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Lénine, l’homme qui ébranla le monde

dimanche 21 janvier 2024 par Le Devoir

Alors que le monde se pose de plus en plus la question de la pertinence du système capitaliste international qui cherche à résoudre ses problèmes en déclenchant des guerres tout azimuth, voilà t-y pas que nos "intellectuels franchouillards" se gargarise de la sortie du livre "La terreur sous Lénine".(JP-ANC)
En ce centième anniversaire de sa mort où les pires absurdités à propos de l’homme et de la Révolution d’octobre ont cours et vont sans doute continuer d’avoir cours, ce Lénine vu par un journal bourgeois québécois (LE DEVOIR) mérite d’être cité.(BD-ANC)

Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine (1870-1924), a été le principal artisan de la révolution d’Octobre de 1917 en Russie et une figure tutélaire du communisme mondial. Homme de conviction, intelligent et fin stratège, il a su cristalliser les récriminations de son peuple et proposer un projet de société nouvelle, avant de faire l’objet d’un véritable culte dans les pays socialistes. À l’opposé, ses détracteurs lui attribuent la paternité des crimes commis au nom du communisme. De manière plus nuancée, nous pouvons considérer Lénine comme une incarnation de son époque, au moment où les peuples du monde cherchent à se libérer de régimes autocratiques. Dans ce contexte, il propose une voie originale vers le socialisme qui chamboule et façonne le XXe siècle.

Vladimir Oulianov est né en 1870 à Simbirsk, à 700 kilomètres au sud-est de Moscou. Étudiant brillant, il affronte vite les tensions politiques, puisque son frère est exécuté par les autorités tsaristes en 1887 en raison de ses activités militantes. Malgré cela, il poursuit ses études et devient avocat au début des années 1890, avant de se tourner lui aussi vers l’action politique. Engagé au sein du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), Lénine s’installe à Saint-Pétersbourg et commence à se faire connaître dans les milieux marxistes. En 1897, il est déporté en Sibérie, avant de s’exiler en Suisse puis en Allemagne.

Ces années de formation lui permettent d’étudier la situation de l’Europe et de la Russie, peu reluisante. L’économie est de plus en plus dominée par les cartels, alors que les ouvriers sont durement exploités et voient leurs droits limités. Le bellicisme ambiant annonce les guerres impérialistes. Le retard économique de la Russie et sa monarchie absolue, très répressive, ajoutent à l’asphyxie sociale dans ce pays. Ces circonstances poussent Lénine, comme des milliers d’autres, à lutter dans la clandestinité ou l’exil, préparant l’offensive pour rompre avec le statu quo. Il précise ses positions dans sa brochure Que faire ? (1902), qui prône la création d’un parti d’avant-garde pour diffuser le marxisme auprès des travailleurs et les organiser dans un sens révolutionnaire. Cette conception est adoptée par la faction bolchevique du POSDR.

En 1905, une première « révolution » a lieu en Russie, alors que l’empire est affaibli par son échec militaire en Mandchourie. Lénine rentre au pays pour participer à l’insurrection, mais doit s’exiler à nouveau en 1906. Il poursuit ses travaux théoriques et anime le mouvement bolchevique de l’étranger, sans que celui-ci arrive à s’imposer. Le début de la Grande Guerre en 1914 vient exacerber la colère du peuple, qui souffre des restrictions et de la conscription, jusqu’à la rupture de février 1917 et au renversement du régime tsariste.

Lénine revient alors en Russie pour assurer la direction du mouvement et tenter de prendre le pouvoir. Il préconise l’abandon de la guerre, le transfert du pouvoir aux soviets et la redistribution des terres. Le professionnalisme des bolcheviks et la popularité des mesures proposées leur permettent de prendre le pouvoir en octobre 1917.

Lénine se consacre alors à la construction de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et de la IIIe Internationale communiste. La guerre civile et les invasions étrangères en Russie (1917-1921) nuisent au développement du socialisme. Certains progrès sont réalisés quant aux droits des travailleurs et aux conditions de vie, mais c’est aussi une période du durcissement du régime. L’internationalisation de la révolution ne se produit pas immédiatement, ce qui isole le pays. C’est dans ce contexte de victoire en demi-teinte que meurt Lénine, le 21 janvier 1924.
L’héritage de Lénine

Cent ans après la mort de Lénine, nous pouvons laisser de côté les « calomnies grossières » comme les « pieuses niaiseries » que Gérard Walter dénonçait déjà en 1950. Il convient plutôt, avec le recul qui est le nôtre, d’examiner les causes de son succès et de sa renommée. Comme nous le savons, Lénine a été le théoricien du parti d’avant-garde et de l’État socialiste. Dans un contexte politique bloqué, ses conceptions ont répondu aux attentes de militants désireux de s’organiser — en Russie, à Cuba ou au Vietnam — afin de renverser des systèmes iniques. Plus largement, l’utopie communiste a répondu à un besoin légitime : celui de figurer une société hors du capitalisme et de ses injustices.

À l’orée du XXe siècle, Lénine a souligné le danger des cartels et des États impérialistes, appelant à une lutte internationale pour les contrer. Il a aussi montré, par son action, qu’un changement social était possible dans n’importe quelles conditions, d’où sa popularité subséquente en Amérique latine, en Afrique et en Asie à l’époque des décolonisations. Cette bonne réputation indique qu’indépendamment des accusations portées contre Lénine, il a incarné et cristallisé les aspirations de son peuple et de nombreux autres. Il a exposé avec suffisamment de clairvoyance les injustices de son temps pour servir de modèle à ceux qui les subissaient.

En contrepartie, il reste loisible de s’interroger sur le dirigisme prôné par Lénine et sur son idéal socialiste, qu’il n’a jamais pu appliquer en raison de la guerre civile et de son décès prématuré.

Au final, ni l’hagiographie socialiste ni la légende noire capitaliste n’offrent un portrait satisfaisant de Lénine. Ce fut un homme dévoué à la cause révolutionnaire, mais inflexible, dont les idées et les pratiques ont trouvé un large écho dans le monde, car elles correspondaient à un besoin d’organisation politique et de libération. Il demeure pertinent de se demander pourquoi Lénine fut si populaire et si nos sociétés ont réussi à surmonter les problèmes qu’il dénonçait. Sinon — les mêmes causes entraînant les mêmes effets —, il ne faudra pas s’étonner de voir resurgir le spectre du communisme.

Photo : TASS Archives via Agence France-Presse Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, photographié en 1918.

   

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