Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > ANC en direct > Actualité Politique et Sociale > Pas de paix pour ceux qui font la guerre : grève le 31 mars à Gênes

Pas de paix pour ceux qui font la guerre : grève le 31 mars à Gênes

mardi 29 mars 2022 par Giacomo Marchetti

Le 31 mars prochain, la Coordination des travailleurs portuaires de l’Union Syndical de Base (USB) lance une journée de lutte à Gênes : une grève de 24 heures dans le port de La Superba, avec un rassemblement à partir de 6 heures du matin à Ponte Etiopia, dans le Lungomare Capena, et à partir de 10h30 une assemblée de travailleurs au siège du CAP.

Une initiative courageuse, autant que nécessaire, en temps de guerre, qui a été promue pour l’arrivée attendue du navire de l’entreprise saoudienne Bahri, chargé d’armes qui seront utilisées dans le conflit yéménite.

La lutte des dockers génois et des militants qui soutiennent cette bataille depuis quatre ans a été longue, ce qui a coûté une enquête judiciaire plutôt paradoxale, qui est apparue avec les perquisitions de mars dernier contre les membres du Collectif autonome des travailleurs portuaires (le CALP, Collettivo Autonomo Lavoratori Portuali en italien) et de l’Assemblée antifasciste de Gênes.

Depuis lors, l’action des dockers a mis en évidence le système plein de « zones grises » qui rend possible – grâce à un silence important – le trafic d’armes dans un port civil, la soif de profit d’un appareil militaro-industriel (et de la chaîne logistique à laquelle il s’appuie) qui vend des dispositifs de guerre à des pays engagés dans plusieurs conflits.

Enfin, elle a mis en évidence la complicité du pouvoir politique local et de certaines organisations syndicales, qui défendent de toutes leurs forces les producteurs et les trafiquants de mort.

La lutte contre le trafic d’armes dans le port de Gênes, après des années de surveillance et de dénonciations circonstancielles – mais ignorées – du flux de matériel d’armementdans le port ligure, a fait un bond en avant avec la grève et la mobilisation en mai 2019 d’un cargo appartenant à la compagnie saoudienne.

Le navire avait appareillé en avril des États-Unis et embarqué le 4 mai avec des conteneurs de munitions dans le port d’Anvers. Il devait entrer dans le port du Havre le 8 mai pour charger 8 canons automoteurs Caesar de 155 mm produits par Nexter, mais il a été refusé en raison de l’opposition déterminée entreprise dans le port français par des associations pacifistes qui avaient sensibilisé les dockers.

Dans le port imprévu de Santander, en Espagne, où il a atterri après avoir échoué au Havre, il a rencontré l’opposition de forces qui dénonçaient sa fonction militaire.

Malgré les dénonciations et les saisines de la justice par des associations pacifistes, « il aurait chargé des armes et des munitions destinées uniquement à une exposition aux Emirats Arabes Unis », comme le rapporte l’OPAL, s’inspirant de ce qui s’est passé dans l’escale française.

L’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition qui a initié depuis 2015 l’escalade militaire contre le Yémen – essentiellement coupable d’avoir défenestré un homme proche du régime saoudien en 2014 – et était le deuxième client de la France en matière de commerce d’armes.

L’establishment gouvernemental français avait toujours nié obstinément l’implication des engins de guerre français vendus à la pétromonarchie saoudienne dans le conflit yéménite, mais une enquête journalistique de Disclose (avant l’atterrissage raté au Havre) a rendu publics certains documents officiels qui avaient démenti de manière retentissante les mensonges de Macron et de son entourage.

Il convient de rappeler que les deux auteurs de l’enquête journalistique ont été interrogés par les services de renseignement interne français et qu’une enquête a été ouverte à leur encontre.

Après cette première victoire qui avait soulevé la « boîte de Pandore », une deuxième bataille gagnéen’a pas fait de cet épisode (comme beaucoup auraient voulu le reléguer) une simple parenthèse, mais une possibilité concrète de s’opposer à la tendance à la guerre et au monde qui la produit.

C’était une lutte qui a traversé les frontières, impliquant d’autres aéroports, et qui a percé l’imagination du mouvement anti-guerre dans d’autres pays également.

Depuis lors, le port de Gênes, et le système portuaire italien en général, a subi d’importants changements qui ont créé les conditions de la journée de lutte du 31 mars.

Ce sont des étapes qu’il faut rappeler, car elles sont le résultat d’un travail d’organisation minutieux qui a su intercepter les revendications qui émergeaient de temps à autre de cette partie de la classe du secteur logistique, en les traduisant en initiatives de lutte.

Parmi les luttes les plus importantes menées dans le port d’escale génois, citons la grève de 24 heures sur la sécurité portuaire en juin de l’année dernière, qui a également été déclenchée dans d’autres ports italiens après un nouvel accident mortel – d’abord à Tarente, puis à Salerne – et qui a demandé avec force l’introduction du crime de « meurtre au travail » au niveau juridique.

En outre, il convient de mentionner la gestion des mobilisations visant à garantir la gratuité des tampons pour les travailleurs portuaires depuis l’introduction du pass sanitaire en octobre dernier.

Il s’agit là aussi d’une lutte victorieuse, caractérisée par une gestion astucieuse mais déterminée de la question du pass sanitaire, contrairement à l’aventurisme sans espoir du port de Trieste à la même époque.

Ces deux moments spécifiques ont mûri grâce à une série d’étapes importantes qu’il convient de rappeler.

La première avancée fondamentale a été l’annonce du transfert d’une partie substantielle du Collectif autonome des travailleurs portuaires au sein le syndicat USB à la fin du mois d’octobre 2020.

Une décision difficile mais nécessaire, qui a notamment permis à l’USB de s’imposer comme une réalité décisive dans l’un des plus grands ports italiens.

La deuxième étape a été la création, en mai 2021, de la coordination des travailleurs des ports maritimes de l’USB, qui, à partir de ses membres initiaux (Trieste, Livourne, Civitavecchia, Tarente, ainsi que Gênes),a étendu sa capacité d’expression et son champ d’action aux principaux ports italiens.

Un troisième tournant, qui a également permis de faire le point sur la lutte contre le trafic d’armes – en considérant les positions et les actions des différents ports pendant l’escalade israélienne sur Gaza – a été l’importante assemblée de Livourneen juin dernier : « ports fermés aux armes et ouverts aux migrants ».

Cette assemblée a vu la participation de réalités importantes avec lesquelles une collaboration fructueuse a été entamée – ou confirmée – comme Sea Watch et l’observatoire The Weapon Watch.

Un quatrième moment a été l’assemblée des délégués et des travailleurs de l’USBle 19 juin à Bologne – intitulée « De la chaîne de montage à la chaîne de la valeur » – où le profil du nouveau mouvement des travailleurs qui a créé les conditions de la grève générale unie de tout le syndicalisme de base en octobre dernier est apparu avec force – en même temps que les grèves unitaires dans la logistique.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la journée de lutte du 31 mars, qui trouvera une force accrue grâce au refus des travailleurs de l’aéroport de Pise de charger des armes dans un cargo civil, et relancera une bataille généreuse contre le « navire de la mort », qui, sous différentes formes, n’a jamais cessé d’être menée, malgré le rapport de force défavorable, mais qui est appelée à faire un saut qualitatif en proposant encore une fois la grève comme principal instrument aux mains des travailleurs.

Cette attention, et la participation attendue d’un large éventail de forces, en feront un test pour le renaissant mouvement contre la guerre, dans un contexte où le parti transversal de la guerre (du Parti démocrate à la Ligue de Salvini) exige un alignement sur ses politiques de guerre perverse.


Voir en ligne : https://contropiano.org/news/lavoro...


Giacomo Marchetti (Groupe international de la Rete dei Comunisti et ouvrier au port de Gênes)

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?