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Déficits et dette public : le mal français
vendredi 27 septembre 2024 par Alain Boublil
Juste pour réfléchir à ce que pourrait faire un gouvernement soucieux de l’intérêt des citoyens, tout en sachant que la seule ’solution’ c’est la ’révolution’.(JP-ANC)
Après près de deux mois d’incertitudes, le nouveau gouvernement va devoir construire une politique économique capable de répondre aux difficultés auxquelles est confronté le pays : faible croissance, chômage persistant, déficit extérieur et lourd endettement public. Les messages alarmistes destinés à faire accepter par l’opinion d’inévitables mesures impopulaires contrastent avec le discours d’autosatisfaction du gouvernement précédent. Le résultat des élections européennes et législatives a montré que ce discours n’avait pas convaincu. Le gouvernement devra donc identifier les causes de cette situation et proposer les remèdes appropriés.
Le déficit commercial croit depuis vingt ans. Les mesures adoptées pour rétablir la compétitivité de l’économie française ont donc échoué. Entre 1981 et 2002, le solde commercial était principalement influencé par les cours du pétrole et du dollar. Hors énergie, on avait assisté à un rétablissement spectaculaire. A partir de cette date, le déficit n’a cessé de s’aggraver. Il a atteint 55 milliards en 2008, 70 milliards en 2011 puis 160 milliards en 2022 avant de redescendre probablement en dessous de 90 milliards en 2024.
On a d’abord imputé cette tendance à la création de l’euro. Cette analyse absurde, face aux excédents que connaissaient deux pays aussi différents que l’Allemagne et l’Italie, a été abandonnée pour laisser la place à une argumentation tout aussi discutable : le coût excessif du travail serait à l’origine de la perte de compétitivité. Est née alors la « politique de l’offre » visant à réduire les charges sociales et fiscales des entreprises, avec comme contrepartie une montée des déficits publics.
Cette politique s’est concentrée sur les bas salaires au détriment des emplois qualifiés et n’a donc pas favorisé les secteurs de l’industrie et des nouvelles technologies. Mais les montants considérables transférés ont incité les entreprises à se lancer dans des acquisitions à l’étranger qui ont parfois été désastreuses et causé leur disparition (Alcatel, Lafarge) ou les ont contraintes à délocaliser la production au détriment de l’emploi en France (Renault). L’argent public n’a pas été perdu pour tout le monde.
Les grands groupes et les banques l’ont utilisé pour rémunérer leurs dirigeants et leurs actionnaires ou pour procéder à des rachats d’actions massifs.
Mais, grâce au fort excédent des services, la balance des paiements de la France est restée proche de l’équilibre ce qui a justifié la confiance des marchés financiers et l’attitude assez indulgente jusqu’à présent des agences de notation.
Il n’en sera pas de même pour les déficits budgétaires et la montée de l’endettement public. Le discours alarmiste destiné à faire accepter des mesures impopulaires a déjà des conséquences sur les taux d’intérêt. Le spread avec l’Allemagne sur les obligations à dix ans s’approche de 80 points de base contre moins de 60 il y a trois mois et a dépassé celui de l’Espagne.
Il est dangereux de confondre la communication avec l’action.
Cela pourrait inciter les agences de notation à être moins indulgentes et la hausse prévisible des taux aura des conséquences sur la charge de la dette publique et sur le déficit budgétaire.
Pourtant la France n’est pas le seul pays dans cette situation. Le Japon est deux fois plus endetté et n’a aucun mal à se financer. Les Etats-Unis connaissent un double déficit intérieur et extérieur massif et ne sont pas davantage menacés. En Europe, les comparaisons sont faussées.
Il y a d’abord les dépenses militaires bien plus importantes en France qu’ailleurs.
Il y a aussi les systèmes de retraite par répartition comptabilisé dans les prélèvements obligatoires alors que les systèmes de capitalisation dans les autres pays n’y figurent pas. Autre facteur positif, la situation démographique depuis plusieurs décennies est bien plus favorable, même si ces dernières années la tendance s’est infléchie. Avec l’allongement de la durée de vie la transmission des patrimoines intervient peu avant la fin de l’activité professionnelle, ce qui améliorer le niveau de vie des retraités.
Enfin, les français ont un taux de plus en plus élevé d’épargne financière ce qui facilite indirectement le financement des déficits publics. Mais cela ne doit pas dispenser de mettre un terme à la dérive des comptes qui s’est aggravée depuis dix ans.
L’instabilité politique déclenchée par la dissolution de l’Assemblée nationale dans un contexte de tensions internationales pèse sur la croissance et donc sur les recettes fiscales et sociales. Les inquiétudes sur les déficits budgétaires de 2024 et de 2025 qui en résultent rendent indispensables des réformes structurelles portant sur l’organisation de l’Etat et des augmentations d’impôt accompagnées d’une réduction durable des dépenses publiques.
Dans le passé, l’impôt n’a pas seulement servi à financer des dépenses. Il a été utilisé pour faire évoluer les comportements des entreprises comme des ménages, à travers la multiplication des niches fiscales. Mais personne n’a songé à procéder à une évaluation sérieuse de leur efficacité, sauf lors de rapports immédiatement rangés dans des placards.
Il y a là pour l’Etat la possibilité de retrouver de nouvelles et permanentes ressources. La fiscalité des ménages est aujourd’hui presque exclusivement calculée sur leur revenu et sur leurs dépenses. Or les incertitudes pesant sur l’avenir conduit ceux-ci à dépenser moins et à épargner plus. Un rééquilibrage des prélèvements en direction des revenus de l’épargne et du niveau de la richesse accumulée permettrait d’obtenir une fiscalité à la fois plus juste et générant plus de recettes.
Mais l’effort le plus important devrait porter sur une révolution institutionnelle permettant de débureaucratiser la société française et de réduire les dépenses de fonctionnement de l’Etat et des collectivités locales. L’origine de la bureaucratie, c’est la production de textes législatifs et réglementaires. Son inflation est sans précédent depuis trente ans. Elle provient de l’augmentation de leur capacité de production.
La plupart des réformes institutionnelles passées sont allées dans ce sens : augmentation de la durée des sessions parlementaires, du nombre des députés et des sénateurs et interdiction du cumul des mandats. Ces élus n’ont donc rien eu d’autre à faire qu’élaborer et proposer des textes.
Au contraire, la création de conseillers territoriaux se substituant aux élus départementaux et régionaux contribuerait à la fois à la réduction des dépenses et à la simplification des procédures. Elle permettrait de réduire le nombre et la taille des administrations publiques chargées de contrôler localement ces institutions.
Dans le même esprit, il faudra mettre un terme à la pratique consistant à créer un organisme chaque fois qu’une question nouvelle est posée, ce qui a débouché sur ces nouveaux opérateurs, Hautes Autorités, Hauts Conseils etc… Dans le passé, quand on voulait traiter un dossier, on créait une commission. Mais celle-ci disparaissait une fois le rapport remis.
Aujourd’hui, non seulement ces institutions coûteuses sont pérennes mais on a créé dans les administrations de nouveau postes pour les contrôler. Leur suppression sera très impopulaire dans le monde politique parce que les emplois sont occupés par des fonctionnaires et dirigés par des anciens responsables politiques.
Mais cela serait sûrement bien vu par les citoyens.
Ces mauvais choix économiques et politiques sont à l’origine des déficits français mais ils ne mettent pas la vie du pays en danger, contrairement aux propos souvent excessifs tenus. En revanche, ils sont la cause principale du mécontentement provoqué par la dégradation des services publics.
Les dépenses ne sont pas employées là où elles seraient le plus utile et les prélèvements ne sont pas effectués là où se situe la vraie richesse du pays. C’est en prenant en compte ces réalités que la confiance sera rétablie et que la France sera guérie
Voir en ligne : https://ab-2000.com/fr/archives/202...