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Union de la gauche ou soulèvement populaire ?

vendredi 2 août 2019 par Jean Penichon

Introduction au débat par Charles Hoareau, lors du festival La Belle Rouge de Saint Amand Roche Savines devant près de 100 personnes.

Dans quelle situation sommes-nous ?
Pour la caractériser à grands traits forcément réducteurs :
-1) Le capital (MEDEF + gouvernement) continue ses coups de boutoirs tous azimuts sous le regard lucide mais trop souvent désabusé et fataliste d’une population qui :

  • Pour les 2/3 pense que le système capitaliste est un mauvais système [1]
  • Pour près de 40% pense qu’il faudrait une révolution [2]
  • Vote au grand maximum à 50% et de façon totalement hétéroclite voire en décalage avec la protestation exprimée
  • Est syndiquée à seulement 6%
  • Soutient majoritairement un mouvement des gilets jaunes malgré la violence exprimée dans certains cortèges, sa mise en exergue par le pouvoir et la répression qui l’accompagne [3]

- 2) Le camp de celles et ceux qui résistent ne semble pas en mesure de contrer les attaques parce que trop dispersé, avec des directions syndicales et politiques qui semblent en décalage avec le pays réel y compris celui de leur propre base.

- 3) Conséquence de ce qui précède, s’exprime un « refus des organisations » déjà analysé sur www.ancommunistes.fr (Faut-il brûler les organisations ? et Unir la gauche ?) qui n’est pas l’apanage des gilets jaunes, ni un champignon qui a poussé en une nuit, mais un mouvement aux racines déjà anciennes que l’on pourrait situer pour trouver une date d’amplification d’un phénomène qui est loin d’être seulement un réflexe individualiste, à la fin des années 70 et des turpitudes autour du programme commun.

- 4) Un souhait de voir partir les équipes dirigeantes en place, de voir une politique qui prenne en compte les aspirations et revendications du peuple, s’exprime fortement sans qu’un comment faire et un pour quoi faire émergent et rassemblent.

Dans cette situation compliquée, les organisations que l’on retrouve dans nos manifs « institutionnelles » (et parfois seulement là), pour ne nous en tenir qu’à elles, que proposent-elles en particulier en vue des élections prochaines…et qu’elles n’ont pas proposé pour celles qui viennent de se tenir ?

Il y a en gros 2 positions qui ont un point commun et pour partie s’affrontent et divisent d’ailleurs la FI et plus marginalement le PCF.

  • Ce qu’il y a de commun (pour le PCF, la FI, le NPA) c’est que l’essentiel de l’échec aux élections venant des divisons, il convient de lancer un appel aux « citoyen-e-s » pour un rassemblement qui sera forcément vainqueur et derrière lesquels se rangeraient des organisations y compris en tant que rassemblement d’individus s’exprimant « à titre personnel ».

Ce qui fait désaccord c’est :

  • Pour le PCF, le NPA et une partie de la FI la référence à la notion de gauche (celle-ci introduisant un nouveau désaccord sur le fait d’inclure ou non le PS, GénérationS et EELV)
  • Pour l’autre partie de la FI c’est la volonté de rompre avec la notion de gauche et de droite pour faire place à une fédération populaire construite sur une base populiste, c’est-à-dire du peuple en opposition aux élites autoproclamées et incluant sans distinction d’organisation, associations, syndicats et partis traditionnels.

Autant le dire pour l’ANC nous ne nous reconnaissons dans aucun de ces choix et de leurs sous-ensembles.

Pour au moins 5 raisons
Au-delà des termes employés et de l’habillage le risque est grand de voir ressurgir comme une alternative aux pouvoirs en place (quelle que soit leur étiquette) des alliances réhabilitant de fait le PS et qui ne pourront pas prendre en compte l’aspiration populaire à ce que cela change vraiment parce qu’au fond :

  • 1. Ce sont les mêmes qui ont échoué avec la gauche plurielle qui les conduisent,
  • 2. Parce qu’elles nient en apparence le rôle des organisations donc de la réflexion collective et le pouvoir de contrôle de la population alors que pourtant elles sont structuralistes.
  • 3. Parce que ces alliances ne prennent pas en compte la classe ouvrière d’aujourd’hui telle qu’elle est.
  • 4. Parce qu’elles ne s’attaquent pas aux choix de société mais se limitent à l’aménagement du système.
  • 5. Parce qu’elles ne posent pas enfin la question du rôle des communes dans les eurométropoles de demain et du poids de l’UE jusque dans les choix les plus locaux…etc.

Pour reprendre ces points un par un.

1 la gauche plurielle a non seulement échoué mais en plus elle a fait grandir par le poids des déceptions qu’elle a fait naitre, l’extrême droite. Pour une raison bien simple : sur le plan économique il n’y a pas dans l’exercice du pouvoir de différence entre la droite et la gauche. Enfin en tous cas on ne l’a pas vu et on ne le trouve pas…La fin de ce clivage droite/gauche d’une part, le refus des démocraties internes et externes pour faire admettre cette fin, expliquent selon nous pour une large part ce refus criant des organisations aujourd’hui.

2 Pourtant il est clair pour nous que les organisations sont nécessaires pour qui veut prendre le pouvoir pour changer durablement les choses. Nécessaires aussi pour élaborer en lien avec les revendications populaires des propositions politiques. On peut se rebeller sans organisation, mais pas prendre le pouvoir.

Pas l’organisation pour l’organisation (ce qui serait structuraliste) mais l’organisation pensée comme outil du peuple. Dire cela n’est surtout pas nier les défauts qui sont reprochés souvent à juste titre (même si cela est confus) aux organisations mais les prendre en compte et les analyser.

Sur cette question nous nous opposons à celles et ceux qui en sont à nier la spécificité des apports des différentes formes d’organisation que le peuple se donne et par lesquelles il a conquis des droits y compris en termes de droit organisationnel (droit syndical, associatif…) mais confirmons notre attachement au « lien dialectique entre luttes syndicales ou associatives et perspectives politiques ».

De ce point de vue nous devons remettre au goût du jour et l’expliciter la notion de « mouvement ouvrier » ou pour la nommer autrement, mouvement du monde du travail ou du prolétariat au sens de mouvement de celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre.

3 Prendre en compte la classe ouvrière d’aujourd’hui dans sa diversité ne signifie pas mettre en vue « l’arabe de service ». Cela signifie que les organisations doivent avoir non seulement une composition sociologique en harmonie avec celle de la classe ouvrière de notre temps mais aussi et surtout faire en sorte et avoir le souci permanent que celles et ceux qui souffrent le plus du capitalisme soient à la tête du mouvement.

Dans une société qui veut substituer aux questions de classe celles de race cela signifie poser en permanence la question du refus des discriminations. Cela signifie enfin de cesser de privilégier ceux qui parlent bien et agissent peu au détriment de ceux qui vivent mal, parfois parlent peu ou simplement mais agissent bien.

4 Poser la question du changement de système et notamment d’en finir avec la loi du propriétaire que les gouvernements successifs au service du MEDEF veulent imposer est imparable. Dans le système capitaliste d’aujourd’hui, une alliance qui ne pose pas la question de la propriété collective des entreprises, des services, du foncier est vouée à l’échec de ses réalisations et promesses et donc confrontée à la colère de la population ou à une limitation des objectifs annoncés et se retrouvera donc en deçà des attentes de la population.

Ce point et celui qui précède expliquent plus sûrement le refus de vote de près de 50% de la population [4] que la division. Pour mémoire aux européennes de 1979 il y avait le même nombre de listes classées à gauche que cette année et cela n’avait pas empêché la liste PCF emmenée par Georges Marchais d’obtenir plus de 20% des voix.

Poser la question du changement de système en vue des prochaines élections municipales c’est par exemple affirmer la volonté de la réquisition d’une entreprise qui veut fermer, de la remunicipalisation de services aujourd’hui privatisés, de la réquisition de logements maintenus vides ou insalubres, de celle de terrains dont la population a besoin. C’est l’exemple de la commune de Caracas réquisitionnant un terrain de golf pour en faire 5000 logements sociaux. Cela soulève une autre question qui devrait être dans le débat public dans cette période d’avant élections municipales : celle du pouvoir des communes.

5 Une alliance qui ne pose pas la question de l’aménagement du territoire et du rôle des communes et des métropoles tel qu’il a évolué au fil des lois et réglementations communautaires de ces dernières années, créera des illusions et des désillusions. Aujourd’hui la gestion des communes échappe pour partie aux élus municipaux au profit des instances des métropoles qui elles-mêmes sont souvent soumises à des directives européennes qui peuvent être de véritables carcans. La marge de manœuvre d’une équipe municipale, qui n’a jamais pu constituer bien sûr un ilot de socialisme dans un pays capitaliste, est aujourd’hui encore plus réduite et le pouvoir encore plus éloigné des citoyens que naguère.

Pour l’ANC il ne s’agit donc pas tant d’unir d’abord ce qui existe que de changer en premier l’offre politique.

Notre première difficulté est, prenant en compte la force de l’aspiration au changement et la volonté de rassemblement, d’être compris.

Une autre difficulté est que, lorsque des organisations CGT appellent à une riposte globale, elles soient soutenues et comprises dans leur démarche ce qui a manqué à la réussite du 27 avril dernier où les organisations politiques de « gauche » ont brillé par leur quasi absence (à l’exception notable de l’ANC, si petite soit-elle).

Bien sûr nous savons toutes et tous que pour gagner des combats l’unité est nécessaire. Elle peut d’ailleurs recouvrir des forces différentes selon les batailles. S’unir pour combattre l’UE n’est pas la même chose que s’unir contre un projet de privatisation d’aéroport, pour faire gagner une lutte pour l’emploi ou chasser de la gestion municipale une équipe qui pille la ville.

La question de l’union n’est pas secondaire, elle est SECONDE et tributaire des objectifs qu’on se donne. Elle prend appui sur les revendications et est à leur service exclusif. Les questions du avec qui, sur quel contenu et comment la bâtir vient après.


[1Sondage de l’institut GLOBE publié par le Nouvel Obs du 15 juin 2019 confortant tous les sondages parus sur ce sujet ces dernières années

[2Sondage IFOP publié par Atlantico le 21 mars 2019

[3Baromètre hebdomadaire OpinionWay

[4Et jusqu’à 80% dans les quartiers où vit la population la plus pauvre

   

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