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Les enseignements de l’histoire - un peu de courage politique, camarades !

vendredi 10 novembre 2023 par Francis Arzalier (ANC)

Ces jours derniers, au courriel, deux messages ont attiré mon attention, d’autant qu’ils arrivaient en même temps, et pouvaient en partie s’expliquer l’un par l’autre.

D’abord un long et déraillé sondage auprès de la population française, commandé par le CRIJF, cette officine qui se dit représentative des Juifs de France, et n’est en fait dans notre pays qu’un appendice racoleur du Mossad, service « secret » de l’État d’Israël, préposé à la propagande et au recrutement pour les colonies sionistes en Palestine.
Mais le sondage a été fait par un organisme sérieux, l’IFOP, et présente quelques garanties de véracité scientifique. Il n’était d’ailleurs pas besoin de falsifier les réponses aux questions posées aux Français sur les « popularités » respectives d’Israël et des Palestiniens pour faire plaisir au CRIJF, leur teneur se suffit à elle-même.

Seule restriction : l’enquête a été réalisée les 24 et 25 octobre, soit après 17 jours de campagne incandescente menée par les médias télévisuels français après l’insurrection meurtrière organisée par le Hamas le 7 octobre. 17 jours ( et nuits ) durant lesquels les citoyens de France ont été abreuvés de l’horreur des crimes commis contre des civils d’Israël qui assistaient à un concert, et présentant la dizaine de milliers de Palestiniens massacrés par l’armée d’Israël comme une riposte légitime.

Tant et si bien que les réponses sont davantage l’image du poids démesuré des médias sur l’opinion française que le reflet d’un sentiment pérenne, ces résultats seraient fort différents si l’enquête avait eu lieu début octobre, et différents aussi en ce mois de novembre.
Telle est l’approche scientifique des sondages.

Mais ne chipotons pas. Ces résultats disent clairement une opinion française massivement favorable à la thèse israélienne, et défavorable à celle défendue par les Palestiniens, les méchants de la version médiatique suscitée par le Pouvoir Français.

Ainsi, 37 pour cent des Citoyens sondés disent « avoir de la sympathie pour Israël (et 12 seulement de l’antipathie), alors qu’ils ne sont que 20 sur 100 à en déclarer pour les Palestiniens ( qui s’attirent à l’inverse 19 pour cent d’antipathie). Curieusement, c’est cette même opinion dont Monsieur Darmanin et ses porte-paroles nous claironnent le déchaînement antisémite. Passons sur le fait que le mot « Israël » recouvre à la fois l’État sioniste colonisateur et les citoyens d’Israël, voire les Juifs, selon l’acception de Darmanin, mais aussi des Présidents et Présidentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, ce qui n’est guère scientifique.

Il reste que cette confusion ne peut celer une ignorance crasse de l’histoire de la Palestine, une sympathie marquée pour les colonisateurs au détriment des colonisés, occupés et finalement massacrés ces dernières semaines. Et même si le détail des réponses montre une approbation d’Israël plus grande dans les catégories bourgeoises des métropoles urbaines que dans les « périphéries », plus intense chez les plus jeunes qui découvrent les antagonismes au Moyen-Orient que chez les plus âgés ( moins influencés par les médias quoi qu’on en dise ), même si on peut supposer une évolution récente ( que reflètent un peu des chaînes infos qui découvrent que le reste du monde ne partage pas leur emballement belliciste ), le constat est évident d’une affinité avec ceux jugés envers et contre toute vraisemblance les malheureux héritiers des exterminés juifs par les Nazis et leurs complices européens de 1943-44.

Ces mêmes jours, sont arrivés les compte rendus hebdomadaires des députés et sénateurs PCF et apparentés. Des interventions souvent fort pertinentes, sur les dépenses de sécurité à l’Assemblée nationale, sur l’écriture inclusive au Sénat, tous sujets fort pertinents, mais mineurs dans le débat idéologique actuel. Et, dans les deux cas, rien sur les tueries qui se déroulent dans la bande de Gaza au détriment des populations palestiniennes, alors même que le représentant de Macron à l’ONU, les a « regrettées » en votant la demande jordanienne d’un cessez le feu.

Un oubli, alors que chaque jour, les bombes israéliennes tuent et mutilent en toute logique, puisque l’objectif affirmé de l’État sioniste consiste à détruire des organisations de résistance qui incarne la volonté des civils palestiniens. S’il en fallait une preuve, le massacre actuel la fournit à tout observateur de bonne foi, même si nos médias continuent de prétendre que les combattants de l’ombre des commandos du Hamas et des autres mouvances de la Résistance sont de méchants terroristes qui imposent leur volonté aux benêts civils qui les entourent et les protègent.

Nous nous étions félicités d’entendre certains du PCF refuser dans un premier temps de participer au « défilé contre l’antisémitisme » avec Macron, Droites et extrêmes droites, en soutenant de ce fait les criminels colonialistes israéliens. Ils se sont ensuite ralliés à cette initiative de Macron, avec PS et Verts, au service des thèses israéliennes. Et la sortie télévisée de Fabien Roussel contre LFI qui a refusé de faire de même est pour le moins incongrue.

Mais surtout, le mutisme assourdissant d’élus communistes, héritiers de Jaurès, Péri et tant d’autres héros, martyrisés pour avoir défendu la paix et le droit des peuples contre l’asservissement, n’est pas le fait d’un simple oubli. On peut écarter cette excuse, le bruit médiatisé des obus sur Gaza, assassinant beaucoup plus fort que celles des nazis sur le ghetto insurgé de Varsovie interdit de la croire. La seule explication est cette perversion qui a rongé tel un cancer depuis des décennies nos représentants PCF, l’électoralisme.

Pour ceux dont l’objectif n’est plus que de grimper dans les sondages et dans les urnes, il ne faut pas heurter les opinions majoritaires, mais s’y couler avec prudence. Une majorité de Français soutenant Israël contre les Palestiniens, pas question de brutaliser leurs croyances….

Comme si l’idéal communiste n’avait pas eu à s’opposer,
tout au long de son histoire à des erreurs massivement partagées,
comme si l’opinion majoritaire était toujours la vérité. !

Souvenirs et mémoire historique :1941-44, années de guerre et de libération nationale.

Impossible pour un vieux militant communiste français depuis ses années de lycée, d’éviter l’avalanche de souvenirs de l’époque où le PCF était fidèle à sa mission libératrice.

D’abord ceux de la Résistance anti-nazie, dont tous autour de moi parlaient pour l’avoir vécue, et dont mes travaux ultérieurs d’historien m’ont permis d’enrichir l’image à partir de sources diverses. Il en ressort que, contrairement au mythe unanimiste construit par les Gaullistes après 1945, l’opinion française était largement confiante à l’égard du Maréchal Pétain en 1940 et 1941, perçu qu’il était par beaucoup de Français abusés par la propagande vichyste comme « le héros de Verdun, seul rempart possible contre les occupants ».

Ces illusions ne disparurent qu’au fil des ans, et des réalités de la « Collaboration ». Elles étaient encore majoritaires quand, le 21 août 1941, le militant communiste Pierre Georges ( dit plus tard Colonel Fabien ) qui avait déjà combattu le fascisme en Espagne dans les Brigades Internationales, a exécuté d’un coup de feu l’aspirant de l’armée allemande Moses, au métro Barbès de Paris. Un attentat prémédité, pour inaugurer la Résistance armée, décidé par le Secrétariat du PCF clandestin, dirigé en région Île de France par Jacques Duclos et en province par Tillon, futur dirigeant des FTP et des groupes insurrectionnels créés par les Communistes de France, y compris ceux immigrés d’origine étrangère (MOI).

Cet attentat ne pouvait qu’entraîner des représailles, fusillades d’otages pour la plupart communistes, livrés aux Occupants par la police Pétainiste. Mais c’était le seul moyen d’accélérer la prise de conscience dans l’opinion française des réalités de la Collaboration, alors que les réseaux gaullistes créés depuis Londres, se limitaient à cette date en France à faire du renseignement au service des bombardiers britanniques et canadiens.

Autre similitude avec la période actuelle, le matraquage médiatique déclenché par les occupants nazis, par le biais de la radio (Radio Paris) [1], de la presse légale et des affiches, sur le thème du « terrorisme » et de la xénophobie anti-juive et anti-immigrés : Ce sera notamment le cas de la fameuse « Affiche rouge », massivement placardée par les occupants allemands sur les murs des villes françaises en 1943, qui présentait sous le titre la « libération par l’armée du crime ! » les photos des Résistants fusillés dirigés par le Communiste Manouchian, en faisant ressortir leurs noms d’origine étrangère et juive.

Ce type de campagne, virulente malgré les moyens médiatiques limités de l’époque, on a pu en revivre une copie de même intensité, avec des moyens incomparablement plus efficaces depuis le 7 octobre, contre les Musulmans Palestiniens, tous confondus sous l’appellation infamante de « terrorisme », comme l’étaient en 1941 l’ensemble des Résistants antinazis.

Le PCF avait-il tort d’enclencher ce processus de résistance armée qui aboutit en 1943 et 44 à l’insurrection nationale et à ensuite à la défaite des occupants et du Nazisme ?

1954-62, guerre coloniale d’Algérie

Autre traumatisme français d’il y a près de 70 ans, que j’ai vécu en tant que jeune militant, et approfondi par la recherche universitaire, l’insurrection algérienne déclenchée par le FLN en 1954, jusqu’à l’indépendance arrachée en 1962 après 8 ans de guerre coloniale, parsemée de « ratissages » et d’emprisonnements massifs, de tortures et d’exécutions sommaires. Un drame épouvantable pour un peuple algérien qui forgeait son indépendance nationale dans les luttes et les souffrances, mais aussi pour la France, tiraillée entre ses héritages racistes de vieille puissance coloniale en déroute, et les aspirations de certains de ses citoyens à la paix et l’égalité entre les peuples, notamment dans la mouvance ouvrière liée au PCF, qui comptait alors plus de 500 000 militants.

Tous les historiens honnêtes et sérieux le savent, et je l’ai constaté à l’époque autour de moi, la grande majorité des Français étaient en 1950 attachés à l’Empire colonial français, persuadés qu’il apportait progrès et démocratie aux Africains, comme on l’enseignait encore à l’école primaire. De ce fait, quand le ministre de gauche Mitterand a déclaré en 1956 que « la France était à défendre de Dunkerque à Tamanrasset », sa vision était alors partagée par la plupart des citoyens, y compris une bonne partie de la classe ouvrière.

Dans ce contexte, le Parti Communiste Français, encore dirigé par des militants fidèles à leur idéal anticolonial, a dû commencer par convaincre ses adhérents : la « grande » presse et les radios faisaient leur audience en dénonçant les premiers attentats organisés par un FLN inconnu jusque-là, dénonçaient photos à l’appui « les crimes odieux des terroristes ». Quand en 1956, le jeune communiste algérien d’origine européenne Henri Maillot, mobilisé dans l’armée coloniale, détourne avec l’accord du PC algérien un camion d’armes de guerre vers les combattants de l’indépendance (FLN.et Communistes), les médias français se déchaînent contre « le sale traitre », et l’opinion hexagonale a massivement approuvé.

Dans cette atmosphère incandescente, les députés du PCF ont cru bon en mars 56 de voter avec le reste de la Gauche les « pouvoirs spéciaux « au gouvernement du socialiste Guy Mollet, qui prétendait « vouloir faire la paix en Algérie. ». En fait, il le fera en y envoyant les jeunes soldats mobilisés « du contingent » pour y instaurer une véritable terreur dans les campagnes et les villes, organisée sous le contrôle des seuls officiers professionnels, et non plus des magistrats.

Cette erreur politique du vote des « pouvoirs spéciaux », reconnue tardivement par le PCF, ne doit pas occulter le fait que ce Parti fut, (avec quelques petits groupes surtout en milieux intellectuels comme le PSU), le seul des grands partis politiques français à se battre « pour la négociation en Algérie avec les insurgés », contre la répression et la torture, et contre l’envoi en guerre coloniale des jeunes « du continent » (notamment en bloquant des trains en 1956).
Avec une certaine retenue, notamment en évitant de prôner l’indépendance algérienne qui heurtait la majorité française, en privilégiant l’exigence mieux partagée de la « Paix en Algérie ». Le journal L’Humanité, à l’époque organe du PCF, a été pour ses articles courageux saisi et censuré des dizaines de fois, cette action, qui s’opposait en vertu de la fidélité aux principes marxistes, au consensus colonial majoritaire, finit par l’ébrécher.

Mais il faut bien savoir que l’opposition à la guerre coloniale est devenue en France peu à peu majoritaire après 1956, notamment parmi les jeunes étudiants, craignant la suppression de leurs sursis pour études, et l’envoi sur le front algérien.

Et le PCF sera en 1958 le seul des grands partis de France à s’opposer, y compris contre l’opinion majoritaire, au coup d’état du 13 mai 1958, qui amena au pouvoir (avec le soutien de la plupart des socialistes et radicaux) le Général De Gaulle, qui poursuivit la guerre coloniale jusqu’aux négociations et à l’indépendance algérienne de 1962.
Il fut même, durant ces 4 ans de luttes, celui qui les paya de martyrs, blessés ou tués par les bombes des ultra-colonialistes de l’OAS, et massacrés par les policiers du ministre de De Gaulle, Pappon, au métro Charonne.

Et c’est bien ce retournement progressif de l’opinion, patiemment construit par les militants communistes au départ bien seuls, qui permit d’en finir avec le statut colonial en Algérie (et dans le reste de l’Empire français).

Deux enseignements de l’histoire parmi bien d’autres, bien oubliés par les dirigeants du PCF à partir de la décennie 1980, au profit de l’électoralisme et son compère, l’opportunisme droitier. En oubliant que si l’analyse des réalités est nécessaire aux révolutionnaires, la fidélité à leurs objectifs libérateurs l’est encore davantage.

Photo  : Hier comme aujourd’hui la guerre prédatrice des prestations sociales.(JP/ANC)


[1D’où le slogan bien connu : « Radio Paris ment, Radio Paris est Allemand ! »

   

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