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Pourquoi et comment le « Classement mondial de la liberté de la presse » de Reporters sans frontières est une farce

vendredi 27 avril 2018 par Maxime Vivas

L’édition 2018 vient de sortir, écrite par un jury masqué, plus proche de Trump et de Gattaz que de la vérité.

Régulièrement, les médias, les partis politiques, les associations de défense des droits de l’homme se réfèrent au « Classement mondial de la liberté de la presse » établi par Reporters sans frontières.
Cette année, le rapport de cette organisation est affecté d’un sous titre : « La haine du journalisme menace les démocraties ». Vous suivez mon regard vers un leader politique français ?

RSF a la prudence de ne pas le nommer pour garder à son rapport bidon un vernis d’impartialité. Mais, le 4 mars 2018, son nouveau patron (Christophe Deloire) avait vivement confié à Jean-Jacques Bourdin ce qu’il pensait de Jean-Luc Mélenchon et de sa « haine des journalistes »

Le rapport 2018 de RSF est agrémenté d’un chapô qui appuie sur cette question : « L’édition 2018 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) témoigne de l’accroissement des sentiments haineux à l’encontre des journalistes. L’hostilité revendiquée envers les médias, encouragée par des responsables politiques et la volonté des régimes autoritaires d’exporter leur vision du journalisme menacent les démocraties ».

Il faut le (re)dire aux organisations qui soutiennent les pays en lutte contre l’impérialisme, à celles qui militent contre les oligarchies, contre le MEDEF, contre les milliardaires qui phagocytent l’information : RSF n’est pas une ONG, mais leur ennemie. Se référer à elle est aussi pertinent que de se référer à un expert (« neutre et spécialiste ») de BFM-TV pour s’informer sur les cheminots.

J’ai publié en 2007 (il y a plus de 10 ans !) une enquête : « La face cachée de Reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone » (Aden Editions). Je sais qu’au moins un homme politique avisé l’a lu puisque, en 2008, lors d’une émission à la radio, Jean-Luc Mélenchon en conseilla la lecture à Jean-Pierre Elkabbach.

A ceux qui n’ont pas suivi son conseil, je propose ici des extraits. On y voit comment ce classement est un enfumage politiquement orienté et indigne d’une vraie ONG.

Chapitre 36. « La liberté de la presse selon le jury masqué »

« Le classement mondial de la liberté de la presse » établi par RSF mérite qu’on s’y arrête. Les philologues en feront un jour l’analyse et démontreront que le titre ronflant dissimule une exécrable pitrerie. Regardons les deux derniers classements (parus en 2006 et 2007).

Pour établir ce classement […] qui insulte la logique, la raison et le lecteur « Reporters sans frontières a demandé à ses organisations partenaires (14 associations de défense de la liberté d’expression dispersées sur les cinq continents), à son réseau de 130 correspondants, à des journalistes, des chercheurs, des juristes ou des militants des droits de l’homme de répondre à 50 questions permettant d’évaluer la situation de la liberté de la presse dans un pays. » [1].

Des noms ! Des noms ! Si les personnes et les organisations qui ont participé à cette pantalonnade en sont fières, on attend qu’elles le disent, qu’elles sortent de l’ombre où RSF les confine. Qui es-tu, Jury Mondial de la liberté de la presse, donc de la liberté de dire ? Informe-nous de ton identité. Se taire serait mettre en pratique la censure (et l’autocensure) en vous livrant ici à ce que vous combattez ailleurs.

Quelques-uns des « journalistes, chercheurs, militants des droits de l’homme » impliqués se dresseront-ils dignement, arrachant le bâillon pour dire : « J’en suis et voici dans quel journal j’écris, sur quel domaine je cherche, quelle organisation des droits de l’homme m’accueille » ?

Oui, qui sont-ils ? Quelles sont les questions auxquelles ils ont dû répondre ? J’ai directement interrogé RSF et j’ai obtenu la liste des 50 questions ainsi que celle des organisations (aucune française) qui participent à ce classement (après quoi, en 2007 et pour la première fois, RSF publie ces questions sur son site). J’ai par contre essuyé un refus quant aux noms des jurés qui resteront donc inconnus « pour des raisons de sécurité ». Tous menacés, donc ? Aucun Français ?

Par ailleurs, ce classement (mais c’est une constante dans le discours de RSF) décontextualise les problèmes. Or, quel que soit l’amour d’un chef d’État pour la liberté de la presse, celle-ci ne peut être la même dans un pays en paix et doté de l’arme nucléaire (comme les USA, la France, etc.) et un pays faible, en guerre, en guerre civile ou menacé par un trop puissant ennemi. On peut déplorer cette réalité, mais ne pas en tenir compte c’est faire le choix de truquer les classements, de favoriser les plus forts. Robert Ménard a expliqué une des raisons pour lesquelles Rony Brauman s’est éloigné de RSF : « [Il] aurait aimé que nous ne nous contentions pas de collecter les faits, mais que nous procédions à une mise en perspective, à une analyse pays par pays. » Idée saugrenue que Ménard évacue : « Je suis un adversaire des « nuances ». Surtout quand elles contrarient un credo politique et pourraient tarir des fontaines généreuses.

Quant aux questions, (sélectionnées pour faire pencher la balance en défaveur des pays victimes de l’insécurité politique, d’agressions, ou rétifs à un ultralibéralisme qui travaille à les dépouiller), aucune ne porte sur le poids de la presse entre les mains des puissances industrielles et financières dans les pays riches, sur l’autocensure et la disparition de quotidiens qui en découlent. Aucune ne prend comme critère le contenu des journaux, la nécessité pour la presse de ne pas mentir ou manipuler.

Exemples :

  • - le monopole public de l’information est un critère négatif, mais le monopole privé non. Ainsi, la presse privée qui a prétendu pendant des mois que l’Irak possédait des Armes de Destruction Massive va-t-elle ici gagner un point au détriment de celle qui a soutenu le contraire, si elle appartient à un État.
  • - le thème des journalistes tués avec implication de l’État (dont les armées dépendent) n’apparaît que dans un item sur cinquante alors que celui du monopole de l’État en compte 4.
  • - si la présence de milices armées vaut condamnation, aucun item ne fait référence à la présence d’une armée d’occupation qui contrôle la presse.
  • - la limitation de la mainmise des capitaux étrangers sur la presse d’un pays y est également condamnable (il s’agit là de dénier aux pauvres le droit de ne pas se laisser acheter !).

Et tout à l’avenant.

Il est facile d’imaginer d’autres questionnaires pareillement orientés en fonction du résultat escompté. Supposons, par exemple, que nous voulions faire conclure par un jury que RSF est une ONG détestable qui trompe les citoyens. Le questionnaire ci-dessous fera l’affaire. Surtout s’il est soumis à des personnes anonymes choisies par moi et à des organismes et ONG dont je sais qu’ils fonctionnent autrement que RSF, voire que leur inclination idéologique est à l’opposée de celle de la boutique de Robert Ménard.

Bien choisir les items et les jurés, organiser l’opacité, telle est la règle du classement truqué.

Lire la suite de l’article ici.


Voir en ligne : https://www.legrandsoir.info/pourqu...


[1Pour son classement 2018, RSF donne la méthode suivante, sibylline et opaque : « Les indices globaux et régionaux sont calculés à partir des scores obtenus par les différents pays. Ces scores sont eux-mêmes établis à partir d’un questionnaire proposé en vingt langues à des experts du monde entier, doublé d’une analyse qualitative ». Nous n’en saurons pas plus !

   

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