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Amérique Latine en Résistance : Équateur sans loi

vendredi 16 février 2024 par Jessica Dos Santos, Ricardo Vaz

Les gros titres sur l’Équateur dans la presse internationale se sont concentrés sur un seul thème : l’(in)sécurité. Les nouvelles parlaient d’émeutes dans les prisons, de l’expansion de groupes armés et même de l’assassinat d’un candidat présidentiel.

Cependant, cette crise a connu une nouvelle vague de violence début janvier lorsque des bandes criminelles ont pris le contrôle de centres pénitentiaires et parvinrent à s’évader dans certains cas. Un groupe est même parvenu à prendre des otages dans les locaux d’une chaîne de télévision en direct.

Le président fraîchement élu, Daniel Noboa, a essentiellement déclaré une guerre interne, en augmentant la présence et le rôle de l’armée. Le leader de droite ainsi que d’autres personnalités politiques ont utilisé leur joker favori : rejeter la faute sur les gouvernements de Rafael Correa (2007-2017).

Cependant, la réalité est toute autre.

Lorsque, dans les années 2000, la violence a augmenté en Équateur et que les homicides se sont aggravés, Correa et son équipe ont décidé de faire face aux gangs de rue avec une politique inédite, s’éloignant de la “main de fer” habituelle. Au lieu de concevoir une guerre ouverte contre la criminalité, il a dialogué avec les bandes les plus importantes, les a légalisées et a soutenu les volontaires des gangs pour qu’ils se forment et travaillent.

Ainsi, les Latin Kings, aujourd’hui déclarés “organisation terroriste” par Noboa, ont été catégorisés comme “groupe de jeunes urbains” ; beaucoup se sont affiliés à des mouvements politiques comme le parti corréiste, Alianza País.
Un ancien Latin King, Ronny Aleaga, est même devenu député national.

Au-delà de leur politique de lutte contre les gangs, les gouvernements de Correa se sont également caractérisés par des politiques sociales qui ont considérablement amélioré les conditions de vie dans les régions les plus pauvres du pays. Les jeunes exclus ont ainsi pu bénéficier de plus d’opportunités notamment en matière d’éducation.

En même temps, les forces de sécurité ont bénéficié d’ une avancée avec l’augmentation de leur salaire et la fourniture d’équipement approprié ainsi que la création d’institutions spécialisées pour coordonner les politiques de sécurité.

Les résultats étaient évidents. Selon la Banque mondiale, l’Équateur est passé de 16 à 6 homicides pour 100 000 habitants entre 2007 et 2017, l’un des taux les plus bas d’Amérique latine.

À l’heure actuelle, le paysage est très différent. Les groupes criminels ont infiltré les institutions. Dans un pays de 17 millions d’habitants, 39 000 personnes sont entassées dans des prisons. Le taux d’homicides a déjà atteint 45 pour 100 000 habitants, sept fois plus qu’en 2017.

Comment expliquer ce désastre ?
En un mot : néolibéralisme.
Les gouvernements de Lenín Moreno et Guillermo Lasso, avec le soutien enthousiaste du Fonds Monétaire International, ont imposé l’austérité à tous les niveaux, réduisant les programmes publics et les forces de sécurité, fermant des institutions, etc. Le résultat a été une augmentation grave de la pauvreté et des inégalités.

Parallèlement, ils ont réintroduit des politiques draconiennes telles que des peines sévères pour les personnes arrêtées en possession de petites quantités de drogue, ce qui a entraîné une situation de surpopulation carcérale dans un “territoire” traditionnellement contrôlé par des mafias.

Pour aggraver les conditions internes, les cartels colombiens ont également commencé à déplacer leurs routes de la drogue vers la frontière pour accéder au Pacifique via les ports équatoriens. Face à un État de moins en moins présent, les groupes colombiens ont simplement comblé ce vide de pouvoir.

Daniel Noboa a peu de temps pour trouver des solutions, car il a été tout juste élu pour terminer le mandat de Guillermo Lasso. Avec de nouvelles élections prévues pour la première moitié de 2025, Noboa a quelques mois pour, au moins, commencer à inverser le chaos actuel.
Pour la gauche et le “Correísmo”, le défi est de proposer clairement une alternative sans tomber dans la solution facile de la “main de fer”.

D’un autre côté, les États-Unis ne manquent pas une occasion pour sortir leurs griffes. Au beau milieu de la crise sécuritaire, plusieurs responsables américains, civils et militaires, se sont proposés pour offrir une “aide” dans le cadre d’un programme qui a été comparé au Plan Colombie.

Plusieurs précédents montrent que la présence accrue des États-Unis et de leurs agences n’a que peu d’effet sur la réduction du trafic de drogue ou de la violence. En revanche, ils réussissent à miner la souveraineté, à protéger les intérêts des entreprises et à fomenter des coups d’État contre les gouvernements de gauche.

L’insécurité et le trafic de drogue requièrent une réponse structurelle, mais Washington fait absolument partie du problème et non de la solution.

Traduit par Ines Mahjoubi. Relecture par Sylvie Carrasco.


Voir en ligne : https://investigaction.net/amerique...

   

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