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Éloge de la grève

lundi 9 mars 2020 par Le Collectif Editorial de la revue Les Mondes du Travail

Elle ne ressemble en rien au « droit à la paresse » : être en grève représente au contraire un sacrifice. Il n’y a que ses « passagers clandestins » pour qui elle représente l’opportunité de bénéficier des conquêtes sans prise de risque.

Il y a certainement mille façons de faire grève. Le premier principe consiste à désobéir, à refuser que se poursuive une activité dans laquelle on est engagé. Au 19ème siècle, refuser de se faire embaucher constituait déjà un mode de rébellion, une manière de « faire grève ». Les Bourses du travail, berceau du syndicalisme français, sont nées du refus de se faire employer par certains patrons comme d’être soumis à des intermédiaires d’où le délit de marchandage).

La première grève générale, selon le sociologue afro-américain W.E. Dubois, fut celle des esclaves, qui au début du 19ème siècle fuyaient en masse les plantations de coton pour tenter de vivre une vie ailleurs.

La grève, ce n’est pas seulement refuser de travailler. On peut la faire sur le tas, en croisant les bras sur le lieu de travail ; en faisant un sit-in comme les ouvriers de l’automobile aux États-Unis dans les années 1930 ; ou en faisant la grève du zèle ou la grève bouchon.

Aujourd’hui, dans beaucoup de pays, ce mode d’action est codifié, soumis à des règles et une obligation de préavis. En Grande-Bretagne, grâce à Margaret Thatcher, l’intention de faire grève doit être majoritaire avant de pouvoir avoir lieu. Dans d’autres pays, elle représente toujours un droit, y compris individuel.

La grève est une dissidence, une sédition, même si elle peut se faire au nom d’un travail bien fait. En cela, elle exprime la rupture avec les automatismes sociaux qui forment notre quotidien. Elle exprime le choix de la liberté de dire non, une sorte de subjectivité rebelle, même si ce choix implique une répression, des sanctions, une perte de salaire, la mise à l’index via des listes noires.

Pour agir de la sorte, il faut que le quotidien soit rendu insupportable. Les premières grèves furent sauvages ou impromptues, subversives car déstabilisant l’ordre établi, et à ce titre toujours sévèrement réprimées. Leur reconnaissance légale (en 1864 en France) a donné lieu à leur codification dans le cadre du mouvement ouvrier dont elles deviennent le principal mode d’action, proprement révolutionnaire (appel à la grève générale). Les grèves de 1936 et 1968 sont symptomatiques de leur pouvoir de transformation sociale et politique. Massives, elles ont la capacité à agréger les colères et les revendications.Tant que possible, les pouvoirs en place les ont en partie domestiquées.

En Allemagne, les grèves ont lieu quand rien n’est obtenu à la table des négociations. En France, du fait d’une structuration antagoniste des « relations sociales » (le pouvoir patronal ne se partage pas), il faut faire grève pour ouvrir la possibilité de négocier. Hélas, ce mode d’action ritualisé et légalement normalisé, s’enferme dans un carcan qui lui enlève son caractère subversif, seule source de changement dans le rapport de force qui oppose capital et travail.

La grève a une dimension éminemment collective : elle fabrique et nourrit le collectif qui en retour lui donne sa force.

Mais cette dynamique est systématiquement jugulée par les mécanismes d’individualisation et d’atomisation du monde du travail. On cache l’antagonisme sous des appellations euphémisantes, voire insultantes : les salariés (subordonnés) sont devenus collaborateurs, les syndicats « partenaires sociaux ». On parle d’employeurs et d’organisations représentatives, de relations professionnelles ou de dialogue social. Mais derrière ces mots, l’antagonisme existe toujours. Pas en permanence, mais il ressurgit tôt ou tard.

La grève est ainsi plurielle, mais au-delà des différences qui la « travaillent », ce refus d’alimenter la plus-value est assurément une ouverture pour l’imaginaire.

Un moment où les travailleur.se.s se donnent enfin l’opportunité de penser leurs vies. « Ne pas perdre sa vie à la gagner » ? Gagner le droit à vivre sa vie !

   

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