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Le Projet Moyen-Orient revisité. Et les raisons de son échec
mercredi 5 février 2025 par Marie Nassif-Debs

Si nous voulons comprendre les développements rapides qui enveloppent le monde aujourd’hui, et plus particulièrement notre monde arabe, nous devons remonter à ce jour du 11 septembre 2001, qui a marqué un nouveau tournant dans notre histoire contemporaine après la chute du mur de Berlin, suivie par celle de l’Union soviétique et les changements ultérieurs au cœur de l’Europe ayant conduit à l’abolition de toutes les frontières issues de la Seconde Guerre mondiale et de ses conséquences militaires et politiques. Cela a aussi marqué l’émergence d’un nouvel ordre mondial unipolaire dirigé par l’impérialisme américain sans rival.
À cette époque, et en parallèle avec ce changement, le “Projet du Moyen-Orient” fut introduit. Ce projet, ayant porté divers noms et cartes, fut finalement cristallisé en octobre 2001 : les États-Unis devraient organiser la conquête de six pays arabes – l’Irak, la Libye, la Syrie, le Liban, la Somalie et le Soudan – dans un délai ne dépassant pas cinq ans, en raison de l’importance stratégique de ces pays, notamment pour les richesses qu’ils recèlent sur terre et en mer, en particulier le gaz et le pétrole.
Peut-on dire aujourd’hui que Washington a réussi à réaliser son projet, même si ce n’est pas dans les délais de cinq ans qu’elle s’était fixés ? Le “Nouveau Moyen-Orient” commence-t-il à prendre forme, notamment après l’agression contre Gaza et le Liban, ainsi que les développements en Syrie ? Que ce soit en ce qui concerne la liquidation de la question palestinienne, y compris l’abandon de l’idée de créer un État palestinien, ou la rédaction de la dernière page du livre de la normalisation avec les pays arabes, qui a fait de grands progrès à travers ce qu’on appelle le “Deal du siècle” et les “Accords d’Abraham” signés lors de la première présidence de Donald Trump et sous la supervision de son administration.
Il est encore trop tôt pour répondre oui à ces questions, bien que certains analystes faisant l’éloge du rôle impérialiste-sioniste dans notre région estiment que le cessez-le-feu au Liban, puis à Gaza, ainsi que ce qui s’est passé entre eux en Syrie, en plus du retour triomphal de Donald Trump à la Maison-Blanche, peuvent être considérés comme une victoire écrasante de l’impérialisme américain, accompagné de tous les pays de l’OTAN et des régimes arabes réactionnaires.
Selon eux, “l’ère américaine” nous est revenue et sera consacrée pour de nombreuses années dans notre pays, et chacun devra entrer docilement dans le jeu de concorde que Trump a relancé il y a quelques années avec l’entité sioniste et qu’il a dirigé en partie sous le slogan électoral : “C’est ce que Washington veut et recherche.” Car c’est ce que veut Washington, et ce que tous les occupants de la Maison-Blanche ont recherché depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui.
Il ne fait aucun doute que l’agression sioniste récente, débutée après l’opération Déluge d’Al-Aqsa, a conduit à l’expansion de la présence des forces ennemies dans de nouvelles zones de terres arabes, à Gaza, dans le sud du Liban et en Syrie, avec un soutien impérialiste américain absolu au niveau militaire, diplomatique et financier. Ce soutien, pour lequel les États-Unis ont mobilisé toutes leurs bases, ainsi que celles de l’OTAN dans le monde, s’est déroulé dans un silence arabe officiel dû à la dépendance qui caractérise les régimes arabes en général.
Il est également vrai que l’ennemi s’est acharné dans les massacres, les déplacements, le sabotage et l’utilisation d’armes internationalement interdites, mais il faut en même temps noter qu’il a également subi de lourdes pertes à tous les niveaux, notamment militaire et humain en général... Ces pertes se sont manifestées, premièrement, par la fuite d’un grand nombre de colons, atteignant un demi-million, et deuxièmement, par la réduction de l’immigration sioniste vers la Palestine occupée au minimum.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier toutes les analyses qui ont mentionné des pertes économiques et financières énormes et sans précédent, ni toutes les réactions condamnatoires et dénonciatrices enregistrées par de nombreux pays et mouvements populaires contre les politiques de génocide, massacres et criminalité générale pratiquées par l’entité sioniste.
Ces réactions ont conduit à des mouvements de masse sans précédent et à des positions inhabituelles, sans parler des décisions prises par les deux tribunaux internationaux (approuvées par un certain nombre de pays libres dans le monde) affirmant que ce qui se passe à Gaza relève du crime de génocide et que les dirigeants de l’entité sioniste, Netanyahu et Gallant en particulier, sont des criminels de guerre recherchés par la justice, chacun portant la responsabilité criminelle “pour le crime de guerre de famine comme méthode de guerre et les crimes contre l’humanité de meurtre, persécution et autres actes inhumains.”
Ces deux résultats récents – l’émigration et l’exposition des politiques criminelles pratiquées depuis des années contre le peuple de Palestine – mèneront inévitablement non seulement à la poursuite de la fuite des colons coloniaux, mais aussi à l’approfondissement de la résistance à l’agression et à l’occupation parmi les peuples des pays entourant l’entité usurpatrice, conduisant à la poursuite de la lutte pour récupérer la terre de Palestine et tous les territoires arabes occupés.
La question de la Palestine a été et restera la question centrale des peuples arabes, et la lutte contre l’impérialisme et le sionisme se poursuivra, sous des formes et méthodes renouvelées, et avec des alliances qui commencent à apparaître à l’horizon mondial, jusqu’à ce que l’impérialisme soit complètement vaincu dans notre pays et sur notre planète, et que la terre arabe et ses richesses soient libérées de l’occupation sioniste, qui constitue la principale base de l’impérialisme dans le Machrek arabe et dans le monde entier.
Marie Nassif-Debs : Ancienne coordinatrice de la Rencontre des Gauches Arabes