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Face à la guerre mondiale, le monde entier est concerné par la recherche de la paix

dimanche 11 juin 2023 par Bruno Drweski (ANC)

Le capitalisme a besoin d’expansion : depuis le début de l’ère impérialiste, guerres et conquêtes ont presque toutes été liées au processus d’expansion du capitalisme et à son besoin vital de conquérir de nouveaux marchés afin de lutter contre la baisse tendancielle des taux de profit. Ceci explique les deux guerres mondiales du XXe siècle et aussi le caractère global de la soi-disant « guerre froide » opposant le camp impérialiste aux pays socialistes et non alignés.

L’impérialisme et la politique de « roll back »

Depuis le démantèlement de l’URSS, l’impérialisme, centré depuis 1945 sur les États-Unis, leurs vassaux impérialistes et leurs valets, s’est engagé dans une politique de « roll back » tendant à prendre le contrôle de tous les marchés qu’ils ne contrôlaient pas encore, ceux des pays socialistes subsistants comme ceux dépendant d’une bourgeoisie nationale plus ou moins autonome et développementaliste, et cela au moyen de la guerre, au moyen de pressions militaires, au moyen de sanctions et de blocus ou au moyen de soi-disant « révolutions colorées ».

D’où la quarantaine de guerres qui se déroulent actuellement dans le monde et qui sont presque toutes liées les unes aux autres. De la Palestine à l’Afghanistan, de l’Irak à la République Démocratique du Congo, de la Libye à la Syrie, du Sahel au Yémen et de la Yougoslavie à l’Ukraine, tous ces conflits et bien d’autres, malgré leur spécificité, ont eu et ont une seule et même cause principale, l’impérialisme.
Il en va de même pour les tentatives de blocus visant des États indépendants comme l’Iran ou Cuba, le Venezuela ou la Syrie, la République Populaire Démocratique de Corée (RPDC) ou la Russie, le Zimbabwe ou la Biélorussie, etc., et cela s’applique également aux pressions militaires frisant la guerre ouverte en Corée, à Taïwan, au Caucase, en Asie centrale, etc...

Le choix de mener une politique de pression militaire, une politique de guerre ouverte ou une politique de blocus criminels dépend du rapport de force local qui permet ou non de s’engager dans un conflit ouvert, lequel peut s’avérer possible ici, mais dangereux pour l’impérialisme ailleurs. Cela explique pourquoi, jusqu’à aujourd’hui, les USA et leurs alliés de l’OTAN ou d’ailleurs n’ont pas osé relancer la guerre de Corée « gelée » depuis 1953, alors qu’en même temps ils n’hésitaient pas à intervenir contre l’Irak, la Libye ou la Syrie.

Ces pays ont été attaqués parce qu’ils ne possédaient ni « armes de destruction massive » ni armes chimiques, même si la résistance de l’État syrien s’est révélée, à la toute fin, d’une efficacité inattendue. Mais il est également clair que c’est l’équilibre des forces existant dans la péninsule coréenne qui a empêché l’impérialisme d’y relancer la guerre après 1953.

La paix doit être imposée par un rapport de force provenant des pays en développement, lesquels ont intérêt à se développer

Aujourd’hui, la politique américaine vise en particulier à détruire la Russie et l’Iran, afin d’atteindre, finalement, la Chine. L’impérialisme doit tout d’abord rechercher les « points faibles » : c’est donc en Ukraine, entité inconsistante et notoirement corrompue quasiment depuis 1991, que l’OTAN a exercé sa principale pression, en 2014 d’abord, puis avant 2022, avec pour principal objectif d’empêcher la renaissance d’un État russe stable et développé, et d’empêcher en même temps la Russie de pouvoir aider la Syrie face à l’intervention de mercenaires de plus d’une centaine de pays, financée par les USA et leurs supplétifs monarchistes arabes, tout en affaiblissant les puissances européennes potentiellement concurrentes.

Ce qu’a d’ailleurs reconnu plus tard George Friedman, l’homme de Stratfor et stratège de la CIA : < https://www.youtube.com/watch?v=QeLu_yyz3tc >.

Éliminer et démanteler la Russie aurait effectivement déconnecté la Chine de son arrière-pays stratégique eurasien et coupé son accès à des ressources énergétiques vitales, tout en confortant simultanément la domination des États-Unis sur le soi-disant « grand Moyen-Orient », ce qui devait lui permettre d’achever ce mouvement de tenaille contre la Chine, depuis le Sud.

Cela explique aussi pourquoi les États-Unis ont longtemps donné l’impression de tolérer le développement de la Chine, censée à leurs yeux se noyer à la fin dans le capitalisme mondialisé. Mais les dirigeants chinois ont, dès le début, vu les choses différemment, formés comme ils l’avaient été par l’expérience douloureuse subie par la Chine pendant la période coloniale, et toujours conscients de l’impact de la révolution de 1911 et des libérations de 1945 et 1949.
Après 1989, les dirigeants chinois refusèrent d’attendre indéfiniment, comme l’avaient fait les derniers dirigeants soviétiques et post-soviétiques, qu’on les accepte dans l’antichambre de l’impérialisme.

Maintenant, une grande partie des élites russes a également compris que son espoir était vain. Il faut donc être conscient que les tensions en Ukraine, en Asie occidentale et en Asie orientale sont liées.
Les tensions provoquées à Taïwan, Hong Kong, au Xinjiang, dans la péninsule coréenne ou dans la mer de Chine méridionale, sont liées aux tensions provoquées en Europe de l’Est et dans le « grand Moyen-Orient ». Et cela crée un nouvel équilibre mondial des forces donnant sa chance à la diplomatie, notamment à la diplomatie chinoise, pour en finir avec les politiques bellicistes des USA et de l’OTAN.

Il est donc clair que, si du point de vue asiatique, la guerre en Ukraine peut sembler à première vue lointaine, elle n’en est pas moins directement liée à l’un des objectifs centraux de l’impérialisme depuis 1949 : faire disparaître la Chine populaire et les autres États socialistes et/ou souverains d’Asie, afin d’assurer l’hégémonie mondiale des États-Unis et de profiter des ressources et de la main-d’œuvre de tous ces pays.

Et c’est parce que la résistance des pays et peuples indépendants du Moyen-Orient et de la Russie s’est avérée beaucoup plus dure que prévu, que l’impérialisme tend désormais ouvertement à faire pression simultanément sur l’Iran, la Russie, la Chine, la RPDC et quelques autres pays.
D’où les tensions qui se sont réactivées à Taïwan, dans la péninsule coréenne, après des tentatives d’en provoquer d’autres au Tibet, au Xinjiang et à Hong Kong, tout comme on observe actuellement des pressions accrues exercées par les États-Unis et les pays du G7 sur des pays comme l’Indonésie, la Thaïlande, le Myanmar, le Vietnam, les Philippines, le Pakistan ou Sri Lanka afin qu’ils ne rejoignent pas les pays en voie de rompre avec l’hégémonie du dollar nord-américain.

Cette politique de fuite en avant tous azimuts des USA et de leurs partisans témoigne de leur incapacité d’aujourd’hui à sélectionner un à un leurs adversaires et à poursuivre une politique d’expansion à long terme.

L’impérialisme actuel repose en effet sur un système capitaliste désormais dégradé, qui n’a plus les réserves nécessaires pour mener une politique de long terme, comme ce fut le cas après 1945. Le processus de concentration de la propriété capitaliste sur une échelle mondiale ainsi que ses corollaires, délocalisation et désindustrialisation dans les pays du « centre impérialiste », ont rendu les mouvements commerciaux rapides de plus en plus risqués et de plus en plus dépendants de pays qui, de ce fait, ont pris conscience qu’ils disposaient d’atouts leur permettant de mener une politique de développement autonome.

C’est évidemment le cas de la Chine, qui a su jouer magistralement du capitalisme mondialisé pour importer et apprendre à maîtriser un savoir-faire assurant son développement, et mener une politique sociale de réduction massive de la pauvreté servant d’exemple à tous les pays victimes du pillage impérialiste, y compris aujourd’hui encore auprès des classes exploitées et défavorisées des pays du « centre impérialiste ».

Si le capitalisme mène à l’impérialisme et à la guerre, et a besoin de la guerre pour survivre, les pays opposés, engagés dans une politique de développement et de progrès social et national peuvent désormais changer l’équilibre mondial des forces et commencer à imposer une politique de paix, de développement et de désarmement.

La Russie a entrepris trop tard le processus de recouvrement de sa dynamique économique pour pouvoir éviter les pressions et les guerres focalisées désormais sur l’Ukraine, mais, à l’échelle mondiale, le rapport de force est en train de changer de façon accélérée, en partie à cause de cette guerre.

Désormais, la lutte pour la dé-dollarisation de l’économie mondiale et la multipolarité politique menée par les BRICS et l’Organisation de Coopération de Shanghaï crée une alternative au monde unipolaire centré sur les États-Unis. C’est donc tout l’équilibre international, stratégique, politique et économique qui est en train de basculer aujourd’hui, et la guerre, qui a commencé en 2014 en Ukraine et s’est intensifiée en 2022, a permis de découvrir clairement que de nombreux pays, non seulement n’avaient aucun intérêt à continuer à dépendre de « l’empire du dollar », mais pouvaient désormais s’en affranchir.

Cela explique la panique actuelle des États-Unis, de leurs alliés et de leurs agents qui découvrent que leur empire s’effrite bien plus vite qu’on ne pouvait l’imaginer et qu’il leur reste très peu de temps pour tenter de le préserver. D’où leur marche folle vers la guerre en Ukraine depuis 2014, vers des tentatives de multiplication de tensions, de coups d’État et de « révolutions colorées » dans l’espace eurasien et en Afrique, avec simultanément des provocations visant la Chine au Xinjiang, à Hong Kong ou vers sa province insulaire de Taïwan, et aussi avec des exercices militaires américains provocateurs en Corée du Sud, récemment complétés par la menace d’y réintroduire des armes nucléaires nord-américaines.

Le combat pour la paix doit reposer sur un rapport de force capable d’imposer des négociations

Dans ce contexte, les peuples du monde doivent comprendre que leur propre destin est lié à celui de tous les autres peuples et que les foyers de la guerre sont devenus quelque peu « nomades ». Une guerre peut désormais éclater n’importe où sur la planète avec les mêmes causes mondiales fondamentales, et la seule réponse possible est que les pays et les peuples indépendants ou qui luttent pour retrouver leur souveraineté créent, par la mobilisation, des rapports de force capables de menacer les fauteurs de guerre, ce qui donne à la Chine et aux autres pays souverains un rôle clé.

La diplomatie chinoise met en œuvre des négociations et des initiatives de paix pour l’Ukraine ou l’Asie occidentale, basées sur le principe de négociations entre égaux.

Une solution pacifique à la guerre en Ukraine nécessite donc :

1/ de prendre en compte le besoin de sécurité de chaque pays, incluant bien sûr la Russie qui se sentait menacée par les élargissements de l’OTAN,

2/ de tenir compte du fait que les États post-soviétiques sont le résultat de compromis faits à l’époque soviétique selon deux axes fondamentaux :

- les frontières des républiques soviétiques étaient des frontières intérieures créées sur la base de compromis fonctionnant au sein d’une fédération unie,

- ces frontières étaient légitimes dès lors que chaque nationalité à l’intérieur de chaque république soviétique était reconnue et avait dès lors des droits en principe reconnus.

Ce type de compromis était censé continuer à fonctionner après le démantèlement de l’Union soviétique, à l’intérieur de chaque entité indépendante conservant des liens particuliers avec les autres au sein de la Communauté des États indépendants (CEI).
Mais en Ukraine, ce compromis a été définitivement rompu en 2014, même si les accords de Minsk auraient pu régler en partie le problème pour les deux régions du Donbass.

Une solution politique en Ukraine doit donc maintenant :

1/ tenir compte de la réalité des liens particuliers qu’ont entre elles les anciennes entités soviétiques pour des raisons historiques, géographiques, économiques et culturelles,

2/ tenir compte du fait que toute « l’Eurasie centrale » (« ex-URSS ») se trouve sur la route reliant l’Asie de l’Est à l’Europe de l’Ouest ; cela signifie qu’un projet tel que l’Initiative une Ceinture et une Route (BRI) ouvre des perspectives de développement pacifique, en particulier sur l’axe intégrant la Russie, l’Ukraine et leurs voisins,

3/ tenir compte de la réalité de chaque nationalité vivant dans chaque entité ex-soviétique,

4/ tenir compte du fait que les questions frontalières et même les lignes de cessez-le-feu, dans le cas de la Transnistrie, de l’Abkhazie, de l’Ossétie du Sud ou du Karabagh, peuvent être résolues étape par étape, dès lors que des contacts ouverts se reconstituent dans l’ensemble de l’espace post-soviétique et de la zone eurasienne,

5/ tenir compte du fait que le rôle de pays comme la Chine, la Turquie ou les pays africains, réellement indépendants, non directement liés aux USA ou à l’Ukraine, mais intéressés par le développement pacifique, est d’une importance capitale pour promouvoir les négociations et les nouvelles perspectives économiques,

6/ tenir compte du fait que négociations et cessez-le-feu constituent la première étape pour affaiblir les tendances pro-guerre et les interventions étrangères dans le conflit,

7/ à la toute fin, parce que l’Ukraine était et reste une entité multinationale créée comme un compromis au sein de l’URSS, mettre éventuellement en œuvre le principe d’autodétermination ; mais, d’abord, il faut prendre en compte le fait qu’un État aussi instable que l’Ukraine et son élite ne pourra pas survivre sans négociations et sans un minimum de souveraineté.

Ce que ni les États-Unis ni les pays de l’OTAN ne peuvent ou ne veulent prendre le risque de garantir, pas plus qu’ils n’ont voulu le faire pour la création étatique présidée par Ngo Dinh Diem d’abord puis Nguyen Van Thieu ensuite.
Aussi stratégiquement, pour que la paix puisse prévaloir, la question fondamentale pour l’Ukraine est de reconnaître simultanément, dans le cadre de l’intégration économique à long terme de toute l’Eurasie, de l’Asie de l’Est à l’Europe de l’Ouest, la multiethnicité et la coopération eurasienne, qui doivent être soulevées, développées et réalisées en tant qu’objectifs à long terme.

Cette « politique d’intégration de la « grande Eurasie » est dans l’intérêt de toutes les nations post-soviétiques et de toutes les nations d’Europe occidentale.

La paix et les négociations doivent s’imposer pas à pas pour favoriser à terme le développement d’un monde multipolaire dans lequel chaque pays aura les mêmes droits et pourra ainsi participer à une coopération internationale gagnant-gagnant mutuellement avantageuse, tendant à marginaliser la puissance de la seule superpuissance encore dominante aujourd’hui, même si cette superpuissance semble être de plus en plus atone, et donc imprévisible et violente car c’est une bête blessée sentant le danger d’un monde difficilement imaginable où elle ne serait qu’un grand pays parmi d’autres.

Se positionner en temps de guerre soulève des questions problématiques


Questions posées à Bruno Drweski

https://la-pensee-libre.over-blog.com/2023/06/n-244-se-positionner-en-temps-de-guerre-souleve-des-questions-problematiques-questions-posees-a-bruno-drweski.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail


Voir en ligne : https://la-pensee-libre.over-blog.c...


Intervention faite à une conférence internationale organisée par un institut de recherche international chinois : « Road to Peace : Prospects for a Political Solution to the Ukraine Crisis ».

   

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