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Amalgame et détournement d’héritage : « France-Tibet » se déshonore

lundi 30 janvier 2023 par André Lacroix

Le 31 décembre 2022, le site « France-Tibet » a publié un article intitulé Le sac du Palais d’été ou le sac du Tibet, quelle différence ?, avec ce sous-titre Victor Hugo et le sac du Palais d’été. Lettre au Capitaine Butler [1] une photo et d’une citation sans le moindre début d’argumentation, cet « article » est débile, car il compare des pommes et des poires ; il est de plus indécent, car il détourne l’héritage de Victor Hugo à des fins méprisables.

18 octobre 1860 : pillage et incendie du Palais d’été près de Pékin

Il s’agit là d’un des « faits d’armes » parmi les plus honteux jamais commis par l’Occident sur le sol chinois – dont ou pourra trouver la description précise sur le site « Herodote.net ». Rappel des faits.

En septembre 1860, 3000 Français et autant d’Anglais débarquent dans le golfe de Bohai. Le 13 octobre, ce corps expéditionnaire arrive à Pékin d’où s’est enfuie la cour impériale.

Le 6 octobre au soir, un détachement français a atteint le Palais d’Été (ou Yuanming yuan, Jardin de la clarté ronde). Cette splendide résidence des empereurs mandchous ou Qing, à la construction de laquelle ont participé des Jésuites, renferme de vastes collections d’œuvres d’art et des livres de grande valeur.

Les Anglais ayant rejoint les Français, ensemble, ils dévalisent méthodiquement le palais en vue d’approvisionner les musées d’Europe. Les Français envoient en cadeau certains objets de valeur à l’impératrice Eugénie, patronne de cette glorieuse expédition en terre chinoise.

Mais les soldats, qui ne sont pas insensibles à ces trésors, se servent pour leur propre compte. Jade, or, laque, perles, bronzes... tout suscite la convoitise des pillards. Les contemporains appellent cet acte de vandalisme caractérisé du doux euphémisme de « déménagement du Palais d’Été ».

Avant de quitter les lieux, les soldats britanniques mettent le feu aux bâtiments, majoritairement construits en bois de cèdre, sur ordre de l’ambassadeur britannique, lord Elgin, qui veut ainsi venger les prisonniers torturés à mort par les Chinois.

Avec le sac du Palais d’Été, l’Occident réduit à néant pour longtemps la possibilité de relations de confiance avec la Chine. Traumatisée par cet épisode, elle doit signer de nouvelles conventions avec les vainqueurs en complément du Traité de Tianjin de 1858. Outre la création de concessions supplémentaires, elle doit octroyer aux vainqueurs la liberté de circuler sur les fleuves, leur verser de fortes indemnités et supprimer les droits de douane pour les textiles britanniques.

Le 25 novembre 1861, Victor Hugo stigmatise la barbarie anglo-française

Dans une lettre adressée au Capitaine Butler, Victor Hugo va sauver l’honneur de l’Occident en prenant le parti des civilisés, les Chinois contre les barbares, les Anglo-Français. C’est ce texte de haute tenue, republié dans Le Monde diplomatique d’octobre 2014, p. 18 (2), que cite en entier « France-Tibet » :

Hauteville House, 25 novembre 1861

Vous me demandez mon avis, monsieur, sur l’expédition de Chine. Vous trouvez cette expédition honorable et belle, et vous êtes assez bon pour attacher quelque prix à mon sentiment ; selon vous, l’expédition de Chine, faite sous le double pavillon de la reine Victoria et de l’empereur Napoléon, est une gloire à partager entre la France et l’Angleterre, et vous désirez savoir quelle est la quantité d’approbation que je crois pouvoir donner à cette victoire anglaise et française.

Puisque vous voulez connaître mon avis, le voici :

ll y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde ; cette merveille s’appelait le Palais d’été. L’art a deux principes, l’Idée qui produit l’art européen, et la Chimère qui produit l’art oriental. Le Palais d’été était à l’art chimérique ce que le Parthénon est à l’art idéal. Tout ce que peut enfanter l’imagination d’un peuple presque extra-humain était là. Ce n’était pas, comme le Parthénon, une œuvre rare et unique ; c’était une sorte d’énorme modèle de la chimère, si la chimère peut avoir un modèle.

Imaginez on ne sait quelle construction inexprimable, quelque chose comme un édifice lunaire, et vous aurez le Palais d’été. Bâtissez un songe avec du marbre, du jade, du bronze, de la porcelaine, charpentez-le en bois de cèdre, couvrez-le de pierreries, drapez-le de soie, faites-le ici sanctuaire, là harem, là citadelle, mettez-y des dieux, mettez-y des monstres, vernissez-le, émaillez-le, dorez-le, fardez-le, faites construire par des architectes qui soient des poètes les mille et un rêves des mille et une nuits, ajoutez des jardins, des bassins, des jaillissements d’eau et d’écume, des cygnes, des ibis, des paons, supposez en un mot une sorte d’éblouissante caverne de la fantaisie humaine ayant une figure de temple et de palais, c’était là ce monument. Il avait fallu, pour le créer, le lent travail de deux générations. Cet édifice, qui avait l’énormité d’une ville, avait été bâti par les siècles, pour qui ? pour les peuples. Car ce que fait le temps appartient à l’homme. Les artistes, les poètes, les philosophes, connaissaient le Palais d’été ; Voltaire en parle. On disait : le Parthénon en Grèce, les Pyramides en Egypte, le Colisée à Rome, Notre-Dame à Paris, le Palais d’été en Orient. Si on ne le voyait pas, on le rêvait. C’était une sorte d’effrayant chef-d’œuvre inconnu entrevu au loin dans on ne sait quel crépuscule, comme une silhouette de la civilisation d’Asie sur l’horizon de la civilisation d’Europe.

Cette merveille a disparu.

Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. Une dévastation en grand du Palais d’été s’est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs. On voit mêlé à tout cela le nom d’Elgin, qui a la propriété fatale de rappeler le Parthénon. Ce qu’on avait fait au Parthénon, on l’a fait au Palais d’été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l’orient. Il n’y avait pas seulement là des chefs-d’œuvre d’art, il y avait un entassement d’orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres ; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits.

Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voila ce que la civilisation a fait à la barbarie.

Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m’en donner l’occasion ; les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ; les gouvernements sont quelquefois des bandits, les peuples jamais.

L’empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd’hui avec une sorte de naïveté de propriétaire, le splendide bric-à-brac du Palais d’été.

J’espère qu’un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée.

En attendant, il y a un vol et deux voleurs, je le constate.

Telle est, monsieur, la quantité d’approbation que je donne à l’expédition de Chine.

Victor Hugo

Un amalgame bête et méchant commis par « France-Tibet »

Comparer le sac du Palais d’Été près de Pékin et les destructions qui se sont produites au Tibet relève de la mauvaise foi et/ou de l’ignorance. Quelle différence, se demande le courageux collaborateur anonyme du site France-Tibet, entre « le sac du Palais d’été » et « le sac du Tibet » ? Sans doute espérait-il que pour obtenir la réponse : « aucune différence », il suffisait de reproduire la photo du monastère de Ganden en ruine, une photo prise en 1987 :

Remarquons d’abord que – ironie sûrement involontaire – est collée sur cette photo, en haut à gauche, une citation du 14e dalaï-lama qui vaut son pesant de tsampa : « Que la vérité se fasse dans l’esprit de la prière. » La vérité ? N’en déplaise aux auteurs du collage, ce n’est pas la prière qui nous fera découvrir la vérité, mais l’examen des faits historiques.

Lire la suite ICI : http://tibetdoc.org/index.php/politique/mediatisation/691-amalgame-et-detournement-d-heritage-france-tibet-se-deshonore

Photo de Une : Photo récente du monastère de Ganden (auquel on accède par une excellente route asphaltée)


Voir en ligne : http://tibetdoc.org/index.php/polit...

   

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