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Brexit, Frexit, sortie de l’U.E : un regard communiste

samedi 11 décembre 2021 par Francis Arzalier et Bruno Drweski (ANC)

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, décidée en juin 2016 par référendum, a confirmé que la question de l’intégration européenne reste une question ouverte, ce qui pour les communistes pose la question de trouver une réponse par rapport à leur objectif révolutionnaire internationaliste, anti-impérialiste et de passage au socialisme.

Les médias français, toujours fidèles aux idéaux pro-UE de Macron, ont annoncé dès le départ que ce Brexit ruinerait l’économie britannique alors que l’on constate aujourd’hui que ce pays connaît une croissance et, mieux, que les salaires des travailleurs de ce pays ont tendance à augmenter, ce qui a été appuyé par les dernières décisions du congrès du parti ...conservateur, estimant qu’il fallait en finir avec la politique de rigueur salariale menée depuis Lady Thatcher et l’adhésion du pays à l’UE.
Au moment où les travaillistes, englués par leur vote anti-brexit et la prise en main de leur parti par son aile droite, sont en pleine déconfiture.

En communistes convaincus de la nocivité de l’Union Européenne et des Traités qui la constituent, nous avons, comme le font les communistes britanniques, considéré que le NON à l’UE des électeurs britanniques était salutaire et dans l’intérêt des travailleurs.

Comme le fut en France en 2005 le NON à la Constitution Européenne. Dans les deux cas d’ailleurs, ce fut un refus de classe, l’expression du mécontentement social des "fins de mois difficiles", majoritaire dans les régions ouvrières paupérisées par les mutations du Capital et les destructions d’entreprises, le Nord-Pas de Calais français, ou les Midlands britanniques.

Par contre, le OUI était gagnant dans les quartiers bourgeois de Paris ou de Londres. Un rejet de classe donc, même s’il mêlait dans les urnes des motivations politiques disparates, allant de la xénophobie d’extrême droite (FN en Calaisis et UKIP à Manchester), à un raisonnement anticapitaliste rationnel.

Si la bourgeoisie britannique s’est divisée sur le sujet du brexit, les classes travailleuses semblent bien plus eurosceptiques. Si toute une part du patronat britannique est attaché à l’UE qui lui a permis d’augmenter ses dividendes à cause d’une main d’œuvre peu coûteuse venue grâce à l’ouverture des frontières d’Europe de l’Est, une autre aspire à se dégager de l’emprise économique allemande jugée envahissante au sein des 27, et lorgne vers une intégration plus grande à un "grand espace économique anglophone", avec les pays du Commonwealth, Australie, Nouvelle-Zélande ou Canada, et surtout avec les États-Unis.

Le brexit n’a donc pas fait du Royaume-Uni un pays non impérialiste où les travailleurs auraient leurs mots à dire, il n’a donc en soi pas ouvert la voie vers le socialisme, même si les travailleurs britanniques ont vu leurs conditions salariales s’améliorer. Et c’est à partir de ce constat que nous devons envisager la question de l’UE, la sortie de celle-ci apparaissant comme une condition nécessaire mais insuffisante pour mettre notre pays, comme les autres pays européens, sur la voie du socialisme.

Cela doit nous amener à réfléchir à notre lutte nécessaire pour sortir la France de ce carcan supranational au service du capitalisme qu’est l’UE. On ne peut se satisfaire de clamer le slogan "Frexit !", "en sautillant comme un cabri " selon la formule de de Gaulle. Comme s’il s’agissait d’une panacée, capable en toutes circonstances d’amener le bonheur en notre pays et à nos classes populaires.

Comme tous les slogans, ce terme est réducteur, et ne doit cacher ni les difficultés de cette rupture, ni les pièges qu’il peut camoufler s’il devenait simplement une stratégie de rechange d’une part de la bourgeoisie française.

La sortie de l’UE ne peut donc devenir l’objectif exclusif des communistes.

Cet objectif est et doit rester la transformation totale de la société française, l’éradication de l’exploitation capitaliste subie par la majorité prolétarienne qui ne possède pas les moyens de production et d’échange, et n’a pour vivre que le fruit de son travail.

Cette rupture avec le carcan de l’UE, de l’Euro, de l’OTAN, car les trois sont en fait intrinsèquement liés, n’est que le moyen nécessaire pour parvenir à cet objectif. Nécessaire, car les Traités qui forment l’ossature de l’UE existent justement pour interdire à toute nation qui en fait partie ces changements progressistes, et cela même quand le suffrage universel a exprimé majoritairement une volonté de progrès social et politique.

C’est ainsi qu’a été étouffée la volonté de l’électorat grec d’en finir avec l’austérité. Et c’est cette situation qui permet en permanence aux pêcheurs en eau troubles de jouer sur les contradictions intra-européennes pour se faire mousser, prolonger leurs « tours de pistes », sans jamais s’attaquer aux fondements du système, ce qu’on peut constater avec les jeux de ping-pong récents entre Varsovie ou Budapest et Bruxelles, où aucun des deux « partenaires-adversaires » n’envisage de rompre avec la logique de surexploitation capitaliste, de racismes ou de moralisme de façade et de mise en concurrence des travailleurs.

Les Traités de l’UE interdisent toute indépendance monétaire et financière, toute décision sociale opposée aux choix de la Banque Européenne de Francfort, « indépendante » des pouvoirs publics et dépendante des intérêts de la bourgeoisie impérialiste.
Et ils garantissent l’hégémonie de la Commission européenne et de son eurogroupe supranational, ce qui exclut d’emblée tout protectionnisme social contraire aux dogmes libéraux, et ce qui permet de faire de l’UE un outil impérialiste, coupant ainsi les travailleurs des pays de l’UE de leurs frères de classe des pays du Sud.

Un seul des 27 pays de l’Union, quels que soit la volonté des électeurs, ne pourra donc jamais mettre en place une orientation anti-capitaliste sans rompre avec les Traités (de Rome, de Maastricht, de Lisbonne, etc) qui le lui interdisent.
Ce que le dirigeant social-démocrate "de gauche" Tsipras n’a pas eu le courage de faire à Athènes, malgré la mobilisation des salariés soutenus par le Parti communiste de Grèce (KKE) et le mouvement syndical PAME.

Plus récemment, à Rome, les timides tentatives du gouvernement Cinq Étoiles de faire un budget incluant les quelques mesures sociales approuvées par leur électorat, ont été annulées sous la pression des autorités de Bruxelles, puisque ces politiciens démagogues ne voulaient en aucun cas aller à la confrontation avec l’UE, et aujourd’hui, le pays a, en retour de balancier, été domestiqué sous l’égide de l’hyper financier corrupteur Draghi.

Les événements récents en Grande-Bretagne, en Grèce, en Italie nous donnent donc de précieuses indications pour la tactique de luttes à suivre dans un pays comme la France, un des membres majeurs de l’Union européenne.

1/ Ne perdons pas notre temps à viser un Frexit sans en prévoir le contenu social. Une "sortie" contrôlée par la bourgeoisie, ou pire encore, par sa fraction ultra-nationaliste, raciste et xénophobe, ne se conclurait qu’au détriment de la majorité des travailleurs de France. Ce qui exige de refuser l’alliance ou l’allégeance avec les forces politiques qui les incarnent, nationalistes de toutes obédiences, sectateurs des Le Pen, Dupont-Aignan, du "gaulliste" Philippot, et a fortiori des idéologues fascisants du genre Soral ou Zemmour. Qui d’ailleurs restent toujours au bout du compte ambigus dans leurs décisions, et pour cause, sur le sujet UE et « Europe ».

2/ le travail essentiel pour nous est de cibler, dans le contexte de l’appareil UE existant, les objectifs de transformation, sociaux et politiques, nécessaires à notre Nation et à ses citoyens, visant à stopper l’exploitation et la précarité, la destruction industrielle et la dégradation des conditions de vie du plus grand nombre, et d’organiser les luttes multiformes pour les imposer à la bourgeoisie, y compris par le suffrage universel, mais pas seulement. Nous sommes encore loin d’avoir convaincu note peuple de la validité de ces objectifs anti-capitalistes, et anti-impérialistes.

3/ Quand cette prise de conscience sera atteinte, un Pouvoir démocratique en France sera alors à même de réaliser ces transformations sociales, économiques, diplomatiques, sans tenir compte des interdictions de l’Union européenne. Ce qui ne saurait déboucher que sur la dénonciation des Traités qui prétendent l’interdire. Ne sous estimons pas les conséquences de cette rupture, les pressions de toutes sortes que ne manqueront pas d’exercer alors sur nous les bourgeoisies d’Europe, d’Occident et de France.
Souvenons-nous de ce que fut la coalition des monarchies réactionnaires européennes contre la France révolutionnaire de 1793 ! Toute rupture avec l’UE, l’euro, l’OTAN, impliquant la conquête de la souveraineté nationale et populaire, économique, monétaire et diplomatique, ne sera pas un long fleuve tranquille...

4/ Heureusement, notre pays a parmi les 27 un poids démographique, économique et politique tel que l’ensemble de l’UE en serait très ébranlé. Mais résister victorieusement à ces formidables pressions ne pourra se faire que grâce à une mobilisation populaire très forte, liant patriotisme et volonté anti-capitaliste, comme ce fut le cas à Cuba durant un demi-siècle de blocus impérialiste.
Ce qui veut dire militer dores et déjà et simultanément pour la création d’une convergence des mouvements anti-impérialistes, anti-guerre et anticoloniaux à la fois au sein et en dehors de l’UE

Telle doit être pour nous la tâche à accomplir, qui ne pourra se limiter à un n-ième épisode électoral.

Aujourd’hui, la nécessité est de dénoncer le « patriotisme » qu’une bourgeoisie rance propage côté face à travers la promotion médiatique d’un Zemmour et côté pile par les manœuvres hypocrites d’un Darmanin ou d’un Macron. Il faut brandir simultanément le drapeau tricolore de la Révolution française et le drapeau rouge de l’Internationale.

Le calendrier électoral qui nous attend, centré autour du vote pour un monarque « républicain » suivi presque « automatiquement » par celui devant désigner une chambre d’enregistrement doit être l’occasion de dénoncer le leurre qui consiste à laisser croire que le repli ethnique serait la réponse aux problèmes sociaux, alors que le mirage d’une Union européenne convertie miraculeusement en "Europe sociale" a perdu beaucoup de sa crédibilité, y compris au sein du « peuple de gauche ».

Un peuple qui n’a pas disparu même s’il n’a, en partie à cause des questions européennes, pas trouvé de porte-voix capable de porter aujourd’hui ses aspirations. Le discours lénifiant propagé durant des décennies par un PCF en perte de repères, englué qu’il était par ses alliances électorales avec un parti « socialiste » converti au social-libéralisme qui inventa l’UE avec ses partenaires sociaux-démocrates des pays voisins, a créé un vide politique qui ne pouvait être rempli par les ambiguïtés de la mouvance « insoumise » tanguant à hue et à dia, entre-autre sur les questions européennes.

Sans se faire d’illusions sur les candidats annoncés aux élections présidentielles nous verrons si, au cours des élections législatives qui suivront, apparaitront des candidats prêts à affirmer sans compromission la nocivité inguérissable de l’Union européenne, de l’euro et de l’OTAN, parce que ces structures coercitives au service de l’impérialisme à l’extérieur et de la mise en concurrence des travailleurs à l’intérieur sont depuis leur naissance incompatibles avec nos objectifs visant à la promotion du service public, du progrès social, de la souveraineté nationale et populaire, de la paix et de l’égalité entre les peuples d’Europe et du Monde, pour laquelle luttent les communistes, autrement dit une société socialiste.

En raison du carcan des traités européens, il est donc impossible de transformer, même progressivement, la société pour aller vers le socialisme et, du coup, si la sortie de l’UE telle qu’elle existe réellement aujourd’hui sous une forme ou sous une autre, ne peut être l’objectif exclusif des communistes, car ce serait la voie à se trainer derrière les discours ethnocentriques, elle doit néanmoins constituer un de leur objectif.

Les communistes doivent tous être formés politiquement pour devenir conscients de ce fait objectivement incontestable. La question de la mise en avant au premier plan ou non du frexit, une fois cette prise de conscience réalisée, dépendra en fait de l’évolution des rapports de force internationaux et intra-européens à chaque étape, l’objectif étant la coopération mutuellement avantageuse de peuples souverains, égaux et solidaires, en Europe, en Eurasie, en Méditerrannée et partout dans le monde.


ÉCHANGES COMMUNISTES

Bulletin dans le cadre de la Reconstruction Communiste en France

Dans ce premier numéro vous lirez donc comment chacune de nos organisations traite dans cette optique la question de l’UE et de la Révolution socialiste en France.
Décembre 2021

   

Messages

  • 1. Brexit, Frexit, sortie de l’U.E : un regard communiste
    12 décembre 2021, 08:40 - par RICHARD PALAO


    Ni Le Pen ni Zemmour ne se prononcent désormais pour un Frexit, ce dernier se contente d un retrait du commandement de l Otan pour asseoir sa posture gaulliste.
    Cette contribution me semble parfaitement décrire ce que devrait etre la position de toute organisation se réclamant du communisme.... Et si elle devenait celle de l ANC ?
    OUVRONS LE DÉBAT...

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