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Hommage à Alban Liechti, soldat du refus.

lundi 2 septembre 2024 par Francis Arzalier (ANC)

Les Communistes de ma génération, qui ont vécu la féroce guerre coloniale française contre le peuple algérien insurgé, se souviennent encore d’avoir écrit sur les murs malgré la police qui nous pourchassait ce slogan vengeur : « libérez Alban Liechti ! », alternant avec le slogan qui résumait nos luttes :

« Paix en Algérie par la négociation avec ceux qui se battent ! »

Alban Liechti était en 1956 un jeune soldat de. 21 ans, mobilisé comme les autres pour aller combattre le soulèvement populaire algérien déclenché à l’appel du front de Libération Nationale. Il avait été appelé à l’armée comme les jeunes garçons de son âge par le gouvernement socialiste, dirigé par Guy Mollet, et son ministre Mitterrand, dont l’affirmation brutale ( « il faut défendre la République française, qui va de Dunkerque à Tamanrasset » ) nous avait indignés. La guerre coloniale allait donc se renforcer, avec son cortège sanglant de ratissages, d’interrogatoires par tortures et d’exactions dans les villages et les villes d’Algérie.

Cette plongée des jeunes Français mobilisés dans une guerre que les gouvernants présentaient sans vergogne comme une simple opération de police, soutenue par les Partis majoritaires (PS-SFIO. MRP, Radicaux, Gaullistes). Parmi les grandes organisations de la IVéme République, seuls le PCF, et la puissante CGT dans son sillage, fidèles jusque-là à leurs principes d’origine, s’y opposaient, comme ils l’avaient fait durant la Guerre coloniale d’Indochine auparavant.

Certes, les dirigeants du Parti Communiste Français ne défendaient pas ouvertement l’indépendance des colonies, et demandaient à leurs jeunes militants de rejoindre leur régiment, et de répandre en son sein les slogans de paix et de négociation. Ils savaient que la majorité des ouvriers et salariés de France croyaient encore aux vertus de l’œuvre coloniale et traînaient un solide racisme à l’encontre des « Arabes ». Ils jugeaient donc préférable de les convaincre d’abord de la nécessité de la « Paix négociée » avec les représentants qualifiés de l’insurrection.

Cette tactique très prudente (timorée au gré de quelques-uns, notamment en milieux étudiants sursitaires, menacés de devoir interrompre leurs études en cas de mobilisation), doublée de manifestations au départ peu fréquentées et souvent réprimées, emporta peu à peu le soutien de l’opinion : celle organisée le 8 février 1960, qui se conclut par le féroce matraquage des manifestants au métro Charonne, et le massacre par des policiers déchaînés, de 9 d’entre eux, tous militants du PCF ou de la CGT, accéléra ce basculement de l’opinion, déjà traumatisée par les nombreux jeunes soldats tués en Algérie.
Les obsèques des victimes pour la paix le 13 février au Père Lachaise virent participer près d’un million de Français indignés par la répression, ce qui fut décisif pour contraindre le pouvoir Gaulliste à négocier l’Indépendance algérienne.

Mais cette prise de conscience progressive (plus de 7 ans de guerre !) n’aurait peut-être jamais eu lieu sans les initiatives individuelles et le sacrifice de quelques dizaines de militants, qui, comme Alban Liechti, ont eu le courage de refuser d’aller combattre les Algériens soulevés contre l’injustice coloniale,

Soldats du refus, un exemple de courage politique

Il serait regrettable que les Communistes de France de 2024 oublient ce que furent, il y a 70 ans les « Soldats du Refus », cette petite minorité de militants, Communistes pour la plupart ou inspirés par leur foi chrétienne, qui eurent l’audace de braver la loi française et l’opinion majoritaire, en décidant individuellement de refuser publiquement d’aller combattre par les armes l’insurrection légitime du peuple algérien.
Ils furent 45 au total, 45 qui ne s’étaient pas concertés, mais qui invoquaient tous le même impératif moral, l’impossibilité pour eux d’aller participer à une répression féroce ponctuée de tortures et de meurtres, contre un soulèvement populaire justifié.

Ils avaient nom René Boyer, Jean Clavel, Claude Desprez, Serge Magnier, etc, et Alban Liechti fut un de leurs modèles.

C’est en juin 1956 qu’Alban est appelé à rejoindre son unité en Algérie. Le jeune militant des Jeunesses Communistes (dites alors UJRépublicaine de France, par référence à la Résistance antinazie encore proche, écrit dès le 2 juillet au Président de la République René Coty :
« …Dans cette guerre, ce sont les Algériens qui défendent leurs femmes, leurs enfants, leur patrie, ce sont les Algériens qui combattent pour la paix et la justice […] Je ne peux prendre les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance […] » .
Dès son arrivée à son régiment, (car Alban s’est toujours refusé à la désertion), il est incarcéré, et sera emprisonné 6 ans durant, dans des geôles d’Algérie d’abord, puis en « Metrop-pleins » comme on disait alors, aux Baumettes à Marseille, et à Carcassonne.

Six ans dans les prisons des deux Républiques successives, IVème et Vème, malgré la campagne de solidarité organisée surtout par le Secours Populaire, et avec pas mal de retard, par le PCF, longtemps réticent à valoriser une initiative qui était jugée individuelle, et sans valeur d’exemple.

Il ne sortit de prison qu’à la veille des accords d’Évian et de l’Indépendance algérienne.

Il reste que ces initiatives d’avant- garde contribuèrent largement à éveiller l’opinion des travailleurs de France, les Communistes d’aujourd’hui qui font face à une majorité de travailleurs aveuglés par la propagande impérialiste en faveur des Nationalistes ukrainiens, ne doivent pas oublier cette leçon : pour convaincre, les idées révolutionnaires, anticapitalistes et anti-.impérialistes, ont besoin du courage individuel des minorités militantes, quand les organisations censées mener la lutte en viennent à s’engluer dans les compromis électoralistes.

Nous n’oublierons pas Alban Liechti, décédé le vingt-neuf août 2024, à 89 ans.

   

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