Le plan comptable des démocraties : « C’est sûr que balancer des graphs avec 11% pour le vainqueur ça fait pas sérieux. »

C’est sûr que balancer des graphs avec 11% pour le vainqueur ça fait pas sérieux. On sentirait tout suite comme une fuite. Tout le monde se mettrait à calculer et re-calculer. Chacun s’apercevant de la fuite on chercherait le plein. le 100. Est-ce que le 100 c’est le nombre d’inscrits, le nombre de personnes ayant droit de voter, le nombres d’exprimés ou le nombre de personnes ayant voté. Bref on ne sait plus.

On ne sait plus même si on n’a jamais su. On n’a jamais su parce qu’il n’y avait pas à savoir étant donné les gros chiffres. Avec des tous petits chiffres c’est tout autre chose.

A la fin des fins la démocratie c’est comme un bilan comptable. On traficote les chiffres au mieux, on présente comme on peut du négatif en positif ou du positif en négatif c’est selon. On fait en sorte que personne n’ait l’idée d’aller y voir de plus près. On brouille les pistes pour qui veut remonter à la source.
On aura donc soustrait 23 613 483 puis 551 235 puis encore 525 793. On l’aura soustrait d’un ficher qui lui aussi est déjà une soustraction, d’une soustraction.

Il y a en France 51 600 000 personnes qui ont le droit de voter. Ce droit de voter c’est déjà une soustraction. Soustraction de ceux qui n’ont pas le droit de voter et qui pourtant auraient bien leur mot à dire. Les bilans comptables des démocraties commencent toujours par une amputation. Un truc du genre « ferme ta gueule, le vote c’est pas pour n’importe qui ». C’est la vielle théorie de la communauté qui veut son sacrifice pour exister comme communauté. Et de ce point de vue là, la démocratie n’a point évolué depuis ses débuts. Il lui faut toujours une part à soustraire. De là sans doute son amour pour les soustractions.

De ce premier chiffre donc, lui même soustrait d’un inconnu - pas si inconnu que ça tout de même si on voulait bien y regarder - on soustrait 4 255 265. Soit plus que le nombre de ceux qui ont voté pour Europe Écologie. Davantage encore que ceux qui ont voté pour France Insoumise. Et presque autant que ceux qui ont voté pour la Renaissance. Bref c’est déjà pas mal. C’est la soustraction de la première écriture comptable. Celle de la naissance du fichier.

A la première soustraction politique, vient s’ajouter la soustraction technique. Ensuite on continue la soustraction. Soustraction de ceux qui bien inscrits dans le fichier ne sont pas venus signer. ça fait quand même 23 613 483. Presque autant que tous ceux qui sont venus signer. Là c’est la soustraction qui tue. Celle dont tout le monde parle. La plus connue. Celle qui rend fou de rage les adeptes des signatures et des tampons. On les appelle les absents.

Faisant évidement croire qu’ils sont le tout des absents. Faisant oublier les deux premières soustractions. Comme c’est un gros chiffre, il faut dire que c’est tout le chiffre. Ensuite vient des petites soustractions d’ajustement. Faites pour affiner le résultat. Les riens du tout, 551 235 par exemple. Et puis les nuls, ceux qui on fait n’importe quoi, 525 793. Ces deux-là, les nuls et les riens du tout, on dit d’eux qu’ils n’ont pas su s’exprimer. Et ça c’est grave ! La démocratie a horreur des gens qui s’expriment mal. D’ailleurs les riens du tout, font intensément campagne pour se différencier des nuls, estimant que rien du tout c’est une expression juste, parce que sans ambiguïté. Non équivoque dit-on.

Une fois toutes ces soustractions faites on a un résultat positif. 22 654 224. 43%.

L’opération magique consiste à faire de ces 43% un 100%.

Et ont dit alors 23% pour les fachos, 22% pour les libéraux, 13% pour les écolos de marché, etc... Et c’est officiel, c’est placardé partout, crié, hurlé, fêté, débattu. C’est le socle de tout le reste, c’est le droit à éborgner, c’est le palais et la voiture de fonction. C’est l’édito et le commentaire.

Évidement, comme ces soustractions commencent à se savoir beaucoup et comme le total des soustractions est chaque fois plus important que le total du résultat, certains imaginent rendre obligatoire la participation au fait majoritaire. Reste qu’il faudrait se mettre d’accord sur qui.

D’après les fans de l’isoloir, on garderait quand même la soustraction politique. Et oui, on ne va quand même pas partager sa voix avec des étrangers ou des enfants. Reste que forcer la signature c’est une chose, bien s’exprimer s’en est une autre. Et comment alors différentier l’expression libre d’une expression forcée.

Nul doute que les agents comptables y réfléchissent déjà considérant que l’important c’est la manière dont on présente les choses. On pourrait tout aussi bien leur demander de faire d’un perdant un vainqueur, qu’ils y arriveraient à merveille. Et c’est ce qu’ils font du jour au matin.