Le Manifeste

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Quelques impressions sur Cuba Mai 2025

jeudi 3 juillet 2025 par Jean Francis Loubiére

Nous vous transmettons ce reportage rédigé par Jean Francis Loubiére (ex secrétaire de la défunte Polex) à l’issue de séjours répétés à Cuba. Une vision du « socialisme réel « pas très optimiste, mais utile à connaître.
À débattre ...

Les chiffres clefs de Cuba.

La population : 11 451 000 Habitants dont 2 350 000 à la Havane.
La république de Cuba est située entre la mer des Caraïbes au sud, le golfe du Mexique au nord-ouest, la Floride au nord et les Bahamas au nord-est, elles-mêmes baignées par l’Atlantique Nord. Géographiquement, elle se trouve à proximité du tropique du Cancer, à 87 km à l’ouest-nord-ouest de la pointe du Cheval Blanc, sur l’île d’Hispaniola ; à 145 km au nord de la Jamaïque ; à 208 km de Punta Cayo Raton, sur la péninsule du Yucatán (Mexique), et à 212 km au sud de East Cape, sur la péninsule de Floride.
C’est un archipel composé de l’île de Cuba, longue de 1 210 km (ce qui fait d’elle la plus grande île des Antilles).

L’embargo financier imposé par les États-Unis depuis 1962 aurait représenté 154 milliards de dollars (142 milliards d’euros) de dommages économiques pour le pays d’après les estimations de l’Organisation des Nations unies (ONU).

La situation s’est aggravée avec la crise sanitaire puis le durcissement des sanctions étasuniennes de Trump non adoucies par Biden et bien sûr maintenues par Trump 2.
Je relis ce que j’avais écrit après mon séjour 2024 et à mon retour du troisième voyage je trouve ma précédente note sévère. Je crois nécessaire avant toutes critiques de la vie à Cuba de reconstituer le contexte.
Suite à la chute de l’URSS, la prolongation des sanctions US, l’épreuve du Covid et la baisse du tourisme, Cuba est redevenu, pour le niveau de vie de sa population, un pays du tiers monde. Heureusement, malgré toutes les adversités subies, ce pays est resté indépendant et fier avec une politique internationale de non alignement. Il n’a jamais abdiqué face aux menaces de l’impérialisme. Le quadrillage sanitaire de la population demeure malgré la pénurie de médicament. Pourtant une réelle industrie pharmaceutique et biotechnologique existe.
L’éducation est assurée pour la jeunesse avec une planification des naissances et une volonté de soin spécifique à l’enfance. Bien sûr il existe un profond désenchantement par rapport aux espoirs des fondateurs. Cela entraine une sclérose de la société avec de nombreuses interrogations sur l’avenir et une absence de sécurité alimentaire. Cependant nous ne devons jamais oublier que Cuba a servi et sert toujours de base de résistance pour les peuples d’Amérique Latine et bien sûr pour l’ensemble du sud global.
Le système a su maintenir, contre toutes les adversités, pour les populations de Cuba, une situation bien plus enviable que de nombreux pays du globe soumis au pillage du nord.

Circonstance du séjour,

Suite à une première découverte de Cuba en mai 2023 dans une communauté villageoise de Soplillar dans la Cienaga de Zapata et commentée dans une note précédente, j’ai décidé de revenir à nouveau en 2024 et 2025 pour revoir une famille d’employés dans une banlieue de La Havane. Je les avais rencontrés lors de mon séjour de 2023 et j’étais resté en contact WhatsApp avec eux durant toute l’année dernière. Je voulais essayer de découvrir et de comprendre la vie quotidienne avec toutes ces difficultés.
Bien sûr, je dois préciser que m’accueillir était une aubaine pour eux car j’amenais des devises et nous avons pu faire des travaux dans la maison et acheter une meilleure nourriture. J’ai renouvelé l’expérience en mai 2025 la famille m’attendait avec impatience pour réaliser des aménagements.

La monnaie, les premiers changes, les salaires les magasins et les prix.

Chez des voisins, sur le marché informel, ce qui est la seule solution qui existe, j’ai échangé 30 euros pour 11000 pesos. (Mai 2025) Cette année l’Euro a moins la cote et on me changeait l’Euro au même prix que le Dollar américain et tout le monde semblait content. Pourtant 40% des Cubains n’auraient pas accès aux dollars et 88% vivraient avec 2 dollars par jour et ces chiffres seraient cohérents avec ce que j’ai vu dans ma famille d’accueil.

Les salaires de base semblent varier de 2800 pesos mensuels (par personne chez mes hôtes et vérifié) à 7000 pesos et plus pour des cadres ? Le salaire moyen serait de 4500 pesos soit 35 euros ? Chiffres que je n’ai pas vérifiés…et qui sont très difficiles à vérifier en fonction du cours officiel ou du change parallèle.

Les magasins et supermarchés d’Etat :

Les magasins et supermarchés d’Etat (en devise uniquement) semblent comme en 2024 toujours aussi bien achalandés sans être aussi diversifiés en produits que nos hyper. Ils permettent aux possesseurs de devises de pouvoir faire leurs courses (alimentation, conserves congelées et boissons) L’immense majorité des acheteurs sont des revendeurs qui fournissent ainsi leurs échoppes privées à domicile ou sur des places de marché louées. Les Cubains reçoivent leur salaire en monnaie nationale, ce qui les empêche d’acquérir des aliments et des produits de base dans ces marchés en dollars.
Ce système de distribution est manifestement conçus pour collecter les dollars de ceux qui les reçoivent de l’étranger par les diasporas, ont des entreprises privées ou sont des étrangers résidant à Cuba.

Toute cette marchandise est importée : Brésil, Mexique, République Dominicaine, Panama, bien sûr des USA (pour la nourriture) et depuis peu la Colombie. J’ai compris que le blocus ne concerne pas les produits d’alimentation. Les agriculteurs américains sont contents de vendre leurs poulets congelés avec l’autorisation du ministère de l’agriculture US ! En cherchant dans « la presse de Miami » nous apprenons que les supermarchés en devises appartiendraient à la chaîne MGM Muthu Hotels et au groupe Gaviota, contrôlé par les forces armées révolutionnaires.

Les magasins accessibles aux cubains.

Sur les marchés, amenés par des paysans locaux, j’ai pu remarquer cette année, une plus grande diversité de produits : bottes de carotte, bananes plantains, ananas, mangues, goyaves et tomates. Les prix restent cependant particulièrement élevés pour les salaires.
Il existe aussi des magasins d’Etat où il est possible d’acheter en monnaie cubaine ou avec le livret (libreto) en fonction des approvisionnements. Comme je faisais la queue avec un membre de la famille, la responsable m’a gentiment informé que je n’avais pas le droit en tant que citoyen étranger à du riz subventionné !

Les Cubains ont droit par mois à ½ litre d’huile par personne avec le Libreto à 60 pesos (soit 120 pesos le litre prix subventionné) Dans une boutique de revendeur l’huile se vend à 1500 pesos le litre et dans le grand supermarché elle est à 3,20 dollars le litre…
Le carburant : un litre au prix de l’Etat 200 pesos revendu au marché noir 400 pesos. Cela explique les files d’attente devant les stations-service. Cette année il y avait de l’essence payable en devise. 20 litres pour 26 dollars en carte Visa. L’essence n’est pas toujours de bonne qualité car j’ai eu le carburateur encrassé et l’agence de location a dû me changer la voiture que j’avais louée.

La nourriture quotidienne

Je maintiens mes observations de 2024 sur la nourriture que, par manque de moyens d’abord, une certaine méconnaissance de la diététique et l’influence publicitaire nord-américaine, la famille chez qui j’habitais mange très mal. Le petit déjeuner par exemple se compose toujours de pain arrosé d’une épaisse couche de mayonnaise importée à composition chimique. Les Cubains n’aiment pas l’eau du robinet pourtant parfaitement saine mais ils la veulent glacée en ajoutant une poudre chimique à différents parfums : fraise ou orange qu’ils dissolvent dans des bouteilles plastiques. « el refresco » Ils les rentrent dans le compartiment congélateur du frigo. Pour ceux un peu plus aisés c’est la bière en canette et le rhum… Le « Ron » est malheureusement un peu trop consommé le samedi soir notamment !!

Les Cubains fument aussi beaucoup… les cigarettes sont même vendues peu chèr même dans le cadre du Libreto !! Heureusement il reste pour midi et le soir le riz et les haricots noirs (frijols du Mexique) parfois accompagnés (pour ceux qui en ont les moyens) d’un morceau de poulet américain décongelé ou des saucisses de porc reconstitués avec des chutes de viande. Il y a les pâtes (d’Italie) à la sauce tomate espagnole.
Certains accords permettent cependant aux agriculteurs nord-américains de vendre à Cuba de la nourriture.
Parmi ces produits se trouve le poulet congelé. Cet aliment, au milieu de la pénurie actuelle, est la seule viande à laquelle la plupart des Cubains ont finalement accès.
J’ai été étonné qu’ils ne consomment pas plus de fruits frais. Les mangues étaient excellentes … Ils m’ont répondu qu’elles étaient trop chères !

Comment fonctionnent les sanctions :

Les entreprises sont identifiées par l’OFAC (L’Office of Foreign Assets Control « OFAC ») du Département du Trésor américain. Cette administration américaine applique les sanctions économiques et commerciales fondées sur la politique étrangère et les objectifs de sécurité nationale des États-Unis contre les pays et régimes étrangers ciblés pour leur soit disant soutien aux terroristes, aux trafiquants internationaux de stupéfiants, les identités qui se livrent à des activités liées à la prolifération des armes de destruction massive et d’autres menaces à la sécurité nationale ou à l’économie des États-Unis Voir : https://ofac.treasury.gov/sanctions-programs-and-country-information/cuba-sanctions

Particulièrement visé par l’administration américaine se trouve un conglomérat d’entreprises, tenu par les forces armées : le « Grupo de Administración Empresarial (GAESA) ». Cette holding domine la majeure partie de l’économie cubaine avec ses filiales : Financiera Cimex SA (FINCIMEX) Kave et Coffee SA. Toutes trois utilisent une couverture au Panama pour échapper aux contrôles et aux restrictions du commerce international dominé par les USA. Elles sont sur la liste créée par le Département d’État en 2017 (Cuba Restricted List « CRL ») qui comprend plus de 200 entreprises interdites de faire des affaires avec des entreprises américaines.
Nous verrons un exemple avec L’ETECSA (les télécommunications cubaines) et son actionnariat avec ses sociétés écrans.

La débrouille et L’immigration

La débrouille est perpétuelle par le réseau personnel pour survivre. Le moindre objet demande une recherche pour l’obtenir au moindre prix. Cette année, pour continuer les travaux de la maison, j’ai dû acheter du bon ciment de Panama à 40 euros le sac de 45 KG. Prix inaccessible pour un Cubain.
Pour se déplacer, Il ne reste, qu’à l’état embryonnaire, les services de bus collectifs appelés guagua quasi gratuits (2 pesos) pour aller au travail. Il faut le prendre à 4 heures du matin sinon il est nécessaire d’avoir recours pour se déplacer à des services privés de véhicules qui tournent le long des trajets des bus. Un salaire minimum de 2800 pesos est dépensé en une semaine de transport.
Lors des discussions avec des jeunes et des moins jeunes éduqués, on ne parle que d’immigration : départ légal en payant, fuite clandestine, mariage…D’après certains chiffres de 2023, Cuba enregistrerai le plus grand exode depuis la révolution de 1959.

Libertés de la presse et des médias

Comme partout dans le monde l’accès à internet et des réseaux sociaux ont bouleversé la vie des Cubains par une ouverture vers l’extérieur grâce à Face Book et WhatsApp... A l’intérieur du pays, des applications permettent de mettre en contact acheteur et vendeur de produit (Le Bon Coin local) ce qui facilite la débrouille. Bien sûr le débit est lent et tout s’arrête avec une coupure d’électricité. Cette année La Havane et sa banlieue sont bien pourvues en électricité mais c’est les campagnes qui sont le point faible du réseau. Nous ne pouvons pas dire qu’il existe un contrôle systématique des réseaux.
Des blogs existent et certains sont critiques…

Par contre il est possible par Email d’avoir accès à l’information extérieure. Avec de la patience, j’ai pu recevoir la presse française par Mail ou par WhatsApp ….
La télé gouvernementale semblant ennuyeuse, les Cubains ne semblent pas passionnés par l’actualité. Ils achètent des compléments d’émission (colombienne, turque, mexicaine et américaine !) sur des clefs USB qui contiennent de la publicité et que l’on achète dans de nombreuses boutiques toutes les semaines pour suivre les différentes « novelas ».
Une émission semble particulièrement regardée : Caso cerrado d’Anna Maria Polo. https://en.wikipedia.org/wiki/Ana_Mar%C3%ADa_Polo
Cette productrice cubano-américaine, qui vit aux USA, est à la fois juge de paix et animatrice, résout en direct des litiges ou des conflits de société. Par cette émission nous pouvons voir l’ouverture des Cubains aux problèmes de mœurs comme de l’homosexualité, les droits des femmes, les problèmes d’addiction… Je n’ai pas pu capter de chaines étrangères de télévision (sauf Télé sur) et certaines chaines de sport chez les particuliers. J’ai pu voir CNN seulement dans un restaurant en devise au centre de la Havane. C’est vrai que la musique est partout… mais parfois un peu trop forte le soir pour des oreilles occidentales…

L’augmentation en mai 2025 de la télécommunication (ETECSA)

En mai 2025 l’augmentation, particulièrement maladroite, de la télécommunication (ETECSA) par le gouvernement cubain et dès connexions internet a soulevé de nombreuses protestations. Les communications vers l’extérieur seront encore réservées aux plus riches qui ont accès aux précieux dollars. Il y avait de nombreuses protestations surtout chez les étudiants qui ont besoin de faire des recherches sur les réseaux. Même des secteurs traditionnellement proches du gouvernement, comme la Fédération des étudiants universitaires (FEU) , ont publié des déclarations contre l’augmentation.
La présidente d’ETECSA, Tania Velázquez Rodríguez, a récemment déclaré à la télévision que l’entreprise se trouve face à une « situation extrêmement critique » marquée par la fraude , l’endettement et le manque de devises.
Cependant, les chiffres exposés par une enquête journalistique du Miami Herald révèlent que, tandis que les utilisateurs doivent payer plus de 800% de plus pour un forfait mobile étendu , une entreprise directement liée à ETECSA et contrôlée par les forces armées gère des centaines de millions de dollars sans rendre de comptes à la population ni aux structures civiles de l’État.

Selon le Miami Herald , RAFIN SA, l’un des principaux actionnaires de la société d’État contrôlée par l’armée disposait de plus de 407 millions de dollars en espèces en août 2024.
Cette découverte, basée sur des documents financiers confidentiels obtenus par le journal américain, met une fois de plus en évidence le rôle de l’appareil économico-militaire cubain dans la gestion de secteurs clés tels que les télécommunications.

Selon les médias susmentionnés, la somme de 407 750 591 dollars a été déposée dans les comptes consolidés de RAFIN SA, une institution financière liée au conglomérat militaire GAESA , ce qui contredit le discours de précarité avec lequel les autorités ont tenté de justifier la hausse des prix des services de base.

L’ETECSA a une structure actionnariale, que contrôlent les militaires, répartie entre plusieurs entités, toutes à capitaux nationaux :

  • -Telefónica Antillana SA (TELAN) : 51,006 % du capital social. Il s’agit d’une société commerciale cubaine domiciliée à La Havane, créée pour représenter les intérêts de l’État dans la principale entreprise de télécommunications du pays.
  • - RAFIN SA : 27,003 % du capital social. Institution financière non bancaire créée en 1997, autorisée par la Banque centrale de Cuba et affiliée à GAESA.
  • - Universal Trade & Management Corporation SA (UTISA) : 11,086 % du capital social. Société cubaine enregistrée à l’étranger, associée à d’autres consortiums publics.
  • - Banco Financiero Internacional SA (BFI) : 6,157% du capital social .
  • - Télécommunications Business SA : 3,825% du capital social.
  • - International Bank of Commerce SA (BICSA) : 0,923% du capital social.

Cette structure d’entreprise démontre que c’est le capital étatique et militaire qui contrôle entièrement ETECSA et que le secteur des télécommunications à Cuba est subordonné aux décisions politiques, militaires et financières.
La recherche sur la structure d’ETECSA nous dévoile un exemple du système financier et étatique Cubain.
RAFIN SA est étroitement liée à GAESA (Groupe d’Administration des Entreprises SA), Ce conglomérat économique le plus puissant de Cuba est directement subordonné aux Forces Armées Révolutionnaires (FAR).
GAESA contrôle tout, des banques et bureaux de change aux hôtels, agences immobilières, sociétés portuaires, compagnies maritimes et compagnies aériennes. RAFIN fonctionne comme une sorte de fonds financier interne qui canalise et gère les revenus de secteurs stratégiques tels que les télécommunications et le tourisme.

Selon le Miami Herald , les fonds gérés par RAFIN proviennent en grande partie des revenus générés par ETECSA grâce aux recharges internationales et aux services en dollars qu’elle offre à la population, notamment grâce aux paiements des émigrants cubains à leurs familles sur l’île.

Bien que RAFIN ne fonctionne pas comme une banque conventionnelle, sa fonction est de financer des projets d’intérêt stratégique pour l’armée, tels que la construction de nouveaux hôtels ou l’entretien de l’infrastructure commerciale de GAESA .

Organisation et direction politique

Je maintiens que ce pays donne l’impression de ne pas être dirigé… avec un Etat absent. Le Parti Communiste Cubain, qui fut colonne vertébrale du régime, ne semble ne plus exister avec des cellules actives de base dans ces quartiers. Ma voisine est la présidente du CDR du quartier (Municipio). Cette charmante dame, d’une soixantaine d’années, m’a très bien accueilli cette année par rapport à l’année dernière. Je pense qu’elle a été très surprise que je revienne pour aider la famille et s’est inquiétée à plusieurs reprises de ma santé en me voyant travailler avec le maçon. J’ai effectivement été piqué par des fourmis particulièrement voraces ! la fourmi de feu (Wasmannia auropunctata ) Nous avons pris le café et nous avons parlé de la situation terrible de Gaza, du monde global et de l’Ukraine bien sûr. Elle suit les actualités cubaines sur la télé d’état et sur Télé Sur du Venezuela. Aux actualités sur Télé Sur, nous avons vu le défilé du 1er mai en France et les policiers français taper sur les participants ! J’ai expliqué que nous avions aussi « nos difficultés » en France et que notre police, au service du gouvernement, était répressive.
La responsable du CDR anime des réunions pour les habitants afin de régler les affaires courantes mais ses pouvoirs ont l’air très limités et je doute de son influence à l’échelon supérieur. J’ai aussi été la voir pour le problème de l’évacuation des eaux usées vers un tout à l’égout qui existerait… mais les tuyaux côté jardin sont partis dans la nature… et actuellement une fuite d’eau sale côté rue n’est toujours pas réparée (15 juin 2025) !!

Malheureusement, plus personne ne croit encore au socialisme et aux slogans du régime. Simplement, des employés disciplinés, dans ce qu’il reste d’institutions étatiques (magasins, poste, et administrations) qui vérifient scrupuleusement les achats pour éviter les fraudes (surtout dans les supermarchés en devises). Seul, un oncle de la famille, ancien militaire d’élite, mais malheureusement à présent handicapé, a discuté avec moi vraiment de politique. Il était pleinement conscient de la situation internationale et du jeu de l’impérialisme.
Malheureusement, la jeune population n’est plus politisée et n’a pas conscience des rapports de forces mondiaux. Elle rejette toute leurs difficultés sur leurs gouvernants. Elle est en admiration du modèle US avec les images que les cousins envoient sur WhatsApp. Ils y voient des piscines, des villas de rêve et de la consommation abondante.
L’arrivée de Trump et sa chasse aux émigrées inquiète les familles de ceux qui sont partis et l’image libérale de l’Amérique commence profondément à être bouleversée !! Ces mesures étaient trop récentes pour je puisse évaluer leur impact sur la population cubaine.

La sécurité de l’Etat

Plus inquiétante est la secrète sécurité de l’Etat et ses mouchards qui eux ont le pouvoir d’arrêter des citoyens sans mandats légaux sous des prétextes politiques. La famille, chez qui j’ai habité, m’en a désigné un. Il avait l’air pourtant peu redoutable dans son échoppe car il faisait du commerce lui aussi pour survivre. Cette structure est parallèle à l’Etat. De qui dépend-elle ? Comment fonctionne-t-elle ? A qui rend-elle des comptes ? On m’a évoqué plusieurs fois le rôle de l’armée… Elle est totalement différente de la police traditionnelle que l’on voit très peu car Cuba est un pays sûr. La délinquance est surtout économique.

La levée du blocus financier est indispensable mais est-ce que cela va résoudre tous les problèmes de Cuba d’un coup de baguette magique ? Sérieusement, nous pouvons en douter au vu du niveau de délabrement économique actuel. De profondes réformes de structures tant à l’échelle micro et que macroéconomique sont indispensables sous peine d’un effondrement total du système. Cela pourrait conduire à terme vers une situation de chaos à la soviétique des années 1991-92.

Quelques éléments économiques :

Voir Wikipédia mais avec des documents un peu anciens : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_Cuba

Au niveau industriel, après cinquante ans de sous-investissement, il est visible que le gouvernement n’a pas les liquidités pour entreprendre une rénovation massive du tissu industriel. Nous pouvons voir de nombreuses usines à l’état d’abandon. Une grande partie de la production du pays fonctionne avec les moyens du bord. Les secteurs de la biotechnologie semblent préservés et l’unité de production que j’ai vue, sans avoir pu pénétrer, parait en bon état. Peut-être qu’il faut laisser la voie libre à l’initiative et la créativité de centaines de milliers d’innovateurs qui existent à Cuba. Mais peuvent-ils se développer dans un carcan bureaucratique ?
J’ai rencontré des menuisiers, électriciens, mécaniciens et informaticiens et autres réparateurs de téléphone portables et de I-pad !! … tous extrêmement compétents. Ce sont ces artisans et ces petits producteurs permettent encore au pays de tenir. Comme je l’ai souvent remarqué l’Etat n’est plus là. Les mastodontes de l’ancienne production sont empêtrés dans le modèle de l’industrialisme à grande échelle propre à l’époque soviétique. ( voir le sucre) Ils faiblissent d’année en année. Tous les secteurs de la production, des ressources matérielles (cuivre, zinc) en passant par les biens matériels, sont en chute libre.

Le secteur du bâtiment parait totalement endormi avec des chantiers arrêtés dans le centre de la Havane. Ils n’ont pas bougé depuis l’an dernier.
La nécessité d’une « NEP » avec une "politique économique socialiste de marché" à la Deng Xiaoping serait peut-être une solution pour Cuba. ( https://temas.cult.cu/revista/autor/222 )

Cette revue passionnante expose les bilans et les solutions de l’économiste Pedro Monreal . Il résonne dans une perspective socialiste car une totale déstabilisation politique sans alternative dans ce pays provoquerait une catastrophe !! Si un Trump 2 rajoute des restrictions financières actuelles au blocus, il risque de couper les transferts de fond des émigrés vers Cuba cela peut provoquer des famines ! Les privatisations existent dans les faits mais elles sont totalement incontrôlées et échappent aux autorités et au parti.

Malheureusement les vraies entreprises ou coopératives privées et officielles sont lourdement taxées. Il règne surtout des trafics et des détournements des biens de l’état. Il vaudrait mieux que cette économie informelle soit organisée et dirigée dans les secteurs prioritaires (alimentation !). Actuellement nous avons une économie parasitaire de commerce parallèle qui ne produit rien et les initiatives entrepreneuriales ne sont pas encouragées (à part dans le tourisme mais qui est toujours aléatoire !)

La campagne et le secteur agro industriel (deux exemples le sucre et le miel)

Cette année, j’ai pu partir à la campagne dans la famille restée dans un petit bourg prés de Matanzas. Les conditions de logement sont précaires, pas d’eau courante, mauvaise évacuation des eaux usées et coupure de courant de 19h à 1h du matin car actuellement (mai 2025) seule la région de la Havane a de l’électricité en continu.
Le paysan chez qui j’habite, m’explique que les productions privées sont taxées par l’état ce qui décourage les initiatives. De nombreux producteurs qui travaillent pour l’Etat, se contentent de remplir un certain quota minimum et de garder le surplus pour eux. (Ils ont un cheval, des poules… et un petit lopin de terre) Effectivement, j’ai pu manger du cochon local fumé et plein de fruits issus des jardins privés !
L’île importerait en 2024 70 % de la nourriture qui y est consommée. (Chiffre que je n’ai pas pu vérifier).

1er exemple : le sucre.
La pénurie de sucre a contraint Cuba à importer ce produit, ce qui est considéré comme "honteux" étant donné son rôle historique en tant que l’un des principaux producteurs de sucre en Amérique latine. De plus, le manque de production impacte la disponibilité de sucre pour la consommation interne.
Cette production est un bon exemple de l’écroulement économique du pays qui survie entre les coupures de courant, la machinerie obsolète et la canne à sucre rare. En effet, en janvier 2025 sur les 14 sucreries prévues pour la campagne, seules six étaient opérationnelles. Ainsi l’agro-industrie du sucre traverse une des pires crises de son histoire récente. La zafra sucrière de 2025 confirme l’effondrement structurel de ce secteur autrefois stratégique avec une réalité moins de 15 % des objectifs.

En lisant les journaux officiels locaux nous pouvons lire :
Qu’à Matanzas, le central Jesús Sablón Moreno vient de terminer 100 jours de récolte sans avoir atteint l’objectif des 16,700 tonnes prévues, il reste encore 5,000 tonnes à produire, et tout dépendra des conditions climatiques à quelques semaines de la clôture de la campagne. Le journal explique que la routine consiste en une lutte quotidienne contre les fréquentes coupures de courant, les pannes d’équipement, le manque de pièces de rechange et les réparations urgentes. L’effort humain, pourtant bien présent, ne compense pas l’épuisement d’un système de production en état critique en raison du manque de ressources et cette année de conditions climatiques défavorables.

La situation se répète avec davantage de gravité à Santiago de Cuba, où le central Dos Ríos, le seul encore actif dans la province, n’avait produit que 13 % du plan (environ 3 000 tonnes sur 20 811) après 73 jours de campagne.
Les autorités locales reconnaissent que la récolte est en crise, mais elles insistent sur le fait qu’il est “essentiel de produire plus de sucre, de sauver la récolte et l’industrie, tant dans le secteur agricole qu’industriel”, comme l’a récemment exhorté la première secrétaire du Comité Provincial du Parti, Beatriz Johnson Urrutia.

La région de Las Tunas ne reste pas en retrait dans le désastre. La centrale Antonio Guiteras, la plus grande du pays, n’avait à peine dépassé 11 % de l’objectif à la mi-avril. Lors d’une visite à l’usine, le vice-premier ministre Jorge Luis Tapia Fonseca a "demandé un effort extraordinaire de sa part pour réaliser une reprise", selon ce qu’a publié le journal provincial 26 et le premier secrétaire du parti communiste dans cette province, Osbel Lorenzo Rodríguez, a admis publiquement que “la production de sucre atteindra des niveaux historiquement bas”, lors d’une récente analyse des performances de l’économie de la région durant les trois premiers mois de 2025.

2ieme exemple : le Miel
Cette année, j’ai été surpris de ne pas pouvoir acheter du miel à l’aéroport ; pourtant le miel d’abeilles est traditionnellement l’un des produits les plus précieux de l’agriculture cubaine. Il a été classé parmi les huit secteurs prioritaires de la Stratégie Intégrale d’Exportation de Biens et Services pour la période 2019-2030. Au milieu d’une grave crise alimentaire, le gouvernement privilégie son exportation et destine 90 % de la production annuelle à des marchés internationaux.
En 2021, à Cuba, plus de 10 500 tonnes de miel d’abeilles ont été produites, un record historique, attribué à des conditions climatiques favorables et à l’augmentation du prix de ce produit.
Cependant, à la même époque, il a été révélé le manque de disponibilité du produit dans les magasins destinés à sa commercialisation dans le pays, malgré le fait que les médias officiels affirment que les plans locaux sont dépassés.
Les apiculteurs de Mayabeque se seraient opposés à vendre leur production au gouvernement et ont fini par commercialiser la bouteille de miel à environ 400 pesos sur le marché informel, car cela leur procure plus de bénéfices.
En 2024, la production de miel à Sancti Spíritus a chuté en raison d’une sécheresse prolongée et de décalages dans les calendriers de floraison qui ont affecté les flux de nectar. De plus, la crise énergétique limite la production en affectant le renouvellement des équipements et la transhumance des ruches.
La crise énergétique affecte la production de miel en limitant la disponibilité d’électricité nécessaire pour fabriquer et réparer les équipements apicoles. De plus, le manque de carburant a réduit de moitié la capacité de déplacer les ruches vers des zones avec une floraison plus abondante, impactant négativement la récolte de miel.
A signaler un programme de reforestation de plantes mellifères a été lancé pour stabiliser les floraisons près des ruchers et assurer une production plus constante tout au long de l’année. Ce programme, financé par un crédit de l’Agence Française de Développement, vise à améliorer les écosystèmes et à augmenter la productivité à moyen terme.

Des solutions ? : https://temas.cult.cu/revista/autor/222
Il est encore intéressant de voir les solutions de l’économiste Pedro Monreal
Peut-être qu’une réforme agraire serait réalisable, en démantelant les fermes d’Etat improductives et en encourageant les paysans à travailler et à produire sur des surfaces leur appartenant (ou louées pour 20 ou 30 ans) Cela devrait être possible au vu du nombre des terrains en friche ?
Prendre conscience qu’il faudra utiliser des entrants locaux, les fertilisants issus du pétrole étant hors de portée de petits agriculteurs. Revoir le maillage et les regroupements dans des coopératives afin de transporter (par circuits courts) les récoltes et nourrir les villes.

Actuellement les salaires dans les fermes d’Etat sont plus bas qu’en ville (1800 pesos) !! Peut-on ainsi espérer aller vers une autosubsistance alimentaire ?… Certaines initiatives ont été prises dans ce sens comme l’agriculture en milieu urbain que j’ai pu visiter dans deux banlieues de La Havane mais il faut dépasser le stade expérimental…

En décembre 2024, le vice-président cubain Valdés Mesa a admis la dégradation des conditions de vie dans les zones rurales de Cuba. Cependant, au-delà de signaler le problème, aucune solution concrète n’a été présentée pour inverser cette situation, ce qui met en évidence un manque de planification efficace pour aborder les carences structurelles du secteur agricole.

Salvador Valdés Mesa a affirmé que Cuba est "assise sur des millions inexploités" en raison de l’infrastructure agricole développée par la Révolution. Cependant, il a blâmé l’embargo américain comme le principal obstacle à l’attraction des investissements et des technologies, en omettant des problèmes internes tels que le manque de garanties juridiques pour les entrepreneurs, les contraintes bureaucratiques et la liberté économique dans le pays.

Le gouvernement cubain, représenté par des figures telles que Valdés Mesa et le président Díaz-Canel, utilise toujours l’embargo comme justification des difficultés économiques, attribuant la stagnation économique et le manque d’investissement étranger aux restrictions imposées par les États-Unis. Ce qui est en parti vrai mais ce récit ignore les inefficacités internes et le manque de réformes structurelles significatives..

L’écologie

Effectivement de grands espace à Cuba sont protégés et le manque d’entrants chimiques a contraint l’agriculture cubaine, à l’origine intensive sous inspiration soviétique, à une difficile reconversion qui a fait chuter les productions.
Une politique de conscientisation sur les problèmes de pollution et d’écologie serait à mener pour éviter que les citoyens jettent leur ordure (sacs de plastiques et canettes) dans la nature avec une politique de tri. La rivière, proche du lieu où j’ai habité, est un véritable égout. Bien sûr le centre de La Havane touristique est privilégié dans le ramassage des ordures. L’eau potable coule parfois sans arrêt, l’électricité, quand elle est présente, reste allumée…
Je ne suis pas compris quand j’explique que c’est du gaspillage !!

Le tourisme :

L’économiste Pedro Monreal affirme que l’agriculture et l’industrie sucrière ont été les deux plus grands « perdants » en termes de priorités d’investissement à Cuba dès 2021.
Cet éminent économiste a critiqué le virage "néolibéral" pris par le régime cubain dans sa politique de distribution des aliments et a appelé à des "peines de prison" pour les responsables de l’"insécurité alimentaire" qui augmente sur l’île !!
A voir la revue cubaine de référence particulièrement intéressante : https://temas.cult.cu/revista/autor/222

À travers un fil sur X, l’expert a exprimé son indignation face au message transmis à la population par le biais des médias officiels, qui attribuent le désastre de la production agro spéculaire cubaine à des “impondérables” et normalisent la “dés-égalité” au sein de la société.

Déclaré ennemi de la "planification centralisée communiste", Monreal a dirigé ses flèches contre le gouvernement de la "continuité" de Miguel Díaz-Canel, l’accusant de promouvoir une formule néolibérale implacable dans l’économie cubaine, en favorisant les politiques de prix adoptées par les entreprises importatrices (Mipymes).
Il est notamment partisan de l’arrêt de la construction massive d’hôtels de luxe à Cuba. Il a affirmé qu’en arrêtant la construction d’une seule chambre d’hôtel, on pourrait acheter 10 tracteurs.

L’expert a remis en question le fait qu’en 2020, le gouvernement ait importé 236 tracteurs pour 3,907 milliards de dollars, avec une valeur moyenne de 16 555 dollars par tracteur, alors qu’il a dépensé 165 000 dollars pour construire une chambre d’hôtel. Les deux activités ont subi des baisses de 50,8 % et 80 % par rapport à leur poids relatif dans l’investissement total en 2020.

« Le poids relatif de l’investissement dans l’activité agricole et de l’investissement dans les services aux entreprises, l’immobilier et les activités de location (y compris le tourisme) a diminué dans les deux cas, mais l’écart entre le poids des deux investissements s’est creusé en 2021 », a-t-il noté.

L’illusion du tourisme de luxe ?

Malgré l’ effondrement du tourisme à Cuba , qui a atteint son point le plus bas en 2024, le groupe hôtelier public Gran Caribe a annoncé des investissements ambitieux dans la rénovation d’installations de luxe et la restauration d’espaces naturels, dans le cadre de sa stratégie visant à « renforcer l’image du produit touristique » et à « consolider le prestige » acquis au cours de ses plus de 30 ans d’exploitation.

Selon les informations publiées par Canal Caribe , lors de FitCuba 2025 , qui s’est tenu récemment, le réseau national a présenté sa feuille de route pour l’année, qui comprend des rénovations majeures dans des hôtels emblématiques tels que le Jagua à Cienfuegos , la relance du Sol Cayo Coco en alliance avec l’espagnol Meliá et la transformation du 14e étage de l’hôtel Deauville en un espace gastronomique exclusif.

En outre, il a annoncé la revitalisation du parc naturel Escaleras de Jaruco à Mayabeque, avec des sentiers, des zones d’escalade, des visites de canopées et du camping, dans le cadre d’une proposition d’écotourisme conçue pour les visiteurs internationaux, au milieu de l’une des crises économiques les plus graves auxquelles le pays a été confronté depuis les années 1990.

Apparemment, la baisse de 30% des arrivées de touristes par rapport à la même période en 2024 n’a pas arrêté les plans du ministère du Tourisme, qui insiste pour promouvoir l’ image du pays comme destination sûre et exclusive , ignorant les chiffres qui reflètent un ralentissement constant depuis la pandémie et la migration croissante des touristes vers la République dominicaine, le Mexique ou la Colombie.

Une note officielle du ministère du Tourisme (MINTUR) publiée en mars admettait que l’objectif de 3,5 millions de touristes d’ici 2025 était déjà « très difficile à atteindre », jetant le doute sur la viabilité des nouveaux investissements hôteliers axés sur les marchés internationaux qui ignorent actuellement l’île.

Dans un pays qui souffre de coupures d’électricité quotidiennes, de pénuries alimentaires, de transports paralysés et d’une inflation galopante les rénovations touristiques sembleraient déconnectées des véritables besoins de la population.

Le gouvernement cubain a priorisé l’investissement dans le secteur touristique, consacrant près de 40 % de ses ressources à ce domaine, tandis que l’investissement dans la santé et l’assistance sociale est nettement inférieur. Cette répartition des ressources a suscité des critiques, en particulier lorsque des secteurs fondamentaux tels que l’infrastructure énergétique et la production agricole nécessitent une attention urgente.
La crise économique à Cuba a entraîné une augmentation des prix des aliments et une diminution du pouvoir d’achat des salaires et des pensions. La population fait face à des difficultés pour satisfaire ses besoins essentiels en raison de l’inflation incontrôlée et de la pénurie de produits essentiels, ce qui oblige beaucoup à dépendre du marché noir ou des transferts d’argent familiaux.

La Religion

L’influence des sectes évangéliques :
Simple anecdote, je commence à discuter avec le maçon que j’aide à poser la fenêtre. C’est un homme noir de la cinquantaine et la conversation tombe sur l’Angola. Il avait été volontaire pour combattre au côté du MPLA contre Jonas Savimbi. Il me montre des photos.
Je lui explique que j’étais parti dans les années 1980 au Nicaragua pour aider les Sandinistes et là il me déclare qu’il fut un soldat fidèle à Fidel mais que maintenant il est devenu un soldat de Dieu !! Il avait un poste d’officier dans la police cubaine. Ils l’ont suspendu et mis en disponibilité ! A présent il fait le maçon.
Il est le nouveau pasteur de la "Iglesia MDA " https://www.facebook.com/iglesiamda/photos/ de la rue d’en face.

L’an dernier, l’officiant de cette secte, quand il a su que j’étais français, m’a présenté comme un bonheur arrivant sur la communauté. J’étais un signe du ciel dans son discours enflammé. Il n’arrête pas de leur répéter, avec force que s’il croit en la secte, en Dieu et en Jésus ils auront le bonheur et... la richesse et tout cela avec force musique et bras levés vers le ciel. Comment peut-on croire à de telles balivernes ? J’étais anéanti sans réaction !! Mais cela valait le spectacle... il faut voir pour croire...
Le maçon m’a démontré que si j’étais là à aider cette famille que c’était un signe de Dieu…
Cela m’a assez dérouté !

Les anciennes religions n’ont pas disparus : Voir Wikipedia et Vaudou
J’ai découvert que les descendants d’africain pratiquaient des cultes vaudou plus ou moins compatibles avec la foi catholique. J’ai pu visiter cette année de nombreux sanctuaires de cette religion syncrétique. Il s’agit de la Santería, aussi connue sous les noms de Regla de Ocha, Regla de Ifá, Regla de Osha-Ifá, Regla lucumí ou lucumi (s’écrivant également lukumi), Elle est dérivée de la religion yoruba[1].

Historique :
Certains récits disent que les esclaves dupaient l’Église en laissant croire qu’ils vénéraient les saints catholiques, alors qu’en fait, derrière chaque saint, ils vénéraient un orisha équivalent. Mais selon Sixto Gastón Agüero (1959), cité par Kali Argyriadis dans son ouvrage La religion à La Havane [2], c’est le mouvement inverse qui s’est produit : c’est l’Église qui a imposé aux esclaves les saints comme des équivalents aux orishas. Il cite [3] le synode papal du 16 septembre 1687, où l’Église ordonna aux prêtres d’ajuster les croyances religieuses africaines aux pratiques catholiques. Il cite également le Bando de buen gobierno y policía qui, en 1792, oblige les cabildos africains qui se vouent au culte de leurs divinités à « adorer désormais un saint catholique équivalent ».
En effet, cela supposait de construire une église, d’accorder le repos dominical et d’assurer la possibilité de manger maigre, ce qui entraînait des coûts jugés prohibitifs. Les Espagnols ont donc nommé cette pratique santería, avec un côté péjoratif, mais ses pratiquants préfèrent le terme lukumi (ou Regla de Ocha).

Les religions polythéistes ne procèdent pas par exclusion des autres religions mais s’approprient la sagesse, les représentations divines, les paroles d’une autre croyance et les mêlent à la leur pour l’enrichir et la développer [ . Ainsi à Cuba, quand les santeros fréquentent les églises et accomplissent des actes de dévotion comme tous les chrétiens, au lieu de prier le seul saint catholique, ils adorent en même temps leur divinité, espérant ainsi se concilier la protection des deux.

Croyances  :
La religion yoruba est dominée par un dieu suprême Olodumare (ou Olafin ou Olorun ou Olorian), source de l’ashé — l’énergie spirituelle de l’Univers — qui a envoyé sur Terre des émissaires, demi-dieux humains, appelés orishás qui sont la personnification de la nature.
Les orishás, en outre, veillent à ce que chaque mortel accomplisse le destin qui lui a été destiné à sa naissance. Ceux qui ne l’accomplissent pas suivent le cycle des réincarnations successives. Cette croyance est semblable à celle de l’hindouisme et du bouddhisme. Le « Bembe » est une des cérémonies possibles pour célébrer les orishas originaire d’un peuple nommé Iyesa à Cuba.

Un véritable adepte de la Regla de Ocha est une personne qui a été initiée à la religion. Les prêtres (babalawos) ont déterminé l’orisha qui gouverne sa vie et l’obba (un autre prêtre qui préside aux initiations) a « installé » cet osha dans la tête (ori) de la personne au cours d’une cérémonie appelée Kariocha (Asiento, Coronacion). À l’issue de cette cérémonie la personne devient un iyawo (« novice ») et doit se vêtir de blanc et obéir à des règles strictes pendant le temps prescrit par le babalawo.
À la fin de cette période, il accomplit une cérémonie (de confirmation) appelée Ebbo et devient un omo orisha (« fils d’orisha »). Par exemple, il devient un omo Obatala si son orisha est Obatala. Il est alors un santero confirmé.
Une fois initié, l’adepte peut progresser dans sa religion. Avec la cérémonie du Pinaldo (« recevoir le couteau »), il pourra tuer des animaux pour faire des sacrifices. Il peut aussi devenir un italero et être habilité à lire l’avenir dans les cauris (ita). Éventuellement, il pourra devenir un babalorisha (« père d’orisha »), ou une iyalorisha, ou iyalocha (« mère d’orisha »), qui aura parrainé de nouveaux adeptes et les aura initiés à la religion.

Les babalawos sont des prêtres qui ont reçu aussi Orula (ou Orunmila) qui est une divinité de la divination. Ce sont des devins qui lisent l’avenir au moyen de noix, le plus souvent de palme, ou d’un opelé, chaîne de 8 demi-noix qui selon leur manière de retomber (côté convexe ou concave) déterminent des signes appelés oddus. Il y a 256 oddus ; à chacun correspondent un orisha particulier, des chants, des prières des interdits et des conseils. La cérémonie de la « main d’Orula » (mano de Orula) ou ikofa permet de déterminer l’oddu qui va gouverner la vie d’un individu et ainsi l’orisha tutélaire de la personne auquel elle pourra plus tard se faire initier. Cette manière de faire est en tout point semblable à ce qui se fait en Afrique (au Nigeria et au Bénin), et Cuba est le seul territoire des Amériques où cette pratique s’est conservée.

Les obbas ou oriaté sont des prêtres qui se consacrent plus particulièrement à l’initiation de nouveaux fidèles et sont d’ailleurs les seuls habilités à faire la cérémonie de Kariocha. Ils lisent l’avenir dans des coquillages marins (cauris) au cours de la cérémonie de l’Ita.
Les osainistas sont des prêtres consacrés à Osain, orisha des herbes, de la forêt, de la médecine et des poissons.
Ilu bata est le nom donné à celui qui garde les tambours sacrés, les fameux batas.
Omo bata est le nom donné au joueur de tambour bata invité spécialement pour les cérémonies.
Obatalá (roi au pagne blanc), envoyé par Olodumare pour créer la Terre et offrir l’esprit et les rêves à l’homme. Il personnifie la paix, la sagesse, les songes, la créativité (saint : Notre-Dame des Grâces, couleur : blanc) ;
Yemayá (Iemanja au Brésil et Yemoja en transcription européenne[Quoi ?] du yorouba) est l’orisha des océans et de la maternité, de la création de la vie (saint : Vierge de Regla, couleur : bleu) (équivaut à Iemanja pour le candomblé et à la Sirèn dans le vaudou haïtien) ;
Elegguá (ou Elegba ou Eshu) est l’orisha du destin, il est le messager entre Olofi et les autres orishas. Il est celui qui ouvre les portes et transmet les prières aux autres orishas (saint : Antoine de Padoue, Saint Enfant Jésus d’Atocha couleurs : rouge et noir) ;
Oggún a comme attribut le fer car il est un dieu guerrier et forgeron, il fourbit les armes. Il patronne donc la technologie en général. C’est un grand chasseur qui connait les herbes magiques du fait de son amitié avec Osain. Il chasse toujours avec son chien, ce qui fait du chien l’animal sacrifié pour son culte en Afrique, mais plus à Cuba (saint Pierre, saint Paul ou saint Jean-Baptiste entre autres, suivant les endroits, couleurs : violet, vert et noir. Équivalent vaudou : Ogoun) ;
Ochosi : personnifie la chasse et la trajectoire de l’individu (saint : Norbert, couleurs : vert et noir) ;
Chango ou Changó (ou Shango, ou Xango), ancien roi d’Oyo personnifiant la danse, les tambours, la virilité, le feu, la foudre, le tonnerre et la guerre, c’est aussi le patron des pompiers (sainte : Barbe la grande martyre (Santa Barbara), couleurs : rouge et blanc) ;
Ochún ou Oshún, déesse de la sexualité féminine, de la féminité. Elle est une rivière au Nigeria, maîtresse de Changó et de Ogun qui se la disputent, elle est officiellement l’épouse d’Orula (sainte : Vierge de la Caridad del Cobre, sainte patronne de Cuba, couleur : jaune représentant l’or) ;
De l’union illégitime de Shangó et Oshún sont nés les Ibeyis, couple d’enfant jumeaux, révérés sous forme de deux poupées, un garçon et une fille, qui sont invoqués en quête de paix intérieure et de douceur ;
Obbá, la femme légitime de Chango, personnifiant le foyer, la maison et le mariage. C’est la gardienne des tombes, la patronne des lacs et le symbole des femmes qui souffrent pour sauver leur foyer (couleurs : rose et ambre) ;
Oyá ou Yansá, ex-femme de Changó, personnifiant le vent, la porte du cimetière (sainte : Notre-Dame de Candelaria, couleurs : marron et blanc) ;
Omolú ou Babalú Ayé, dieu condamné à l’exil et à souffrir de la lèpre. Il est réputé protéger de la variole et de toutes les maladies transmissibles, et en général tous les malades l’invoquent (saint : Lazare, couleurs : brun et violet) ;
Odduá, dieu des morts et des esprits ;
Orula ou Orunmila, orishá de la divination.

Bibliographie
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(en) John Mason and Gary Edwards, Black Gods — Orisa Studies in the New World, Yoruba Theological Archministry, 1985.
(en) J. Omosade Awolalu, Yoruba Beliefs & Sacrificial Rites (ISBN 0-9638787-3-5).
(en) Baba Ifa Karade, The Handbook of Yoruba Religious Concepts.
(en) David M. O’Brien, Animal Sacrifice and Religious Freedom : Church of the Lukumi Babalu Aye v. City of Hialeah.
(en) James T. Houk, Spirits, Blood, and Drums : The Orisha Religion of Trinidad. 1995. Temple University Press.
(en) Baba Raul Canizares, Cuban Santería.
(en) Miguel A. De La Torre, Santería : The Beliefs and Rituals of a Growing Religion in America.
(en) Mozella G. Mitchell, Crucial Issues in Caribbean Religions, Peter Lang Pub, 2006.
(en) Andres I. Perez y Mena, Cuban Santería, Haitian Vodun, Puerto Rican Spiritualism : A Multicultural Inquiry Into Syncretism. 1997. Journal for the Scientific Study of Religion. Vol. 37.
Roger Bastide, Les Amériques noires : les civilisations africaines dans le Nouveau Monde, Paris, Pavot (Bibliothèque scientifique).

   

Messages

  • 1. Quelques impressions sur Cuba Mai 2025
    4 juillet, 14:14 - par Drweski


    En ce qui me concerne quand j’étais à Cuba il y a un an, j’ai eu des discussions politiques avec des gens "de la rue" et avec des jeunes cadres du Parti communiste, en particulier un jeune député qui a été le meilleur élu du pays. Ces jeunes cadres m’ont apparu politiquement extrêmement bien formés et éduqués, connaissant bien la situation mondiale et les défis auxquels se heurte le pays. Les gens de la rue sont certes souvent désorientés politiquement mais il reste un bon nombre attaché au socialisme et méfiants devant les USA. Les manifestants du 1er mai croisés étaient eux carrément enthousiastes. Un des anciens dirigeant cubain à la retraire que j’ai rencontré m’a donné une vision assez pessimiste de la situation mais m’a quand même dit qu’il estimait que le rapport entre ceux qui croient au système socialiste et ceux qui n’y croient pas est de 50/50. Cela étant la population a massivement participé aux discussions électorales et empêché la nomination de certains candidats pour les élections. La situation semble s’améliorer avec la sortie du Venezuela de sa crise des raffineries.

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