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Interview – Le Pr Grover Furr explique la haine de l’Occident envers la Russie

dimanche 16 avril 2023 par Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

Grover Furr est un professeur américain de littérature anglaise médiévale à l’Université d’Etat de Montclair dans le New Jersey, aux Etats-Unis. Il a publié de nombreux livres et articles sur l’histoire soviétique, en particulier sur l’ère stalinienne. Parmi les nombreux ouvrages du professeur Furr, citons les publications en français : Khrouchtchev a menti, Paris, éditions Delga, 2014 ; Le Massacre de Katyn : une réfutation de la version « officielle » ? Nouvelles découvertes sur le site d’un massacre de masse allemand en Ukraine, Paris, éditions Delga, 2015 ; Les Amalgames de Trotsky, Paris, éditions Delga, 2016 ; Lejov contre Staline, Paris, éditions Delga, 2018 ; L’Enigme du massacre de Katyn, Paris, éditions Delga, 2019.

Mohsen Abdelmoumen : Vous avez écrit un ouvrage très intéressant qui remet certaines vérités en place, Stalin : Waiting for… the Truth ! Selon vous, pourquoi la propagande occidentale a-t-elle toujours qualifié Joseph Staline d’ogre, de dictateur et de criminel ?

Professeur Grover Furr : En bref, les capitalistes détestent naturellement le communisme qui vise à les déposséder. Pendant la période de Staline, l’Union soviétique a accompli des choses étonnantes qui ont bouleversé le monde : la collectivisation de l’agriculture, qui a mis fin à au moins 1 000 ans de famines régulières et dévastatrices tous les 3-4 ans ; l’industrialisation ; la construction d’une armée moderne ; l’élimination du chômage ; la fourniture gratuite ou bon marché de logements, de l’éducation, de soins médicaux, ainsi que de vacances, de pensions de retraite, d’assurance chômage, d’allocations familiales. Ce ne sont là que quelques-unes des réalisations étonnantes de l’URSS à l’époque de Staline.

L’Union soviétique a créé et inspiré l’Internationale communiste mondiale, qui a lutté contre le colonialisme et l’impérialisme de ces mêmes pays capitalistes ; elle a inspiré et aidé à organiser des mouvements syndicaux dans le monde entier, qui ont réduit les profits des exploiteurs ; et elle a inspiré des centaines de millions de travailleurs et d’autres personnes à lutter pour le socialisme et le communisme.

Il est donc naturel que les capitalistes détestent le mouvement communiste, qui a été dirigé par Staline pendant vingt-cinq ans. En réalité, le XXe siècle a été le « siècle soviétique ». Le mouvement communiste mondial a influencé pratiquement toutes les sphères de la vie dans le monde entier.

La haine de Staline par les anticommunistes est soutenue par le mouvement trotskiste, qui repose sur les mensonges de Trotsky. J’ai écrit quatre livres à ce sujet, documentant les mensonges de Trotsky à ses propres partisans et aux autres.

La haine de Staline a été considérablement renforcée par le « discours secret » de Nikita Khrouchtchev au XXe congrès du parti, le 25 février 1956. Non seulement les anticommunistes et les trotskistes, mais aussi les communistes ont cru aux accusations de Khrouchtchev contre Staline. Nous savons aujourd’hui que « Khrouchtchev a menti » – c’est le titre de mon premier livre – mais nous n’avons eu les preuves de son mensonge que plus de dix ans après la fin de l’Union soviétique, lorsque de nombreux documents provenant des anciennes archives soviétiques ont été publiées.

Le régime de Mikhaïl Gorbatchev a donné un nouvel élan à l’anticommunisme. Gorbatchev a parrainé des mensonges antistaliniens et anticommunistes à très grande échelle, plus encore que Khrouchtchev. Il semble que Gorbatchev ait eu l’intention de supprimer le communisme en tant que mouvement plusieurs années avant de devenir le premier secrétaire du PCUS, puis le président de l’URSS.
C’est certainement le cas d’Alexandre Yakovlev, qui était le bras droit de Gorbatchev et qui a mené la croisade anticommuniste. Yakovlev s’est vanté d’avoir conspiré avec quelques autres pour se débarrasser du communisme, après avoir lu le « discours secret » de Khrouchtchev.

Aujourd’hui, l’avalanche de contre-vérités anticommunistes et antistaliniennes se poursuit avec la même intensité. Il est impossible d’obtenir un emploi dans l’enseignement de l’histoire russe ou soviétique si l’on n’est pas anticommuniste et antistalinien. Cette situation a un impact considérable sur les étudiants, les médias et la culture en général.

La propagande occidentale, notamment américaine, nous parle sans cesse du pacte germano-soviétique tout en occultant les grandes réalisations de l’Union soviétique et de Staline. N’est-ce pas grâce à Staline et à l’Union soviétique que l’Europe a été libérée ?

Oui, et il s’agit d’un domaine dans lequel des recherches honnêtes ont été publiées par des universitaires de premier plan. Un certain nombre d’universitaires, par ailleurs très antistaliniens, défendent, preuves à l’appui, le pacte de non-agression germano-soviétique, souvent appelé pacte Molotov-Ribbentrop et désigné par les anticommunistes comme le « pacte Hitler-Staline ».

L’Occident et, en particulier, les États-Unis qui nous donnent sans cesse des leçons de démocratie n’ont-ils pas armé et financé Adolf Hitler ?

Oui, bien que je n’aie pas fait de recherches dans ce domaine. Mais il existe un certain nombre d’études scientifiques qui l’ont démontré.

Antonio Gramsci a dit : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. ». Les événements actuels en Ukraine ne s’inscrivent-ils pas dans une continuité historique avec la montée des néonazis ?

Après la Seconde Guerre mondiale, les nationalistes ukrainiens qui avaient collaboré avec les nazis et perpétré l’Holocauste contre les juifs, assassiné d’innombrables citoyens européens et soviétiques et commis un génocide contre les Polonais à l’intérieur de l’Ukraine et de la Pologne occupées, ont trouvé refuge à l’Ouest, en particulier en Allemagne de l’Ouest, au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis. Ils ont inventé la fausse histoire de l’« Holodomor » ou famine délibérée en Ukraine, afin de dissimuler leurs activités pro-nazies.

Après la fin de l’URSS, ces forces sont retournées dans l’Ukraine indépendante, où elles sont devenues très influentes dans l’éducation, la culture et le gouvernement. Elles ont créé une sorte de culte autour des fascistes qui ont dirigé le mouvement nationaliste ukrainien avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces personnes et ces groupes constituent le fondement de l’extrême-droite en Ukraine aujourd’hui.

Le gouvernement américain les soutient depuis des décennies. Aujourd’hui, les Etats-Unis récoltent les fruits de ce soutien, en provoquant la guerre actuelle contre la Russie. C’est plus ou moins la thèse du professeur américain et expert en relations internationales John Mearsheimer.
J’ai été convaincu par les preuves qu’il a citées.

La crise de 1929 nous a ramené un mouvement fasciste et nazi qui a débouché sur la Seconde Guerre mondiale. Ne pensez-vous qu’il y a une similitude entre cette période-là et la nôtre avec les crises multiples du capitalisme comme la crise des subprimes de 2008, etc. ? Est-ce un raccourci de dire que ces deux époques se ressemblent ?

La grande différence est qu’il n’y a pas d’Union soviétique, pas de Comintern, pas de mouvement communiste mondial pour organiser une lutte sérieuse contre les exactions du capitalisme. L’effondrement de l’URSS a réduit l’ancien grand mouvement communiste mondial à l’ombre de ce qu’il était autrefois. Il semble qu’il faudra attendre longtemps avant qu’un autre mouvement communiste mondial ne voie le jour.

Dans vos excellents livres Trotsky and the Military Conspiracy et Leon Trotsky’s collaboration with Germany and Japan ou encore Trotsky’s amalgams, vous démontrez que Léon Trotsky était impliqué dans la conspiration militaire et qu’il a collaboré avec l’Allemagne nazie et le Japon. A votre avis, pourquoi vos livres dérangent-ils la bien-pensance ?

J’aimerais que mes recherches aient plus d’impact qu’elles n’en ont ! « L’establishment » – quel que soit le sens que l’on donne à ce terme – ignore le plus souvent mes travaux. Il en va de même pour le monde universitaire, car le monde universitaire des études russes et soviétiques a toujours soutenu l’anticommunisme capitaliste.

Je suis encouragé par le fait que de nombreux jeunes, ainsi que des générations plus anciennes, continuent de découvrir et d’apprécier mes recherches. On m’a dit qu’elles leur étaient utiles. J’espère que c’est le cas ! Nous devons connaître la vérité sur les réalisations et les erreurs de l’ancien mouvement communiste, en particulier celui de l’Union soviétique, si nous voulons construire un monde meilleur.

En ce moment, la propagande ukrainienne relayée par les médias mainstream occidentaux accuse l’URSS d’avoir provoqué une famine en Ukraine en 1932-33, connue sous le nom de l’Holodomor. Ne sommes-nous pas devant un mensonge historique ? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Je ne veux pas résumer tout ce que j’ai écrit à ce sujet. Voir les deux premiers chapitres de mon livre Blood Lies, et le premier chapitre de mon livre Stalin Waiting for… the Truth. J’y résume les recherches du professeur Mark Tauger de l’université de Virginie occidentale. Il est l’expert mondial de l’agriculture et des famines russes et soviétiques. Je ne saurais trop recommander ses travaux ! Naturellement, ses travaux sont dépréciés et ignorés par la plupart des « autorités » du courant dominant, notamment par Snyder (Bloodlands) et Stephen Kotkin (Stalin. Waiting for Hitler, 1928-1941).

La vérité, telle qu’elle ressort des meilleures recherches, est que la famine de 1932-1933 a été causée par des catastrophes naturelles : inondations, sécheresse, infestations de souris, maladies des cultures. Lorsque le gouvernement de Staline a appris que c’était le cas, il a commencé à apporter une aide à grande échelle aux régions touchées, y compris la République socialiste soviétique d’Ukraine. Grâce à l’aide importante du gouvernement soviétique, la paysannerie, bien qu’affaiblie par les maladies et les nombreux décès, a pu obtenir une bonne récolte et mettre fin à la famine.

Vous avez écrit The Mystery of the Katyn Massacre, the Evidence, the Solution. Les médias dominants imputent ce massacre aux Soviétiques, ce qui constitue un autre mensonge historique. Ne sommes-nous pas face à un anticommunisme primaire ?

Oui, c’est un mensonge, et un mensonge intéressant. Le gouvernement polonais anticommuniste en exil s’est rangé du côté des nazis en soutenant la version nazie selon laquelle ce sont les Soviétiques qui ont fusillé plusieurs milliers de prisonniers polonais en 1940.
Les Soviétiques ont bien entendu nié ces faits.

Il semble qu’à un moment donné après sa nomination au poste de premier secrétaire – dans les années 1950 –, Nikita Khrouchtchev ait commencé à parrainer un plan visant à rendre Staline et ses proches responsables de Katyn. Ce plan a été annulé, mais des documents falsifiés ont été produits. C’est le début de ce que l’on appellera plus tard le « Closed Packet no. 1 » (ou « Secret Packet No. 1 »). Mais un certain nombre de hauts responsables du Parti avaient vu ces faux documents, les croyaient authentiques et étaient convaincus que l’Union soviétique avait bel et bien assassiné tous ces prisonniers polonais.

Ainsi, lorsque Gorbatchev et ses hommes ont commencé à discuter de l’aveu de la culpabilité soviétique à Katyn – c’était à la fin des années 1980 –, ils pensaient que les Soviétiques étaient coupables à Katyn.

Il existe de nombreuses preuves contradictoires – ou ce qui semble être des preuves – au sujet de Katyn. Je savais donc que je devrais étudier la question de Katyn à un moment donné. En 2018, j’ai publié le livre dont vous citez le titre. Je pense avoir établi, en étudiant toutes les preuves qui ne peuvent pas avoir été truquées, que les Soviétiques n’ont pas tué les Polonais.

Cependant, il s’agit depuis longtemps d’une question de « foi » et non de preuve. Il est « tabou », interdit dans le domaine de l’histoire soviétique, de douter, et encore moins de nier, la culpabilité soviétique à Katyn. Il est illégal – littéralement contraire à la loi – de mettre en doute la culpabilité soviétique dans certains pays, par exemple en République tchèque, où un communiste tchèque a récemment été condamné à une peine de prison pour avoir publiquement mis en doute la culpabilité soviétique à Katyn, apparemment sur la base de la publication d’un de mes articles.

C’est également illégal en Pologne et en Ukraine, voire dans d’autres pays. Dans les universités occidentales, il est de facto considéré comme « au-delà des limites », « tabou », de le remettre en question. Les preuves n’ont rien à voir avec cela – il s’agit d’une foi – une foi anti-Staline, anticommuniste. Le mensonge de la culpabilité soviétique à Katyn est également fortement soutenu par le mouvement trotskiste. Les trotskistes répètent toutes les falsifications des « autorités » ouvertement pro-capitalistes, puisque le culte de Trotsky repose sur les propres mensonges de Trotsky à propos de Staline.

Depuis 2012, chaque année, la Russie soumet un texte à l’ONU dénonçant la « glorification du nazisme » et recommandant la vigilance devant les formes modernes de la xénophobie et de la réhabilitation du IIIe Reich. Le 4 novembre 2022, un vote a eu lieu à l’ONU et 52 pays ont voté contre la résolution russe, dont la France et les autres pays européens ainsi que les Etats-Unis, l’Ukraine et le Canada. Comment expliquez-vous que l’ensemble des pays européens qui ont connu la Seconde Guerre mondiale aient refusé de condamner le nazisme ?

Je ne fais pas de recherches sur cette période. A mon avis, c’est parce que des actes de type nazi sont souvent commis par des pays capitalistes comme l’Ukraine, mais aussi par les Etats-Unis, qui soutiennent les fascistes à l’étranger, par exemple en Corée du Sud, au Viêt Nam (pendant la guerre du Viêt Nam), au Brésil et en Argentine. Israël aussi est souvent coupable d’actes de type nazi à l’encontre des Palestiniens, comme l’admettent même d’éminents Israéliens.


Voir en ligne : https://www.algeriepatriotique.com/...

   

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