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Contre la guerre, pour la paix, convaincre, rassembler et lutter
dimanche 11 juin 2023 par Michel Tali
Une conférence passionnante de Michel TALI, Président de l’ARAC 34.
Chers Camarades,
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté l’invitation d’être parmi vous ce soir, pour évoquer et débattre d’un sujet actuel et important « la paix ».
Notre réflexion va bien évidemment s’appuyer sur « la guerre en Ukraine ».
Je vais intervenir tant au titre de responsable départemental de l’ARAC, qu’en tant que vieux militant communiste.
Dans les faits ne voyez aucune incohérence mais bien au contraire une simple logique :
A 15 ans, En 1956 lorsque j’adhère à la JC et dans la foulée au parti communiste, mes motivations se focalisent sur le besoin de lutter pour la Paix en Algérie et la solidarité internationale, de manifester contre le colonialisme et le fascisme.
En 1963, de retour d’Algérie, je rejoins l’ARAC pour poursuivre mon engagement contre les guerres, contre le fascisme et pour l’amitié, la solidarité internationale.
Vous comprendrez donc sans peine, que pour moi, intervenir au nom de l’ARAC ou à titre personnel, me permet d’affirmer les mêmes valeurs.
Dès le départ posons-nous une 1ère question :
La création de l’ARAC (novembre 1917) et celle du Parti communiste (décembre 1920) sont-elles issues d’une situation et d’une détermination commune ?
Je pense que oui, au moins sur 1 point, les 2 organisations trouvent leurs origines dans les idéaux de Jean Jaurès, l’opposition à la guerre de 14-18 par de nombreux militants socialistes (pour la plupart anciens combattants) qui reprochent à la SFIO de n’avoir pas su s’opposer à la guerre et d’avoir soutenu l’Union nationale contre l’Allemagne.
Ils rejettent le réformisme et se déclarent révolutionnaires.
La « révolution d’octobre » est victorieuse. Elle vient de créer un contexte nouveau.
Les 9 présidents de l’ARAC ont tous été membres du parti communiste, 5 ont même été parlementaires.
De nombreuses affiches des années 1920 (contre la guerre au Maroc, contre le fascisme) sont cosignées par le PC et l’ARAC. Nous ne pouvons ignorer une certaine filiation.
1 – Nous allons maintenant nous pencher sur le passé afin de réfléchir sur le présent.
A l’image de ses fondateurs, l’ARAC mène le combat pour la paix et n’a jamais cessé de dénoncer les causes des guerres, leurs conséquences. Notre Président-Fondateur Henri BARBUSSE écrivait dans « Le Feu » (prix Goncourt en 1916) :
« Les puissances impérialistes veulent conquérir de nouveaux territoires, exploiter de nouvelles populations, s’emparer de nouveaux produits, brasser plus d’affaires ».
Nous savons que le capitalisme a toujours utilisé la guerre pour sortir des crises économiques qu’il engendre.
Dès 1914, la France et l’Europe connaissent d’importants mouvements sociaux. Les travailleurs réclament de meilleures conditions de travail, ils ont créé des syndicats, ils demandent de meilleurs salaires et plus de démocratie. Le patronat industriel florissant supporte difficilement ces revendications.
Depuis longtemps les grandes puissances industrielles, les grandes banques et les grandes entreprises voulaient de nouvelles colonies pour s’accaparer les matières premières, et de la main-d’œuvre bon marché. Entre elles, la concurrence était rude et a donc conduit à la guerre 14/18.
Elles s’étaient engagées dans la course folle à la militarisation, au surarmement.
Les marchands de canons avaient préparé cette guerre, ils l’ont eue.
L’impérialisme européen décide d’arrêter la guerre le 11 novembre 1918, mais, réarment et renvoient dès le lendemain 100.000 soldats allemands pour réprimer la révolte des ouvriers, assassinent dans le même temps Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, décapitant ainsi la ligue spartakiste et exterminant des centaines de syndicalistes.
Dans les années 1930, le moyen mis en avant par le capital pour sauver son système, détourner la colère sociale et écraser les mouvements révolutionnaires consiste à favoriser le fascisme.
Le fascisme est une créature du capitalisme, le moyen de repartager le monde dans une nouvelle guerre mondiale (1939 -1945).
Rappelons-nous le slogan des droites et du patronat français « plutôt Hitler que le Front Populaire », Ils préféraient sacrifier les droits, les libertés et la démocratie pour préserver leurs profits.
Les causes de la seconde guerre mondiale doivent donc être également recherchées dans la complicité silencieuse des hommes au pouvoir, ce qui a permis le développement du fascisme et du national-socialisme contre le mouvement ouvrier, la collusion des grands monopoles allemands avec Hitler.
Rappelons-nous, en 1939, 17 pays sur les 27 formants actuellement l’Union Européenne étaient fascistes.
Comment ne pas trouver dans ces évènements, des similitudes avec la situation d’aujourd’hui. Nous ne pouvons pas voir, sans inquiétude sérieuse, l’état de tensions dans le monde, l’accroissement phénoménal des injustices et des inégalités, des famines, l’ampleur et la profondeur de la crise économique et sociale, la montée des fanatismes, des extrémismes et des nationalismes.
Comment ne pas être inquiet de la remontée, en Europe notamment, de l’extrême droite, parfois relookée mais toujours sournoise. Leurs idées progressent en s’appuyant sur les peurs économiques et la colère sociale nées de la crise, mais également en activant des idées sécuritaires et xénophobes, en opposant les catégories sociales entre elles.
Ne sommes-nous pas aujourd’hui devant un copié–collé lorsque le patron du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux répond à un journaliste du JDD : « tant pis si Marine Le Pen arrive au pouvoir » « il s’agit d’un mal nécessaire », « je cohabiterais sans aucun problème ».
Les guerres sont des opportunités formidables d’enrichissement pour le capital et les multinationales.
A chaque guerre son lot de drames subis par les populations. Mais surtout son flot de profits engrangés par les grands groupes industriels, notamment ceux de l’armement.
Quand les USA ont lancé le plan Marshall en 1947, ils avaient une accumulation gigantesque de capitaux issus de la production de guerre, une consommation intérieure en plein essor, ils dominaient le marché européen dont l’outil de production était en grande partie détruit.
Notre main-d’œuvre hautement qualifiée était disponible et bon marché.
Souvenons-nous : le Plan Marshall est un programme de prêts américains accordés aux États Européens pour reconstruire les villes et installations bombardées.
Il ne s’agit ni d’une opération philanthropique, ni gratuite. Ces prêts sont assortis de la condition d’importer pour un montant équivalent d’équipements et de produits américains ainsi que de l’exigence d’appliquer une économie libérale.
Le bénéfice est pour les États-Unis multiple, l’économie américaine évite ainsi la récession en trouvant des débouchés à sa surproduction massive, due à la cessation des hostilités et rend plus difficile le développement des productions nationales concurrentes.
Nul doute que la guerre en Ukraine va permettre aux industriels américains de renouveler cette opération.
2- Réfléchissons maintenant au présent.
Une évidence : La Russie d’aujourd’hui n’est pas l’Union soviétique.
Nous savons tous que la Russie n’est pas un modèle de démocratie.
Cette simple réalité doit-elle la rendre seule responsable de la situation actuelle ? Devons-nous nous dispenser d’en rechercher les causes ?
Dès le 24 février 2022, l’ARAC était claire : nous condamnions l’intervention russe en Ukraine, contraire aux lois internationales, au respect de la charte des Nations Unis, au respect de la souveraineté des Nations.
Nous déclarions également devoir prendre le temps de la réflexion, sur les raisons de cette situation et comprendre pourquoi les États-Unis ont tout fait, depuis 30 ans, pour la créer (élargissement de l’OTAN, guerre en ex-Yougoslavie, Afghanistan, Irak, Libye …).
Nous ne pouvons ignorer une réalité, la 3ème guerre mondiale a commencé, elle n’est pas que militaire elle est avant tout économique.
Les États-Unis attisent depuis plusieurs années les tensions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et poursuivent une politique agressive consistant à utiliser l’Ukraine contre la Russie et Taïwan contre la Chine.
Si la Russie a clairement agressé l’Ukraine, elle la fait suite à un long processus de provocations américaines. Washington savait que l’Ukraine était une « ligne rouge » pour les Russes et qu’ils réagiraient. Les États-Unis sont donc tout autant responsables de ce conflit que Moscou.
En 1990, à la veille de la dissolution du Pacte de Varsovie, le secrétaire d’état américain James BAKER assurait le Président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev que « l’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce à l’Est ».
Mais, en 1999 l’OTAN englobait déjà les 3 premiers pays de l’ex Pacte de Varsovie « la Pologne – la République Tchèque et la Hongrie ». Ce n’était que le début.
En 2014 le protocole des accords de Minsk est signé, il prévoit un cessez-le-feu immédiat, mais cet accord ne sera jamais appliqué. Un accord de 2015 prévoyait notamment le retrait des armements lourds. De fait, il y a eu un non-respect de ses accords par le gouvernement ukrainien avec le soutien de l’OTAN, de l’Union Européenne et des USA.
Posons-nous la question suivante : Serions-nous dans la situation d’aujourd’hui si les accords de Minsk avaient été respectés ?
Il ne s’agit nullement de justifier l’invasion, ni d’abdiquer par peur de la Russie, mais d’avoir une vision objective de la situation, et non d’accepter celle orientée et déformée que nous en donnent les États-Unis, et les médias occidentaux d’une manière générale.
Arrêtons de croire que les États-Unis est une puissance bienfaitrice de l’humanité, désintéressée, pacifique et qui ne vise que le bien commun. Nous venons à l’instant de rappeler les conditions du Plan Marshall. Depuis la fin de la Guerre Froide, Washington montre un hégémonisme accru, imposant sans retenue ses lois au reste du monde, sanctionnant et rackettant ses alliés, saturant l’opinion d’informations qui servent ses seuls intérêts.
Les médias font partie du dispositif militaire de fabrication du consentement des Occidentaux à la guerre, mais aussi à l’économie de guerre qui en découle. Il faut faire accepter les privations et les rationnements. Avant le 24 février 2022, « la crise sanitaire » était responsable de la « crise alimentaire » et de « la crise énergétique » à venir.
Maintenant c’est la Russie.
L’envoi d’armes ne peut pas changer l’issue du conflit, mais seulement le prolonger, augmentant ainsi les pertes humaines et les souffrances des populations ukrainienne et russe.
La guerre en Ukraine permet déjà aux trusts de nous faire les poches, et de justifier l’explosion des prix. Pour eux, la guerre n’est pas un problème mais une affaire juteuse. Ils se frottent les mains.
En 2020, les dépenses militaires mondiales se sont élevées à 2000 milliards de dollars.
En 2022, la valeur marchande des principales sociétés de défense occidentales a augmenté de 21.5%.
Les fabricants d’armes sont devenus les principaux bénéficiaires de cette crise. Plus de 130 entreprises approvisionnent Kiev en armes (60 sont américaines et 55 sont européennes).
Devons-nous nous étonner de la durée de cette guerre ?
Pourquoi la Russie n’a-t-elle pas réussi son intervention en quelques jours ?
La réponse nous est fournie (si besoin en était), le 13 février 2023, lors d’une conférence de presse de l’OTAN par Jens Stoltenberg, son secrétaire général lui-même qui déclare :
- « En fait, depuis 2014, l’OTAN a mis en place les plus grands renforts de défense collective depuis une génération, car la guerre n’a pas commencé en février de l’année dernière. Cela a commencé en 2014. »…
- « Lorsque nous avons le matin de l’invasion, décidé d’augmenter notre présence, nous avons pu nous appuyer sur la présence accrue que nous avions déjà mise en place au cours des dernières années ».
- « Nous avons déjà beaucoup fait en plaçant 40.000 soldats sous le commandement de l’OTAN dans la partie orientale de l’Alliance. ».
Angela Merkel confirme « Les accord de Minsk de 2014 ont servi à donner du temps à l’Ukraine. L’Ukraine de 2014-2015 n’était pas l’Ukraine d’aujourd’hui. Poutine aurait pu alors facilement gagner, et je doute fort qu’à l’époque l’OTAN aurait été en capacité d’aider l’Ukraine comme elle le fait aujourd’hui » ; (Die Zeit le 7/12/2022).
N’est-ce pas l’ensemble de ces éléments qui posent problème, quant à l’analyse du vote par la quasi-unanimité de l’Assemblée Nationale de la motion 390 condamnant unilatéralement la Russie, le 30 novembre 2022 ?
Cette motion est avant tout un soutien inconditionnel à l’Ukraine et à l’OTAN, elle ignore l’origine de la situation, la dimension de la recherche de négociations et de paix.
Elle passe sous silence entre autres évènements, le massacre de la maison des syndicats à Odessa où les forces d’extrême droite, fascistes, décident de mettre le feu au bâtiment et empêchent les gens de sortir. Plus de 60 militants de gauche, communistes, syndicalistes, intellectuels ont perdu la vie.
Aucune enquête officielle n’a été lancée, aucune poursuite.
Nous constatons le mutisme de l’Europe et de ses dirigeants.
11 partis d’opposition, considérés comme pro-russes ont étés interdits.
Nous aimerions entendre l’argumentaire des députés communistes votant cette motion dans laquelle nous pouvons lire « L’Ukraine est attaquée pour ce qu’elle est : un pays libre, démocratique » ainsi que « le salut de l’octroi à l’Ukraine du statut d’Etat candidat à l’adhésion à l’Union européenne ».
Un grand nombre de griefs mis sur le compte de la Russie, ne le seraient-ils pas également pour l’Ukraine ?
Le vote des députés communistes a-t-il été une erreur d’analyse ?
Ou une faute politique, ce qui serait à mon avis beaucoup plus grave ?
Dans tous les cas nous pouvons penser qu’il faudra un jour s’expliquer.
3–Tour d’horizon international.
Les conflits armés sont multiples, la liste est longue Yémen, Éthiopie, Haïti, Congo, Birmanie, Syrie, Afghanistan,… sans oublier la Palestine… et la guerre idéologique et économique contre CUBA.
La Chine vient de publier l’inventaire des 20 pays bombardés par les États-Unis après la 2eme guerre mondiale. Elle invite à :
- « ne jamais oublier qui est la véritable menace pour le monde », et questionne : « Y a-t-il eu des indignations de la part de communauté occidentale ? », « y a-t-il eu de grands cris d’accusation ? », « y a-t-il eu au moins une fois des sanctions contre les États-Unis ? »
Depuis 1992, l’assemblée générale de l’ONU exige la levée du blocus de Cuba. Cette politique imposée par les États-Unis est condamnée unanimement (en novembre 2022, seuls les USA et Israël ont voté contre la résolution, l’Ukraine de Zelensky et le Brésil de Bolsonaro ont préféré s’abstenir).
De nombreuses questions se posent et nous interrogent :
Pourquoi la « Guerre en Ukraine » bénéficie-t-elle d’une différence de traitement international des évènements ?
Si des sanctions sont possibles contre la Russie qui viole le droit international, pourquoi ne le sont-elles pas contre le pouvoir israélien ? Israël ne respecte pas les conditions de l’article 2 du traité d’association avec l’Union Européenne qui oblige au respect des libertés et de l’État de droit. Pourquoi maintient-on cet accord ? Où sont les prétendues valeurs occidentales ?
Pouvons-nous nous limiter à constater la différence d’approche de l’Union Européenne en fonction des engagements militaires ?
L’OTAN est-il un instrument de paix ?
La question posée, la réponse induite est évidente…
Il faut dissoudre l’OTAN parce que si la charte des Nations Unies admet les organisations régionales ce n’est que dans le but d’organiser les rapports pacifiques et de coopération entre les peuples de la région et non pour être le gendarme du monde.
Il est bon de se rappeler que l’OTAN a été créée en 1949 non pas pour répondre au pacte de Varsovie qui n’a été créé qu’en 1955 (soit 6 ans plus tard), mais en réponse au fait qu’en 1948 la Tchécoslovaquie, refusant l’application du plan Marshall s’était rapprochée de l’Union Soviétique.
L’OTAN a toujours été le bras armé d’une volonté de domination d’intérêts économiques.
Penchons-nous maintenant sur un autre volet : certes, l’Assemblée Générale de l’ONU a condamné à une grande majorité les « annexions illégales » de la Russie, mais, seuls les occidentaux livrent des armes à l’Ukraine.
Pourquoi ?
Imageons cette réalité par un exemple : Laura RICHARDSON responsable du commandement militaire Sud des États-Unis a proposé un marchandage à la Colombie. Si le pays acceptait de mettre à la disposition de l’armée ukrainienne sa cinquantaine de vieux hélicoptères de fabrication soviétique, Washington remplacerait les appareils par du matériel flambant neuf « made USA ».
La réponse du président de gauche, Gustavo Pétro a été tranchante : « Nous garderons ces armes, même si nous devons les transformer en ferraille » en ajoutant « Nous ne sommes dans aucun camp, sinon celui de la paix ».
Cette position est conforme à la majorité des pays d’Amérique Latine qui ont voté les résolutions de l’ONU, mais se sont abstenus de toute sanction et ont refusé l’envoi de matériel militaire.
Il nous faut tenir compte de la situation internationale et ne pas se limiter à la sphère occidentale.
La Chine est en train de passer d’une neutralité bienveillante envers Moscou à un soutien de plus en plus affirmé. Elle partage les thèses russes sur l’origine du conflit.
L’Afrique se désengage de la tutelle de la France, ne veut plus d’anciens ou de nouveaux maitres colonisateurs.
L’Asie sort du sous-développement.
Le dollar n’est plus considéré comme la seule valeur de référence, la confiance dans la monnaie américaine s’affaiblit de jour en jour.
Depuis 2011, le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) plaide pour une refondation des organisations comme le « conseil de sécurité de l’ONU », « Le FMI », « La Banque Mondiale ».
La réforme du système monétaire se met en place.
Aujourd’hui, le groupe des BRICS représente 42% de la population mondiale (3.2 milliards de personnes). Début avril nous avons pris connaissance que pour la première fois, les BRICS dépassent économiquement le G7 (31.43 %) du Produit Intérieur Brut (PIB) contre (30,63 %).
La tendance devrait s’accentuer.
Une vingtaine de pays veut rejoindre le BRICS, la décision sera prise en août.
Nous devons également attacher un intérêt réel à la Vingt-Deuxième Rencontre internationale des partis communistes et ouvriers, qui s’est déroulée du 27 au 29 octobre 2022 à La Havane (Cuba). Les délégués de 78 partis représentants 60 pays ont mis en garde au sujet de la situation dangereuse que traverse l’humanité.
Dans la déclaration finale nous pouvons lire :
- « Par suite de l’agressivité croissante de l’impérialisme et de la recomposition géopolitique en cours sur la planète, nous sommes confrontés à une nouvelle escalade de la course aux armements, au renforcement et à l’expansion de l’OTAN, à l’apparition de nouvelles alliances militaires, à l’aiguisage des tensions et des conflits militaires, comme celui de l’Ukraine, à la résurgence du fascisme dans différentes parties du monde, ainsi qu’à la « guerre froide » {} et à la menace d’une conflagration nucléaire, ce que nous devons rejeter ».
Cette déclaration n’est-elle pas très éloignée d’une condamnation unilatérale de la Russie ?
Réfléchissons !
Tout ce que nous venons d’exposer, amène à un constat. Le monde change.
4–Nous devons agir
La guerre acharnée qui ravage la République d’Ukraine depuis un an, huit ans après le début des combats, déchire le continent européen et perturbe le monde. La paix semble plus éloignée que jamais.
Une victoire décisive rapide d’un camp reste une utopie. Il faut y mettre un terme, car plus elle dure, plus les moyens mis en action se développent et plus les conséquences seront lourdes.
La guerre qui se poursuit en Ukraine est un évènement majeur qui nous concerne et doit nous mobiliser. Les ambitions de Washington dans cette guerre OTAN contre Russie vont bien au-delà de l’Ukraine.
Pour la Russie, la situation est existentielle, elle continuera l’opération.
La sanction économique qui devait au début de l’intervention entrainer son effondrement est un échec. Du point de vue militaire l’avenir est incertain.
Nous sommes passés de l’envoi de matériel humanitaire à la livraison d’armes offensives et si nous laissons faire les choses, la guerre va durer et poursuivre sa montée en puissance. La baronne Goldie, ministre de la défense britannique a déclaré le 22 mars que Londres fournirait à Kiev pour ses chars de combat des obus perforants y compris des munitions à l’uranium appauvri.
Heureusement au niveau international, une prise en compte du risque d’embrassement et, en parallèle le besoin d’intervenir pour arrêter l’engrenage se renforce. Le 16 avril, le Président brésilien Lula, suggère à son tour une médiation conjointe avec la Chine et les Émirats Arabes Unis.
Il propose même un G20 pour mettre fin à la guerre.
Nous ne devons pas rester inactifs face aux guerres qui engendrent la misère, la famine. Nous sommes convaincus que les peuples sont capables de se rapprocher, d’être solidaires et de vivre en paix.
L’histoire nous a prouvé que face aux crises financières et aux luttes, la guerre a toujours été utilisée comme recours contre le mouvement social.
L’escalade militaire, la course à l’armement, les menaces nucléaires, l’alignement de l’Europe derrière les États-Unis et l’OTAN, le refus de chercher une solution politique sont très inquiétants et menacent gravement la paix.
La France s’honorerait en développant une politique qui favorise le rapprochement des peuples dans la défense de leurs intérêts mutuels.
La France est déjà allée beaucoup trop loin dans son soutien à l’Ukraine.
Dans un contexte médiatique guerrier, où les « s’en va-t’en guerre » sont légion, l’opération dite « Orion 2023 » a démontré une fois de plus le choix du gouvernement français de se placer sous la tutelle de l’OTAN.
Notre pays ne doit pas devenir cobelligérant. Notre pays doit jouer un rôle de médiateur et gagner un cessez-le-feu.
Pour l’ARAC, la solution à cette guerre ne doit pas être militaire mais diplomatique. Il y a urgence à arrêter les combats et ouvrir des négociations sous l’égide de l’ONU.
Nous devons donc exiger un cessez-le-feu immédiat, sans conditions, et l’ouverture de négociations sans préalables. C’est la seule façon de sortir aujourd’hui du conflit.
Il faut plus que jamais faire respecter la Charte des Nations Unies qui garantit la paix et la sécurité dans le monde, la souveraineté de chaque peuple.
Il faut engager une politique de désarmement universel, la France doit rejoindre les 92 états qui ont déjà signé le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires. La force de dissuasion est non seulement dangereuse, inefficace, mais coûteuse.
Pour l’ARAC, la seule voix est celle de la paix, et nous devons nous rassembler pour faire entendre la voix de toutes celles et tous ceux qui sont épris de justice, du respect des peuples, d’égalité, de justice sociale.
La paix est un combat quotidien difficile, il demande courage et lucidité.
La paix doit être l’ambition de tous et doit être défendue par le plus grand nombre.
La paix, c’est le seul chemin pour garantir l’avenir de l’humanité et de la planète.
Il est probable qu’en fonction de l’inflation, de problèmes économiques, d’aggravation de la guerre et de sa durée, un débat s’instaure dans les prochaines semaines.
Allons-nous être prêts à jouer notre rôle dans l’orientation de l’opinion ?
5–Le PCF et la Paix
Dès « la grande guerre », un profond « pacifisme raisonné » diffuse peu à peu ses idées.
Le Parti Communiste Français a dans le passé assumé son fondement pacifiste, l’opposition à la guerre est inscrite dans son ADN.
De 1920 à 1940, en France plus qu’ailleurs, le communisme et lié au pacifisme.
En 1939–1940, les communistes sont poursuivis pour « propos défaitistes » alors qu’ils défendent le pacifisme, lequel est en réalité, un refus politique du consentement à la guerre »
Au tournant des années 1940 et 1950, le PCF participe activement au développement du Mouvement de la Paix.
A l’heure où le processus de décolonisation s’accélère, celui-ci est encouragé par le PCF.
Pendant la guerre d’Indochine (1946-1954) le PCF critique vigoureusement la politique du gouvernement et réclame l’arrêt du conflit, tout en demandant l’indépendance du Vietnam.
Les Communistes ont été les seuls à demander dès 1947 la fin de la guerre en Indochine
Dès l’origine de la guerre d’Algérie, le PCF demande un cessez-le-feu, la négociation, la paix en Algérie. Il se trouve isolé, l’opinion publique ne prendra conscience qu’avec le temps et les morts.
6 – Le PCF peut-t-il, doit-il jouer un rôle majeur dans la mobilisation pour la paix en Ukraine ?
Comment peut-on expliquer la disparition du pacifisme en France ?
Fin décembre, un sondage nous apprenait que la totalité des Français étaient pour l’aide militaire, même, si 70% d’entre eux préconisaient une solution négociée.
Certes, il y a le bellissime ambiant des médias, le manque d’informations sur la réalité, la méconnaissance de la politique internationale.
Il y a également la perception émotionnelle :
- la guerre est en Europe.
- Le petit (l’Ukraine) est attaqué par le gros (la Russie)
- On oublie l’aide massive de l’occident qui renverse le rapport de force.
- Les Communistes Français n’ont-ils pas pris depuis de nombreuses années un retard important sur l’analyse globale de la réalité internationale et en particulier sur la situation en ex-URSS ?
Pour justifier ce constat nous pouvons certes évoquer la faiblesse du parti, les divergences internes, l’importance et les difficultés de la Présidentielle.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus attendre, l’ensemble des organisations militantes de la paix doivent débattre et trouver un consensus, afin de créer un grand mouvement populaire pour arrêter cette guerre.
Reprenons ce que nous venons d’évoquer au niveau de l’Ukraine :
Le non-respect des accords de Minsk
L’expansion de l’OTAN aux frontières de la Russie.
Ajoutons à cela :
Le coup d’État sanglant, contre le président Ianoukovitch démocratiquement élu, après des mois de déstabilisation politique financée par les États-Unis et l’Union Européenne.
Des extrémistes néo-nazis, à l’avant-garde des manifestations obtenant des ministères et autres postes importants dans le nouveau gouvernement.
Les prémisses de la situation : dès 2008 au sommet de Bucarest, l’Alliance annonce l’adhésion possible de l’Ukraine et de la Géorgie.
L’avertissement de Poutine face à cette éventualité : « si l’Ukraine rejoint l’OTAN, ce sera sans la Crimée et nombre de ses régions orientales. ».
Prenant acte du risque, Sarkozy et Merkel s’opposent à l’élargissement.
Aujourd’hui les communistes doivent suivre sans attendre l’exemple de Jean Jaurès, et « avoir le courage de chercher la vérité et de la dire ».
Nous pouvons nous féliciter du communiqué du 29 février de la Fédération de l’Hérault de notre parti qui appelle tous les pacifistes, humanistes et progressistes à s’engager dans une grande campagne pour exiger :
- De faire cesser toute livraison d’armes
- Un cessez le feu et des négociations de paix
- Un plan de paix qui n’humilie personne, qui organise la sécurité de tous les pays, qui garantisse le droit d’auto- détermination aux peuples du Donbass
- Libérer la France de l’OTAN
- Refuser le piège de l’Union sacrée. Le peuple n’a aucun intérêt avec les profiteurs de guerre.
Tout en affirmant notre analyse, nous devons prendre au niveau national l’initiative d’une rencontre la plus large possible pour débattre et tout faire pour agir, créer et développer une convergence en faveur de la paix.
Dans son discours de clôture au Congrès National Fabien Roussel parle de paix et déclare : « La France se tient au côté des Ukrainiens et nous avec ».
Comment interpréter cette formule ?
Vous semble-t-elle conforme à la situation que nous venons d’évoquer ?
Est-elle la réponse courageuse, lucide et déterminante que nous attendons du mouvement ouvrier et plus particulièrement du PCF ?
Je ne peux laisser sous silence l’intervention de Fabien Roussel présentant la motion de rejet préalable de la loi de programmation militaire 2024 – 2030.
Sans rentrer dans le détail, nous ne pouvons qu’être d’accord avec cette déclaration lorsqu’il exprime :
- Le besoin d’un large débat avec l’ensemble de notre société
- Notre attachement à l’indépendance et à la souveraineté de la France en matière de défense et d’industrie de défense
- La nécessité de moyens permettant de disposer d’une armée dédiée, à la défense du territoire national
- De favoriser un lien puissant entre l’armée et la nation
- La préférence d’investir dans la diplomatie, la recherche de la paix et l’affirmation d’un soutien aux actions lancées par les Nations Unies
Nous sommes également en osmose, lorsqu’il met en cause :
- le montant excessif de 413 milliards d’euros pour les 7 prochaines années, les 69 milliards annuels à partir de 2030, alors que l’on demande aux Français énormément d’efforts.
- une stratégie au service de l’OTAN, et notre participation à son commandement intégré.
Les 13% consacré à la dissuasion nucléaire, soit 54 milliards, alors que nous devons tout faire pour que l’arme nucléaire disparaisse de la planète.
Les 10 milliards pour un porte-avion de nouvelle génération, et l’armée de projection, c’est-à-dire une armée destinée à conduire des interventions hors de nos frontières.
La direction du Parti Communiste Français semble donc avoir pris la mesure de la déclaration conjointe de l’Union Européenne et de l’OTAN publiée le 10 janvier.
Ce document ratifiant d’une part la dépendance de l’Union Européenne à l’OTAN et qui d’autre part est une véritable déclaration de guerre puisque la Chine est nommément citée.
Il manque toutefois encore, l’analyse sur la réalité ukrainienne.
Il est temps actuellement de terminer cette présentation, et d’approfondir notre réflexion
Je vous propose donc maintenant de passer au débat… Merci.
Voir en ligne : https://histoireetsociete.com/2023/...