Désolé, mais je ne signerai pas l’appel d’Amnesty International

JE NE SIGNE PAS

Voici quelques-unes de mes raisons.

Vous écrivez : « Cela fait maintenant 10 ans qu’Ilham Tohti, figure emblématique de la lutte contre la discrimination des Ouïghour·es, a été arrêté et condamné à la prison à vie en raison de son inlassable travail pour les droits des membres de cette communauté. »

• 1) a Amnesty devrait d’abord nous expliquer en quoi les Ouïghours sont discriminés en Chine. (La « discrimination positive » dont ils ont bénéficié mise à part : ils n’ont pas été soumis à la politique de l’enfant unique et ils ont été favorisés par rapport aux Hans quant à l’accès à l’université.) Les Ouïghours sont reconnus officiellement en tant que minorité nationale, leur langue est enseignée, parlée et écrite (et se retrouve même sur les billets de banque chinois), leurs traditions, coutumes et pratiques religieuses sont respectées et protégées, ils sont représentés au plus haut niveau des institutions de l’État.

• 1) b S’il n’y a pas de discrimination, la lutte dont vous parlez et dont Ilham Tohti serait une « figure emblématique » doit avoir d’autres raisons et d’autres objectifs. Car il y a bien eu cette lutte qu’un journaliste de l’AP résumait en ces mots : des « militants ouïghours ont tué des centaines, voire des milliers de personnes, lors d’attaques à l’intérieur de la Chine » qui visaient des « symboles de l’autorité chinoise », mais aussi « des civils innocents ». À l’étranger, « ils ont fait exploser l’ambassade de Chine au Kirghizistan en septembre de l’année dernière [2016] ; en 2014, ils ont tué 25 personnes dans une attaque contre un sanctuaire thaïlandais populaire auprès des touristes chinois. » [1] C’est dans le contexte de la répression chinoise contre cette lutte-là qu’Ilham Tohti fut condamné.

Cependant, vous ignorez ce contexte à dessein et vous ne parlez jamais du terrorisme dont la Chine a été/est la victime.
Pourquoi ?

2) Selon vous, Tohti fut condamné « en raison de son inlassable travail pour les droits des membres de cette communauté ».

• a De quels droits concrets parlez-vous ? Quels droits dont bénéficient les Hans et d’autres minorités sont refusés aux Ouïghours ?

• b Est-ce que c’est l’acte d’accusation ou le jugement officiel que vous citez ici ? Est-ce que la justice chinoise a condamné Tohti vraiment pour la raison que vous indiquez ? J’avoue qu’il m’est difficile de croire que le code pénal chinois punit d’une peine de prison à vie quiconque se rend coupable d’ « un inlassable travail pour les droits des membres d’une communauté » parfaitement inoffensive et pacifique.

Si vous ne citez pas l’acte d’accusation, est-ce parce que vous ignorez ce qu’on a reproché concrètement au condamné ?
Mais vous n’avez sans doute pas besoin de connaître ce genre de détail dès qu’il s’agit de la Chine, votre préjugé défavorable étant parfaitement suffisant…

Et nous savons tous que ce préjugé défavorable ne peut en aucun cas être le résultat d’un endoctrinement politique… Eh ben, voyons !

Vous écrivez :
« Pendant son emprisonnement, Ilham Tohti aurait été victime de torture et d’autres formes de mauvais traitements, soumis à un isolement prolongé et privé de soins médicaux et de nourriture adéquats, outre l’endoctrinement politique dont il fait l’objet. »

Expliquez un peu pourquoi vous avez choisi le mode conditionnel pour parler de l’allégation de torture ?
Dans sa propre lutte contre le « terrorisme », l’Occident a commis (notez dans ce cas le mode indicatif !) toutes sortes de crimes contre l’humanité (torture, enlèvements, exécutions extra-judiciaires, meurtres de femmes et d’enfants).

Là, pas besoin du conditionnel. On se souvient d’Abu Graib et de Guantanamo Bay, et on a tous les jours, depuis 11 mois, les crimes sionistes en Palestine occupée devant les yeux.

Dans des cas pareils, Amnesty International (Amnésie Internationale ?) se fait plutôt discret. Il est vrai que ni les victimes palestiniennes, ni Julian Assange n’ont fait l’objet d’un terrible endoctrinement politique communiste…

Une petite remarque encore, pour finir.
J’aurais bien voulu signer un appel d’Amnesty en faveur du journaliste Gonzalo Lira quand celui-ci a été emprisonné par le régime ukrainien. Je n’ai malheureusement pas été invité à signer un tel appel, et mes recherches sur internet pour en trouver trace n’ont porté aucun fruit.
Le cas de Gonzalo a sans doute échappé à votre vigilance. Vous comptez peut-être y revenir quand la victime aura passé dix ans dans les geôles de Zelensky, privé de nourriture adéquate etc. ?

Mais ne vous en faites pas, vous allez pouvoir continuer d’ignorer son sort, car Gonzalo Lira n’a pas survécu ne serait-ce que quelques mois dans une prison de l’État de droit qui protège l’Europe de l’autoritarisme asiatique.