Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > Société, Culture, Environnement > La laïcite ouverte : vous avez dit : « bénévole » ?

La laïcite ouverte : vous avez dit : « bénévole » ?

dimanche 5 décembre 2021 par Jean Bonhomme

Si les encycliques papales ont profondément inspiré les pères fondateurs de l’Union Européenne, la mise en chantier de celle-ci s’est naturellement inspirée des idéaux aux prétentions universalistes de la démocratie chrétienne, hantée par le souvenir des causes du dernier conflit mondial encore proche.
Il s’agissait de « changer les mentalités ».
La laïcité ouverte offrait un terreau fertile à cette entreprise.

Dès les années 1970, le vicomte Philippe de Villiers fut une des personnalités qui inaugurèrent l’emploi devenu incontournable de bénévoles pour la réalisation de grandes manifestations festives ; la Cinéscénie du Puy du Fou mobilise ainsi chaque été quatre mille « Puyfolais » fiers d’œuvrer à l’évènement.

La formule était destinée à un avenir prometteur.

En effet, la société civile n’avait pas dans la République, jusqu’à cette époque, de statut juridique institutionnel permettant la pratique du bénévolat, si ce n’est à travers la seule loi de 1901 sur les Associations.

Et l’on sait l’usage qu’en faisaient déjà abondamment les officines cultuelles, religieuses et sectaires, qui parfois, derrière le prétexte culturel ou caritatif, savaient utiliser les dispositions fiscales qui leur étaient de plus en plus favorables, en véritables pompes à finance, dès qu’elles avaient pu obtenir le label d’"utilité publique".

Ce fut alors le Premier Ministre Jospin qui, dès le 21 février 1999, annonça tout un ensemble de mesures destinées à consolider la vie associative, tout en souhaitant "que les contrats d’objectifs pluriannuels soient généralisés", car "les associations sont un des piliers de la République".

Il s’agira donc d’encourager le bénévolat des intéressés, "sans que cela [...] pose de problèmes par rapport [aux] employeurs ", d’engager "un volontariat civil de droit public", enfin et surtout de saluer "la volonté du mouvement associatif de se doter d’une instance représentative". [1]

Faisant preuve d’une belle continuité dans l’application de cette politique, la Ministre déléguée à la famille Ségolène Royal a, selon l’Agence France Presse du 27 mars 2001 « présenté cinq priorités en matière de lutte contre la pauvreté ».

Parmi les mesures annoncées, « la Ministre prévoit de passer des conventions avec les associations actives sur le terrain de l’exclusion (ATD Quart Monde, Emmaüs…) et de renforcer leurs moyens en 2002, au titre d’auxiliaires de service public. »

On sait aujourd’hui la fortune que la formule allait connaître.

Le très médiatisé Pierre Rahbi (Photo) [2], fondateur de la très financée Terre et Humanisme, organise sur la ferme expérimentale de son mouvement, l’emploi, chaque année, de deux cents stagiaires bénévoles invités à payer une inscription et une participation aux frais pour six heures de travail par jour… [3]

« Plus de seize millions de bénévoles œuvrent aujourd’hui dans le paysage associatif français. […] Le bénévolat se distingue d’autres situations juridiques telles le salariat, le volontariat. » [4]

Les activités du bénévole échappent donc aux impératifs du Code du Travail et aux garanties assurées par le statut de la Fonction publique élaboré par le Conseil National de la Résistance. Il est difficile d’évaluer le nombre de fonctionnaires « économisé » ainsi par la masse des bénévoles utilisée par nos gouvernements.

On retrouve les « valeurs transcendantes » tant vantées par Paul Ricoeur, grand thuriféraire, avec son ami Marcel Gauchet [5] d’une société civile ayant pour vocation d’orienter les esprits vers une laïcité « ouverte ».
Elles substituent un bénévolat quasi institutionnalisé à la notion de service public, tout encouragement à la « B.A. » du boy-scout, à celui du vieil adage « Tout travail mérite salaire », en un mot, la notion de charité à celle de solidarité.

Ce « changement des mentalités » a tellement imprégné la vie des citoyens qu’on est parfois surpris de constater que celles et ceux qui sont engagés dans des organisations politiques ou associatives progressistes, ont remplacé à leur insu le mot « militant » par celui de « bénévole ».

Cette mutation sémantique, apparemment anodine, révèle une évolution des comportements dans une société en proie à une crise profonde.

Bien joué, Monsieur le vicomte.


[1Le Monde du 23 février 1999.

[2L’écrivain et philosophe Pierre Rabhi, figure de l’agroécologie en France, est mort à l’âge de 83 ans, a dévoilé sa famille à l’AFP le samedi 4 décembre 2021.Très vite, les hommages se sont multipliés mais avec deux sons de cloche...C’est le moins que l’on puisse dire ! (NDLR)

[3La Raison n°609 de mars 2016.

[5« Laïcité ouverte » VIII et IX

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?