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Opiums du peuple et boboïsation
lundi 16 septembre 2024 par Francis Arzalier (ANC)
Durant des millénaires, les religions ont servi de moyen d’asservissement aux pouvoirs politiques et sociaux. Ce fut notamment le cas dans la monarchie française, qui se proclamaient de droit divin, et n’hésitèrent pas à massacrer au nom de Dieu et de l’église catholique leurs opposants. Mais peu à peu, les certitudes se sont effritées dans un Royaume de France qui se disait « fille aînée de l’Église », sous l’effet du rationalisme cartésien au 17éme siècle, puis des critiques acides des écrivains des Lumières au 18éme siècle, qui aboutirent à la vision laïque de la société née à l’aube du 19éme siècle des Révolutions de 1789-93, 1848 et 1871.
Parallèlement, les mutations économiques de la « révolution industrielle » et notamment le développement de la classe ouvrière de France en ont fait l’acteur premier de l’histoire de notre nation de 1830 à la fin du XXème siècle., alors que l’ensemble des classes sociales se « déchristianisaient » progressivement.
La démolition progressive de la classe ouvrière industrielle, la contre-révolution idéologique libérale au détriment des courants révolutionnaires ont inséré notre pays dans un univers idéologique nouveau, dans lequel le catholicisme d’antan n’est plus que résiduel, et ne saurait cautionner les pouvoirs politiques et sociaux.
En 2024, à l’occasion des Jeux Olympiques, on a même pu noter une inversion du traitement de l’opinion chrétienne. Au cours d’une inauguration cautionnée par le chef de l’état français, la Cène réunissant le Christ et les Apôtres, un des symboles forts de la dogmatique catholique, a été travestie en festin orgiaque sexualisé, à la grande joie des anticléricaux plus que des laïques. Et, peu de jours après, les médias les plus consensuels de France, comme RTL, ont utilisé au maximum les accusations de prédations sexuelles contre l’Abbé Pierre, figure incontestable d’une foi au service des déshérités de 1950, pour mettre en cause « le silence coupable de l’Église ».
Un dernier clou sur le cercueil de la « fille aînée de l’église » ?
En fait, dès les années 1920, les pouvoirs au service des bourgeoisies capitalistes ont passé leur temps à trouver d’autres moyens de convaincre les masses populaires :
la modernité technologique,
les Droits de l’Homme,
la liberté individuelle,
etc…, ont servi tour à tour et simultanément.
Le sport, et notamment le sport professionnalisé, capitalisé. Transformé en spectacle chauvin, en glorification de stars milliardaires, sont aussi devenus des « Opiums du Peuple » depuis longtemps. Et les JO de Paris 2024, ont été médiatisés au service de Macron, ou plutôt de l’idéologie libérale, durant des mois : on les a entendus ressasser durant des mois leur antienne, sur « la ferveur d’un peuple enfin réconcilié, toutes classes et opinions confondues », le même discours qui nous a été servi jusqu’à la nausée à propos du gouvernement introuvable rassemblant la gauche et la droite pour pérenniser le Capitalisme libéral.
Une contre révolution grâce aux J.O ?
En fait, l’utilisation du sport actuel n’est pas qu’idéologique. Elle est aussi économique et sociale, comme le prouve crûment la véritable mutation que les JO ont entraînés dans le département de Seine Saint Denis, jusqu’ici considérés comme le plus pauvre de France, après avoir été le plus ouvrier de France : Saint Denis, l’Ile saint Denis, Saint-Ouen, Aubervilliers, l’ancienne ceinture industrielle du Nord de Paris, et « ceinture rouge » [1].
Deux réalités en voie de destruction depuis les années 1980, grâce aux délocalisations d’entreprises organisées par les Capitalistes. Un phénomène qui a touche aussi le Val d’Oise et le Val de Marne, dont les habitants les moins riches sont de plus en plus repoussés par la flambée des prix de l’immobilier vers l’extérieur de l’agglomération, dans les villages du Vexin ou de l’Oise. Il est significatif que le récent baromètre IPSOS réalisé pour le Secours Populaire constate un quasi doublement des familles aidées dans le Vexin.
Mais le constat est plus brutal encore en Seine Saint Denis, où les JO sont l’occasion pour le Pouvoir d’État libéral et des alliés sociaux-démocrates l’achèvement d’une mutation économique et sociale, dans le cadre de la contre-révolution économique, sociale et culturelle ultra-libérale en cours. Pour ces seules localités du 93, des milliards (4 ?) d’investissements, majoritairement d’État, subsidiairement des collectivités locales, et massivement d’investisseurs capitalistes.
Autour du Village olympique, ont fleuri les équipements sportifs les plus divers, mais surtout des infrastructures de transport routier et ferroviaire, des bureaux et sièges sociaux (Véolia) et donc, à l’issue des JO, des milliers de nouveaux habitants, souvent venus de la métropole parisienne, pour s’installer dans des habitations neuves, pour « classes moyennes » . Ce que les anciens occupants, sur le départ ou marginalisés, voient comme une « submersion de Bobos ».
Selon les responsables d’une grande agence immobilière locale, citée par l’article du Monde [[idem], les prix de l’immobilier sur Saint-Denis ont doublé depuis l’an 2000, alors que 60 % de leurs clients viennent de Paris-métropole.
Traduction politique de ce bouleversement démographique, s’accélère en 93 le délitement du PCF, souvent discrédité par son électoralisme, au profit comme à Paris centre des Verts, et les Sociaux -démocrates, du PS droitier et, dans le meilleur des cas, de LFI « radicalisé ».
Rappelons que ces mutations en 93 ont eu lieu sous le parrainage enthousiaste des Socialistes qui se sont emparés du Conseil Général, des mairies de Saint-Ouen et de Saint-Denis.
[1] Reportage : « autour du village olympique, une révolution urbaine accélérée ». Le Monde, 12 septembre 2024