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Sanctions contre la Russie : près de 90 % du Monde refuse de suivre l’Occident

samedi 15 octobre 2022 par Michael Gfoeller, David H. Rundell

Jusqu’à présent, le soutien de la Chine en faveur de l’invasion de l’Ukraine par la Russie est des plus francs.
Notre système traditionnel d’alliances politiques et économiques mondiales est en pleine mutation, et rien ne montre plus clairement ce changement que les diverses réactions à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Alors que les États-Unis et leurs alliés les plus proches en Europe et en Asie ont imposé des sanctions économiques sévères à Moscou, 87 % de la population mondiale a refusé de nous suivre. Les sanctions économiques ont rassemblé nos adversaires dans une résistance commune. Ce qui est toutefois beaucoup plus inattendu, le déclenchement de la deuxième Guerre froide a également conduit des pays qui étaient autrefois considérés comme nos partenaires ou comme des pays non alignés à devenir de plus en plus pluri-alignés.

Ce glissement est particulièrement manifeste dans le secteur de l’énergie où, contrairement à ce qui se passe pour les devises, les gouvernements ne peuvent pas simplement imprimer ce dont ils ont besoin. Ici, le réseau de sanctions devient une passoire.

L’Arabie saoudite, depuis longtemps un partenaire américain fidèle, a noué une alliance étroite avec la Russie au sein du cartel OPEP Plus. Les Saoudiens ont très publiquement décliné la demande d’un président américain qui souhaitait un accroissement de la production pétrolière. Au lieu de cela, ils ont importé du pétrole russe pour leur usage domestique afin de pouvoir exporter une plus grande partie de leur propre production. La semaine dernière, ils ont même réduit leur production et ont clairement indiqué qu’ils pourraient le faire à nouveau.

La Chine vend à l’Europe du gaz naturel liquide (GNL) provenant de Sibérie et importe en même temps du pétrole russe. Elle raffine ensuite ce pétrole et l’exporte.

Entre-temps, l’Iran, dont la solvabilité est maintenue par les achats de pétrole de la Chine, est devenu le principal client du blé russe.

Le ministre indien du pétrole a déclaré publiquement que son gouvernement n’était pas en conflit avec Moscou et qu’il avait le « devoir moral » de faire baisser les prix de l’énergie dans son pays en achetant du pétrole russe.

Les alliances qui ont en partie été constituées pour contrer l’influence économique et politique de l’Occident se développent. L’Égypte, l’Arabie saoudite et la Turquie ont annoncé leur intention de rejoindre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Actuellement, l’Organisation de coopération de Shanghai regroupe notamment la Chine, la Russie, l’Inde et le Pakistan. L’Iran prévoit d’y adhérer ce mois-ci, tandis que le Bahreïn, l’Égypte, l’Arabie saoudite et le Qatar sont susceptibles de devenir des « partenaires de dialogue » ou des membres candidats.

En outre, l’ambitieuse initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie lie de nombreux pays africains à Pékin par des liens commerciaux et des dettes. La Russie tend également la main par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, qui s’est récemment adressé à ses 22 homologues de la Ligue arabe au Caire avant de faire une tournée dans plusieurs pays africains.

Si cela ne suffit pas à faire réfléchir l’Occident, Moscou est de nouveau à l’offensive en Amérique latine, renforçant ses relations militaires avec le Nicaragua, le Venezuela et Cuba. Les deux puissances de cette région, le Brésil et le Mexique, ont refusé catégoriquement de soutenir les sanctions occidentales contre la Russie.

Le statut de monnaie de réserve du dollar reste un pilier de l’ordre économique mondial, mais la confiance dans cet ordre a été mise à mal. Les sanctions économiques ont militarisé certains secteurs internationaux de la banque et de l’assurance, notamment le système de transfert de fonds SWIFT.

Des biens ont été saisis et des contrats de marchandises annulés. Les appels à la dédollarisation [La dédollarisation est un processus de substitution du dollar américain comme monnaie utilisée pour le commerce du pétrole et/ou d’autres matières premières, l’achat de dollars américains pour les réserves de change, les accords commerciaux bilatéraux et les actifs libellés en dollars, NdT] se font plus virulents. Lorsque la Russie a exigé pour son énergie des paiement en roubles, en yuans ou en dirhams, les Émirats arabes unis, la Chine et l’Inde ont obtempéré.

De nombreuses économies asiatiques sont maintenant touchées à la fois par la hausse des prix du pétrole et par la dépréciation de leur propre monnaie par rapport au dollar. En conséquence, elles ont de plus en plus recours à des accords de réciprocité bilatéraux, qui leur permettent de commercer entre elles dans leurs propres devises.

Il y a quatre-vingts ans, la livre britannique a perdu sa position dominante au sein des monnaies du monde. C’est précisément ce que les adversaires de l’Amérique tentent de faire quand il s’agit du dollar et si les Saoudiens cessent un jour de fixer le prix du pétrole en dollars, ils pourraient très bien y parvenir.

La mondialisation ne peut fonctionner que si la majorité des participants estiment qu’elle sert leurs intérêts. Si le reste du monde pense que l’Occident fait une utilisation injuste du système pour servir ses propres intérêts, l’ordre international fondé sur des règles s’effondre et des alternatives émergent.

Aujourd’hui, les tensions inflationnistes et les risques de récession guettent une grande partie du monde. Si les pays prospères de l’Ouest sont en mesure de supporter le coût des sanctions, la plupart des autres pays en sont incapables.

L’Europe est désormais en concurrence avec des pays comme le Bangladesh, le Sri Lanka, le Pakistan et la Thaïlande quand on en vient aux livraisons d’énergie. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, les pénuries d’énergie et de nourriture ont fait naître la perspective de troubles politiques comparables à ceux qui ont marqué le printemps arabe.

Ces préoccupations créent un considérable sentiment anti-occidental dans une grande partie des pays du Sud. Alors que la Russie, dotée de l’arme nucléaire, ne manifeste aucun empressement pour sortir d’une guerre que ses dirigeants ne peuvent se permettre de perdre, l’Occident est rapidement en train de perdre la partie et de saper ainsi l’ordre international reposant sur des règles qu’il a cherché à créer.

Il est probable que la meilleure solution pour sortir de ce dilemme sera un compromis de type diplomatique..

Source : News Week, Michael Gfoeller, David H. Rundell, 15-09-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises


Voir en ligne : https://www.les-crises.fr/sanctions...


David H. Rundell est l’auteur de Vision or Mirage, Saudi Arabia at the Crossroads (Vision ou mirage, l’Arabie saoudite à la croisée des chemins, NdT), il a été chef de mission à l’ambassade américaine en Arabie saoudite. L’ambassadeur Michael Gfoeller est un ancien conseiller politique du Commandement central des États-Unis.

   

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