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Discussion interressante concernant l’interview du "secrétaire général d’un PC du Pakistan"
samedi 14 novembre 2020 par Francis Arzalier (ANC), Bruno Drweski (ANC) et Jean Pierre Page.
J’attire votre attention sur cette interview du Secrétaire du PC du Pakistan, publiée par le PRCF.
Au delà d’infos précieuses sur la réalité pakistanaise, que nous ignorons souvent, c’est un exemple révélateur de la diversité des Partis Communistes dans le monde. L’analyse du rôle de la Chine au Pakistan ferait hurler certains de nos camarades, mais elle mérite, me semble t’il, d’être lue et prise en compte. Sans oublier que cette diversité des analyses communistes est normale en 2020. Même si j’ignore le poids des Communistes pakistanais, ils méritent d’être respectés. Je serais heureux d’avoir votre avis sur ces sujets.
Francis Arzalier (ANC)
Ce que je sais c’est qu’il y a plusieurs partis communistes au Pakistan, issus du parti communiste de 1948 ou issus de groupes trotskystes qui ont fusionné avec des groupes communistes avec depuis de multiples fusions et scissions.
Celui-ci je ne le connaissais pas. Malheureusement, il me semble qu’aucun parti communiste ne soit très puissant au Pakistan et le seul groupe dont on entend parler c’est le Labour party du Pakistan qui est d’origine trotskyste mais qui semble avoir évolué depuis en amalgamant des fractions issues de l’ancien parti communiste. ...A vérifier.
J’ai compris depuis longtemps que le Pakistan est un pays extrêmement complexe dont je mesure très mal les tenants et les aboutissants. Et ses liens avec l’Afghanistan, pays tout aussi complexe, ce qui rend les choses encore plus difficiles à évaluer.
Je m’étonne que l’auteur ne parle pas du tout d’Imran Khan, le premier ministre actuel qui mène une politique différente de ses prédécesseurs sur le plan international et sur le plan social. Au moins en principe.
Bien sûr, sur le terrain, je ne suis pas en état de juger les résultats de sa politique et les écueils qu’il doit affronter ou éventuellement son opportunisme s’il y a lieu, mais même si ce n’est qu’un changement en parole, cela est révélateur de quelque chose et mériterait d’être mentionné, au moins pour le dénoncer.
Je sais par ailleurs par beaucoup de Pakistanais qu’il existe dans ce pays une vieille sympathie pour la Chine, ce qui semble toujours le cas en même temps que les USA n’ont jamais été aimé dans ce pays, y compris au temps de son alliance avec Washington, ce qui n’est plus le cas.
L’auteur ne mentionne pas l’Organisation de Coopération de Shanghaï à laquelle le Pakistan a adhéré. On peut interpréter cette décision comme on veut, mais ne pas la mentionner me semble étonnant. J’ai l’impression que l’auteur ne s’intéresse tout simplement pas aux "jeux" géopolitiques et aux conflits au sommet qui reflètent d’une façon ou d’une autre des choses qu’on ne peut pas uniquement ranger dans la catégorie "bourgeoisie", "féodaux" et "impérialistes".
Ensuite, quand il parle des entreprises chinoises, il ne mentionne pas s’il s’agit d’entreprises privées ou publiques alors que nous savons désormais qu’on ne peut comprendre les choses sans prendre en compte cette donne. Traiter la Chine "en bloc" n’explique rien. Et lui accoler le label impérialiste sans explication ne fait qu’affaiblir à mes yeux son approche.
Pour ce qui est des talibans, les choses sont là aussi complexes, car il semble d’abord que c’est devenu plus une "nébuleuse" qu’une organisation centralisée et ensuite, je sais que la gauche afghane a parfois tendance à les considérer comme un mouvement certes archaïque mais néanmoins de résistance à l’occupation étrangère. Ce qui semble expliquer pourquoi les Occidentaux ont créé le pont aérien qui a permis à Daech de s’implanter en Afghanistan à partir de l’Irak, pour contrer les talibans sur leur propre terrain "archaïque".
Il y a beaucoup de meurtres au Pakistan, les meurtres rituels ou déguisés en meurtres rituels dont il parle, mais aussi beaucoup de meurtres politiques, y compris de dirigeants, ce qui montre qu’il y a de fortes contradictions dans les cercles de pouvoir, on aimerait dès lors en savoir plus sur qui représente quoi et quels intérêts de classe.
Des féodaux, des bourgeois, des notables tribaux certes, mais qui ?
Et pour qui ?
Bruno Drweski (ANC)
Je viens de lire l’interview stupéfiante du secrétaire général du PC du Pakistan. Je ne sais pas si c’est le résultat de la traduction qui laisse à désirer mais sur de nombreux points l’analyse est des plus discutables.
A mes yeux, elle est quasiment pro US et anti chinoise, ce qui devrait laisser plutôt perplexe quant à la crédibilité politique de l’intéressé !
Il y a surtout des omissions de taille.
Plusieurs exemples : à aucun moment il ne fait allusion aux importants changements politiques intervenus avec l’élection d’Imran Khan, la lutte acharnée de celui-ci contre la corruption, sa politique sociale en faveur des pauvres, le soutien au rôle et l’influence de syndicats de classe trés combatif dont plusieurs affiliés à la FSM, le style de vie d’Imran Khan dont mériterait bien de s’inspirer la plupart des chefs d’état, sa coopération très positive avec la Chine, l’éloignement à l’égard de Washington.
Il faut rappeler que le Pakistan était dans la région l’arrière cour US et une base militaire d’agression contre la Russie, la Chine, l’Inde, l’Afghanistan surtout depuis l’époque où l’Inde était proche de l’URSS et dirigeait le Mouvement des Non Alignés et ou Kaboul avait basculé dans le camp socialiste.
Dorénavant le Pakistan joue un rôle positif en faveur d’une politique internationale de non ingérence, de respect de la souveraineté, de coopération, de paix.
Autre exemple, il ne dit pas un mot sur le rapprochement avec l’Iran, rien sur les menaces d’agression de Modi y compris par l’usage de la force nucléaire, rien sur la répression extrêmement violente et le démantèlement de l’état du Jammu- Kashmir en Inde, rien sur les attentats commis dans le port stratégique de Gwadar par le Front de libération Pachtoun soutenu, armé et conseillé par la CIA et les USA.
Par contre satisfecit donné au Bangladesh totalement vendu aux intérêts US et anti chinois et même à l’Union européenne.
Il invoque la neutralité et non le non alignement ce qui n’est pas la même chose.
Faut-il ajouter le fait qu’il ne dise rien sur l’alliance de la Quad (Inde, USA, Japon, Australie), rien sur l’Océan Indien zone de paix, rien surtout sur la réorientation stratégique des USA avec le "Pivot to Asia" depuis Obama et repris par Trump, rien sur les menaces de guerre dans la région et sur le fait comme vient de le montrer Pompeo que les américains qui multiplient les
manœuvres militaires ne cessent de mettre de l’huile sur le feu.
Je pourrai continuer ainsi.
Il n’y a pas grand chose d’anti impérialiste et anticapitaliste dans tous les propos que tient ce responsable politique pakistanais, par contre on a droit à beaucoup de rhétorique !
Dans cette région du monde que je connais un peu et où l’influence communiste n’est pas négligeable, il est vrai que ce parti ne s’est jamais fait particulièrement remarquer.
Je pense que les américains, Modi et la bourgeoisie pakistanaise qui rêvent d’en finir avec Imran Khan ne désavoueraient pas cet interview et qui sait la susciterait peut-être...
Jean-Pierre Page.