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Interview de Jean-Pierre Page à l’Agence de presse Chine Nouvelle (Xinhua) au sujet du livre "la Chine sans œillères".

mercredi 1er septembre 2021 par Jean-Pierre Page

Journaliste, écrivain, professeur d’université, médecin, essayiste, économiste, énarque, chercheur en philosophie, membre du CNRS, ancien ambassadeur, collaborateur de l’ONU, ex-responsable du département international de la CGT, ancien référent littéraire d’ATTAC, directeur adjoint d’un Institut de recherche sur le développement mondial, attaché à un ministère des Affaires étrangères, animateur d’une émission de radio, animateur d’une chaîne de télévision, ils sont dix-sept intellectuels, qui nous parlent ici de la Chine depuis l’Europe, l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Asie.

Ce livre vise un public que nos médias maintiennent dans une grave ignorance de la Chine.

1. Pourquoi avez-vous accepté de rédiger ce livre ? Combien de temps avez-vous consacré à ce recueil ?

> Nous avons fait le choix avec mon ami Maxime Vivas de faire le livre “la Chine sans œillères” avec les contributions de 17 auteurs de différentes disciplines et opinions, des 5 continents et de plusieurs pays dont la Chine, parce que les médias maintiennent le public français dans une grave ignorance.

> Celui-ci est quotidiennement harcelé par de fausses informations sur ce qu’est la Chine et ce que sont ses objectifs. Cela se fait, à travers des caricatures, des idées reçues souvent héritage de notre passé colonial. Mais plus généralement, parce que la France, tout comme l’Union européenne, accompagnent trop systématiquement la vision hégémonique qui est celle des États-Unis et du camp occidental.

> Pour notre part, nous ne considérons pas la Chine comme un modèle, mais comme un exemple. Le monde change très vite et les conservatismes qui caractérisent la plupart des pays occidentaux doivent et devront reculer pour faire place aux idées nouvelles. C’est la seule voie pour répondre aux enjeux auxquels doit faire face l’humanité. Il s’agit de promouvoir comme réponse, la justice sociale, la coopération, la non-ingérence, le multilatéralisme, le respect scrupuleux de la souveraineté des états, la paix. Tous les auteurs du livre partagent ce point-de-vue et ces exigences !

> C’est pourquoi, nous avons voulu faire un livre « pro vérité », un livre qui rétablit les faits dans leur contexte, et présente de manière objective ce qu’est la réalité de la politique chinoise avec à sa tête un Parti communiste fort de 95 millions d’adhérents dans ce pays continent de 1,4 milliards d’habitants et de 56 ethnies.

> Nous avons voulu être fidèles à la démarche qui était celle de ces intellectuels qui au moment où la Chine a commencé à se libérer de l’oppression étrangère, puis des inégalités sociales et qu’elle a commencé à explorer la mise en œuvre d’un nouvel ordre des choses ont fait le choix de chercher à la comprendre. A cette époque, ce qui les intriguait était de savoir comment dans ce pays continent à la civilisation 5 fois millénaire en continu, un groupe de jeunes militants marxistes, dont Mao Zedong, pouvait avoir l’ambition titanesque d’entraîner le peuple chinois dans un projet d’émancipation unique dans l’histoire humaine. "Inciter à comprendre et à partager" sont les maîtres-mots de cet ouvrage.

> Réunir autant de personnalités de talent était donc un défi, nous l’avons relevé. La plupart des auteurs et notre éditeur Delga ne se connaissaient qu’à travers leur réputation. Tous et toutes ont accepté la mise en commun d’un objectif : si l’on veut parler de la Chine, faisons-le à partir de ce qu’elle est et non à partir de fantasmes ou de contre-vérités délibérées.

> Pour l’essentiel, ce travail avec les traductions a pris plus de 6 mois. Dans notre diversité, nous voulions collectivement que l’ouvrage coïncide avec cet évènement historique qu’a été le 100e anniversaire du Parti communiste Chinois. La couverture du livre est un geste amical à cette actualité autant qu’il rend hommage au peuple chinois.

2. Hong Kong, Xinjiang, Tibet, les origines de COVID-19. Ce recueil touche presque tout les sujets desquels les médias occidentaux font usage pour attaquer la Chine, ou, autrement dit, font une propagande antichinoise. Les sujets ont été choisis et distribués comment ? Quels sont les messages que ce livre voudrait transmettre aux lecteurs ?

> L’intérêt de la France, c’est la coopération sans exclusive et sans ostracisme politique. Cette manière de voir, pour être constructive, doit tourner le dos aux idées reçues et être conforme à la période nouvelle dans laquelle nous sommes entrés sur le plan international. Certes, celle-ci comporte des risques, des menaces, mais elle comporte également des opportunités. Par conséquent, prenons appui sur les besoins de nos peuples pour écarter les obstacles et les incompréhensions.

Les Chinois aiment notre pays et ils respectent les Français. C’est un point d’appui important, il est essentiel ! C’est pourquoi nous devons également faire le choix de la réciprocité à l’égard de la Chine et de son grand peuple. Les choses ne peuvent être à sens unique, nous avons tous à apprendre les uns des autres. Nous n’avons pas à craindre le rayonnement de la Chine, elle contribue aux progrès de l’humanité toute entière, tout comme en d’autres temps cela a été le cas de la France ou encore d’autres pays.

> Par conséquent, le but de notre livre, était d’encourager la curiosité, l’ouverture d’esprit, la compréhension mutuelle d’une Chine qui est devenue un État moderne et dont les progrès sont incontestables. Soutenir cette démarche est aussi important que la signature de contrats économiques. Il y a les défis économiques mais il y a aussi les défis politiques et culturels. C’est ce à quoi nous avons voulu contribuer. Nous voulions montrer la Chine telle qu’elle est, à partir de sujets qui ont été au cœur de l’actualité récente et dont on a beaucoup parlé.

> Par conséquent, les sujets on été répartis selon certaines compétences, les enjeux économiques de la Chine nouvelle par des économistes réputés, les enjeux géopolitiques en mer de Chine par exemple par une ancienne ambassadeur, la crise sanitaire et le covid 19 par une médecin épidémiologiste, le Tibet et le Xinjiang par des observateurs lucides qui connaissent bien ces régions, etc. Nous avons aussi voulu que des auteurs chinois évoquent la manière dont ils observent le regard des Français à l’égard de la Chine.
Ils l’ont fait avec talent.

> Je le répète, l’objectif était de chercher et aider à comprendre. Par principes, je récuse pour ma part la démarche qui consiste à dénaturer le sens de décisions prises par la Chine, et ce dans quelques domaines qui soit. En fait, cela se fait souvent pour flatter la politique de conflictualité que poursuivent les Etats-Unis. Nous avons donc voulu dans notre diversité d’opinions faire le choix de la compréhension et de la conviction. D’une certaine manière, notre livre se veut pédagogique.

3.Dans le chapitre que vous rédigez, vous citez que "La guerre est semblable au feu, lorsqu’elle se prolonge elle met en péril ceux qui l’ont provoquée". Qu’est-ce que vous voudriez souligner sur le dossier de Hong Kong par cette formule de Sun Tzu ? Quel est le rôle des États-Unis sur les questions de Hong Kong ? Et d’après vous, quel est le sens de l’adoption de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong par la Chine ?

> J’ai volontairement donné le titre suivant à ma contribution : “N’en déplaise à Donald Trump et Joe Biden, Hong Kong est en Chine”. Ce qui peut sembler une évidence mais elle ne l’est pas pour tout le monde et en particulier pour ceux dont l’hostilité déclarée à l’égard de la Chine les ont conduit à travestir ce fait historique qui par ailleurs est doublé d’une certitude.

> J’ai cité volontairement le philosophe et grand stratège militaire Sun Tzu pour qui j’ai une grande admiration, parce qu’il a décrit de manière simple et anticipatrice ce qui finalement est arrivé à ceux qui ont tenté de provoquer une rupture entre Hong Kong et sa mère patrie. Délibérément, au plan international, les Etats-Unis assument cette responsabilité, avec comme relais, les médias mainstream et des ONG locales connectées à des réseaux outre Atlantique.

C’est ce que mon ami Bensaada a parfaitement démontré dans son texte. Au fond, il s’agissait d’une entreprise de déstabilisation visant la Chine toute entière. Ce fut un échec complet pour les apprentis sorciers, et ils en ont été pour leurs frais.

> Loin de remettre en cause le statut spécial de Hong Kong, la loi sur la sécurité nationale a comblé un vide. Je constate d’ailleurs que peu de personnes se sont exprimées sur le contenu de cette loi prise légitimement par le Parlement et l’Assemblée nationale populaire de Chine. Le droit de se protéger à l’intérieur de ses frontières contre toute forme d’ingérence est un droit inaliénable pour chaque nation. Il est garanti par le droit international et la Charte des Nations Unies. Hong Kong d’ailleurs n’est pas membre de l’ONU, ce qui est d’ailleurs aussi le cas de Macao et de Taïwan.

> Comme au Xinjiang, à Taïwan ou en mer de Chine méridionale, on ne peut examiner ce qui s’est passé à Hong Kong indépendamment de la politique générale des USA à l’égard de la Chine. En réalité et dans les faits, la rétrocession de Hong Kong n’a pas bouleversé le monde des affaires, et conformément aux accords Hong Kong est demeurée une des plus importantes places financières au monde et le capitalisme continue à y dominer, le territoire y dispose de sa propre monnaie.

Pour autant, son statut est parfaitement clair ”un pays, deux systèmes”. En d’autres termes et selon la formule de Ji Pengfei qui comme ministre des affaires étrangères supervisa les négociations avec la Grande-Bretagne, “une seule Chine, une seule souveraineté, une seule diplomatie, une seule défense”. Il fallait donc en tirer les conséquences politiques et assumer ce qui devait l’être.
C’est ce qui a été fait.

> L’objectif de Washington et de ses vassaux était d’internationaliser les tensions qu’a connu Hong Kong. Les autorités chinoises ont fait preuve de sang-froid et de patience. De plus, une large majorité de la population a rejeté la violence, elle aspire au calme. Dans ces conditions, la loi sur la sécurité a permis de stabiliser les choses. D’ailleurs, ces dernières semaines, j’ai noté que les protagonistes politiques qui brandissaient drapeaux américains et britanniques dans leurs manifestations ont annoncé l’auto-dissolution de leur mouvement.

> Mais je voudrai ajouter qu’on a oublié bien vite 1967 et la répression brutale du gouverneur britannique de l’époque face à des revendications sociales ayant fait l’objet d’une large mobilisation syndicale. Il y avait eu officiellement 51 morts, 800 blessés, des centaines d’arrestations, des peines de prison très lourde. En fait aujourd’hui, la Chine par ses décisions a introduit à Hong Kong un système autrement plus démocratique que sous la colonisation britannique.

C’est pourquoi, il y a une arrogance insupportable à vouloir donner des leçons à la Chine, quand l’on connait le bilan des pays occidentaux dans tous les domaines, tout particulièrement dans celui du respect des droits de l’homme comme on le voit malheureusement en France ou aux Etats-Unis.

4. Jusqu’à présent, quelles sont les réactions ou commentaires des lecteurs et des médias français sur ce livre ?

> Le livre est en circulation depuis peu de temps. Il a rencontré déjà beaucoup d’intérêts, y compris internationalement et plusieurs articles dans la presse ou sur les réseaux sociaux ont mis en évidence la prouesse d’avoir réunis un nombre aussi important de personnalités sur un tel sujet. André Lacroix, qui est un fin connaisseur de la Chine, a dit du livre : « qu’il représentait une petite encyclopédie à entrées multiples. »

> Je pense que les éditions Delga dont le directeur a été reçu en audience officielle par son Excellence l’Ambassadeur Lu Shaye à l’occasion de la sortie du livre a eu raison de souligner la portée politique de ce livre pour les lecteurs français, mais aussi pour ceux de Chine. L’ouvrage représente une somme importante d’informations qui contribuent à clarifier des dossiers importants.

> Pour les détracteurs habituels de la Chine, il semble plus facile à mettre en cause par exemple le travail de mon ami Maxime Vivas sur le Xinjiang. Ils le font à partir de procès d’intention sans fondements et souvent d’une grande vulgarité, se comportant ainsi comme de véritables mercenaires. Dans le cas de notre livre, c’est évidemment plus compliqué à faire à l’égard de 17 auteurs de sensibilités diverses, mais animés du souci de rendre compte avec sincérité de leur vision de la Chine.

Notre grand écrivain et ministre de la Culture du Général de Gaulle, André Malraux, qui admirait la civilisation chinoise a écrit : « La Chine est la Chine, et le reste du monde est le reste du monde ». Je serais tenté de dire, par respect pour elle et aussi pour nous-mêmes, comment ne pas en tenir compte.

5. En outre, si c’est possible, pourriez-vous me présenter un peu votre prochain livre ?

> Ce prochain livre sur lequel nous travaillons avec Bruno Drweski qui enseigne à l’Institut National des Civilisations et langues orientales (INALCO), qui est un chercheur et auteur de nombreux ouvrages, portera sur la politique étrangère de la nouvelle administration américaine de Joe Biden à l’égard de la Chine.

> Notre opinion est que les Etats-Unis vont non seulement poursuivre, mais développer leur politique agressive à l’égard de la Chine. Cette volonté de restaurer une “nouvelle guerre froide” qui était celle de Donald Trump, est aujourd’hui celle de Joe Biden. Comme le déclare celui-ci, il s’agit d’ un “défi majeur“. En fait, pour comprendre cette orientation, il faut prendre en compte l’antériorité de la politique américaine en particulier depuis Barack Obama et la réorientation de celle-ci à travers le fameux document stratégique « Pivot to Asia ».

> Au moment même de l’intronisation du nouveau Président américain à Washington, une des plus fameuses fondations nord-américaines, "l’Atlantic Council" a produit pas moins de trois rapports visant à donner une stratégie offensive à la nouvelle administration, y compris avec son volet militaire. Le néoconservatisme continue donc d’influencer profondément la politique étrangère des Etats-Unis et c’est pourquoi s’y retrouvent dans un large consensus, républicains et démocrates.

> Ce qu’il y a de nouveau dans ces documents, c’est que cette fois-ci les choses sont dites crument. Il ne s’agit plus de contenir ni de refouler l’influence de la Chine, mais d’en finir avec le Parti communiste chinois et son principal dirigeant à la tête du pays : Xi Jiping. L’objectif serait ainsi selon les auteurs de favoriser par tous les moyens une direction plus modérée afin de contribuer à ce que "le peuple chinois s’émancipe de la domination centenaire du Parti communiste".

> Les Etats-Unis dont le déclin est une chose largement admise aujourd’hui traversent une crise profonde qui divise et affaiblit la société américaine toute entière. Joe Biden et ses conseillers cherchent à faire porter la responsabilisé de leurs échecs économiques, sociaux, sur le plan international, comme en matière de droits de l’homme à la Chine.

Le dynamisme de celle-ci entraînerait, selon eux, des conséquences négatives pour la mise en œuvre de la politique intérieure et étrangère américaine. C’est ridicule ! En fait, Joe Biden cherche à disculper un système incapable de répondre aux enjeux de notre temps et aux propres besoins de ses citoyens. Les événements que nous vivons actuellement en Afghanistan sont de mon point de vue révélateurs, tout comme le sont sur un autre plan la crise épidémique.

> Le discrédit, la perte de crédibilité des USA en même temps que l’influence grandissante de la Chine bouleverse la donne, les références internationales, et d’une certaine manière le rapport des forces dans le monde, en même temps que se nouent de nouvelles alliances contre la recherche d’imposer toute forme d’hégémonie.

Comme le dit le Président Xi Jiping « Pour construire une communauté de destin, l’ancienne mentalité de jeu à somme nulle doit céder la place à une nouvelle approche de la coopération gagnant-gagnant. ».

Je crois que cette pensée anticipatrice et novatrice contribue à donner confiance. Car elle représente aujourd’hui une alternative crédible.
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