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Cessez d’utiliser le terme « islamisme » : un appel aux mouvements pour la justice sociale

Libérer l’Islam de l’Islamisme.

vendredi 4 juillet 2025 par Vox Ummah/Suad Abdel Aziz/ Mohamed Louizi

Il y a un mot qui revient sans cesse lorsqu’on parle des mouvements de résistance en Afrique et au Moyen-Orient : « islamisme ». Il apparaît dans les titres des journaux, les notes d’orientation politique et même dans les espaces militants, presque toujours comme un raccourci pour désigner « extrémiste », « antidémocratique » ou « terroriste ».
Le Hamas à Gaza.
Les forces armées yéménites qui luttent contre l’occupation étrangère. L’armée soudanaise. L’État anti-impérialiste iranien. Malgré des contextes politiques très différents, tous sont qualifiés d’« islamistes ». Mais d’où vient cette étiquette, que signifie-t-elle et à quoi sert-elle ?

Le terme « islamiste » n’est pas apparu naturellement dans les communautés musulmanes. Il a été inventé et popularisé par les agences de renseignement américaines, en particulier la CIA, dans le cadre d’un lexique antiterroriste qui divisait les musulmans en deux catégories binaires : les musulmans « laïques », considérés comme sûrs et coopéraIl y a un mot qui revient sans cesse lorsqu’on parle des mouvements de résistance en Afrique et au Moyen-Orient : « islamisme ». Il apparaît dans les titres des journaux, les notes d’orientation politique et même dans les espaces militants, presque toujours comme un raccourci pour désigner « extrémiste », « antidémocratique » ou « terroriste ».
Tifs, et les « islamistes », présentés comme irrationnels, violents, radicaux et incompatibles avec la gouvernance moderne.

Ce cadre n’a jamais eu pour objectif de comprendre la vie politique musulmane, mais plutôt de la contrôler et de la manipuler. Un rapport de renseignement de la CIA datant de 1985, par exemple, explique comment distinguer les musulmans « traditionnels » de ceux considérés comme des « islamistes fondamentalistes », laissant clairement entendre que toute expression politique de l’islam est intrinsèquement subversive.

Ce cadre racialisé repose sur l’hypothèse libérale et laïque selon laquelle la religion appartient strictement à la sphère privée. Mais cette hypothèse est profondément idéologique. Elle provient d’une tradition politique euro-américaine dans laquelle la gouvernance est censée être « neutre », alors qu’elle est en réalité imprégnée de normes judéo-chrétiennes.
Comme le souligne Edward Said dans son ouvrage fondateur Orientalism, l’Occident a longtemps construit l’« Autre musulman » comme irrationnel et menaçant, se définissant lui-même par contraste comme moderne, éclairé et rationnel.
L’idée que la gouvernance islamique est particulièrement oppressive ou arriérée occulte le fait que de nombreux États, y compris les États-Unis, sont gouvernés par des valeurs religieuses et des principes ethno-nationalistes.

La véritable objection de l’Occident n’est pas la religion en politique, mais l’islam en politique.

Qualifier un mouvement d’« islamiste » n’est pas une description objective, mais une forme de guerre politique. Cela délégitime l’action politique des musulmans et stigmatise toute alternative islamique au libéralisme occidental comme intrinsèquement dangereuse.
En Palestine, l’étiquette « islamiste » a été centrale non seulement pour justifier le refus d’Israël de reconnaître le Hamas, mais aussi pour qualifier toute résistance d’extrémiste, rationalisant ainsi les punitions collectives et le ciblage des civils palestiniens.

Au Soudan, la milice génocidaire des Forces de soutien rapide (RSF) justifie sa campagne de terreur en prétendant lutter contre les « terroristes islamistes » – un discours repris avec empressement par les Émirats arabes unis et relayé par les médias sionistes tels que le Jerusalem Post, où un récent éditorial appelle ouvertement à une intervention israélienne au Soudan sous couvert de lutte contre le terrorisme.

Ce cadrage est également dangereusement trompeur au sein même du discours politique soudanais. Au sein de la diaspora soudanaise et de certains segments de l’opposition, on observe une tendance croissante à qualifier d’« islamistes » des militaires corrompus ou des politiciens opportunistes, simplement parce qu’ils utilisent une rhétorique islamique.
Mais c’est un diagnostic erroné. Le peuple soudanais ne se soulève pas contre la charia ou les valeurs islamiques, il se soulève contre l’autoritarisme, la corruption et la trahison des principes islamiques.

Le problème n’est pas la gouvernance islamique, mais l’hypocrisie et la corruption.

Cette confusion provient en grande partie de décennies de représentations déformées de la charia. Dans les médias occidentaux dominants, la charia est souvent présentée à tort comme un système juridique draconien visant à asservir les non-musulmans. En réalité, la charia est un cadre éthique diversifié fondé sur des principes tels que la justice, l’équité et le bien-être communautaire.
L’expression politique islamique n’est pas monolithique. Elle est profondément variée, façonnée par les histoires, les cultures et les aspirations locales. Historiquement, les non-musulmans vivant sous un régime islamique étaient protégés, autorisés à pratiquer leur foi et régis par leurs propres lois religieuses.

L’idée que la loi islamique est intrinsèquement oppressive ou incompatible avec le pluralisme est un mythe colonial.

C’est pourquoi même des organisations de défense des droits civiques comme le CAIR ont dénoncé le terme « islamiste » comme étant mal défini et péjoratif. Il n’a pas d’autre signification cohérente que celle de désigner certains musulmans – et leur politique – comme suspects. Il sert de signal islamophobe et de feu vert à l’occupation, aux frappes de drones, aux listes noires et aux guerres de propagande.
Et le libéralisme, profondément ancré dans beaucoup d’entre nous, facilite la reproduction de ce cadre, même dans les milieux progressistes. Cette intériorisation est le produit de décennies de discours médiatiques et de programmes scolaires qui présentent la démocratie libérale occidentale comme le modèle par défaut de la modernité et du progrès.

Dans son ouvrage moins connu, Covering Islam, Edward Said explique comment l’héritage du colonialisme continue de façonner les types de voix et de croyances considérées comme légitimes, en particulier lorsqu’il s’agit des communautés musulmanes. Les médias occidentaux, en particulier, ont joué un rôle puissant dans la présentation de l’islam comme irrationnel, violent ou ancré dans le passé. Au fil du temps, ces idées se sont insinuées dans notre façon de penser, façonnant les types d’expressions politiques considérées comme légitimes et celles rejetées comme arriérées, irrationnelles ou extrémistes.

Nous devons être plus précis dans notre langage.

Si un gouvernement est répressif, si un dirigeant est corrompu, si un mouvement politique commet des actes répréhensibles, critiquons-le clairement et spécifiquement. Mais ne confions pas notre analyse au même vocabulaire utilisé pour justifier le génocide et la domination.
Car lorsque vous qualifiez un groupe d’« islamiste », vous ne vous contentez pas de le décrire, vous l’accusez.

Vous invoquez un cadre antiterroriste conçu pour écraser l’autodétermination des musulmans. Vous vous alignez sur un système qui déstabilise des régions entières, renverse des démocraties et les remplace par des régimes fantoches au service des intérêts occidentaux.
Et pire encore, vous aliénez les communautés mêmes dont vous prétendez soutenir la libération.

Il est temps d’abandonner le terme « islamisme ».

Non seulement parce qu’il est paresseux sur le plan analytique ou dangereux sur le plan politique, mais aussi parce qu’il ne nous a jamais appartenu. C’est un outil de l’empire.
Et nous ne pouvons pas démanteler l’empire avec son vocabulaire encore dans la bouche.

Traduction JP avec DeepL


Voir en ligne : https://voxummah.com/2025/06/stop-u...


Suad Abdel Aziz est une avocate soudanaise américaine et fondatrice de Decolonize Sudan, qui soutient les défenseurs du Sud et lutte contre les violations des droits humains par le biais de la défense juridique, de l’éducation et de l’organisation.

   

Messages

  • 1. Cessez d’utiliser le terme « islamisme » : un appel aux mouvements pour la justice sociale
    5 juillet, 11:08 - par Drweski


    En arabe et dans le monde islamique, il existe un terme pour désigner ceux que les services secrets occidentaux ont appelé les "islamistes", c’est le terme de "takfiri" (donc takfiriste) qui peut se traduire en français par "excommunicateurs", c’est-à-dire, ceux qui rejettent hors du droit les non musulmans et les musulmans qui n’adhèrent pas à l’interprétation extrémiste de ceux qui se croient habilités à décider ce qui est "islamique" et ce qui ne l’est pas. Le terme d’excommunication utilisé dans le monde chrétien et par extension dans le monde occidental correspond exactement à ce que les médias occidentaux appellent perfidement des "islamistes" puisqu’il décrit le comportement de ceux qui croient avoir tout compris et qui veulent imposer leur vision absolutiste et totalitaire de leur propre interprétation des "textes sacrés" ...un comportement qu’on retrouve dans toutes les religions mais qu’on peut tout aussi bien retrouver chez des "laïcs" devenus "laïcistes", y compris chez certains "marxistes" qui interprètent Marx de façon réductrice, à l’image des inquisiteurs catholiques ou ..."Khmers rouges". Les "islamistes modérés", comme le Hezbollah ou le Hamas, qui refusent d’être amalgamés à Al Qaida, Daech (ou ...HTS proclamé d’ailleurs "modéré" par l’OTAN) utilisent justement le terme de "takfiriste" pour désigner cette mouvance extrémiste, alors pourquoi ne pas répandre ce vocable, au moins sous la forme de "islamiste takfiriste", ce qui permettrait d’introduire le mot par étape dans notre vocabulaire ?

  • 2. Cessez d’utiliser le terme « islamisme » : un appel aux mouvements pour la justice sociale
    7 juillet, 12:57 - par Élie


    À l’AES on les appelle simplement des mercenaires à la solde des impérialistes !

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