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Le retour d’Israël à la guerre est le prélude à une expulsion massive
mercredi 2 avril 2025 par Ben Reiff

Avec le feu vert de Trump au nettoyage ethnique, la nouvelle attaque d’Israël contre Gaza menace de devenir un effort tous azimuts pour vider l’enclave de son peuple.
Deux mois après avoir accepté un accord de cessez-le-feu qui aurait dû mettre fin à la guerre, Israël a repris ses bombardements sur la bande de Gaza avec une intensité qui rappelle les premiers jours de l’offensive . Les frappes aériennes israéliennes ont tué plus de 400 Palestinien.ne.s et en ont blessé des centaines d’autres depuis les premières heures de ce matin, et l’armée a ordonné à des milliers d’habitants des villes et quartiers qui s’étendent sur le périmètre de la bande de Gaza de fuir leurs foyers.
Israël a de nouveau totalement fermé le point de passage de Rafah aux personnes évacuées pour raisons médicales, tandis que les forces égyptiennes et américaines, qui avaient remplacé les troupes israéliennes dans le corridor de Netzarim dans le cadre du cessez-le-feu, se retirent de leurs postes. Les corps démembrés s’accumulent à nouveau dans les hôpitaux, et le personnel médical de toute la bande de Gaza prévient que ses installations sont saturées .
Nous savons ce qui va suivre : davantage de frappes aériennes et d’ordres d’évacuation, et probablement une nouvelle invasion terrestre laquelle, si l’on en croit les ministres israéliens, promet d’être plus vaste et plus meurtrière que la précédente.
« Israël va désormais agir contre le Hamas avec une puissance militaire croissante », a déclaré le cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans un communiqué publié plus tôt dans la journée. « Avec l’aide de Dieu », a fait écho le ministre des Finances Bezalel Smotrich , « [ce nouvel assaut] sera complètement différent de ce qui a été fait jusqu’à présent. » L’ancien ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui a quitté le gouvernement suite à l’accord de cessez-le-feu, semble prêt à reprendre triomphalement ses fonctions .
Mais à quelle fin ?
Israël raconte qu’il n’a eu d’autre choix que de reprendre l’offensive en raison « du refus répété du Hamas de libérer nos otages, ainsi que de son rejet de toutes les propositions faites par l’envoyé présidentiel américain Steve Witkoff et les médiateurs ». Or, il s’agit d’une distorsion totale de la réalité, et les familles des otages israéliens, toujours captifs, à Gaza le savent.
« Prétendre que la guerre est relancée pour la libération des otages est une pure tromperie », a déclaré dans un communiqué le Forum des otages et des familles disparues. « Le gouvernement israélien a choisi d’abandonner les otages en démantelant délibérément le processus qui aurait permis le retour de nos proches. »
En effet, le Hamas a rejeté les tentatives d’Israël de revenir sur les termes du cessez-le-feu auquel les deux parties s’étaient engagées. La deuxième phase de l’accord, censée aboutir au retour des otages restants et à un cessez-le-feu permanent, devait débuter il y a plus de deux semaines, mais Israël ne l’a jamais autorisé.
Au lieu de cela, avec Witkoff, Israël a déchiré l’accord et concocté une nouvelle proposition : prolonger la première phase et poursuivre l’échange d’otages contre des détenus palestiniens ; autrement dit, dissocier la libération des otages de toute garantie de fin de guerre.
Israël savait que le Hamas rejetterait cette proposition, et c’était son objectif depuis le début . Cette manœuvre a simplement fourni au gouvernement israélien un prétexte pour réimposer un blocus total sur la nourriture, l’eau, le carburant, l’électricité et les médicaments dans la bande de Gaza ; et maintenant, avec le soutien total du président Trump , un prétexte pour reprendre son assaut génocidaire. Cette fois, cependant, l’objectif final est plus clair que jamais.
« Terminer le travail »
Lorsque Trump, aux côtés de Netanyahou à la Maison Blanche le 4 février, a proclamé son intention de « prendre le contrôle » et de « devenir propriétaire de » la bande de Gaza, il n’a pas précisé les conséquences pour les 2,3 millions d’habitants palestiniens de l’enclave, se contentant d’indiquer clairement que Gaza ne serait plus leur foyer. « Nous veillerons à ce que quelque chose de vraiment spectaculaire soit accompli », a-t-il déclaré, ajoutant que la population pourrait être relocalisée vers « d’autres pays intéressés et à vocation humanitaire » où elle pourrait « vivre en paix et en harmonie ».
En substance, ce que Trump a présenté n’était pas vraiment un plan directeur ; c’était un feu vert pour que le gouvernement et l’appareil de défense israéliens puissent commencer à imaginer des scénarios de nettoyage ethnique de Gaza.
Peu importe l’endroit où la population serait accueillie (l’Égypte et la Jordanie ont rapidement rejeté la suggestion de Trump d’accueillir les Palestinien.ne.s déplacé.e.s). L’essentiel, c’était que le pays le plus puissant du monde ait apporté son soutien à ce que la droite israélienne désigne depuis longtemps comme « finir le travail » resté inachevé par la Nakba de 1948 ; un résultat que les ministres et les agences gouvernementales réclament depuis le 7 octobre et que Netanyahou lui-même, d’après ce que l’on dit, considére comme un résultat souhaitable.
Le gouvernement israélien n’a pas tardé à se mettre en branle. Comme l’a déclaré la ministre de la Protection de l’environnement, Idit Sliman : « Dieu nous a envoyé l’administration [Trump], et elle nous le dit clairement : il est temps d’hériter la terre. »
Dès le retour de Netanyahou de Washington, le cabinet de sécurité israélien a approuvé sans réserve la proposition de Trump. Le ministre de la Défense, Israël Katz , a mis en place une nouvelle autorité chargée de faciliter ce que l’on appelle par euphémisme « l’émigration volontaire » des Palestinien.ne.s de Gaza, et a discuté de ce projet avec de hauts responsables de l’armée et du cabinet du Premier ministre.
Le COGAT, l’unité militaire chargée des affaires civiles palestiniennes, a élaboré son propre plan, stipulant que l’expulsion de la population palestinienne de Gaza peut avoir lieu même si l’Égypte refuse d’ouvrir sa frontière : l’armée faciliterait leur transport par voie terrestre ou maritime vers un aéroport, et ensuite vers les pays de destination.
Saluant la création par Katz d’un « très important département de l’émigration » au sein du ministère de la Défense, Smotrich a déclaré lors d’une réunion à la Knesset plus tôt ce mois-ci que « si nous expulsons 5 000 [Palestinien.ne.s] par jour, il faudra un an [pour les expulser tous] », ajoutant que le budget ne poserait pas de problème. Et tout en concédant que la logistique pour trouver des pays d’accueil serait complexe, il a souligné qu’Israël collaborait avec les États-Unis pour identifier des candidats.
En effet, ces derniers jours, des responsables américains et israéliens ont déclaré à l’AP que leurs gouvernements avaient approché le Soudan, la Somalie et le Somaliland pour intégrer des Palestinien.ne.s de Gaza en échange d’avantages financiers, diplomatiques et sécuritaires. CBS a ensuite rapporté que l’administration Trump avait également contacté le nouveau gouvernement intérimaire syrien par l’intermédiaire d’un interlocuteur tiers.
Il n’est pas certain que l’un de ces régimes accepterait réellement une telle proposition. Mais si les accords d’Abraham nous ont appris quelque chose , c’est que, pour un prix juste, il y aura toujours des preneurs.
Rendre Gaza invivable
Il n’y aura bien sûr pas d’« émigration volontaire » de Gaza ; les Palestiniens et Palestiniennes ont rejeté sans équivoque le plan de Trump, rétorquant que les seuls endroits où ils se réinstalleront volontairement sont les villages, les villes et les cités à l’intérieur d’Israël d’où ils ont été expulsés en 1948. Netanyahu, Smotrich et Katz le savent encore mieux que Trump — c’est pourquoi, dans la pratique, l’idée d’éradiquer la population de Gaza a toujours été fondée sur une reprise de l’assaut militaire d’Israël sur le territoire.
Déplacer de force plus de deux millions de personnes, même avec le soutien d’une superpuissance mondiale, n’est pas une mince affaire. D’une part, cela nécessiterait d’éliminer le Hamas en tant que force de résistance viable, ce qu’Israël a été incapable de faire pendant plus de 15 mois de combats. Trump n’a jamais accepté d’envoyer des troupes américaines sur le terrain pour réaliser son fantasme ; les modalités pratiques ont toujours été laissées entre les mains d’Israël. Et si nous ignorons encore exactement comment l’armée va intensifier sa nouvelle offensive – si tant est qu’elle en ait l’intention, comme le suggèrent les rapports –, nous disposons d’indices fiables basées sur sa façon de mener la guerre jusqu’à présent.
En particulier, l’opération militaire, qui eut lieu dans le nord de Gaza pendant les trois mois qui ont précédé le cessez-le-feu, a servi de test pour une expulsion massive fondée sur le dit « Plan des Généraux » . En isolant trois villes du reste de la bande de Gaza, en les soumettant à d’intenses bombardements et en refusant l’entrée de toute aide humanitaire, Israël a réussi à déplacer de force des centaines de milliers de personnes. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’une nouvelle invasion terrestre pourrait annoncer une opération similaire, étendue à l’ensemble de l’enclave. Le succès éventuel d’une telle entreprise reste, bien entendu, à démontrer.
Mais l’offensive israélienne de 15 mois a également révélé une autre motivation qui, bien que n’étant pas un objectif de guerre officiel, semble avoir guidé une grande partie de la politique militaire à Gaza : un effort pour créer des conditions qui rendent impossible le maintien de la vie .
Il n’y a tout simplement pas d’autre façon d’expliquer la famine d’une population entière avec les attaques sur les centres de distribution alimentaire et les convois d’aide ; la coupure des canalisations d’eau et le refus de fournir de l’électricité aux usines de dessalement ; la destruction systématique des établissements de santé, l’enlèvement du personnel médical et les restrictions imposées aux travailleurs de la santé provenant de l’étranger ; la destruction de villes et de quartiers entiers ; et la tentative de supprimer la seule organisation (l’UNRWA) capable d’empêcher un effondrement humanitaire total. Même après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, Israël a continué, en violation de l’accord, d’ empêcher l’entrée de maisons mobiles à Gaza, empêchant ainsi le retour à toute vie stable dans l’enclave.
Vu ainsi, Israël avait déjà posé les bases de l’éradication de la population de Gaza avant même l’arrivée de Trump au pouvoir. Comme l’écrivait Meron Rapoport ici le mois dernier, le discours du président à la Maison Blanche n’a fait qu’approuver la vision israélienne de nettoyage ethnique, en y apposant le sceau « made in America ».
Certes, il n’est pas impossible que cette nouvelle escalade s’apaise aussi vite qu’elle a commencé ; que le massacre d’aujourd’hui par Israël ne soit qu’un acte de démagogie destiné à faire pression sur le Hamas pour qu’il libère les otages restants sans être contraint à mettre fin à la guerre, voire un ultime stratagème pour ramener Ben Gvir dans la coalition à temps pour l’adoption du budget .
Mais même si Israël revient à la table des négociations – demain, dans une semaine ou dans deux mois – rien n’empêche le prochain massacre, ni celui d’après, jusqu’à ce que, avec ou sans les otages, Israël décide que le moment est venu de concrétiser le plan de Trump.
Qu’il s’agisse désormais de la direction qu’Israël s’est décidé de prendre est indéniable. Tant que les conditions et l’équilibre des forces actuels prévaudront, un déplacement forcé et massif de la population de Gaza paraît inévitable, voire imminent.
Source : 972+ magazine
Traduction BM pour Agence média Palestine
Voir en ligne : https://www.france-irak-actualite.c...