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Nicaragua : Les auteurs des violences traités comme des victimes

vendredi 7 mars 2025 par Juan Perry

Un nouveau rapport de l’ONU est basé sur un agent financé par le Gouvernement des États-Unis, Félix Maradiaga, qui a contribué à organiser le violent coup d’État de 2018 destiné à renverser le président Daniel Ortega. Cependant, les « experts » de l’ONU ont refusé d’interroger les nombreux Nicaraguayens enlevés et torturés par l’opposition.

Reynaldo Urbina conduit sa moto dans les rues de Masaya, au Nicaragua, avec agilité, bien qu’il n’ait qu’un seul bras. Il y a près de sept ans, lors d’une tentative de coup d’État soutenue par les États-Unis contre le Gouvernement sandiniste de gauche du Nicaragua, Urbina était l’un de ceux qui gardaient l’entrepôt municipal de la ville lorsqu’il a été attaqué par quelque 200 manifestants armés. Avertis de l’imminence de l’attaque, les gardes avaient reçu l’ordre de cacher leurs armes et de ne pas résister, afin de minimiser les pertes.

Mais Urbina était soupçonné de savoir où se trouvait le maire de la ville que les tueurs avaient l’intention d’assassiner, alors ils l’ont jeté au sol et avec la crosse d’un fusil, ils lui ont brisé le bras gauche au point de le détruire. Urbina s’est échappé, mais on n’a pas pu sauver son bras, qui a été amputé par la suite.

Lorsque, quelques semaines plus tard, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a envoyé une équipe au Nicaragua pour recueillir des preuves des violations des droits de l’homme, Urbina faisait partie de ceux que le Gouvernement a proposé comme témoin, mais l’équipe a refusé de le rencontrer.

Le rapport de 40 pages de l’ONU, publié en août 2018, ne consacre que 5 paragraphes à la violence des factions anti-gouvernementales ; le reste rend responsable le Gouvernement et ses partisans de pratiquement tous les autres incidents violents, dont beaucoup (comme une attaque incendiaire contre une station de radio pro-sandiniste) faisaient partie de façon évidente de la tentative de coup d’État.

Peu après la tentative de coup d’État, le vice-ministre des Affaires étrangères du Nicaragua, Valdrack Jaentschke, a décrit un échange avec Paulo Abrão, qui était le secrétaire exécutif de la Commission interaméricaine des droits de l’homme. La CIDH a été un autre organisme qui a lancé des enquêtes sur les violations des droits de l’homme en 2018. Valdrack avait demandé à Abrão pourquoi les enquêteurs invités ne recueillaient pas de preuves des graves violences de l’opposition. Abrão a donné deux raisons : que les violations des droits de l’homme ne peuvent être commises que par l’État, et que la violence de la part de groupes de la société civile est simplement un « crime de droit commun" et ne relève donc pas du mandat des enquêteurs.

Le 28 février de cette année, alors que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDHNU) tient une session sur les droits de l’homme au Nicaragua, un témoin clé qui a joué un rôle de premier plan dans le coup d’État contre le Gouvernement sandiniste élu du Nicaragua apparaît en vidéo pour dénoncer ses ennemis à Managua.

C’est Félix Maradiaga, un agent de changement de régime parrainé par le Gouvernement des États-Unis qui a été l’un des principaux organisateurs de la tentative de coup d’État. Comme l’a rapporté Max Blumenthal de The Grayzone, le groupe d’experts IEEPP de Maradiaga avait reçu des centaines de milliers de dollars de soutien de la part du National Endowment for Democracy (NED), la branche du Gouvernement des États-Unis qui se consacre au changement de régime.

En juin 2018, la police nicaraguayenne avait accusé Maradiaga de superviser un réseau criminel organisé qui a assassiné plusieurs personnes. En 2019, après une amnistie après le coup d’État, Maradiaga a été libéré et en 2021, il a été à nouveau arrêté, cette fois pour trahison. En 2023, Maradiaga a été libéré à nouveau (cette fois en exil aux États-Unis) et a reçu un prix important du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en tant que "défenseur des droits de l’homme".

La dernière apparition de Maradiaga devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a été organisée par UN Watch, une organisation du régime israélien qui est constamment présente à Genève et attaque sans relâche l’ONU pour protéger le système d’apartheid d’Israël. Mais quel intérêt pourrait bien avoir un groupe de pression israélien à soutenir l’opposition nicaraguayenne ? La raison est évidemment liée au fait que le Gouvernement sandiniste soutiennent depuis longtemps l’autodétermination palestinienne, une position qui l’a conduit à rompre les relations diplomatiques avec Israël et à intenter une action en justice contre l’Allemagne en 2024 pour avoir aidé le génocide israélien dans la bande de Gaza. (Toutes les principales figures de l’opposition du Nicaragua sont avec véhémence pro-Israël).

La veille de la comparution de Maradiaga, le Gouvernement du Nicaragua a publié un communiqué accusant le CDHNU d’être « une plateforme pour ceux qui tentent de déstabiliser le Nicaragua et qui sont les auteurs de nombreux meurtres, enlèvements et violations des droits de l’homme du peuple nicaraguayen ». Il a également annoncé son retrait « irrévocable » de cet organisme multilatéral.

La patience du Nicaragua est épuisée. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ne se contentait pas de donner une plateforme à Maradiaga, mais avait également publié un nouveau rapport sur des « violations présumées des droits de l’homme ». Ce rapport provient du soi-disant "Groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua" (GHREN) créé par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2022. Il décrit soi-disant les droits de l’homme au Nicaragua dans la période comprise entre 2018 et plus tard, mais pour quiconque vit dans le pays (comme moi) et qui a été témoin de la violente tentative de coup d’État qui a eue lieu en avril et juillet de la même année, c’est un document extraordinairement partial et biaisé.

Le biais le plus flagrant est que, dans ce rapport, les personnalités de l’opposition comme Maradiaga sont traitées comme des victimes, et non comme des auteurs. Il est vrai qu’il y a eu des arrestations, des emprisonnements et que beaucoup de personnes arrêtées ont été expulsés du pays (avec l’accord et la facilitation des États-Unis) mais le GHREN semble n’avoir jamais demandé s’il était possible qu’il soient coupables d’actes criminels. Le nouveau rapport fait référence de manière péjorative aux déclarations du Gouvernement qui « affirme » que les événements de 2018 étaient une tentative de coup d’État. Au lieu de cela, selon le GHREN, il y a eu des « manifestations légitimes » qui ont fait l’objet d’une « répression violente et disproportionnée. »

Cependant, comme l’a rapporté The Grayzone en 2019, la véritable histoire était très différente. Sur le chiffre officiel de 253 morts, seuls 31 étaient des sympathisants connus de l’opposition, 48 étaient des sympathisants sandinistes probables ou réels, 22 étaient des policiers et la majorité (152) étaient des membres du public, dont beaucoup ont été attaqués dans des barrages armés de l’opposition. En omettant simplement les faits selon lesquels 22 policiers ont été tués, certains après avoir été torturés, et que plus de 400 policiers ont été blessés, le GHREN révèle un parti pris extraordinaire qui invalide son rapport.

Les membres de GHREN connaissent parfaitement la véritable histoire, mais choisissent simplement de l’ignorer. Ils alimentent délibérément le récit de Washington, répété par ses alliés et les corporations de médias, selon lequel ce qui s’est passé en 2018 était une série de manifestations pacifiques, et non une tentative de coup d’État violent qui a mis en danger des milliers de Nicaraguayens et a affecté les moyens de subsistance de millions de personnes.

Son premier rapport, de 300 pages, de mars 2023, faisait également peu référence à la violence de l’opposition, et en conséquence, il a été fortement critiqué dans une lettre au CDHNU écrite par la Coalition de solidarité avec le Nicaragua et signée par de nombreux experts éminents des droits de l’homme et par 119 organisations et 573 personnes et accompagnée d’une critique détaillée de ce rapport. Un document séparé a analysé son étude de cas pleine d’erreurs de Masaya, où je vis, et les a réliés à des crimes passés sous silence comme la torture de Reynaldo Urbina. Ni la lettre ni les preuves qui l’accompagnaient n’ont reçu de réponse, mais on peut supposer que les « experts » savent au moins qu’elles ont été envoyées.

Lorsque la GHREN a préparé un deuxième rapport, en mars 2024, une autre lettre de protestation, qui n’a pas non plus reçu de réponse, a été déposée. Elle a également été signée par des experts en droits de l’homme et un grand nombre d’organisations et de particuliers. Cette lettre a été envoyée personnellement au président du CDHNU par Alfred de Zayas, professeur de droit international à Genève et ancien expert indépendant de l’ONU. Selon de Zayas, le rapport était « méthodologiquement défectueux, partial et n’aurait jamais dû être publié. »

En l’absence de réponse, une troisième lettre a été envoyée en septembre 2024 exhortant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à fermer le GHREN, affirmant que ses rapports étaient incompatibles avec les résolutions des Nations Unies et du Conseil des droits de l’homme, qu’ils ne remplissaient pas la mission qui leur avait été confiée et qu’ils ignoraient les preuves légitimes et détaillées présentées. Comme prévu, il n’y a pas eu de réponse.

L’intention d’ignorer ces critiques ne pourrait guère être plus évidente, malgré le fait que le GHREN prétend exercer « l’indépendance, l’impartialité, l’objectivité, la transparence et l’intégrité ». Ou, comme l’indique la lettre du ministre des Affaires étrangères du Nicaragua, le CDHNU (en publiant le travail de la GHREN) « viole ses propres règles ».

Cela fait partie d’un schéma bien établi, évoqué par les responsables cubains et vénézuéliens lors de la récente session du CDHNU, ainsi que par ceux du Nicaragua, dans lequel le conseil n’écoute et n’enregistre qu’une version de l’histoire lorsqu’il enquête sur les « violations » des droits de l’homme par les ennemis de Washington. Dans son livre sur « l’industrie des droits de l’homme » , de Zayas accuse spécifiquement la GHREN d’avoir été créée dans le but de « dénoncer le Gouvernement nicaraguayen et de lui faire honte », et non pour mener une enquête objective.

Au lieu de répondre aux critiques, le GHREN répète cyniquement une accusation formulée dans ses rapports précédents, selon laquelle les autorités nicaraguayennes ont eu la possibilité de répondre à leurs accusations mais ne l’ont pas fait. S’ils avaient enquêté sur les réticences du Nicaragua, ils auraient pu découvrir l’affaire Urbina et plusieurs autres dans lesquelles le Gouvernement a essayé de participer à de tels exercices et a échoué.

Il faut souligner la visite en 2018 d’un « groupe interdisciplinaire d’experts indépendants » dont le rapport sur la violente « marche de la fête des mères » de cette année-là était également truffé d’erreurs et montrait une partialité écrasante et un parti pris antigouvernemental. Peu après cette visite, le Gouvernement a pris la décision compréhensible de refuser de coopérer avec de futures enquêtes menées par des organismes multilatéraux et, plus tard, de leur refuser même l’autorisation d’entrer dans le pays. Son récent retrait du Conseil des droits de l’homme de l’ONU était une dernière étape logique.

Du point de vue de Washington, le nouveau rapport de GHREN n’aurait pas pu arriver à un meilleur moment. Le secrétaire d’État de Trump, Marco Rubio, avait déjà qualifié le Gouvernement du Nicaragua (avec ceux de Cuba et du Venezuela) « d’ennemis de l’humanité » . Ce rapport renforce non seulement cette opinion, mais plaide même pour le durcissement des sanctions contre le Nicaragua, ce qu’on sait que Rubio est en train d’envisager.

La GHREN demande spécifiquement que le Nicaragua soit pénalisé en vertu du traité commercial régional, connu sous le nom de CAFTA, qui permet au Nicaragua de commercer avec ses voisins d’Amérique centrale et avec les États-Unis dans de bonnes conditions, et qui est d’une importance énorme pour l’économie du pays et donc pour les moyens de subsistance des Nicaraguayens. La recommandation du GHREN est en contradiction directe avec l’une des propres résolutions du CDH : la résolution 48/5 du CDH de 2021 stipule que de telles sanctions (« mesures coercitives unilatérales ») violent le droit international et les droits de l’homme. Rubio a déclaré au Costa Rica le 4 février que l’objectif de l’accord commercial était de « récompenser la démocratie ». En visite auprès de gouvernements de droite d’Amérique centrale pour rallier des soutiens en faveur de sanctions plus sévères, il a affirmé que le Nicaragua « ... n’est pas une démocratie. Il ne fonctionne pas comme une démocratie.

Le rapport de GHREN, publié trois semaines seulement après la visite de Rubio, suggère que des sanctions pourraient être appliquées en vertu de la « clause démocratique » du CAFTA. Cependant, dans le traité commercial, il n’y a pas cette clause ; il n’y a qu’une référence passagère, dans son préambule, au fait de « soutenir l’État de droit et la démocratie ». Un groupe impartial d’« experts » en droit international, comme le GHREN, devrait être conscient de la nécessité d’être précis dans ses recommandations, et devrait certainement éviter de demander des actions qui violeraient le droit international.

Il est évident que le GHREN n’a pas ces inhibitions. Il a fourni à Rubio une recommandation qu’il peut utiliser pour nuire à l’économie du Nicaragua et nuire à son peuple travailleur. Les membres des élites du Nicaragua, comme Félix Maradiaga, continueront d’avoir une voix dans les forums internationaux ; les Nicaraguayens ordinaires dont les droits de l’homme ont été définitivement endommagés en 2018, comme Reynaldo Urbina, continuent à être invisibles.

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos

Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/03/05/nicaragua-informe-parcial-de-la-onu-ignora-a-victimas-de-la-violencia-opositora-apoyada-por-eeuu/
URL de cet article :
https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/03/nicaragua-les-auteurs-des-violences-traites-comme-des-victimes.html


Voir en ligne : https://bolivarinfos.over-blog.com/...

   

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