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Toujours à propos du Bangladesh
vendredi 9 août 2024 par Jean.Pierre Page
Je viens de lire avec intérêt l’article de Vijay Prashad sur la situation au Bangladesh.Tamara et moi même sommes actuellement à Colombo. Le Sri Lanka est depuis toujours un excellent poste d’observation compte tenu de l’enjeu géostratégique que représente toute cette région. Je souhaite donc faire part de quelques opinions.
Les événements de Dhaka ont évidemment énormément d’échos ici, a fortiori après ce qui s’est passé en 2022 ou une révolution de couleurs orchestrée par les États Unis y compris avec la présence en amont de Victoria Nuland a précipité la chute du président Gotabaya Rajapaksa frère de Mahinda Rajapaksa.
« L’Aragalaya » ( la lutte) nom de ce mouvement dont les exigences sociales étaient au départ particulièrement justes fût finalement instrumentalisé pour permettre un véritable coup d’état conduisant à l’installation au pouvoir de l’indéboulonnable homme des occidentaux Ranil Wrickamasinghe, plusieurs fois premier ministre.
Sur ce point, je ne partage pas la présentation qu’en fait Vijay Prashad. En fait, c’est sous les auspices américaines que Ranil est devenu président sans avoir été élu mais avec le soutien politique et parlementaire du parti des Rajapaksa.
A l’époque j’ai écrit un long article qui je le crois avait été repris par Investig/Action et le Grand soir “Maidan bis repetita au Sri Lanka”.
L’historique de la situation au Bangladesh que présente cet article de Prashad est d‘une grande utilité. Il est en effet important de bien expliquer comment on en est arrivé là et qu’elles sont les forces en présence. Pour ma part je dirai qu’il est prématuré d’envisager ce que sera la suite des événements et surtout les implications internationales compte tenu de ceux qui sont les principaux protagonistes dans cette région et que l’on retrouve au chevet du Bangladesh.
Il faut rappeler par exemple que sans être membre de cette alliance anti chinoise qu’est la QUAD ( USA, Japon, Inde, Australie), le Bangladesh a participé à ses manœuvres militaires. Ce qui peut sembler paradoxal avec le fait que le principal partenaire économique de Dhaka est la Chine et cela avant l’Inde, le Japon et même les USA.
On ne peut évidemment pas non plus faire abstraction des ambitions expansionnistes de l’Inde dont le récent livre de Jaishankar , l’entreprenant ministre des affaires étrangères de l’Inde, « Why Bharat matters » fait écho.
L’Inde dispose de bases militaires dans les presqu’îles des Nicobar et Andaman à proximité du Bangladesh. Mais plus généralement ces événements interviennent dans un contexte de grande instabilité régionale marquée par la situation dans plusieurs pays comme ici au Sri Lanka ou les prochaines élections auront lieu en septembre avec le candidat du JVP (un parti qui se réclame du marxisme léninisme) qui pourrait créer la surprise. Ici, les gens parlent beaucoup de ces manifestations à Dakha et y apportent leur soutien.
Le contexte politique s’en trouve radicalisé.
D’une façon plus générale, il y a un rejet qui grandit à l’égard des occidentaux dont les défaites politiques, monétaires, militaires se multiplient pendant que l’attractivité de la Chine et des BRICS progresse. Ici en Asie il y a un besoin d’émancipation qui grandit. On supporte de moins en moins les pressions qu’exerce entre autre les américains pour enrôler les pays de la région dans leur croisade contre la Chine.
Par ailleurs, le Bangladesh ne l’oublions pas c’est aussi 177 millions d’habitants et 90 % d’entre eux se déclarent musulmans. Ce sont des aspects qui comptent. Quant au Pakistan ou rien n’est réglé. Imran Khan est peut-être en résidence surveillée il n’en est pas moins actif et représente toujours une alternative crédible qu’illustre la force de son mouvement politique.
Par ailleurs si les désaccords entre la dizaine de PC népalais est toujours préjudiciable, il faut se méfier la aussi de l’eau qui dort.
Au fond je pense que cette situation au Bangladesh est assez révélatrice de ce monde qui change vite avec en particulier les risques et les opportunités qu’illustrent une évolution significative du rapport des forces dans lequel la Chine joue un rôle déterminant,en particulier en Asie du Sud est.
Je pense pour ma part qu’il faut faire la clarté sur Muhammad Yunus ce prétendu banquier des pauvres dont l’action à travers sa Grameen bank de micro crédit est une véritable escroquerie. Elle est soutenue en France par le Crédit Agricole, la BNP, aux États Unis par Morgan Stanley, la Fondation Rockfeller, Apple et bien d’autres.
Le banquier des pauvres est en fait téléguidé et renvoyé sur place et en catastrophe par les occidentaux pour gagner du temps.
Ce qui à mon sens sera déterminant et permettra de parler d’autre chose que d’une révolte sera l’ampleur de la mobilisation populaire, succés ou non de la grève générale, rôle des syndicats et de ces comités ouvriers/étudiants qui se mettent ou doivent se mettre en place et auxquels font référence certaines forces politiques comme le PC du Bangladesh ou le PCR.
Il faut aussi tenir compte de l’armée et de la police qui ont présenté des excuses au peuple pour la répression. Par conséquent affaire à suivre et cela d’autant que beaucoup va être organisé pour orienter ce mouvement vers une voie de garage.
Mais à mon sens rien n’est dit, ni fait. Tout est ouvert.
Une chose est certaine ce qui se passe au Bangladesh peut devenir contagieux, et à mon sens cela montre que les choses bougent dans le bon sens. Ce qui créer un certain mouvement dans le camp d’en face.