le jugement russe « ne répondait pas aux normes les plus fondamentales de la justice. » Le conseiller américain à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, a condamné une « violation des droits de l’homme ». Merkel a déclaré que le verdict de Navalny était « loin de toutes les normes de l’État de droit » ; le président français Emmanuel Macron que « le respect des droits de l’homme comme la liberté démocratique ne sont pas négociables ».

On a prononcé des condamnations particulièrement sévères de « l’attaque scandaleuse contre sa vie [celle de Navalny] » en référence à son empoisonnement présumé par l’État russe. Mais on n’a rien dit lorsqu’une enquête sur la société de sécurité espagnole UC Global, qui assurait la surveillance de l’ambassade d’Équateur, a révélé un complot de la CIA pour enlever ou empoisonner Assange.

La santé de Navalny s’étant détériorée en raison de sa grève de la faim, ces responsables ont réitéré leurs appels à sa libération, invoquant le danger pour sa vie. Biden a qualifié le traitement de Navalny de « totalement injuste et totalement inapproprié », tandis que son gouvernement a mis en garde contre les « conséquences » d’un éventuel décès.

Josep Borrell, le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, a exigé que « les autorités russes lui accordent un accès immédiat à des professionnels de la santé en qui il a confiance ». Le ministère britannique des Affaires étrangères a fait de même dans sa déclaration : « M. Navalny doit avoir un accès immédiat à des soins médicaux indépendants ».

C’est précisément là la demande formulée par le groupe de campagne « Doctors for Assange » (Médecins pour Assange) et le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture Nils Melzer, mais celle-ci a été dénigrée par le gouvernement britannique. Assange s’est vu refuser maintes fois la libération sous caution malgré le risque sérieux que représente pour sa vie le COVID-19 et sa propre santé mentale.

La juge britannique Vanessa Baraitser s’est prononcée contre son extradition vers les États-Unis au seul motif que cela mettrait sa vie en danger et pourrait conduire à son suicide. La réponse du gouvernement Biden a été d’insister pour dire, comme Trump l’avait fait précédemment, « nous continuons à demander son extradition ».

L’agenda criminel de la classe dirigeante est relayé par son chœur rémunéré des médias, qui ont fait des heures supplémentaires pour fabriquer des références progressistes pour Navalny tout en laissant pourrir Assange.

Depuis janvier de cette année, le Guardian, le principal journal britannique prétendument libéral, a publié 78 articles et vidéos sur Navalny. Il en a publié 16 sur Assange, dont un seul depuis février. Il n’a adopté que tardivement une opposition pour la forme à l’extradition d’Assange dans un éditorial de novembre 2019, après avoir mené une campagne de diffamation contre lui pendant une décennie. Il en a écrit une autre en décembre 2020, puis une autre en janvier de cette année. Il en a écrit trois sur Navalny rien que cette année.

Amnesty International a refusé pendant des années de reconnaître Assange comme un prisonnier de conscience, mais elle a été si prompte à appliquer l’étiquette à Navalny qu’elle fut obligée de faire une retraite embarrassante en reconnaissant ses antécédents en matière de « discours de haine » quelques mois plus tard.

Le sénateur du Parti démocrate américain Bernie Sanders a maintenu un silence presque total sur Assange, émettant un seul tweet d’opposition à son inculpation en mai 2019 où il avait réussi à ne pas mentionner le nom du fondateur de WikiLeaks. Il a tweeté ce lundi : « Ne vous méprenez pas sur ce qui se passe ici : l’activiste Aleksei Navalny est assassiné devant le monde entier par Vladimir Poutine pour le crime d’exposer la vaste corruption de Poutine. Les médecins de Navalny doivent être autorisés à le voir immédiatement ».

Des phrases comme « droits de l’homme » et « liberté démocratique » sont sans valeur dans la bouche de Sanders, Biden, Johnson et leurs semblables. Leur soutien au politiquement abject Navalny est une provocation calculée contre l’État russe. Ils espèrent que son sort servira de prétexte à une nouvelle escalade de l’agression militaire contre Moscou. Assange a vu ses droits démocratiques bafoués avec le consentement de toutes les grandes puissances pour supprimer l’opposition à cette campagne de guerre impérialiste.

Le seul véritable groupe d’intérêt pour les droits démocratiques dans le monde aujourd’hui est la classe ouvrière internationale. Elle ne peut défendre ces droits que par une lutte combinée contre les gouvernements impérialistes, leur larbin Navalny et l’oligarchie russe représentée par Poutine. La demande de libération immédiate et inconditionnelle de Julian Assange doit figurer au centre de cette lutte.

(Article paru d’abord en anglais le 21 avril 2021)


Voir en ligne : https://www.wsws.org/fr/articles/20...

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?