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Petite histoire de l’armée française. Et de ses mythes nationalistes
Suivi de la chanson « Giroflé, girofla »
vendredi 25 juillet 2025 par Francis Arzalier/JP
Les commentaires à l’occasion du 14 juillet ont donné l’occasion à nos bavards télévisés d’en rajouter sur les envolées bellicistes de Macron et ses fidèles, en reprenant à leur compte une version quasi-officielle de l’histoire de la France et ses armées, qui est en fait un ramassis de mythes et contre-vérités, même quand ils sont crûs naïvement par des millions de nos concitoyens.
Expansionnismes français
Ainsi, les générations de Français, marquées par les souvenirs familiaux des conflits successifs de 1870, 1914-18 et 39-45, pensent généralement que l’Allemagne a un passé particulièrement belliqueux, face à un hexagone national qui ne l’est pas.
Ce qui est totalement faux :
La monarchie capétienne a dès le Moyen Âge élargi son espace par de brutales guerres de conquêtes, comme la Croisade contre les Cathares du Comté de Toulouse-Occitanie.
Cet expansionnisme pillard a continué avec les guerres déclarées et menées à partir de 1792 par les Girondins et le Directoire en Belgique et Italie, poursuivies au détriment de toute l’Europe par l’Empire napoléonien.
Le même expansionnisme guerrier a continué de 1830 à 1914 sous la forme de conquêtes coloniales (Maghreb, Asie et Afrique Noire), ponctuées d’enfumages et d’exactions. Les volontés nationales en Europe, Afrique et Asie se sont indéniablement construites contre l’expansionnisme français.
À l’inverse, l’expansionnisme allemand fut à peu près inexistant faute de moyens avant l’unification et surtout l’industrialisation de la fin du 19éme siècle. Et après le drastique écrasement du Nazisme en 1945, le peuple allemand a été pratiquement démilitarisé durant un demi-siècle, avant le retournement belliciste récent de ses dirigeants.
Arrogance militaire française ?
Le Nationalisme français a réussi à persuader jusqu’à nos jours la majorité de nos concitoyens d’un autre mythe historique, la supériorité, militaire, tactique et morale de l’armée française.
Or, cette supposée « meilleure armée du monde », comme on le disait encore en 1938, a vécu une continuelle succession de défaites cinglantes au cours de son histoire, dont la première fut l’effondrement désastreux de l’armée napoléonienne face aux soulèvements nationaux en Espagne, Allemagne, Russie, avant l’écroulement total en 1815.
Et le Second Empire y ajouta l’échec humiliant des velléités conquérantes au Mexique entre 1861 et 67, puis sa débandade finale en 1870 devant l’armée allemande.
En 1914, l’efficience militaire de l’arme française fut telle que les troupes allemandes arrivèrent à quelques dizaines de kilomètres de Paris, et il fallut trois ans de tranchées et d’épouvantables carnages, plus l’apport Étatsunien de 1917, pour inverser le rapport de forces sur le champ de bataille.
En 1940, la « meilleure armée du monde » fut culbutée en quelques semaines, et les guerres pour le maintien de l’Empire colonial se conclurent après 1950 par une longue série de défaites humiliantes, de Dieu Bien Phu en Indochine en 1954, à l’Indépendance algérienne de 1962, malgré 8 ans de guerre féroce.
Le début du siècle 21ème est venu apporter un nouveau démenti à la prétendue excellence de l’armée française dans son pré-carré africain.
Elle s’est révélée incapable de vaincre comme promis l’insécurité djihadiste au Sahel, ce qui lui a valu d’être expulsées des Mali, Niger et Burkina, et ensuite du Sénégal.
Des faits qui rendent peu crédible le récent discours de Macron posant au chef de guerre Européen.
Distanciation croissante entre l’armée et la nation
Le discours de 1792 d’une armée comme émanation de la Nation française menacée, est au fil du temps devenu obsolète, même si nombre de politiciens actuels persistent à le cultiver à l’occasion, notamment par les symboles officiels : les couplets de la Marseillaise notamment sont à usages multiples et politiquement fort contradictoires, mais ces phrases symboliques ont été très vite confrontées aux réalités.
Dès les régimes successifs du 19éme siècle, l’armée a fréquemment été utilisée contre les revendications ouvrières (juin 1848, juin 1871, et fusillade de grévistes du Premier mai 1891 à Fourmies).
Durant la sordide Affaire Dreyfus (à partir de 1895) les militaires professionnels furent les principaux promoteurs de l’antisémitisme anti-républicain, refusant de casser un verdict qu’on savait faux pour « protéger l’honneur de l’Armée ».
Même si les Gaullistes dirigeant le pays libéré à partir de 1945 ont mis très en valeur les « Généraux de la France Libre » Juin, Leclerc, De Lattre, etc., cela ne doit pas occulter la réalité historique : Ceux qui rejoignirent la « dissidence » et De Gaulle à Londres, et à fortiori ceux qui organisèrent les organisations résistantes armées sur le territoire français (FTP, MUR, etc.) le furent majoritairement par des civils militants.
La grande majorité des professionnels militaires fut de 1940 à 43 Pétainiste à l’exemple de l’Amiral Darlan, elle ne fut pas à l’origine de la Résistance armée.
Cette césure entre l’armée professionnelle et la Nation s’élargit encore plus au cours des guerres coloniales, surtout quand les troupes françaises utilisèrent massivement en Algérie tortures et brutalités, en les imposant parfois à un « Contingent » réticent.
Et ce fossé s’est encore élargi vers 1960 quand « l’élite » de cette armée, les parachutistes du 2éme REP, se fit auteur d’un coup de force contre la Nation pour sauver le statut colonial, et enfanta l’OAS.
Faut-il le préciser en conclusion ?
L’éloignement entre l’armée professionnalisée et la Nation est devenu un gouffre, quand le service militaire obligatoire, qui avait été durant le XXème siècle un outil fondamental de cohésion nationale, fut supprimé en 1997 !
Alors que l’humeur belliciste envahit les discours de nos dirigeants, il est sain de rafraîchir quelques mémoires enfiévrées.
Ne faisons pas revivre à notre peuple les drames des guerres du passé !
Photo : Forces françaises déposant les armes le 1er juin 1940 à Lille (Bundesarchiv, France Info)
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Je vous propose d’écouter cette vieille chanson.
Rosa Holt a écrit cette chanson, à 53 ans, juste avant de mourir, en 1935. Fuyant l’Allemagne se nazifiant, elle vivait à Paris et est enterrée au Père-Lachaise. Pour la musique de sa chanson, Rosa à utiliser celle d’une comptine enfantine éponyme, au demeurant stupide !
Giroflé-Girofla est une chanson contre les horreurs de la guerre, de toutes les guerres.
Seul le dernier couplet est sans doute contestable, car on ne meurt jamais pour rien à la guerre. Soit c’est pour la liberté, soit c’est pour enrichir les marchands d’armes, copains de Macron…Donc pas pour rien, mais pour le profit de quelques-uns.
Néanmoins, je pense que « Tant qu’y aura des militaires, soit ton fils, soit le mien, il ne pourra y avoir sur terre pas grand-chose de bien…" Là ma tendance anarcho-communiste serait plutôt d’accord. Ça se discute…(JP)
Que tu as la maison douce,
Giroflé - girofla
L’herbe y croît, les fleurs y poussent
le printemps est là
Dans la nuit qui devient rousse,
Giroflé - girofla
L’avion la brûlera, l’avion la brûlera !
Que tu as de beaux champs d’orge,
Giroflé - girofla
Ton grenier de fruits regorge,
l’abondance est là...
Entends - tu souffler la forge ?
Giroflé - girofla
L’canon les fauchera, l’canon les fauchera !
Que tu as de belles filles,
Giroflé - girofla
Dans leurs yeux où la joie brille,
l’amour descendra...
Dans la plaine on se fusille
Giroflé - girofla
L’soldat les violera, l’soldat les violera !
Que tes fils sont forts et tendres,
Giroflé - girofla
Ça fait plaisir de les entendre,
à qui chantera !
Dans huit jours on va t’les prendre,
Giroflé - girofla
L’corbeau les mangera, l’corbeau les mangera !
Tant qu’y aura des militaires,
soit ton fils, soit le mien,
il ne pourra y avoir sur terre
pas grand-chose de bien...
On t’tuera pour te faire taire,
par derrière comme un chien...
Et tout ça pour rien !
Et tout ça pour rien !

