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Coupure de courant dans la capitale

Canicule ou lutte de classe ?

vendredi 11 juillet 2025 par CGT Énergie Paris

Un comuniqué de nos camarades d’Énergie Paris.(NDLR)

Début juillet 2025, certains usagers “des beaux quartiers” et des bâtiments administratifs parisiens sont privés d’électricité. Des journalistes qui s’emparent de l’affaire expliquent l’origine de ces coupures par des chaleurs estivales “exceptionnelles”. Ces défaillances du réseau géré par ENEDIS, ne sont pourtant pas nouvelles. Elles sont même bien connues par les travailleuses et les travailleurs de la distribution.

Explication technique

Depuis plusieurs décennies, les différences thermiques (souvent de fortes chutes de température après des journées de canicule) dilatent des équipements enterrés appelés Jonctions de Transition Rubanées (JTR). Ces accessoires, qui permettent la liaison entre l’ancienne technologie de câble (appelée câble papier) et la nouvelle (appelée câble synthétique), se rompent sous l’effet de leur dilatation et coupent l’alimentation électrique haute tension.
En 2014, une importante panne dans le 14ᵉ arrondissement, liée au "claquage" de ces JTR, a poussé ENEDIS (appelé ERDF à l’époque) à renforcer son organisation de travail pour le renouvellement du réseau parisien.

Les choix politiques

Ces JTR pourraient être supprimés en remplaçant la totalité de l’ancien câble papier, qui représente aujourd’hui 75 % de la technologie du réseau parisien. Cette solution pourrait résoudre les problèmes de coupures de courant, puisque le claquage des JTR est à l’origine de plus de 50 % des pannes à Paris.

Cependant, les décisions d’investissement de l’entreprise, privatisée depuis les années 2000, favorisent les intérêts de la classe dominante. Chaque année, les sommes versées à l’actionnaire unique (EDF) ne cessent d’augmenter, atteignant 1,25 milliard d’euros en 2024. ENEDIS prévoit une distribution de dividendes de 3 milliards d’euros entre 2025 et 2027, soit 65 % des résultats de l’entreprise.

L’adaptation du travail

Pourtant, ce ne sont pas ces choix capitalistes qui sont à l’origine des coupures du mois de juillet 2025. Chaque année, les agentes et les agents qui exploitent le réseau sont confrontés à ces situations de “crise” liées aux canicules parisiennes et ont adapté leur organisation de travail pour y répondre.
Par exemple, le plan “ADEL” ou le plan “FIRE”, déployé en cas de canicule à Paris, permet le dépassement d’horaires, la possibilité de faire venir des renforts de toute la France et débloque des fonds exceptionnels pour payer différentes primes et heures supplémentaires.
Cette mobilisation permet de maintenir le réseau sans coupure. Bien sûr, cette organisation n’est possible qu’en sacrifiant la santé et le temps des travailleuses et travailleurs, qui sont les moins reconnus dans l’entreprise. C’est d’ailleurs ce manque de reconnaissance, autant professionnelle qu’économique, qui pousse nos collègues à de tels sacrifices.

Ainsi, ils peuvent bénéficier d’un salaire plus adapté au coût de la vie, tout en donnant un sens à leur travail. L’employeur a bien intégré ce mécanisme de motivation et profite très largement de cette situation, dont il est responsable, pour limiter ses coûts dans l’investissement d’un réseau plus sûr.

Pourquoi des coupures en juillet 2025 ?

Si cette année le réseau n’a pas pu être sauvé, c’est parce que nos camarades astreignantes et astreignants ont refusé de se mobiliser.

Explication

Les travailleuses et les travailleurs qui tiennent l’astreinte bénéficient d’une compensation pour leur logement. Ce n’est pas un cadeau de l’entreprise, mais une nécessité pour remplir ses objectifs : les communes, à qui appartient le réseau, sont très regardantes sur le temps de coupure par habitant et pénalisent le concessionnaire du réseau (ENEDIS à Paris) si ce délai est trop important. Or, pour pouvoir intervenir rapidement sur le réseau en cas de défaut, les agentes et les agents d’astreinte doivent résider à proximité de leur lieu d’intervention.

Malgré ce dispositif financier de compensation des loyers, de graves problèmes liés au logement persistent depuis plusieurs années : prestations pour les transactions entre bailleurs et propriétés délocalisées et défaillantes (ENEDIS est reconnu comme mauvais payeur par les bailleurs parisiens), impossibilité de loger les grandes familles (plafond atteint pour les travailleuses et travailleurs avec plus de 5 enfants), plafond calculé sur une moyenne qui inclut les logements de banlieue (écart important avec la réalité du marché parisien), dispositif “1% logement” trop lent (beaucoups de camarades ont essuyé plus de 100 refus sur plusieurs années), etc.

La colère monte

L’insatisfaction est grande. Nos camarades travailleuses et travailleurs d’astreinte de la distribution électrique ont de grandes difficultés à se loger ou à prétendre à des logements décents. Certain·es collègues ont dû être hébergé·es d’urgence puisqu’ils dormaient dans leur voiture, d’autres ont reçu la visite d’huissiers de justice pour défaut de paiement de leur employeur, certains habitent très loin de leur lieu de travail, etc.

Après plusieurs mobilisations éparses sur les sites de travail, de multiples interventions de la CGT Énergie Paris et plusieurs demandes infructueuses d’ouverture de négociations, la direction refuse toute discussion et laisse la situation se dégrader, sans proposer la moindre amélioration ni initiative pour une résolution durable.
Pire encore, au lieu de reconnaître les difficultés liées au logement, elle discrédite les agents d’astreinte en les présentant comme des privilégiés – sous prétexte qu’ils sont logés dans la capitale a moindre frais–, minimisant ainsi leurs conditions de travail exigeantes et le lien entre la nécessité de service et cet arrangement financier.

Comme toujours dans ce mode de production capitaliste, au dogme absolu de la diminution des coûts de production s’ajoute un mépris de classe : Il leur est insupportable de voir des ouvrières et des ouvriers en bleu de travail, issus des quartiers populaires, bénéficier de logements inaccessibles à certains cadres.

La goutte d’eau

Ce qui a fait basculer la situation vers une grève, c’est :

● Le choix de la direction nationale d’exclure les agentes et les agents d’astreinte de l’obtention d’une prime vie chère pour 2025, sous prétexte qu’ils bénéficient déjà d’une compensation via leur logement ;
● Le passage à une astreinte à durée limitée (5 ans maximum) pour les nouveaux arrivants.
● Le passage à une astreinte à durée limitée (5 ans maximum) pour un agent déjà en poste.

La direction parisienne empêtrée dans ses contradictions

Pas de chance pour ENEDIS Paris : entre le 1er et le 5 juillet, 135 incidents dus à la dilatation des JTR, et cette fois-ci, plus personne pour courir réparer.

Résultat :
● La Caisse des dépôts dans le noir ;
● L’assemblé nationale partiellement sans courant ;
● Le Café de l’Opéra coupé ;
● L’Hôtel Soyecourt sans électricité ;
● La Société Générale (Bd Haussmann) paralysée ;
● Les Galeries Lafayette plongées dans l’obscurité ;
● Un poste HTA de la gare de Lyon hors service.

Et coup de théâtre :
La Villa Montmorency s’éteint à son tour.
Même Vincent Bolloré et Xavier Niel goûtent aux joies des délestages.

Ceux qui ont privatisé, sous-investi et méprisé les équipes techniques subissent désormais leur propre gestion. Une situation qui nous rappelle que ce mode de production capitaliste produit ses propres contradictions et qu’elles pénalisent toujours notre classe sociale.

Lutte de classe

Comme toujours, lorsque la bourgeoisie est menacée, elle montre ses dents. Dès les premiers signes de fragilité du réseau, la direction d’ENEDIS s’est empressée de délivrer des courriers en main propre de maintien en poste (d’une légalité douteuse) aux astreignant·es pour contrer leur grève.
En effet, ce tour de passe-passe juridique permet de détourner le droit de grève en se réservant la possibilité de “réquisitionner” les technicien·nes (avec l’appui des forces de l’ordre pour aller chercher les agentes et les agents à domicile).
Néanmoins, la maîtrise de l’organisation et de l’outil de travail a permis aux travailleuses et travailleurs de maintenir la pression : grève du zèle, dissuasion des renforts nationaux, solidarité entre travailleuses et travailleurs, contestation juridique des maintiens en poste, soutien d’autres services en grève, etc.

Victoire des travailleuses et des travailleurs

Sous la pression de sa hiérarchie, elle-même submergée par les appels d’usagers (majoritairement issus de la classe dominante) privés d’électricité, le directeur parisien a dû céder et engager des négociations avec les représentants de la CGT ENERGIE PARIS. L’ensemble des revendications portées par les agentes et les agents ont finalement été acceptées par une direction à genoux.

Conclusion

Même si la météo a fortement participé à ces pénuries, c’est bien la lutte de classe qui en est à l’origine. L’ampleur et la portée des coupures ont secoué les hautes instances de la direction d’ENEDIS qui se sont empressé de reconsidérer les travailleuses et les travailleurs, seul producteur de richesse, et de résoudre leur propre contradictions.

Le directeur parisien, lui, répète qu’il “ne cède pas face à la pression ou aux menaces”. Pourtant, ce sont bien les luttes qui l’ont contraint à agir. Un avis qu’il risque de revoir d’ici la fin de son mandat qui le dresse face à l’ensemble des collègues représenté par le syndicat CGT ENERGIE PARIS.

La maîtrise de l’organisation du travail et des outils aux mains des seuls producteurs de richesse a permis de démontrer, une fois de plus, l’inefficacité d’une gestion capitaliste par rapport à une gestion ouvrière.
Il reste encore énormément de chemin avant cette prise de conscience collective vers la réappropriation de l’outil de travail, mais la quantité de petites victoires mènera, un pas après l’autre, vers un changement significatif.

“Nous travaillons, nous produisons, nous décidons”.

   

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