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PCF, fin d’une histoire ou fin d’une dérive ?

mercredi 12 décembre 2018 par Francis Arzalier

Depuis un siècle, le Parti Communiste Français, né en 1920 de la rupture radicale avec la Social-démocratie, coupable de collusion avec l’impérialisme guerrier et le colonialisme, avait pour mission en France d’animer de son mieux les luttes de classe, contre le Capitalisme et l’impérialisme, et d’être dans ce but l’avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière et de ses alliés pour l’égalité entre les hommes et entre les peuples.

Il a rempli ce rôle historique avec bonheur à de nombreuses reprises, en 1936 en étant le fer de lance des luttes sociales victorieuses durant le Front Populaire, en organisant la Résistance armée contre les occupants Nazis et leurs alliés Pétainistes de 1940 a 44, en étant l’acteur essentiel des conquêtes sociales et politiques de la France libérée en reconstruction, en pesant de tout son poids contre les guerres coloniales et contre l’alignement de la France sur l’impérialisme occidental antisoviètique aux temps qu’on dit de "guerre froide".


Durant tout ce XXème siècle, les faux pas ne manquèrent pas : ils sont inhérents à tout organisme vivant. Ce fut ainsi le cas en été 1940 quand quelques dirigeants d’un PCF interdit et pourchassé dans un pays bouleversé par la défaite crûrent bon de demander la reparution légale de l’Humanité aux occupants allemands sur injonction de la diplomatie soviétique. Erreur majeure, réparée quelques mois plus tard, mais symptomatique d’une confusion entre les aspirations révolutionnaires et les intérêts particuliers d’un état, fut il socialiste.

La plupart du temps, les erreurs étaient le fruit des tentations électoralistes, carriéristes, opportunistes, toujours présentes quand un parti révolutionnaire agit au sein d’une " démocratie parlementaire ", au sein de laquelle le suffrage universel et les alliances qu’il implique lui apportent des lambeaux de pouvoir politique, notamment sur le plan local.

Ainsi, le PCF atténua fort dès 1937 ses mots d’ordre anticolonialistes pour ne pas déplaire à ses alliés socialistes et radicaux du Front Populaire (alors même qu’il dénonçait avec pertinence la " non intervention" du gouvernement Blum en Espagne livrée aux insurgés Franquistes avec l’aide d’Hitler et de Mussolini ).

Plus grave encore, les députés PCF en 1956 votèrent les " pouvoirs spéciaux " accordés à l’armée coloniale en Algérie, dans l’espoir fallacieux d’entraîner le gouvernement du Socialiste Guy Mollet à négocier avec les insurgés anticolonialistes. Ce qui n’aboutit qu’à y multiplier exactions et tortures.

Mais ces erreurs ponctuelles (et il y en eut bien d’autres) ne changeaient pas la nature profonde du PCF, suffisamment ancré dans les luttes de classe, suffisamment adossé à la classe ouvrière, pour corriger à chaque fois les dérives, après un temps d’hésitation.
Ainsi le vote malheureux des " pouvoirs spéciaux " n’empêcha pas le PCF d’être l’animateur essentiel des luttes populaires pour la paix en Algérie et contre l’OAS de 1957 à 1962. En 1969 encore,la candidature pour le PCF de Jacques Duclos aux Présidentielles prouva qu’on pouvait mener un combat électoral sans tomber dans les dérives opportunistes : Elle obtint 21,6 pour cent des voix, score inégalé depuis.

Le temps des dérives unitaires

C’est à partir de la décennie 70 que les tendances à l’opportunisme droitier, l’électoralisme et le carriérisme conquirent progressivement le PCF, ses directions nationales, départementales et locales, ses élus nationaux, départementaux, communaux, et ceux qui en dépendaient de façon directe ou indirecte, permanents du parti et syndicaux, voire salariés de collectivités locales, souvent promus pour leur capacité à obéir plus que pour leurs qualités d’analyse militante.

La raison essentielle de cette gangrène fut le choix de la stratégie dite " d’Union de la Gauche", la recherche constante d’alliances électorales permettant de conquérir des parcelles de pouvoir politique local et national, qui se concrétisa en 1977 dans un Programme Commun de Gouvernement avec Parti Socialiste et Parti Radical de Gauche. Démarche d’alliance qui ne pouvait déboucher que sur une allégeance au partenaire social-démocrate, seul capable d’assurer l’élection et la réélection de candidats PCF aux scrutins successifs.

L’accès aux pouvoirs devenait peu à peu le but premier du Parti, justifiant l’abandon progressif de pans entiers de son programme révolutionnaire, et son alignement sur les choix d’un PS dominateur décidé à utiliser ce partenariat pour laminer les Communistes à son profit. Les exemples de ces dérives opportunistes des dirigeants du PCF sont légion, trop nombreux pour être énumérés.

Il suffira de citer le soutien du PCF a Mitterrand comme candidat unique de la Gauche à l’élection présidentielle de1965, funeste erreur renouvelée en 1974, en cachant aux jeunes militants communistes qui l’ignoraient et allaient remplir ses meetings, le passé sulfureux de ce politicien, ordonnateur en 1957 des répressions, tortures et exécutions de militants anticolonialistes algériens quand il était ministre.

C’est dans le même état d’esprit d’allégeance opportuniste que le Secrétaire général du PCF annonça en 1976 à la presse l’abandon de la notion de "dictature du prolétariat" adoptée en 1920 en référence à la Révolution russe, sans débat entre militants, avec pour seule motivation de "ne pas effrayer les électeurs de Gauche" !


Mais l’exemple le plus flagrant de cette débandade idéologique vint en 1981 après l’élection de Mitterrand, quand la plupart des dirigeants du PCF se répandaient en discours enflammés et ridicules sur "la marche au Socialisme entamée par la France " parce que le Président avait eu la bonté de choisir quelques ministres PCF, et quand les mêmes dirigeants expédiaient en secret aux élus et militants locaux (dans le Val d’Oise par exemple) ce genre de directives : " Camarades, il faut calmer le jeu sur le terrain, nous sommes au Gouvernement ! ".

Une attitude indigne qui ne pouvait manquer de discréditer les Communistes dans leur électorat ouvrier et populaire, dès les premières " mesures d’austérité " et privatisations décidées par les Gouvernements de Gauche successifs. Sur le plan international, le même souci opportuniste se traduisit peu à peu par le ralliement feutré a l’arme nucléaire française jusque là dénoncée, et à l’Union Européenne supranationale, que le Parti disait à juste titre depuis ses prémices 30 ans auparavant être l’émanation perverse du Capitalisme pour détruire les conquêtes sociales.

Cette évolution idéologique du PCF vers le réformisme d’inspiration libérale se doubla d’une inflexion sociologique progressive des cadres dirigeants du Parti, très perceptible en Ile de France, une des zones d’influence majeures jusque là.

Des les années 1975-80, la génération de dirigeants issus de la classe ouvrière, formés par les combats de la Résistance et les luttes sociales très rudes de l’après guerre, fut remplacée peu à peu par une nouvelle génération de dirigeants, professionnels de l’action politique, promus depuis la direction nationale vers les fédérations départementales, sortes de clones PCF de ce que l’on nommait en URSS les "apparatchiks".

Souvent, après leurs études au lycée ou à l’Université, ces militants, sans expérience professionnelle durable, avaient assuré le secrétariat d’un dirigeant national, ce qui leur valait un parachutage dans une direction départementale. Ce fut le cas notamment dans le Val d’Oise, ou Pierre Blotin, qui n’avait guère pratiqué son métier d’instituteur, devint secrétaire fédéral parce qu’il avait fait ses preuves au secrétariat d’un des dirigeants du Bureau politique.

Sous sa houlette, Robert Hue, qui n’avait guère eu le temps de pratiquer son emploi d’infirmier, entama une carrière d’élu et de dirigeant qui devait se terminer 20 ans plus tard au secrétariat national du PCF.


Et le successeur de Blotin à la tète de la fédération du Val d’Oise fut Bernard Calabuig, qui était "monté" de son Aude natale a l’issue de son lycée professionnel, pour diriger en permanent les Jeunesses Communistes du Val d’Oise. Il poursuivra sa carrière d’apparatchik départemental et national, non sans provoquer quelques sourires chez des militants malicieux quand il était porté "maçon" sur les listes de ce qu’on appelait alors le Comité Central...

Dans la Seine Saint Denis voisine, bastion prolétarien municipal et départemental PCF, c’est dans les mêmes années 80 que la Fédération du Parti fut incapable de se trouver un dirigeant issu de la classe ouvrière locale, et fit appel à Jean Louis Mons, militant qui après des études de médecine à Montpellier et ailleurs qui ne débouchèrent pas sur une profession, vint assumer en " Neuf-Trois" la direction fédérale et celle du Conseil Général.

Il serait mal venu de parer de toutes les vertus révolutionnaires les dirigeants d’extraction ouvrière. De nombreux parmi eux ont perdu tout repère marxiste à l’usage. Mais il est évident que ces nouveaux dirigeants, quelles que soient leurs qualités, seront des bureaucrates et des technocrates de pouvoir plus que des analystes politiques, et connaitront très mal la réalité quotidienne et professionnelle des travailleurs prétendument représentés par eux : le PCF le paiera très cher.

Causes externes du déclin

La dégringolade idéologique suicidaire du PCF s’accéléra durant les décennies suivantes, sous l’effet de deux autres événements.

Le plus visible vint clore en 1990 un court XXème siècle né avec la Révolution Bolchevik de 1917. Une histoire lumineuse et sanglante à la fois, dont l’acteur essentiel fut l’incarnation sous le nom d’État Soviétique (URSS) de ce rêve millénaire d’égalité et de justice que Marx, après bien d’autres, appela Communisme.

En fait, l’Union Soviétique, au delà de porter les espoirs de millions de " Spoliés de la Terre " ( selon la formule admirable du martyr antifasciste corse Jean Nicoli en 1943 ), fut durant soixante et treize ans une puissance menaçante pour le Capital. Le "Socialisme réel", qui ne manquait certes pas de défauts et de contradictions, traîna même un cortège d’erreurs et de crimes, qu’il serait aussi vain de nier que d’absoudre. Mais, ce faisant, de par son existence même et sa présence, au sein d’un monde jusque là régi par les seules lois du profit capitaliste, il créait un rapport de forces favorable épisodiquement aux luttes de libérations des prolétaires et des peuples.

Ce fut notamment le cas après la défaite militaire du Nazisme, dont l’URSS avait été un acteur essentiel. Sans le poids de l’Union Soviétique et de ses alliés, les conquêtes sociales et politiques d’après-guerre n’auraient pas vu le jour en France, et le vent des Indépendances n’aurait pas couru les continents de l’Asie à l’Afrique. A l’inverse, quand à l’issue d’une lente déliquescence, le " socialisme réel " s’effondra en acceptant la victoire du Capitalisme rétabli de Moscou à Berlin ou Sofia, un grand vide se fit, qui permit aux idéologues de Wall Street de claironner " la fin de l’histoire ", l’universalité définitive des " lois du Marché " sur les aspirations des hommes et des Nations.

Ce grand vide réactionnaire à la fin du siècle dernier déstabilisa bien des têtes qu’on croyait jusque là bien faites. J’ai vu vers 1990 des militants au passé anticolonialiste prestigieux abandonner subitement tous leurs repères, politiques et parfois moraux. Leur modèle était mort, il ne leur restait plus que des objectifs de carrière.

Parallèlement, à partir de la décennie 80 du XXème siècle, le Capitalisme se donna une nouvelle jeunesse et vécut une mutation profonde, souvent perçue comme une Mondialisation.

À un capitalisme français essentiellement national, qui tirait ses profits de la classe ouvrière de l’hexagone et des peuples colonisés ou ex-colonisés, succéda un système d’exploitation organisé en sociétés privées financières, mêlant des capitaux venus de pays multiples, et dont les centres décisionnels sont situés dans les capitales boursières, New York, Londres, Paris ou New Delhi, etc...

Leur objectif est d’investir leurs capitaux là où les profits escomptés sont les plus forts, ce qui amène logiquement à de continuelles délocalisation industrielles, à la recherche des salaires les plus bas. C’est dans la même optique " libérale " de liberté maximale de déplacement des capitaux, des marchandises et des mains d’œuvre, que se sont multipliés les organismes supranationaux comme l’Union Européenne, l’OMC, etc, qui nient les frontières protégeant chaque Nation et ses conquêtes sociales.

En ce qui concerne la France, cela s’est traduit par la destruction systématique en 30 ans de la plupart des grandes industries, minières, textiles, métallurgiques, et des concentrations ouvrières qui étaient le terreau nourricier du militantisme PCF. Ainsi, 24 ans après les grèves de 1968 à Renault Billancourt, qui furent son chant du cygne, la " forteresse ouvrière " de l’Ile Seguin disparut en 1992.

La marche à l’abîme

Les échéances électorales ont au moins le mérite de démontrer à ceux qui veulent l’entendre, la rupture progressive de l’ancrage du PCF dans le peuple de France. Alors que Jacques Duclos avait obtenu 21 pour cent des suffrages en 1969, et Georges Marchais 15 pour cent en 1981, les candidats PCF aux Présidentielles dégringolèrent à 6,76 en 1988 ( Lajoinie ),
8,60 en 1995 et 3,37 en 2002 ( Robert Hue ), et 1,93 en 2007 ( MG Buffet ). Entre temps, le Parti s’était donné en congrès national en 1995 l’élu du Val d’Oise Robert Hue pour secrétaire national.


Sa nomination présentée comme l’arrivée du notable jovial pour succéder à l’agressif Marchais, avait en fait une autre signification. Avec lui, son mentor Pierre Blotin et leur équipe, arrivaient à la direction du Parti les représentants exclusifs de ces " hommes de l’appareil ", organisateurs plus que militants de terrain, carriéristes plus qu’idéologues, électoralistes disposés à toutes les inflexions jugées nécessaires au partage des pouvoirs politiques. Son élection se traduisit par une transformation du PCF connue sous le nom de " mutation" : destruction du tissu militant de proximité ( cellules d’entreprise et de quartier ) au profit de structures plus lâches, disparition des " écoles du Parti " (organismes de formation théorique et culturelle des militants), ralliement aux choix " libéraux " de la Gauche gouvernementale ( privatisations, " austérité " budgétaire, etc ).

Cette " mutation" , bien que spectaculaire, n’était pas une nouveauté apparue en 1995, mais la confirmation aggravée des dérives opportunistes, électoralistes et carriéristes bien antérieures du PCF. Elle se sont approfondies durant les périodes suivantes, sous la houlette des secrétaires du Parti MG Buffet, puis Pierre Laurent, jusqu’au suicide programmé au sein d’un " Front de Gauche " et l’effondrement de 2017 d’un parti devenu illisible, phagocyté par la France Insoumise, un mouvement capable de mobiliser plus que lui malgré son caractère disparate.

La fin de l’Histoire ?

Le printemps 2018 a été quasiment comateux pour le PCF. Certes, certains de ses adhérents ont été présents et actifs dans les luttes sociales. Mais le Parti en tant que tel, quasiment absent des médias dévoués au régime Macron, n’apparaît guère dans les rues en tracts ou affiches, même si aux Assemblées ses élus s’égosillent. Les militants mortifiés en conçoivent une hargne jalouse, contre les Insoumis du tribun Mélenchon, capable, lui, de mobiliser quelques cortèges, et de se répandre en coups de gueules ravageurs à la télé, quand leur Secrétaire général Pierre Laurent, rarement toléré sur le petit écran, ne sait qu’y afficher un instant un propos somnolent. On n’éprouve plus le besoin dans les radios de citer le PCF parmi les acteurs politiques, les sondages lui prédisent en novembre 2018, 1 à 3 pour cent des suffrages en cas de scrutin national...

Le parti ne proclame plus que 49 000 adhérents, dix fois moins nombreux qu’ils le furent, et surtout différents : plus âgés, moins aguerris à la controverse politique, en proportion non négligeable accrochés à leur poste ou mandat électoral fort menacé, et sentant s’ébranler peu à peu leurs certitudes antérieures. Les plus nombreux parmi eux sont de braves gens qui ont toujours été "légitimistes", grognant contre leurs dirigeants, mais persuadés que toute critique publique " du Parti " ne profitera qu’à l’adversaire honni. Jusqu’au jour où la coupe est pleine, où certains voient se profiler la disparition pure et simple de ce qui fut si longtemps leur famille. C’est avec cette peur au ventre qu’à été programmé un Congrès en novembre 2018, mis en chantier dès le printemps.

L’Association Nationale de Communistes (ANC) fait partie de cette nébuleuse de militants communistes, adhérents du PCF ou pas, différents, mais tous révulsés par les dérives du Parti dont ils furent adhérents et souvent longtemps. C’est même pour cela que certains n’en sont pas ou plus, persuadés que l’organisation ne pourra retrouver miraculeusement ses racines révolutionnaires. Ses dirigeants ne sont plus guère capables d’intervenir dans le débat politique, mais ils savent de longue date contrôler le fonctionnement interne et les choix politiques du parti. Durant des mois, l’ANC s’est interdit de s’ingérer dans une controverse réservée aux seuls cotisants, c’eut été fort irrespectueux a leur égard. Ce " bœuf sur la langue " n’a plus lieu d’être, les jeux sont faits, et l’avenir des Communistes, qu’ils soient dans ou hors du PCF, nous concerne au premier chef.

Un congrès pour survivre ?

Dès le printemps 2018, la direction du PCF a élaboré un texte préparatoire au Congrès.

Caché sous le verbiage habituel, et des concepts creux qui pourraient être ceux d’un Parti Radical ou Démocrate chrétien (" l’humain d’abord "), ce document entérinait la rupture avec les racines marxistes et anti-impérialistes des origines en 1920, et reprenait à son compte la stratégie électoraliste dite d’union de la gauche, malgré les récents déboires du PCF au sein d’un fantomatique " Front de Gauche ", sans préciser d’ailleurs les limites de cette Gauche (le PS, les Verts en déliquescence ?), ni le contenu politique. Comme avant chaque congrès, des textes concurrents d’orientation furent proposés au vote des adhérents. Ils n’avaient les fois précédentes rassemblé qu’environ vingt pour cent de soutiens. Le désastre électoral de 2017 à agi cette fois ci comme un électro choc, de nombreux militants se posant la question en termes de survie de l’organisation.


Lors de la consultation interne de septembre 2018, le PCF revendique un peu moins de 50 000 adhérents, et un peu plus de 30 000 suffrages exprimés. Une érosion catastrophique, surtout en certaines régions urbaines.

Ainsi, le Val d’Oise, en grande banlieue parisienne, n’annonce en 2018 que 604 cotisants et 376 votants, alors qu’il en comptait dix fois plus en 1980 !

A l’orée de ce congrès qu’ils perçoivent comme celui de la dernière chance, les observateurs savent bien que le nombre des ex-adhérents dépasse largement celui des cotisants du PCF, d’autant qu’il est harcelé sur sa gauche depuis le début de ce siècle par une nébuleuse de groupes communistes militants, PRCF, PCRF, Rassemblement communiste, ANC, etc.

Leurs effectifs sont réduits à quelques centaines de militants, leurs orientations disparates diminuent leur efficacité, mais ils sont tous d’accord pour dénoncer avec vigueur les dérives droitières de la " maison-mère " PCF.

Les trois projets d’orientation opposés à celui de la direction sont disparates. L’un d’eux est plus encore "réformiste-moderniste" que celui signé Pierre Laurent. Il ne dépasse guère dix pour cent des votes en sa faveur. Celui soutenu par la Section Paris/XVème, affirmant sa volonté d’un " parti de classe " atteint presque autant. Mais c’est le texte n°2, dit " Manifeste du 21eme siècle " qui va provoquer la surprise. Pour la première fois dans l’histoire du PCF, il arrive en tête avec 42 pour cent des suffrages exprimés, alors que celui soutenu par la direction n’atteint pas 38 pour cent !

Cette gifle infligée aux stratégies opportunistes suivies depuis près d’un demi-siècle est d’abord un échec de ce "légitimisme" si longtemps en usage dans l’ensemble du parti. Réaction d’inquiétude salutaire quant à l’avenir du PCF, Il mérite d’être analysé en profondeur.

L’analyse détaillée des suffrages exprimés n’est pas sans enseignements : 12 749 votants ont approuvé le " Manifeste ". C’est évidemment fort peu si l’on se souvient des centaines de milliers d’adhérents de l’après-guerre. Mais c’est encore une force militante potentielle importante, quand on sait que chacun des groupes communistes organisés sur la base d’une opposition " de gauche ", voire marxiste-léniniste, se comptent en centaines de militants au maximum.

La répartition régionale de ces votes est aussi pleine d’enseignements. Le Manifeste a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés dans 24 départements seulement sur 97. Cette préférence locale peut tenir à l’influence ancienne de certains cadres militants ou élus qui soutenaient ce choix ( ainsi le Puy de Dôme dont Chassaigne est député l’approuve a 76 pour cent, et le Var dont les animateurs fédéraux étaient depuis longtemps acquis, 81 pour cent ).

Mais un autre élément d’explication est évident, surtout dans certains lieux où cette majorité "contestataire " s’opposait à l’avis des dirigeants de la Fédération départementale. Ainsi, les Ardennes, avec près de 67 pour cent ; la Haute Garonne, avec près de 68 pour cent ; la Loire Atlantique, 59 pour cent ; le Rhône avec près de 55 pour cent, et la Somme avec près de 64 pour cent. Dans tous ces départements, l’influence de la classe ouvrière est encore importante au sein du parti, malgré le déclin industriel. Évidemment, dans le Pas de Calais dont les dirigeants fédéraux étaient dès le départ à l’initiative du texte, les deux éléments se combinent pour parvenir au score record de 86 pour cent. Et le Nord lui a emboîté le pas avec près de 62 pour cent (1020 suffrages seulement), quand son député et dirigeant fédéral Damien Roussel a apporté sa signature au Manifeste.

Spécificité francilienne.

À noter toutefois la faiblesse spécifique des scores du Manifeste en Région Parisienne qui fut longtemps un bastion du PCF, notamment municipal, dans une " ceinture rouge " qui ne l’est plus. Le Manifeste n’y dépasse guère 18 pour cent en Essonne, 34% en Hauts de Seine, 36% en Val d’Oise, et dégringole à 16,93% en Seine Saint Denis !

Les résultats détaillés par localités du scrutin interne en Val d’Oise sont révélateurs, et cruels, pour qui est obstinément attaché à l’idéal communiste. 684 cotisants avoués (et 384 votants !) dans un département qui comptait en 1980 près d’une dizaine de milliers d’adhérents, et une dizaine de municipalités PCF, notamment les villes alors majoritairement ouvrières d’Argenteuil, Bezons, Goussainville, Persan, Garges.

En 2018, les partisans du Manifeste alternatif ne sont que 33 pour cent des 20 votants ( ! ) de Garges ; à Persan (+ Beaumont, vallée de l’Oise ), 2(!) adhérents ont approuvé le Manifeste , sur 20 votants et 32 inscrits ! ; ces deux petites villes de banlieue n’ont plus de municipalité PCF. Mais Bezons, la seule à avoir conservé cet acquis ( depuis bientôt un siècle ), annonce fièrement 90 adhérents (le clientélisme municipal existe), mais n’a que 32 votants, dont 7 (!) pour le Manifeste.

Seuls cas particuliers, Goussainville, dont 7 des 12 votants (58 pour cent) ont approuvé le Manifeste, mais la ville et ses alentours ne comptent que 26 cotisants. Quant à la grande ville d’Argenteuil (plus de 100 000 habitants), elle est seule à donner 70 pour cent de ses voix au Manifeste (49), mais seuls 71 adhérents ont voté, sur 120 cotisants affiches !

Les causes en sont multiples : déclin industriel massif, " boboïsation " de villes autrefois ouvrières, et ghettoïsation des quartiers populaires. En 93 comme en 95, à Argenteuil comme à Saint Denis, les quartiers pavillonnaires édifiés au XXème siècle étaient alors massivement peuples d’ouvriers qualifiés, et le PCF y était influent. La spéculation immobilière à fait flamber les prix, les usines proches ont fermé, les pavillons sont passés peu à peu à des cadres aisés, alors que les cités de grands ensembles proches devenaient des ghettos pauvres dégradés.

La religion, marqueur identitaire plus que mystique, le racisme réciproque, et la présence obsédante des dealers, y ont trop souvent remplacé l’ancienne sociabilité des quartiers populaires, qui vivait fréquemment a l’initiative des militants communistes. Il fait mal-vivre de plus en plus dans ces banlieues pauvres d’Ile de France, si bien que beaucoup de leurs habitants rêvent de les quitter pour leur province de naissance : les nombreuses automobiles achetées par les Franciliens durant l’été 2018 à la faveur des primes gouvernementales, ont été majoritairement immatriculées dans le département " d’origine ". Fait révélateur de la " nostalgie provinciale " fréquente de très nombreux salariés venus en Ile de France pour y trouver du travail, et qui aspirent à en partir...
La seule contrée du pourtour parisien à résister tant bien que mal à cet effondrement sociologique et politique est le Val de Marne, qui a encore une Assemblée départementale dirigée par le PCF. Ses adhérents au PCF y donnent une majorité de 51 pour cent au Manifeste.

Les avatars du Manifeste.

Le " Manifeste du XXIème siècle " approuvé par une majorité relative émane d’un groupe organisé au sein du parti, sous le vocable " Réseau Pour Faire Vivre le PCF". Ancré en agglomération lyonnaise ( Venissieux ), en Pas de Calais où il dirige la Fédération départementale, il a essaimé dans diverses régions (Hérault, Gironde, etc). Aux termes même de son intitulé, il espère redonner vitalité au PCF en lui faisant retrouver ses orientations marxistes, les luttes de classe plutôt que l’électoralisme, le combat contre l’impérialisme et pour la paix, et la reconstruction des liens rompus entre les Communistes et la classe ouvrière de France.

Comme lors des congrès précédents, le "Réseau" proposait donc le retour du PCF vers son identité révolutionnaire. Mais dans la situation délétère de 2018, la possibilité lui est apparue de faire basculer la majorité des adhérents vers l’opposition à la direction Incarnée par Pierre Laurent, à condition toutefois que son " Manifeste " recueille le plus possible de signataires.

Dès lors, la porte était ouverte à des tractations que certains adhérents opposés aux dérives droitières de la direction nationale (ainsi le groupe dit " Rebâtir le PCF ", animé surtout par des militants du Nord) ont critiqué comme un opportunisme comparable à celui reproché à Pierre Laurent et ses tenants.

Ainsi, le Manifeste à reçu la signature de certains députés PCF, et notamment du Président du groupe parlementaire André Chassaigne, et des économistes les plus en vue au sein du Parti. Cela s’est notamment traduit par une position critique, mais " ouverte au débat des communistes ", sur l’Union Européenne et l’Euro, que le " Réseau " avait jusque là toujours désignés comme une émanation néfaste du Capitalisme non amendable de ce fait, a l’inverse des instances dirigeantes du PCF : " pour une Europe sociale " a servi constamment de mot d’ordre électoral aux candidats du Parti.

Dès le lendemain du vote interne en faveur du Manifeste, les signes se sont multipliés de cette volonté de rassembler un maximum d’opposants à la direction sortante, en édulcorant le contenu politique initial de la démarche. Il était significatif d’entendre les médias annoncer l’événement comme " la victoire inattendue du texte Chassaigne ", et d’entendre ce dernier interviewé prôner un congrès " œcuménique " plutôt que de rupture, et annonçant d’emblée soutenir Ian Brossat, chef de file d’une liste PCF aux élections européennes, désigné précédemment sur la base d’une critique mesurée de l’UE, jugée perfectible..

Dans cette optique de " rassemblement des communistes ", le député PCF du Nord, Fabien Roussel, se présentait en candidat éventuel au Secrétariat à la place de Pierre Laurent, sur la base d’une nouvelle majorité interne plutôt que d’une nouvelle orientation, encore à préciser disait il.....

Un congrès pour rien ou pour rebondir ?

Durant des semaines, alors même que l’actualité française s’enflammait et que les rues bruissaient de la fureur brouillonne des " gilets jaunes ", le PCF était muet, consacrant les quelques forces qui lui restaient à son débat interne, en congrès fédéraux, floraison d’amendements disparates au Manifeste devenu la "base commune de discussion", ce qui n’empêchait pas les négociations et les rapprochements les plus divers d’aller bon train. Le commun des adhérents n’était au demeurant informé que de leur résultat visible par de rares annonces dans l’Humanité, les médias en général n’en soufflant mot.

Le 24 novembre, jour de l’ouverture du Congrès à Ivry, le quotidien l’Humanité, qui n’est plus comme autrefois "l’organe du PCF", mais reste la voix autorisée de ses dirigeants, le présentait en deux pages qui se voulaient consensuelles, avec le sous-titres : "ceux qui s’attendaient à une lutte fratricide en seront pour leurs frais".

Le Manifeste, devenu grâce à l’approbation d’une majorité relative des militants la nouvelle base commune de discussion offerte aux congressistes, a pour "principaux initiateurs...André Chassaigne, avec les économistes du PCF, ou encore des communistes dits plus orthodoxes." Les inventeurs du texte (réseau Faire Vivre le PCF) sont ainsi relégués en annexe d’un Manifeste, " alternatif, court et préparé rapidement, qui avait des carences ." Suivent une série de citations de Pierre Laurent et Fabien Roussel, qui selon l’Humanité " devrait succéder à P L comme secrétaire national", à l’issue d’une rencontre entre les deux dirigeants.


Ils convergent dans l’affirmation de l’unité des adhérents qui ont voté pour des textes différents, à la seule exception des soutiens de celui dit " printemps du Communisme " ( il avait recueilli 12 pour cent des suffrages. Le chemin est ainsi balisé vers un arrangement politique entre les deux courants majoritaires, symbolisé par un accord préalable pour une direction renouvelée, avec Roussel au Secrétariat national, Pierre Laurent glissant à un poste de Président (ce fut le titre de Robert Hue, évincé du secrétariat au profit de MG Buffet). Avec une cohérence commune aux deux sensibilités majoritaires : éviter une confrontation idéologique supposée affaiblir le Parti, faire que le Congrès ne soit pas une rupture avec les choix tactiques et stratégiques antérieurs.

Les deux pages sur les résultats du Congrès publiées par l’Humanité le lundi 26 novembre, au soir des débats, affirment la victoire de ces choix consensuels et infléchis à la fois. Le titre l’explicite ainsi : " les Communistes ouvrent une nouvelle page". Nouveau logo, nouveau texte d’orientation, nouveau secrétaire général.."Un"Manifeste" profondément remanié, adopté par les congressistes a 87,23 pour cent "( en réalité, 442 pour des 569 votants, sur 736 congressistes ).

Le "nouveau logo" sera "une étoile rouge surmontée d’un bourgeon", ce qui exclut évidemment tout retour à la faucille et le marteau, symbole utilise par tous les PC du XXème siècle, et proposé par certains militants.

Le Manifeste à intégré de nombreux amendements proposés par les Conférences fédérales, largement orientées par les cadres locaux. Les centaines de cadres du PCF ont parfois perdu leurs réflexes de classe, mais ils savent contrôler "l’appareil". Près de 7000 amendements, la plupart "adoptés par le Congrès a une large majorité". Pierre Laurent en exprime la philosophie générale : " Je me réjouis que beaucoup de nos innovations, laissées temporairement de côté lors du vote de la base commune, sont réintroduites dans le texte".

Fabien Roussel est le nouveau secrétaire général, et Laurent, qui "reçoit une longue ovation" des congressistes, refuse "une guerre de chefs". Le quotidien ne publie le 26 novembre pas le détail du texte d’orientation adopté, pas plus que la liste des membres élus de la nouvelle direction, précisant seulement que les tenants du texte "printemps du communisme" ont choisi de ne pas en être.

Le numéro du lendemain 27/12 ne parle plus du tout des résultats du Congrès, et consacre même une page aigre à commenter les divisions au sein de la France Insoumise, et à ses échecs, conséquence d’une perte d’influence révélée par l’élection de l’Essonne et les sondages ( " le trou d’air" ramènerait la FI a 10 pour cent des intentions de vote ), L’auteur de l’article omet toutefois de préciser que les mêmes sondages prédisaient au PCF de 1 à 3 pour cent...il est d’ailleurs remarquable que pour la première fois les chaînes de télévision n’aient même pas mentionné la tenue du Congrès : mutisme né de l’anticommunisme qui y règne, certes, mais aussi constat que le PCF ne compte plus guère dans le débat français.


Curieusement, pour la première fois depuis des décennies, l’Humanité ne publiera durant la semaine suivante ni la liste des élus au Comité National, ni les textes adoptés par les congressistes. Ce n’est en fait que le 6 décembre que le quotidien sera accompagné des 4 pages du supplément habituel "Communistes" (numéro 747). Dans lequel un entrefilet précise qu’un autre supplément, numéroté 746, contenant le compte-rendu du congrès, "est disponible via les sièges départementaux du PCF". Il est vrai que
ce "spécial congrès" fait 24 pages...

La lecture de ces documents engageant le PCF pour la période à venir mérite quelques commentaires :

1/ la liste du Comité national élu comporte plus de 200 noms, et ne semble pas révéler d’apports ou d’évictions notables, mais plutôt la continuité revendiquée. Tout au plus peut on espérer que ces élus sont représentatifs des délégations départementales et des différentes sensibilités présentes au congrès, et permettront à ce nouveau parlement du PCF d’être moins une chambre d’enregistrement que le CN sortant.

2/ le texte adopté, très long (50 pages) au delà de ses envolées lyriques ou poétiques, et de ses redondances, inévitables avec une telle masse d’amendements ajoutés au Manifeste de départ, confirme pour le moins l’analyse "unanimiste" de Pierre Laurent citée plus haut.

La partie 1, " bilan critique ", n’attribue "l’effacement " du PCF qu’aux choix tactique d’après 2002, et notamment à la dilution dans le "Front de Gauche ", qui n’était pourtant que la continuation d’une tactique électorale "d’Union de la Gauche" bien antérieure. L’échec patent de ce "Front de Gauche" est attribué essentiellement à JL Mélenchon, qui se voit reprocher à juste titre son emprise trop personnelle, mais aussi son "populisme", concept sans signification idéologique précise, utilisé comme marqueur péjoratif par les idéologues libéraux actuels.

La partie 2, " relever les défis de la crise et de la société actuelle", se veut partagée par les diverses sensibilités des congressistes. C’est certainement vrai pour la critique du capitalisme "mondialisé et financiarise", " cause de la crise" ; c’est un peu moins évident pour le sens évasif du mot crise, et pour l’énumération des objectifs de lutte proposé aux militants ; les dimensions écologiques, sociétales, voire morales (discriminations racistes, sexistes, a l’encontre des LGTB et des handicapés) y tiennent plus de place que celles liées à l’exploitation capitaliste sur les lieux de travail. Les antagonismes de classe n’y sont plus au centre de l’analyse des conflits sociaux, comme ils l’étaient pour le PCF jusqu’aux années 1980.

La partie 3 "un communisme de notre temps" le définit comme "un processus" autant qu’un objectif de société. Il n’est plus question de rupture révolutionnaire en ce qui concerne le pouvoir d’État, pas davantage d’appropriation collective des moyens de production. L’objectif communiste est longuement défini par ses conséquences en matière de conditions de vie, de culture, d’éducation, etc. Un seul court paragraphe final propose "d’émanciper l’économie et la société des marchés financiers" (et non du capitalisme). 11 lignes qui se résument à " nous voulons prendre le pouvoir sur l’argent des entreprises-profits- de l’état, des banques,des assurances". On peut se demander par quel moyen si la propriété des moyens de production demeure ce qu’elle était. Il est d’ailleurs surprenant dans cet appendice économique que les termes "nationalisations" et "privatisations" soient totalement absents.

La partie 4 " un nouvel internationalisme" analyse longuement le chaos inégalitaire mondial, sans vraiment évoquer les responsabilités centrales de l’Impérialisme occidental, dont celui français est partie prenante. Sauf à parler en une ligne de "contradictions inter impérialistes" ( ? ) et des "menaces intégristes". L’intervention militaire, économique, diplomatique, de l’impérialisme français en Afrique et au Moyen Orient n’est pas décrite concrètement, ce qui dilue les justes objectifs de dénonciation de l’OTAN, des dépenses militaires en croissance, etc.

Mais surtout, le passage sur l’Union Européenne s’en tient, comme depuis vingt ans, à proposer aux militants la lutte" pour une autre Europe", avec les autres forces réellement progressistes en Europe, sur le modèle revendiqué du Parti de la Gauche Européenne, qui ne définit pas l’UE comme l’expression irréformable du Capitalisme et de ses maux, comme le disait le PCF il y a déjà un demi-siècle. Et cette approche "réformiste" de l’UE, plutôt que de rupture, ne propose pas aux Communistes, la défense de la Nation, réceptacle des conquêtes sociales et politiques, menacée pour cela de destruction par l’Europe supranationale.

La partie 5 définit " une stratégie de rassemblement populaire " de façon ambiguë, qui laisse la porte ouverte à des rapprochements électoraux de circonstances en 2019, lors des futures élections locales. La définition de la France Insoumise comme une simple "recomposition de la social-démocratie" et par le "populisme de gauche", suggère moins de proximité des communistes à son égard qu’avec le Parti Socialiste de Faure. Ce qui est politiquement inexact, notamment en ce qui concerne les questions "Européennes".

La partie 6 sur le Parti insiste à juste titre sur les grands perdants de la période précédente, à savoir l’implantation communiste dans les entreprises et la formation interne des militants. Mais comment ne pas en rester à des slogans volontaristes en ces deux dimensions essentielles, ruinées par les directions successives depuis 40 ans ?

Évidemment, les textes de Congrès ne valent que ce que l’on en fait, nous ne pourrons juger du PCF issu de ces débats que par la pratique à venir.

Qu’en conclure ?

Ainsi, il n’y a pas eu en 2018 de rupture affirmée avec les orientations idéologiques, tactiques et stratégiques antérieures, qui ont conduit le PCF à cet état quasi-comateux. Le seul remplacement d’un Pierre Laurent au discours soporifique par un nouveau Secrétaire général plus combattif quand on veut bien l’interroger, peut n’être qu’un fugace changement d’image. Ce fut le cas en 1994 quand le bonasse Robert Hue remplaça un Georges Marchais juge trop agressif à la télévision.

Derrière cette nouvelle image souriante, apparut rapidement la "Mutation" d’un PCF en déshérence. L’image n’est qu’un épiphénomène médiatique, seule la pratique idéologique et politique caractérise une organisation. Ce n’est pas faire injure aux nouveaux dirigeants nationaux de rappeler cet épisode malheureux de l’histoire du PCF.

La période qui vient dira si le souci de "ne pas diviser un parti affaibli", qui a généré cet "arrangement", ne le conduit pas au contraire à la mort, en refusant de réparer les erreurs suicidaires de la génération précédente. J’entends bien que certains camarades, qui se sont, c’est tout à leur honneur, lourdement investis dans la bataille préparatoire au congrès de 2018, jugent que, malgré ses insuffisances, il ouvre une nouvelle ère de l’histoire du PCF, redevenu capable de renouer ses liens avec les luttes populaires.
Ils ont jugé que ce congrès a marqué la "rupture avec le congrès de Martigues", et le parti né de la" mutation Huiste". Peut être. Sauf que les dérives qui ont amené le PCF à l’état moribond n’ont pas débuté avec Robert Hue, mais bien avant. Le congrès de 2018 n’a aucunement porté condamnation de l’opportunisme électoral et du carriérisme des années de la Présidence Mittérand.

Comment soigner des maux que l’on ne diagnostique pas ?

On ne sait trop quels seront en 2019 autour de Roussel les quelques dirigeants quotidiens du PCF, ceux qu’on disait aux temps de sa splendeur le Bureau Politique. On peut y supposer une forte influence d’élus comme le Parisien Ian Brossat, dont l’action en matière de logement est marquante. Mais qui ne s’est pas grandi récemment en reprenant à son compte publiquement l’excommunication jalouse du "Populisme de Mélenchon ET Marine Le Pen."


Le congrès de 2018 est certes pour le PCF une nouvelle étape, certains militants y voient déjà le renouveau possible, d’autres, plus échaudés par le passé, le début de la fin d’une histoire séculaire, glorieuse autant que contrastée. Ce n’est pas à l’ANC, ouverte dès sa création aux communistes dans leur diversité, d’affirmer si la bouteille se révélera à moitié pleine ou à moitié vide. Les années à venir seules pourront le dire, les luttes qui s’y mèneront, et le rôle que les Communistes y joueront, qu’ils soient au sein du PCF ou à l’extérieur.

2018 ne semble pas pour l’instant permettre leurs retrouvailles dans un même parti, efficient parce qu’uni par la lutte de classes, structuré et démocratique à la fois. Un objectif que nous souhaitons, encore hors de portée, tant que l’héritage des "décennies suicidaires" ne sera pas effacé. Espérons tout au moins des actions communes possibles, que les dérives PCF du passé ne pouvaient pas permettre.

Les échéances sociales et électorales en 2019 diront si elles sont possibles...

   

Messages

  • 1. PCF, fin d’une histoire ou fin d’une dérive ?
    19 décembre 2018, 16:05 - par Yvette Genestal


    " Camarades, il faut calmer le jeu sur le terrain, nous sommes au Gouvernement ! ". En Seine-Maritime, le même genre de mise en garde fut adressé aux membres du secrétariat fédéral, convoqué en toute urgence par Roland Leroy, alors directeur de l’Humanité et membre du bureau politique.
    Yvette Genestal

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