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Souverainisme et démocratie sont-ils liés ?
vendredi 20 juin 2025 par Francis Arzalier (URC)
Chaque époque met en lumière des vocables nouveaux, parfois simplistes, qui, bien souvent, tronquent la réalité en gommant ses aspects contradictoires et conflictuels.
C’est ainsi que dans les décennies qui ont suivi l’écrasement militaire du Nazisme en 1945, notamment grâce à l’Armée et aux peuples Soviétiques, on parlait décolonisation et « Esprit de Bandung », du nom de cette Conférence en Indonésie qui rassembla en 1955 la quasi-totalité des nations d’Afrique et d’Asie ( plus ceux d’Europe liés à l’URSS ), incluant la majorité de l’Humanité, réunis pour se féliciter de l’effondrement entamé des Empires coloniaux européens, et affirmer leur volonté commune de parachever cette émancipation.
En tant que militants communistes en Europe, nous avons partagé cet espoir mondial, contre nos propres impérialismes et nos bourgeoisies coloniales. Ceux parmi nous qui ont lutté pour la « Paix en Algérie » par l’Indépendance ont été du bon côté de l’Histoire.
Est-ce à dire que dans cette lutte mondiale des indépendances nationales contre les Empires coloniaux, les dirigeants » tiers-mondistes » étaient tous des progressistes et démocrates purs et sans reproches ?
L’affirmer eut frôlé la contre-vérité, et, sans se tromper d’ennemi principal, qui demeure l’Impérialisme-Colonialisme Occidental et ses serviteurs, comme la Monarchie Iranienne avant la Révolution de 1979, on ne saurait oublier que des dirigeants « tiers-mondistes » ou « neutralistes », comme Nasser en Égypte, le « Bassiste « Saddam Hussein en Irak, le « Guide ».théocratique Khomeini à Téhéran et celui Libyen du « petit livre vert « ont aussi imposé à leur peuple de brutaux régimes autoritaires, qui se sont d’ailleurs révélés des faiblesses mortelles lors des agressions de l’Impérialisme occidental.
« Deuxième vague des indépendances » ?
Dans le contexte géopolitique nouveau du XXIème siècle (affaiblissement des Puissances Impérialistes, USA et plus encore leurs vassaux d’Europe occidentale), on a vu surgir et parfois vaincre des mouvements de rejet de la domination impériale, sous des formes diverses, sur tous les continents. En Amérique latine, ce furent et ce sont les idéaux de patriotisme économique et politique dits Bolivariens, comme au Venezuela.
En Afrique, notamment sahélienne, les forces armées françaises stationnées dans ces pays ont été renvoyées, après la chute de dirigeants soumis à l’influence du Quai d’Orsay et de l’Occident. Ce fut souvent après un coup d’État militaire, mais soutenu par la majorité des citoyens.
Du Mali au Niger et Burkina, ces basculements « Souverainistes » sont indéniablement d’essence anti-Impérialiste. Ils sont de même nature que le refus du CFA comme monnaie africaine, ou du Dollar-Roi comme monnaie mondiale, exprimé par des pays très divers, très peuplés, et surtout politiquement et économiquement très disparates, dans le groupe des BRICS (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, etc.).
Il serait absurde de ne pas voir en ces divers événements le symptôme évident de la crise du système de domination de l’Impérialisme mondial, ce qui ne le rend pas moins dangereux pour autant, mais au contraire plus belliqueux.
Mais il serait tout aussi faux d’en ignorer les contradictions et les limites, que vivent les peuples concernés : Le monde n’est pas subitement devenu Noir et Blanc, opposant Gentils et Méchants.
Ainsi, les nouveaux pouvoirs « souverainistes » d’Afrique occidentale, ceux d’origine militaire sahéliens, rejoints d’ailleurs par celui né d’un processus électoral au Sénégal, sont parfois présentés abusivement comme « La deuxième vague des Indépendances », bien qu’ils n’aient guère changé encore les données économiques, sociales et géopolitiques de leurs pays.
Faute de temps peut-être, et surtout insérés qu’ils sont dans un lacis de pressions extérieures.
Mais on peut parfois s’interroger sur leur capacité à y répondre, quand des décisions discutables sont prises, qui ne peuvent manquer d’affaiblir à moyen terme le soutien populaire contre les ingérences étrangères.
Il en est ainsi des autorités de Bamako, qui entre deux affirmations grandiloquentes mais sans résultats concrets, ont renvoyé de mois en mois toute perspective de retour aux élections pourtant prévues au départ, et ont progressivement interdit toutes les activités de tous les Partis politiques, accusés démagogiquement d’être tous responsables des exactions pro-impérialistes et de la corruption du régime précédent, et de faire obstacle au lien direct et exclusif entre le Peuple et les chefs militaires, décrétés non-corrompus par nature.
Ce qui rappelle les fâcheux souvenirs de la Dictature de Moussa Traoré de 1968 à 1991.
C’est pourquoi, en tant qu’anti-impérialistes conséquents, soucieux de solidarité entre nos peuples, nous ne devons pas rester sourds aux cris étouffés des démocrates dans ces pays, qui subissent incontestablement cette dérive autoritaire.
Et la contradiction principale ?
Toute action militante, si elle veut être efficace, ne peut faire l’économie d’une analyse rationnelle, dialectique, des réalités, tenant compte du fait que chacune inclut des contradictions. À nous, et ce n’est pas facile, de jongler avec ces éléments opposés, en lisant ou relisant, s’il le faut, nos vieux auteurs marxistes.
Depuis toujours, tout fait historique ne peut être compris que dans ses contradictions, ce qui induit pour l’analyste une certaine modestie, des nuances ponctuant toujours l’affirmation péremptoire et sectaire.
S’il en fallait une preuve, n’oublions pas que le statut d’esclave, proclamé emphatiquement « crime contre l’humanité » par les humanistes contemporains, fut d’abord un énorme progrès humanitaire pour les prisonniers de guerre d’il y a 3000 ans, assurés grâce à cette nouveauté de ne pas être immédiatement égorgés par leurs vainqueurs.
Mais la dialectique marxiste doit aussi pour être complète, respecter la distinction fondamentale entre « contradiction principale » et « contradiction secondaires ».
Nous l’avons fait, avec plus ou moins de bonheur, en ce qui concernait les pays du Sahel africain. Quand ils ont, il y a quelques années, chassé leurs dirigeants corrompus soumis aux directives françaises et occidentales, par le biais d’une insurrection militaire, mais soutenue par la majorité des peuples concernés, nous avons sans hésitation approuvé la venue au pouvoir à Bamako, Ouagadougou et Niamey, de cette frange de la bourgeoisie nationale que sont les officiers de l’armée du pays.
Nous avons aussi approuvé sans barguigner, malgré les hurlements de nos médias inféodés, le droit incontestable de ces gouvernements militaires « souverainistes » de supprimer toute présence de troupes françaises sous prétexte de lutter contre les pillards intégristes. Et dénoncé les diverses pressions exercées contre leur souveraineté économique et politique d’organismes africains inféodés à l’Occident comme la CEDEAO.
La contradiction principale en l’occurrence passe entre l’impérialisme et ses valets et l’aspiration des nations africaines à la véritable souveraineté.
Ce qui ne nous empêche pas d’observer avec inquiétude le comportement autoritaire des successifs responsables militaires, qui prétendent, à Bamako notamment, limiter l’initiative populaire à l’approbation de leurs décisions, et ont renvoyé à une date imprécise le retour annonce au départ du fonctionnement constitutionnel, Ce qui constitue un risque majeur pour l’avenir du processus « souverainiste ».
Le moyen orient, concentré des contradictions actuelles
Il s’agit donc pour respecter une absolue solidarité anti-impérialiste de » tenir les deux bouts » des réalités géopolitiques et historiques, de répondre à la fois à la contradiction principale (entre l’Impérialisme et les revendications nationales justifiées), sans toutefois occulter ou nier les contradictions secondaires (un pouvoir national peut être à juste titre anti-impérialiste, et être aussi une féroce dictature pour son peuple).
L’actualité au Moyen-Orient est l’illustration parfaite de cet enchevêtrement de contradiction, incarnées par deux conflits en plein développement :
1/ les destructions massives et la famine, organisées en 2024 et 25 par l’État sioniste d’Israël, visent à contraindre les Palestiniens à quitter leurs territoires au profit d’une future et totale occupation coloniale,
2/ l’attaque délibérée du même État sioniste, pour détruire les capacités nucléaires et industrielles de l’Iran, et les ripostes des dirigeants de Téhéran à cette agression, avec un risque évident d’embrasement généralisé.
Face à ces faits, il ne peut y avoir aucune hésitation !
Cette agression meurtrière et les conséquences guerrières qu’elle entraînent et pourrait entraîner sont de la responsabilité entière de l’État israélien, qui pousse le crime colonial jusqu’à la volonté génocidaire, et à l’Impérialisme Étatsunien qui l’a créé et soutenu militairement ses pires initiatives, et à ses supplétifs de l’union Européenne et autres qui s’en font les complices hypocrites.
Telle est la contradiction principale à l’origine de ce « chaos sanglant » qui est en fait un acte délibéré, une agression impérialiste caractérisée.
Nous savons par ailleurs que le régime politique iranien, pouvoir bourgeois teinté de théocratie, qui s’est débarrassé de son opposition marxiste et laïque par la répression et l’exil, est très éloigné des aspirations démocratiques des travailleurs iraniens. Mais ce n’est pas une raison pour faire chorus avec les mensonges occidentaux réduisant la question Iranienne aux mauvais traitements infligés à quelques femmes refusant le voile en public.
Certes, ces dérives autoritaires sont réelles, et malvenues. Mais seuls les citoyens d’Iran sont qualifiés pour choisir leurs lois et leurs dirigeants, qui ne relèvent ni des choix de Tel Aviv, New York ou Paris, à fortiori s’ils sont imposés par les bombes. D’autant que la Nation Iranienne est au moyen Orient le plus fidèle allié des mouvements de Libération Nationale contre les Impérialismes, Hezbollah du Liban, Houtis du Yémen, Hamas et FPLP de Palestine, etc.
Et même si cet « Arc de la Résistance » est souvent animé par des motivations imprégnées de dogmes islamistes qui nous sont étrangers plus que de laïcisme marxiste.
Nous pouvons le regretter, mais devons affirmer notre solidarité avec eux, car ils sont l’expression des volontés populaires de Libération contre l’Impérialisme, cet ennemi mortel des Prolétariats du Monde.

