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Un peu d’histoire, camarades... Ça ne peut que nous faire du bien
jeudi 20 mars 2025 par Francis Arzalier (URC)

Ce texte est une réaction, sinon le testament politique, d’un homme devenu Communiste par choix raisonné il y a plus de 75 ans, et une réaction à quelques échanges récents. Ce n’est pas une polémique qui débute, mais un appel à des échanges individuels, fraternels, entre militants anciens et plus jeunes, seul moyen de faire progresser les analyses de combat, à l’intérieur d’une organisation communiste.
Car si les différences d’approche entre nous naissent souvent d’expériences différentes, découlent souvent de l’ignorance de l’histoire des organisations communistes, et socialistes en France, depuis un siècle. Les diverses opinions doivent pouvoir s’exprimer au sein même des organisations communistes, car l’échange est toujours un enrichissement mutuel, à condition d’en éliminer les controverses inutiles, quand elles reposent sur des mots auquel chacun donne un sens différent.
L’essentiel est notre attachement commun aux luttes de classe comme explication et moteur de l’histoire des hommes, à l’idéal de luttes contre le Capitalisme, générateur d’inégalités et de guerres impérialistes, dans l’esprit des travaux de Marx, et de tous ceux qui les ont enrichis depuis plus d’un siècle, théoriciens, militants anonymes, ou chefs d’état, Lénine et Castro, Mao et Thorez, Gramsci et Ho Chi Minh, et bien d’autres encore.
Car si tous ces combattants pour la société socialiste se trompèrent parfois, ils furent surtout les phares des luttes pour l’égalité entre les hommes et entre les peuples. Nous avons en tout cas hérité grâce à eux d’une lecture rationnelle de l’évolution du monde, depuis le début du XXème siècle, qui peut de résumer en quelques principes de base, qui font l’adhésion à l’idéal communiste encore aujourd’hui.
Les piliers idéologiques du communisme en france
1/ Il s’est vraiment ouvert par la création, grâce à la Révolution russe de 1917, d’un mouvement révolutionnaire marxiste, communiste, capable d’entraîner les masses populaires au basculement de l’ordre Capitaliste et à l’instauration d’une société socialiste au service de la majorité prolétarienne (ceux qui n’ont que le fruit de leur travail manuel et intellectuel pour vivre ) et la paix entre les nations égalitaires et souveraines. En France, cette naissance du mouvement révolutionnaire communiste contemporain s’est faite en 1920 au Congrès de Tours, qui vit la victoire majoritaire au sein du vieux Parti socialiste du courant communiste, influencé par la récente Révolution russe de 1917. Dès lors, il s’incarne dans le PCF, qui, durant 70 ans porta dans notre nation le mouvement révolutionnaire, et fut capable malgré des erreurs factuelles, d’organiser notre prolétariat pour arracher des conquêtes sociales et politiques dont nous profitons encore parfois, celles de 1936, de 1945, et de 1968 entre autres.
2/ Durant toutes ces périodes de luttes sociales et politiques intenses, le mouvement communiste révolutionnaire parvint à entraîner les masses, malgré les trahisons répétées, obstinées, du Parti Social-démocrate de France (SFIO, puis PS ), « réformistes « en paroles, mais prêts à tous les reniements dès que le Capitalisme était mis en cause : le Parti Socialiste cassa ainsi les avancées de 1936 en instaurant la « pause sociale », et dégringola même en 39-40 jusqu’à approuver l’interdiction du PCF, et ensuite voter les pleins pouvoirs à Pétain.. Et dès 1947, il stoppa les progrès sociaux nés de la Libération Nationale, et devint l’organisateur patenté des guerres et répressions coloniales, en Indochine, en Algérie, Madagascar, Cameroun, etc., avant de soutenir en 1958 la mise en place de la Vème République Gaulliste.
3/ Tout au long de ces décennies, le PCF et la CGT, armés des principes marxistes de luttes de classe et de la volonté d’être l’émanation des revendications ouvrières, n’ont pas démérité, en animant » les luttes pour le pain, la paix, la liberté », selon l’heureuse formule de 1936, grâce à un ancrage populaire important, malgré la guerre idéologique constante menée contre eux par l’appareil médiatique d’état. : En 1969, Jacques Duclos recueillait au scrutin présidentiel 4 millions 800 000 suffrages.
Les décennies de suicide du mouvement communiste en France et dans le monde
Jusqu’au dernier tiers du XXème siècle, l’opposition mondiale entre Communisme et Capitalisme a été intense ( Guerre froide ), et s’est même exprimée en guerres ouvertes, en Corée ( 1950-53 ), au Vietnam ( 1954-75 ), mais aussi sur les plans économiques et idéologiques. La dimension idéologique est devenue essentielle après 1970, sous l’effet de de de plusieurs phénomènes concomitants :
1/ la décrépitude interne progressive du pouvoir communiste en URSS et dans ses alliés est-Européens, par l’accession aux commandes d’une bureaucratie plus attachée à ses privilèges sociaux qu’à l’expansion de l’égalitarisme socialiste dans les faits et dans les esprits. Cette évolution s’est achevée vers 1990 par l’effondrement de l’URSS et de ses alliés de l’Est-européen, et le retour dans cet espace aux commandes d’une Capitalisme virulent, souvent avec la collaboration de cadres « ex-communistes », désireux d’assurer leur pouvoir de classe dans la « société de libre entreprise. »
2/ En France, les conséquences idéologiques néfastes de l’écroulement du « socialisme réel », se sont doublées à la fin du XXème siècle de celles des délocalisations d’entreprises industrielles vers les pays à bas salaires…et fort taux de profit pour les capitalistes. L’autre objectif de cette désindustrialisation était pour la bourgeoisie dirigeante française le démantèlement de la classe ouvrière industrielle, qui était depuis le XIXème siècle le terreau nourricier du mouvement révolutionnaire, et du PCF et de la CGT au XXème siècle.
3/ L’effondrement final de ce « Socialisme réel « qui avait très longtemps (trop ? ) servi de modèle aux militants communistes du reste du monde ne pouvait que les déstabiliser.
D’autant que la même décrépitude interne se développait dans des partis communistes comme le le PCF ou le PCI italien, installés dans des pouvoirs locaux souvent électifs, au sein d’États capitalistes (responsables municipaux, associatifs, permanents-bureaucrates, etc.) . La direction du PCF, engluée de plus en plus dans le carriérisme et son corollaire l’électoralisme, abandonna
progressivement les principes élémentaires de lutte de classe, pour devenir le supplétif des gouvernants de la Social-Démocratie Mitterrandienne, sous couvert » d’Union de la Gauche ».
Et cette, » mutation » opportuniste, entérinée par un congrès du PCF en 2000, niant celui fondateur de Tours en 1920, se conclut en abandon des principes marxistes, sous la houlette de Robert Hue et son équipe de bureaucrates carriéristes.
En quelque sorte, ces choix de 1994-2000 signifiaient un « Congrès de Tours » inversé, au profit de la Social-Démocratie, ralliée en France comme ailleurs à un objectif d’aménagement du Capitalisme.
4/ la dernière décennie du XXème siècle et les premières du XXIème ont vécu une véritable contre-révolution idéologique mondiale, organisée par l’Impérialisme à direction Étatsunienne et « Européenne « . Grâce aux capacités énormes de modelage les esprits par les appareils médiatiques contemporains, étatiques et privés, les forces authentiquement communistes et marxistes ont perdu en France et dans tous les pays d’Europe leur capacité de mobilisation pour passer au Socialisme.
L’idéologie libérale, tenant le capitalisme pour indépassable, s’est diversifiée en multiples visages politiques (droites se réclamant de la « démocratie » parlementaire ou présidentielle, centrismes divers comme le macronisme français, « gauches « social démocrates comme les PS français, allemand ou les travaillistes britanniques, mais aussi extrêmes droites racolant par la démagogie raciste et sécuritaire, « dédiabolisées » par leur ralliement au « démocratisme électoral « , comme le RN français et le parti de Méloni en Italie.
Une France du XXIème siècle amputée de ses forces révolutionnaires ?
Les modalités d’un désastre historique
Des courants politiques divers incarnent aujourd’hui un véritable pluralisme de l’idéologie des bourgeoisies possédantes et dirigeantes. Elles se disputent âprement les prébendes du pouvoir, notamment par le jeu électoral. Mais cela recouvre une approche commune de ce qui est essentiel pour le Capitalisme, le contrôle des opinions. La maîtrise absolue des « grands médias », d’État et privés, leur a permis de conquérir les opinions, de criminaliser l’idéal Communiste en dépit des réalités historiques, de remplacer dans les mentalités la conscience de classe par la défense des minorités, sexuelles ou ethniques ( wokisme ), de rallier les jeunes inexpérimentés à l’idéal impérialiste par le mimétisme des modes étatsuniennes, etc.
Le constat est indéniable : en 2025, notamment en France : la guerre idéologique du dernier demi-siècle a été gagnée globalement par les tenants des bourgeoisies possédantes et dirigeantes, les mouvements révolutionnaires communistes étant parallèlement réduits à de petits groupes militants isolés et impuissants, à un PCF mourant de ses déficiences, à une CGT en déclin par une direction aspirée par la collaboration de classe, et des luttes anti-impérialistes devenues très minoritaires.
Cette période de guerre des idées a été d’autant plus gagnante pour la bourgeoisie qu’elle a su utiliser pour ses objectifs de démolition du mouvement révolutionnaire des tactiques nouvelles, inattendues mais très efficaces.
D’abord, l’utilisation du trotskisme organisé, qui, partant du constat juste des déficiences bureaucratiques des organisations Communistes, a construit un essaim de groupes farouchement anticapitalistes en paroles, mais concrètement consacrées à détruire les organisations révolutionnaires ou anti-impérialistes, notamment grâce à l’entrisme. Ce fut le cas notamment en France après 1968, par le biais des Lambertistes, grâce d’abord à l’OCI en milieu étudiant, qui réussit d’abord à phagocyter l’UNEF et l’UEC. Cet entrisme trotskiste, langage radical et pratiques droitières, fut même très efficace au sein du Parti Socialiste et sa stratégie « d’Union de la Gauche », conquis par Jospin venu de l’OCI, et chef d’un gouvernement de la « Gauche Unie », spécialisé dans les privatisations d’entreprises.
Faut-il ajouter à ce constat d’un XXème siècle finissant que les deux décennies du XXIème débutant à vu l’écroulement en groupuscules des Communistes en France se doubler de la croissance à » l’Extrême-Gauche » d’une organisation parfois ectoplasmique, couplant un verbalisme radical et un fréquent modérantismes de fait, sous la direction de l’ex-Lambertiste -OCI Jean Luc Mélenchon, qui fut aussi Sénateur du PS de Mitterrand.
On disait autrefois du Parti radical qu’il imitait les radis, rouges écarlates en surface, blancs et fades à l’intérieur. Le radicalisme verbal ne fait pas d’un politicien un révolutionnaire, pas plus que les insultes proférées depuis son siège à l’Assemblée nationale.
Ce qui concourt à un bilan de démission idéologique, valable pour tous les partis dits de Gauche :
Un PS adoubant le budget régressif de Bayrou et Macron, des. écolos verdissant de leur mieux les inégalités suintant du capitalisme Vert, quand il n’appelle pas à la guerre en Ukraine, et un PCF résiduel qui n’ose plus le porte à porte d’autrefois, pour ne pas se faire agressé dans les HLM. Et une CGT bien affaiblie, alourdie de ses tentations conciliatrices, qui n’ose pas lancer de vastes mobilisations, alors même que tout laisse prévoir la mort de centaines d’entreprises en sursis en 2025.
Ce sont là des faits avérés, qui ne relèvent pas d’inventions complotistes.
Du suicide au désastre final ?
Cette déréliction du mouvement révolutionnaire communiste et anti-Impérialiste, qui a pris souvent les formes d’un suicide complaisant, est caractéristique de la France, même si elle ne se limite pas à notre pays.
Et elle est de plus en plus perçue par les observateurs comme un basculement politique majeur, au profit de l’extrême-droite. La progression dans les sondages électoraux du soutien populaire au RN est avéré. Ce parti Bardella-Le Pen est aujourd’hui aux portes du pouvoir d’État en cas d’élections présidentielles ou législatives, ce qui renforce les constats faits dans le reste de l’Europe, en l’Italie, aux Pays Bas et en Allemagne, et aussi en Amérique, de l’Argentine de Millei aux USA de Trump et ses foucades impérialistes décomplexées.
Des succès de l’extrême-droite qui sont souvent la sanction de l’affadissement et de la trahison des diverses » gauches » d’Europe, par exemple en Allemagne, avec l’effondrements de la Social-Démocratie et de Die Linke. Assistera-t-on dans les années qui viennent à l’écroulement du Travaillismes britannique, devenus gouvernants et bellicistes autant que leurs compères de Paris et Berlin ?
Macronistes, Verts et Socialistes français disputent à la Droite la palme du bellicisme anti-Russe, et de l’envol des dépenses militaires, et quémandent le leadership de l’Impérialisme Ouest-Européen, qui se propose de compenser le désengagement de Trump sur le continent.
Allons-nous, ou nos descendants, vivre la disparition irrémédiable de l’idéal révolutionnaire, comme nous le prédisent à la télévisions les bons apôtres du capitalisme, et ses divers idéologues ?
Non, bien sûr, car la société capitaliste qui régit encore notre pays et le monde, porte toujours en elle sa condamnation à disparaître, l’inéluctable opposition entre une minorité toujours plus réduite de privilégiés gavés par les profits, tirés du travail de majorités prolétariennes de plus en plus massives dans le monde. Ce qui ne signifie en rien que cette issue, cet univers Socialiste d’hommes et de peuples égaux dont ont rêvé le Français Babeuf il y a plus de deux siècles et les Bolcheviks de 1917, viendra automatiquement, d’elle-même, sans les luttes « pour le pain, la paix, la liberté » que peuvent seuls organiser les Communistes, comme l’histoire passée le démontrent.
Les Communistes fidèles à leur idéal marxiste sont aujourd’hui dispersés en groupes de quelques centaines de militants pour chacun d’entre eux, incapables d’entraîner aux luttes nécessaires les majorités prolétariennes dévoyées. La tâche première est la reconstruction patiente d’un Parti des Communistes de France, dont le rôle est de convaincre les travailleurs, manuels et intellectuels, des principes marxistes de lutte dont ils sont porteurs. Cette reconstruction nécessaire d’une organisation des Communistes ne pourra avoir lieu qu’en éliminant tout sectarisme, toute prétention des uns à donner des leçons aux autres militants, dans le respect de la diversité communiste, et du fonctionnement démocratique dans l’organisation.
Une autre condition nécessaire pour rebâtir une force communiste, est le respect par les militants de quelques impératifs enseignés par l’histoire :
1/ éradiquer totalement au sein de l’organisation l’électoralisme, le carriérisme et l’opportunisme bureaucratique qui nous ont amenés au désastre actuel.
2/ discerner et combattre toutes les variétés contemporaines de l’idéologie bourgeoise, qui ont l’objectif commun d’empêcher la prise de conscience de classe, l’usage wokiste de la promotion des minorités, sexuelles, ethniques ou autres.
3/ refuser le radicalisme verbal, qui tue les nuances et empêche l’analyse rationnelle : toute réalité, sociale ou idéologique, est faite de contradictions, et nécessite une analyse dialectique. Limiter les discussions internes sans but, s’efforcer de s’adresser aux travailleurs de façon courte, simple, en partant de leurs revendications, non de concepts théoriques abstraits.
4/ Ne pas oublier que la bataille décisive pour les militants communistes est de convaincre la masse des travailleurs des objectifs anticapitalistes et anti-impérialistes, et que nous devons le faire le dos au mur, contre un appareil médiatique, public et privé, dont le rôle n’est plus d’informer des faits, mais de modeler l’opinion au profit des idéologies de la Bourgeoisie. L’un de nos objectifs politiques prioritaires doit être de proposer et reconstruire des médias qui soient un réel service public d’information, et pluraliste dans ses commentaires et le choix de ses invités.
5/ rompre définitivement avec les formes diverses de l’idéologie bourgeoise, qu’elles s’incarnent dans les Droites conservatrices, les Centrismes verbeux, et les extrême-Droites xénophobes et démagogiques, et les variétés les plus diverses de social-démocraties, Vertes ou Roses, Trotskistes ou « Humanistes », dont les épisodes successifs « d’Union des Gauches » a largement montré la nocivité.
6/ un Parti Communiste authentique doit élaborer démocratiquement ses objectifs politiques en fonction des principes marxistes, et, bien sûr, rechercher le soutien sur ces objectifs de lutte des citoyens qui peuvent se reconnaître dans d’autres partis, notamment ceux Social-démocrate, avec lesquels il peut être nécessaire de mener des combats communs. Mais il a avec eux une différence fondamentale : tous les combats qu’il mène, pour le mieux-être, la paix, les libertés, s’insèrent dans un objectif politique final, la disparition du Capitalisme, et son remplacement par une société Socialiste, dont les piliers sont la propriété collective des grands moyens de production et d’échange, une société vouée au service public et non au profit individuel, et un Pouvoir politique réellement démocratiques soutenu par la majorité prolétarienne des citoyens.
Cet objectif de Socialisme est la marque inhérente des Communistes, il les différencie des formes diverses de Social-Démocraties, qu’elles soient de « Gauche », Centristes, ou de Droite.
L’actualité le confirme : vont-elles nous traîner au Troisième conflit mondial, comme elles l’ont fait pour le premier, en 1914 ?
Francis ARZALIER, historien,, le 18 mars 2025
( 134éme anniversaire du déclenchement de la Commune de Paris )