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Pourquoi les États-Unis ont besoin de la guerre

mardi 20 mars 2018 par Jacques R. Pauwels pour Investig’action

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » [1]

Note de l’éditeur [2] : cet article incisif a été écrit le 30 avril 2003, au tout début de la guerre en Irak par l’historien et politologue Jacques Pauwels. L’article relève principalement de la présidence de George W. Bush, mais il pose à point nommé une question pertinente : pourquoi l’administration Trump veut la guerre à tout prix en Corée du Nord, en Iran, en Russie ou en Chine ?

Corée, Vietnam, Cambodge, Irak, Libye, Syrie, Yémen….Pour quelle raison les U.S sont-ils en guerre depuis plus d’un demi-siècle et pourquoi les Américains soutiennent-ils l’agenda militaire U.S ?

Les guerres sont une terrible cause de pertes en vies humaines et en ressources de toutes sortes, c’est pourquoi la plupart y sont opposés. Le président U.S, lui, semble préférer la guerre. Pourquoi ? Beaucoup de commentateurs ont cherché une explication dans des facteurs psychologiques. D’autres ont pensé que George W. Bush considérait de son devoir de terminer le travail de son père resté inachevé au temps de la guerre du Golfe. Certains encore ont cru que Bush Junior s’attendait à une guerre éclair triomphale qui lui aurait assuré un second mandat à la Maison-Blanche.

Je crois que nous devons chercher ailleurs une explication à l’attitude du président américain.

Le fait que Bush [3] aime la guerre a peu à voir avec son psychisme, mais beaucoup avec le système économique américain. Ce système – variante américaine du capitalisme – fonctionne d’abord et surtout pour rendre encore plus riches les richissimes membres des dynasties financières américaines comme celle des Bush. Sans guerres chaudes ou froides, ce système ne peut continuer à produire les résultats attendus sous forme de profits exponentiels que ces Américains considèrent comme un droit de naissance.

La grande force de ce capitalisme américain est aussi sa grande faiblesse : sa très haute productivité. Dans l’histoire du développement de ce système économique international que nous appelons le capitalisme, une série de facteurs ont occasionné des bonds de productivité énormes, ainsi de la mécanisation des modes de production en Angleterre dès le 18° siècle ; puis, dès le début du 20°siècle, de l’introduction par des industriels américains comme Henri Ford du « fordisme », c’est-à-dire l’automatisation du travail par les techniques des chaînes de montage, innovation qui fit exploser la productivité des grandes entreprises américaines.

Par exemple, dès le début des années 1920, sortaient chaque jour des chaînes de montage des usines de production automobile du Michigan une énorme quantité de véhicules. Mais qui allait acheter toutes ces autos ? La majorité des Américains n’avait pas alors les moyens de se les offrir. À l’époque, quantité d’autres produits industriels inondèrent le marché, créant une rupture entre une offre surabondante et une demande stagnante. Ainsi naquit une crise économique connue sous le nom de Grande Dépression. C’était essentiellement une crise de surproduction. Les entrepôts regorgeaient d’invendus, et les entreprises mettaient leurs employés au chômage, réduisant ainsi le pouvoir d’achat des Américains et aggravant encore la crise.

Il est incontestable que la Grande Dépression en Amérique n’a pris fin qu’à cause et pendant la Seconde Guerre mondiale. (Même les plus fervents admirateurs du président Roosevelt reconnaissent que sa politique du New Deal n’a apporté que peu de réponses aux problèmes évoqués.)

La demande économique s’éleva de façon spectaculaire lorsque la guerre qui avait commencé en Europe et dans laquelle les USA n’ont pris aucune part active avant 1942 permit à l’industrie américaine de produire du matériel de guerre en quantité illimitée. Entre 1940 et 1945, l’État américain allait dépenser pour plus de 185 milliards de dollars en matériel de ce type et la part de dépense en matériel militaire du produit national brut (GNP) allait passer entre 1939 et 1945 d’un insignifiant 1,5 % à environ 40 %. En outre, l’industrie américaine allait livrer des quantités phénoménales d’équipements aux Britanniques et même aux Soviétiques sous forme de contrats Prêts-Bails. (En Allemagne, entre temps, des filiales de Ford, GM et ITT produisaient toutes sortes d’avions, de tanks et autres jouets militaires pour les nazis, même après Pearl Harbor, mais cela est une autre histoire !)

Le problème fondamental de la Grande Dépression – le déséquilibre entre l’offre et la demande – a ainsi été résolu parce que l’État a amorcé la pompe de la demande économique au moyen de commandes militaires énormes.

En ce qui concerne les Américains ordinaires, cette orgie de dépenses militaires par Washington instaura non seulement le plein emploi, mais introduisit des salaires bien plus élevés qu’auparavant. Ce fut durant la Seconde Guerre mondiale que la misère générale associée à la Grande Dépression prit fin et qu’une majorité du peuple américain put accéder à un niveau jamais égalé de prospérité.

Néanmoins, les plus gros bénéficiaires du boom économique de guerre ont été les grandes entreprises qui réalisèrent des profits extraordinaires. Entre 1942 et 1945, écrit l’historien Stuart D. Brandes, le bénéfice net des 2000 plus grosses firmes américaines a été de 40 % plus élevé que pendant la période 1936-1939. Une telle croissance des profits a été possible parce que l’État a commandé pour des milliards d’équipements militaires, sans contrôle des prix et avec un niveau de taxation réduit ou nul.

Ces largesses ont profité au monde des affaires en général, mais en particulier à une élite restreinte de grandes entreprises connues sous le nom de « big business » ou « Corporate America ». Pendant la guerre, moins de 60 firmes ont reçu 75 % des commandes les plus lucratives de l’armée et de l’État. Ces grandes entreprises — Ford, IBM. etc.— se sont avérées les « goinfres de guerre », écrit Brandes, qui s’empiffrèrent des commandes de l’État. IBM par exemple, accrut ses ventes annuelles entre 1940 et 1945 de 46 à 140 millions de dollars grâce à des commandes en lien avec la guerre et ses bénéfices bondirent dans la même mesure.

Les grandes entreprises américaines ont exploité au maximum leur expertise du « fordisme » pour stimuler au mieux leur production, mais même cela ne suffisait pas à rencontrer la demande en temps de guerre de l’État américain. Il en fallait toujours plus et pour y arriver, l’Amérique avait besoin de plus d’usines et de meilleurs rendements. Ces nouvelles exigences furent rapidement rencontrées et les capacités de production du pays passèrent entre 1939 et 1945 de 40 à 66 milliards de dollars.

Néanmoins, suite à ses expériences désagréables de surproduction au cours des années 30, le secteur privé n’a pas osé consentir seul à tous ces investissements. L’État dut donc s’y substituer en investissant 17 milliards de dollars dans plus de 2000 projets de défense. En récompense, pour un montant symbolique, les sociétés privées furent autorisées à louer à l’État ces usines neuves afin d’y produire et vendre ensuite leur production à l’État. En outre, à la fin de la guerre, quand Washington décida de se retirer de ces affaires, les grandes entreprises les rachetèrent pour la moitié ou le tiers de leur valeur.

Comment l’Amérique a-t-elle financé la guerre, comment Washington a-t-il réglé les créances douteuses présentées par GM, ITT et tant d’autres fournisseurs de matériel de guerre ? Réponse : par le biais de taxes — environ 45 % —, mais bien plus encore par des prêts — environ 55 % —. À cause de cela, la dette publique a explosé, passant de 3 milliards de dollars en 1939 à 45 milliards de dollars en 1945. Cette dette aurait dû être allégée ou effacée en prélevant des impôts sur les énormes profits réalisés par les grosses entreprises pendant la guerre, mais la réalité fut toute autre.

Comme on vient de le dire, l’État américain négligea de taxer les profits colossaux des grandes entreprises et laissa gonfler la dette publique, lui imputant les factures et les intérêts des emprunts sur ses rentrées habituelles constituées par les impôts directs et indirects versés par la population. À cause d’une nouvelle loi régressive, intitulée « Revenue Act » et introduite en octobre 1942, ce furent principalement les travailleurs et les petits revenus qui y contribuèrent plutôt que les plus riches et les grosses entreprises et banques dont ils étaient propriétaires, actionnaires majoritaires et/ou dirigeants.

La charge du financement de la guerre, fait observer l’historien américain Sean Dennis Cashman, fut posée fermement et sans scrupule sur les épaules des éléments les plus pauvres de la société.

Lire la suite de l’articleIci .


Voir en ligne : https://www.investigaction.net/fr/p...


Jacques R. Pauwels est historien et politologue, auteur du « Mythe de la bonne guerre. L’Amérique pendant la Seconde Guerre mondiale » (Editions Aden, Bruxelles, 2005) . Son ouvrage est paru en plusieurs langues : anglais, néerlandais, allemand, espagnol, russe, italien et français.


[1d’après J Jaurès ? et cité par JP

[2Michel Colomb

[3ou Trump

   

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