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Tremblement de Trump

vendredi 8 novembre 2024 par Pepe Escobar

Trump fera-t-il ce que ses richissimes donateurs attendent de lui, à savoir nommer Pompeo et autres gangsters aux postes clés et investir sur la guerre d’Israël contre Iran et l’Axe de la Résistance ?

Attachez vos ceintures, car quoi qu’il arrive, le tremblement de Trump ne manquera pas d’être mouvementé.

Sur l’échelle de Richter politique, c’était une tuerie - littéralement. Ce qui était censé être un spectacle de totalitarisme libéral a été brutalement, sans cérémonie, balayé de la scène - de toutes les scènes. Même avant le jour du scrutin, les pensées critiques étaient conscientes des enjeux. En cas de fraude, Kamala gagne. Sans fraude, Trump gagne. Il y a eu, au mieux, des tentatives de fraude (ratées).

La question clé demeure : que cherche vraiment l’État profond américain ?

Ma boîte de réception est infestée de rapports larmoyants de Think Tankland américains qui se demandent, incrédules, ce qui pourrait bien expliquer la défaite de Kamala. C’est assez simple - à part son incompétence et sa médiocrité extrêmes qui nous font littéralement ricaner.

L’héritage de l’administration dont elle a fait partie est épouvantable - depuis Crash Test Dummy [Biden] jusqu’à Little Butcher Blinkie [Blinken].

Au lieu de se préoccuper du sort abyssal des affaires, à tous les niveaux, concernant cette entité mythique qu’est le “peuple américain”, ils ont choisi de tout investir dans une guerre par procuration fabriquée par les néoconservateurs pour infliger une “défaite stratégique” à la Russie - en volant les actifs russes, en déclenchant un tsunami de sanctions, en expédiant toute une panoplie de wunderwaffen [armes miracle]. La militarisation de l’Ukraine a entraîné d’innombrables morts ukrainiens et l’inévitable humiliation cosmique de l’OTAN sur le sol noir de la Novorossiya, et elle approche à grands pas.

Ils ont tout investi pour soutenir un génocide à Gaza perpétré avec l’énorme arsenal d’armes américaines : une opération d’extermination et de nettoyage ethnique codifiée lebensraum dirigée par une bande de psychopathes talmudiques - et vendue dans le cadre de l’“ordre international fondé sur des règles” régurgité par le boucher Blinkie dans chaque réunion bilatérale ou multilatérale.

Rien d’étonnant à ce que l’Asie occidentale et l’ensemble du Sud aient rapidement compris ce qui risquait d’arriver à quiconque ose enfreindre les “intérêts” de l’hégémon.
D’où le contre-pied : le renforcement des BRICS et des BRICS+, célébré aux yeux du monde entier il y a deux semaines à Kazan.

Cette administration a au moins eu le mérite de renforcer les liens entre les principales “menaces existentielles” pour l’hégémon : trois BRICS (Russie, Chine, Iran), plus l’indomptable République populaire démocratique de Corée (RPDC). Tout cela contraste avec une maigre victoire tactique - qui pourrait ne pas durer : la vassalisation inconditionnelle de l’Europe.

L’Ukraine, le boulet de l’Europe

Bien entendu, ce n’est pas la politique étrangère qui fait gagner les élections américaines. Les Américains devront eux-mêmes résoudre leurs dilemmes, ou sombrer dans la guerre civile. Quant au gros de la Majorité Mondiale, il ne se fait aucune illusion. Le message codé du tremblement de Trump est la victoire du lobby sioniste, une fois de plus. Cette victoire n’est peut-être pas si unanime, si l’on tient compte de tous les courants néo-conservateurs et zio-conservateurs.
Wall Street gagne à nouveau (Larry Fink, de BlackRock, l’a prédit avant même le jour de l’élection). Et d’éminents piliers de l’État profond l’ont également emporté. Cela soulève une nouvelle question : et si Trump se sentait suffisamment confiant après le 25 janvier pour lancer une purge stalinienne de l’État profond ?

Le jour de l’élection a eu lieu presque en même temps que la réunion annuelle du Club Valdai à Sochi, où la superstar, sans surprise, était l’éminent géopoliticien Sergey Karaganov. Bien sûr, il a fait directement référence aux guerres éternelles de l’Empire : “Nous vivons des temps bibliques”.

Et même avant le tremblement de Trump, Karaganov a calmement souligné :

“Nous vaincrons l’Occident en Ukraine - sans recourir aux mesures extrêmes”. Et cela “permettra un retrait pacifique des États-Unis - qui deviendront une superpuissance normale”. L’Europe, quant à elle, “se mettra en marge de l’Histoire”.

Tout cela est parfaitement juste. Mais Karaganov a ensuite introduit un concept surprenant :

“La guerre en Ukraine est un ersatz de la Troisième Guerre mondiale. Ensuite, nous pourrons nous mettre d’accord sur un certain degré d’ordre en Eurasie”.

Cette idée correspondrait à la notion d’“indivisibilité de la sécurité” proposée par Poutine à Washington - et rejetée - en décembre 2021, dans le cadre du “Partenariat pour la Grande Eurasie” conceptualisé par M. Karaganov lui-même.

Le problème, c’est la conclusion qu’il en tire :
“Faisons de la guerre d’Ukraine la dernière grande guerre du 21è siècle”.

Et voilà où le bât blesse : la véritable guerre majeure est en fait celle qui oppose Israël à l’Axe de la Résistance en Asie de l’Ouest.

Faisons une petite halte en Europe avant d’entrer dans le vif du sujet. Le tremblement de Trump est prêt à pendre l’Ukraine au cou de l’Europe comme un boulet plus gros que nature. En bref : exit l’argent américain qui finance le projet Ukraine, voué à l’échec. Entrée de l’argent allemand remplissant les coffres du lobby de l’armement à l’intérieur du MICIMATT (military-industrial-congressional-intelligence-media-academia-think tank complex) coordonné par Ray McGovern [ancien agent de la CIA devenu militant politique. Ray McGovern est notamment connu pour ses positions contre l’intervention américaine en Irak].

Le Trésor américain a publié un mémorandum interne valable jusqu’au 30 avril 2025 - alors que Trump sera déjà au pouvoir depuis trois mois - autorisant les transactions avec les banques russes sur tout ce qui concerne le pétrole, le gaz naturel, le bois et d’uranium sous toutes ses formes.

Quant à l’UE, la crédule, gouvernée par Bruxelles, elle paiera le lourd tribut de l’armement de l’Ukraine résiduelle tout en acceptant vague après vague de nouveaux réfugiés en disant adieu à tous les fonds déjà investis dans ce gigantesque trou noir.

Méfiez-vous de l’aspirant Tony Soprano

Le tremblement de Trump - s’il est pris au pied de la lettre - ne peut que renforcer la position du dollar américain. Trump a menacé officiellement d’inscrire sur une liste noire tout pays qui utilise d’autres monnaies pour le commerce international. Les partenaires des BRICS et des BRICS+ l’ont enregistré, de quoi accélérer les expérimentations de tous types de modèles dans le laboratoire des BRICS menant vers un système alternatif multi-couches de colonie commerciale.

Les BRICS et la Majorité Mondiale savent également que Trump a en fait approuvé les sanctions contre Nordstream - lorsqu’il a récemment parlé de “tuer” Nord Steam. Et ils savent aussi que Trump a travaillé dur pendant la présidence pour trouver une solution à la guerre par procuration en Ukraine.

Et maintenant, l’élément décisif. Trump a personnellement détruit le JCPOA - l’accord sur le nucléaire iranien - négocié par le P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne). Moscou - et Pékin - savent pertinemment que cela a entraîné une nouvelle déstabilisation de l’ensemble de l’Asie occidentale, parallèlement à l’assassinat du général Soleimani ordonné par Trump, qui a déclenché ce que j’ai appelé les “années folles”.

Enfin et surtout, Trump a négocié le “Deal du siècle” si pompeusement nommé : les Accords d’Abraham, qui, s’ils sont mis en œuvre, enterreront à jamais toute possibilité d’une solution à deux États entre Israël et la Palestine.

Les accords - considérés comme aussi désastreux que la déclaration Balfour de 1917 - sont peut-être dans le coma. Mais Jared Kushner, l’ami de MbS sur Whatsapp, est de retour et ne manquera pas de remettre la pression [MbS : Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie Saoudite]. MbS n’a toujours pas pris sa décision à propos des BRICS. Trump va devenir fou si MbS se met progressivement à suivre la voie du pétroyuan.

Tout cela nous amène à un personnage suprêmement néfaste, “Tony Soprano” Mike Pompeo, qui est un candidat sérieux pour devenir chef du Pentagone [Tony Soprano : personnage fictif de la série télévisée Les Soprano, parrain de facto de la famille DiMeo, une organisation familiale mafieuse du New Jersey]. Cela laisse présager de gros problèmes. Pompeo a été directeur de la CIA et secrétaire d’État sous la première présidence de Trump 1.0.
C’est un véritable fanatique anti-russe, anti-chinois, et surtout anti-iranien.

On peut avancer que la question la plus urgente à partir de maintenant est de savoir si Trump - dont l’existence a été épargnée par Dieu, selon sa propre interprétation - fait ce que ses richissimes donateurs attendent de lui, nomme Pompeo et d’autres gangsters similaires à des postes clés, et investit sur la guerre d’Israël contre l’Iran et l’Axe de la Résistance.

Si c’est le cas, il n’aura plus à s’inquiéter de la défaillance d’un autre sniper. Mais s’il essaie vraiment de mener sa propre barque, il ne fait aucun doute qu’il est un homme mort ambulant.

L’ensemble de la Majorité Mondiale est donc dans l’expectative. Comment le tremblement de Trump se traduira-t-il dans la sphère géopolitique de MAGA ? [MAGA : Make America Great Again]. Les paris les plus plausibles portent sur l’utilisation intensive de sociétés militaires privées (SMP) pour des “missions” de politique étrangère et des “interventions” militaires sélectionnées et ciblées. Les cibles pourraient inclure n’importe quel acteur du Sud, du Mexique (pour “sécuriser la frontière”) au Venezuela (la doctrine Monroe pour “sécuriser le pétrole”), en passant par le Yémen (pour “sécuriser la mer Rouge”) et, bien sûr, l’Iran (une campagne de bombardements massifs pour “sécuriser Israël”).

En résumé : pas de nouvelles guerres (comme l’a promis Trump), juste quelques incursions ciblées. Plus la guerre hybride en surrégime maximal. Côté Brésil, méfiance : le tremblement de Trump ne tolérera pas qu’un membre des BRICS véritablement souverain accroisse son influence dans le Sud global dans l’“hémisphère occidental”.

Attachez vos ceintures, car quoi qu’il arrive, le tremblement de Trump ne manquera pas d’être mouvementé.


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