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Cette Corse qui se rappelle à nous

lundi 14 mars 2022 par Francis Arzalier (ANC)

L’actualité à l’est de l’Europe occupe les jours et les nuits de nos télévisions, affairées depuis des semaines à chauffer à blanc la haine anti-russe, et à convaincre les Français que leurs grands-parents, Gaullistes et Communistes, ont eu tort de s’opposer au réarmement allemand et à l’OTAN.
Du coup, les autres faits d’actualité sont passés sous silence, même quand ils sont graves, comme ce qui s’est passé et se passe en Corse depuis une semaine.

Le point de départ a été début mars 2022 l’assassinat par étranglement d’Yvan Colonna, condamné à la prison à vie pour l’exécution du Préfet Érignac, et maintenu en prison de Haute Surveillance (à Arles après la Région parisienne) ce qui a empêché son transfert vers une prison de Corse, comme le demande depuis vingt ans sa famille contrainte à de gros frais de voyage et de séjour pour lui rendre visite épisodiquement sur le Continent.

Cette demande est depuis longtemps aussi le fait des partis nationalistes de l’île, et de l’unanimité des élus de la Collectivité Territoriale de Corse, ce qui n’implique nullement l’approbation du crime pour lequel Yvan Colonna (fils d’un notable socialiste azuréen) a été condamné.

Le transfert a toujours été refusé sous prétexte que Colonna était sous Haute Surveillance, en tant que détenu particulièrement dangereux. C’est pourquoi on peut s’interroger sur les conditions de l’agression contre Colonna, dans une salle de sport de la Prison de Haute Sécurité d’Arles, par un autre détenu, un condamné très surveillé lui aussi (?) pour entreprise terroriste, venu, semble t’il y faire le ménage.

Certes les agressions entre détenus sont fréquentes, mais il est étonnant que l’agresseur ait pu étrangler durant plus de 5 minutes son co-détenu jusqu’à le laisser pour mort, sans qu’aucun gardien n’intervienne alors que les vidéos filmaient la scène.
Ces faits auraient mérité pour le moins quelques explications, les seules réponses officielles ont consisté à mettre l’agresseur en garde à vue, et à dire que ses motivations étaient peu claires, ce qui n’est guère le problème.

C’est ce déni de responsabilité des autorités pénitentiaires, judiciaires (alors que le Garde des Sceaux est l’ex défenseur de Colonna, ce qui le réduit au silence sur le sujet) et politiques qui a enflammé les esprits en Corse, et notamment ceux des jeunes lycéens et étudiants : on sait comment les émotions lycéennes peuvent s’embraser rapidement, (et parfois retomber aussi vite), c’est vrai autant à Ajaccio et Bastia qu’à Paris, bien que les dernières années aient montré une grande léthargie des luttes dans nos facs et lycées de France.

Durant la semaine qui a suivi l’agression contre Yvan Colonna (dont on ne sait s’il sortira du coma) cette émotion lycéenne, répercutant jusqu’à l’incandescence l’indignation étonnée d’une grande partie de la population insulaire, s’est traduite par des manifestations quasi-quotidiennes dans les villes d’une île de plus en plus urbanisée (Ajaccio, Bastia, Porto-Vecchio et ses complexes touristiques, Corte et son université, ont beaucoup grossi au détriment des villages).

Au sein de ces manifestants, de petits groupes souvent cagoulés (à l’image des clandestins nationalistes de la « lutte armée » d’il y a 10 ans) jouent la provocation en envoyant les objets les plus divers sur les forces de l’ordre, entraînant leur riposte en grenades offensives et lacrymogènes, jusqu’à une véritable guérilla urbaine.

Beaucoup de ces jeunes qui rêvent de combats urbains contre un État français juge responsable de tous les maux n’étaient pas nés lors du crime pour lequel Colonna a été condamné. Des incidents graves, comme l’incendie du Palais de Justice d’Ajaccio.

Ce fut le cas encore le dimanche 13 mars vers la fin de la massive manifestation de Bastia (7 à 15 000 participants suivant les sources) même si la grande majorité des participants désapprouvait clairement ces dérives brutales et minoritaires.

Le recul du Premier ministre Castex, acceptant la veille que Colonna et ses deux amis condamnés avec lui redeviennent enfin des détenus comme les autres, susceptibles de rapprochement familial, n’aura pas suffi à calmer l’effervescence.

Cette annonce forcée, jointe au silence obstiné du Président-candidat Macron, amène d’ailleurs de nombreux insulaires à se dire que quelques jours de violence ont arraché à l’État une demande légitime qui avait été refusée avec mépris durant la dernière décennie.

Cette flambée de colère en Corse peut, espérons le, s’atténuer très vite, à condition que les autorités apportent des réponses claires, plutôt qu’une simple répression policière. Ne confondons pas un phénomène minoritaire avec la majorité des citoyens de l’île qui les condamne, comme elle a condamné l’assassinat du Préfet Érignac.

Il est vrai qu’on ne peut expliquer cette flambée de violence urbaine sans analyser le contexte spécifique à la Corse :

1/ l’île a vécu ces dernières années la version locale de l’effondrement des partis politiques français qui structuraient depuis l’après guerre mondiale la vie politique insulaire, comme du reste de la nation française.
La Gauche radicale, qui assurait jusqu’en 2015 la direction de l’Assemblée territoriale, s’est totalement disqualifiée par sa corruption et son clientélisme.

Le PCF de Corse, influent depuis la Deuxiéme Guerre Mondiale grâce au rôle moteur qu’il a joué dans l’insurrection contre l’occupation fasciste italienne et la Libération de 1943, s’est lui aussi discrédité en soutenant jusqu’au bout la Majorité de Gauche radicale.

Les partis de Droite, ex-Gaullistes, Bonapartistes, etc, ont beaucoup décliné eux aussi.

Cette destruction des organisations politiques séculaires, proche de celle réalisée sur le reste de la France au profit de Macron et ses amis LREM, a permis aux nationalistes « modérés » de l’île dirigés par Gilles Siméoni de conquérir sans difficulté la majorité à l’Assemblée territoriale, en proclamant la fin des attentats et du racket par les clandestins sous le nom de lutte armée contre l’État français.

Cette majorité rejette l’idée d’une indépendance de l’île, dont la grande majorité des Corses ne veut pas.

Ils comptent sur l’aide (et les subventions) de l’Union Européenne libérale pour obtenir progressivement plus d’Autonomie, c’est à dire plus de pouvoir au profit de la bourgeoisie insulaire. Leurs relations avec les dirigeants Macroniens se sont dégradées ces derniers temps du fait de l’autoritarisme d’un Préfet, qui a du quitter son poste.

Une minorité de nationalistes-indépendantistes, animés par Talamoni, héritiers des anciens groupes armés, qui ont permis aux premiers d’accéder au pouvoir régional, rêvent t’ils de les évincer en organisant les jeunes émeutiers en fins de manifestations ?

Ce n’est pas impossible. Ils ne sont toutefois pas représentatifs de la majorité des Corses, même pas des Nationalistes, dont la plupart ne demandent que l’Autonomie politique, que les Macroniens ont pratiquement promis aux Antillais…

Espérons simplement que les « maladresses « méprisantes des responsables Macroniens ne les aideront pas à aggraver les choses dans ce complexe jeu politicien.

2/ la gestion par les nationalistes « modérés », qui sont des libéraux « européistes », n’a guère amélioré la société corse, aussi inégalitaire que celle du continent français, dont les seuls moteurs économiques sont le déferlement touristique comme unique industrie, et la spéculation immobilière comme conséquence ravageuse.

Et ce « Sous développement" économique pèse fort sur les jeunes insulaires : les étudiants nombreux formés par l’Université de Corse ont vu peu à peu s’amenuiser les débouchés professionnels traditionnels des Corses d’autrefois (administrations publiques, armée, police, douanes, carrières coloniales).

Il est devenu plus facile de se former sur place, mais plus difficile de le transformer en emploi. Et, l’insularité jouant, beaucoup de jeunes qui ont appris la langue corse à l’école, rechignent à « s’expatrier » au loin.

La seule issue pour la Corse, attachée à son identité spécifique et à la Nation française, réside dans un développement économique et social, la rupture avec le tout-tourisme et la spéculation capitaliste.
L’affaiblissement actuel des forces anticapitalistes ne permet pas de l’espérer pour l’instant, il reste, en Corse aussi, à les reconstruire.

   

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