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Dans le marigo des médias français...
jeudi 7 décembre 2023 par Philippe Arnaud, AMD Tours
Ce matin, Gérard Larcher, président du Sénat (et membre de LR) était l’invité de la station RTL et Amandine Begot, la journaliste de la station, l’interrogeait sur les propos de Jean-Luc Mélenchon à l’égard de Ruth Elkrief.
Jean-Luc Mélenchon avait en effet, écrit sur X (ex-Twitter), en parlant de Ruth Elkrief : "Manipulatrice. Si on n’injurie pas les musulmans, cette fanatique s’indigne. [...] Elkrief réduit toute la vie politique à son mépris des musulmans". Ce qui avait amené les ministre de l’Intérieur à accorder une protection policière à Ruth Elkrief. Et tout aussitôt, les journalistes et personnalités politiques de s’enflammer contre Jean-Luc Mélenchon.
Je ne prends ici que les 40 dernières secondes de l’interview, celles qui sont disponibles sur tous les liens Internet.
Amandine Begot : "Il est allé trop loin ?"
Gérard Larcher : "Il a été, bien évidemment... même pas trop loin ! C’est irresponsable. Quelqu’un qui a des millions d’abonnés sur X, et qui se comporte de cette manière, qui, en quelque sorte, par sa parole, crée un brasier, qui peut enflammer, diviser, qui montre du doigt une de vos consœurs, et on voit bien avec quelles allusions derrière, eh bien je dois dire que c’est inacceptable. Et c’est inacceptable, pour moi Jean-Luc Mélenchon s’est mis en dehors de l’arc républicain."
Amandine Begot : "Vous lui dites quoi, ce matin ? Tais-toi ?"
Gérard Larcher : "Oui. Ferme ta gueule !"
Amandine Begot : "Merci beaucoup, Gérard Larcher !"
Yves Calvi : "Les choses sont claires, M. le président du Sénat, vous restez avec nous..."
Remarque 1.
L’impression qui se dégage de cette partie d’interview est celle d’un "coup monté". Soit Gérard Larcher avait l’intention de tenir ces propos, soit les journalistes cherchaient à le pousser dans cette direction. Que les uns et l’autre se soient mis d’accord au préalable ou que les journalistes aient agi de leur propre initiative, le résultat est le même : la station RTL s’est engagée dans une opération idéologique hostile à Jean-Luc Mélenchon.
Remarque 2.
On le constate, en effet, à la façon dont Amandine Begot tend la perche à Larcher, lui suggère les termes qu’il n’est que trop enclin à prononcer ("Il est allé trop loin ?" - "Vous lui dites quoi, ce matin ? Tais-toi ?"). La journaliste se comporte comme une tentatrice qui pousse un verre de whisky vers un alcoolique... En outre, par procuration, elle s’autorise une impolitesse (tutoyer J.-L. Mélenchon) qu’elle n’oserait se permettre en présence de l’intéressé qui, on s’en doute, la rembarrerait de belle manière...
Remarque 3.
Lorsque Larcher, en prenant des airs de chattemite, dit "et on voit bien avec quelles allusions derrière", il ne fait que reprendre l’allusion fielleuse et calomniatrice, instrumentalisée sans vergogne, d’antisémitisme, pour démolir aussi bien Jeremy Corbyn (au Royaume-Uni) que Bernie Sanders (aux États-Unis), afin de se défaire d’un adversaire gênant. Alors que, comme on le sait, la guerre de Gaza n’a rien à voir avec une quelconque animosité envers les juifs, mais tout à voir avec les derniers soubresauts d’une guerre coloniale.
Remarque 4.
A la fin des interviews, il est d’usage que les journalistes remercient leurs invités de s’être déplacés et d’avoir animé leur émission. Mais là, le "Merci beaucoup, Gérard Larcher" ne sonne pas seulement comme "merci d’avoir été notre hôte", mais surtout comme "merci d’avoir rivé son clou à ce malotru", "merci d’avoir renvoyé à ses bas-fonds ce complice de terroristes..." Ce qu’appuie le mot de conclusion d’Yves Calvi : "Les choses sont claires, M. le Président du Sénat". Ce qui signifie que, pour Yves Calvi, les choses sont claires : Larcher a renvoyé Mélenchon à sa roture. Et autant le premier a droit au vouvoiement et au titre honorifique (M. le Président du Sénat), autant le second n’est passible que du tutoiement horrifique, comme un laquais...
Remarque 5.
Le 10 novembre 2007, à Santiago du Chili, lors du sommet ibéro-américain, étaient présents les chefs d’Etat et de gouvernement des pays hispaniques. On y trouvait donc le roi d’Espagne Juan Carlos, le président du Venezuela Hugo Chavez et le premier ministre espagnol en exercice José Luis Rodriguez Zapatero, du PSOE (Parti socialiste espagnol). A plusieurs reprises, Hugo Chavez avait interrompu Zapatero, en traitant son prédécesseur, José Maria Aznar (de droite) de fasciste. [Et ce, notamment parce que le gouvernement d’Aznar, avec celui de George Bush, avait été un des seuls à avoir immédiatement reconnu le gouvernement issu du putsch de droite qui, le 11 avril 2002, avait, très brièvement (un peu plus de 35 heures !) remplacé Hugo Chavez. Et le roi d’Espagne, excédé, s’était tourné vers Chavez en lui disant : "Porque no te callas ?" [Pourquoi tu ne la fermes pas ?].
Remarque 6.
Cet incident marque à quel point, lorsque la classe possédante se sent défiée, rejetée, et, pire encore, menacée, elle laisse tomber, comme des oripeaux, ses "bonnes manières", ses imparfaits du subjonctifs et ses charités de dame patronnesse. Comme en 1871, après l’écrasement de la Commune, lorsque les bourgeois de Paris frappaient à coups de parapluie les convois de Communards partant au bagne de Nouvelle-Calédonie...