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Fin du règne Trump et la catastrophe Pompéo

lundi 23 novembre 2020 par Richard Labévière

Surtout bien préserver les intérêts israéliens et américano-israéliens avant de quitter le gouvernement, tel a bien été l’objectif de la dernière tournée à l’étranger du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo… Ce dernier doit prochainement occuper plusieurs sièges de choix dans différents conseils d’administration (la retraite ça se prépare…).

En effet, après la France, la Turquie, la Géorgie et Israël, Mike Pompeo s’est rendu – le 20 novembre dernier – aux Émirats arabes unis. Le secrétaire d‘État américain est ensuite passé par le Qatar, puis l’Arabie saoudite où il doit clôturer aujourd’hui sa dernière visite dans le Golfe.

Fidèle – à la lettre – au Pacte du Quincy (signé en février 1945 entre le président Roosevelt et le roi Ibn Séoud), l’administration Trump a entretenu d’excellentes relations avec les monarchies du Golfe, leur livrant les plus grandes quantités d’armements jamais vendues à l’étranger…

Au Qatar, Mike Pompeo doit rencontrer des négociateurs des Taliban et du gouvernement afghan. Les pourparlers de cessez-le-feu marquent le pas, mais pourraient se débloquer à cette occasion. Mais c’est surtout « l’unité du Golfe » qui sera le principal sujet de discussion à Doha.

Depuis juin 2017, le petit émirat gazier est accusé par les autres pays de la région d’entretenir une trop grande promiscuité avec l’Iran et la Confrérie des Frères musulmans, les deux ennemis jurés de l’Arabie saoudite.

Si Doha est donc prêt à faire des concessions, celles-ci seront ensuite rapportées au crédit du prince héritier saoudien Mohamed ben Salmane. Le chef de la diplomatie américaine terminera en effet son voyage en Arabie saoudite. Il devrait aussi plaider pour la poursuite d’une normalisation des relations avec Israël. Dans le contexte de cette transition difficile, l’arrivée du gouvernement Biden peut-il rebattre les cartes ?

À voir les messages de félicitations des pays du Moyen-Orient affluer avec plus ou moins d’empressement pour saluer la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine, on se doute que l’arrivée de ce démocrate à la Maison Blanche ne fait pas les affaires de toutes les capitales de la région. Car le vainqueur du scrutin a bien l’intention de se démarquer de son prédécesseur, outre son style, par un changement de cap politique.

Fin de partie pour Riyad et Tel-Aviv

L’Arabie saoudite, qui espérait vainement une victoire du milliardaire américain, a attendu plusieurs jours après la proclamation officielle des résultats, pour "féliciter" Joe Biden. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a lui patienté quelques heures avant de tweeter ses félicitations. Message dans lequel il n’a d’ailleurs pas mentionné les termes de « victoire », ni même de « président élu », préférant recourir à un langage diplomatique plus policé pour assurer qu’il avait « hâte de travailler » avec lui et sa nouvelle vice-présidente, Kamala Harris.

Avec le retour de Biden au premier plan sur la scène internationale, les Israéliens redoutent que les démocrates ne leur tiennent rigueur eu égard aux hostilités du passé. "Certains craignent notamment que les démocrates n’aient pas oublié la virulente charge portée par Benjamin Netanyahu le 3 mars 2015, devant le Congrès américain, au nez et à la barbe de Barack Obama [le Premier ministre israélien avait alors fustigé la tentative d’accord sur le nucléaire iranien à laquelle travaillaient les États-Unis]", souligne Itamar Rabinovich, ancien ambassadeur d’Israël à Washington et professeur émérite d’histoire du Moyen-Orient à l’université de Tel-Aviv.

Un espoir palestinien

A contrario, Palestiniens et Iraniens – enchantés par le verdict des urnes américaines – n’ont pas attendu pour féliciter Joe Biden, percevant son arrivée au pouvoir comme autant d’espoir. « J’ai hâte de travailler avec le président élu et son administration pour renforcer les relations palestino-américaines et instaurer la liberté, l’indépendance, la justice et la dignité pour notre peuple », s’est empressé de déclarer le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Rappelons que ce derniera été passablement exaspéré par la politique de Trump. Le plan de paix dévoilé en grande pompe à la Maison Blanche, en janvier dernier, avec Benjamin Netanyahou à ses côtés (sans la présence de responsables palestiniens) a été perçu comme un véritable affront. « Il est venu avec le supposé accord du siècle, niant tout droit pour le peuple palestinien de vivre dans son propre État aux côtés d’Israël, offrant un soutien sans faille au gouvernement d’extrême droite de Netanyahu », a déclaré Elias Zananiri, le vice-président du Comité pour l’interaction avec la société israélienne, de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine).

Quant à l’accord de normalisation avec les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan, « il a été établi gratuitement sans obliger les Israéliens à mettre fin à leur occupation de notre terre. Cela va à l’encontre de tous les principes fondamentaux d’initiative de paix dans le conflit », a ajouté Elias Zananiri.

Avec Joe Biden au pouvoir, les Palestiniens devraient donc mettre fin à leur boycott des relations américaines. « Bien sûr, nous attendons et espérons que Biden reste attaché à la solution à deux États et qu’il travaille pour y parvenir, en coordination avec les parties israélienne et palestinienne », a conclu Zananiri.

Retour au statut quo

Bien-sûr, Joe Biden a été très clair lors de sa campagne sur sa volonté de trouver une solution à deux États. Mais la chose ne sera pas aussi facile, à en croire Yossi Kuperwasser – un ancien officier supérieur de l’armée israélienne et chercheur au Center for Public Affairs, un groupe de réflexion pro-Netanyahu basé à Jérusalem. D’abord parce que les Américains ont reconnu, lors du mandat de Donald Trump, l’annexion par Israël des hauteurs du Golan.
Difficile d’imaginer un retour en arrière.

Par ailleurs, « il lui sera néanmoins très compliqué de faire avancer sa vision du monde, en raison de la politique interne américaine, même au sein du Parti démocrate. Le nouvel élu devra donc faire face à des voix qui le tirent dans des directions opposées aux États-Unis bien sûr, mais aussi au Moyen-Orient car les choses ont changé, assure encore Yossi Kuperwasser.

La question palestinienne n’est pas au premier rang des priorités du monde arabe. Biden est-il censé forcer le monde arabe à revenir en arrière et à placer la question palestinienne au sommet de ses priorités ?
C’est une approche un peu risquée. « Il est clair pour lui que cela créerait un conflit avec Israël et je ne crois pas qu’il souhaiterait cela », conclut Yossi Kuperwasser.

L’hypothèse la plus probable reste le retour du statu quo. « Joe Biden était présent à toutes les réunions et discussions d’initiative de paix sous Obama, rappelle Martin Indyk, ancien ambassadeur américain en Israël sous Bill Clinton et envoyé spécial d’Obama pour le Moyen-Orient.

Il connaît bien Netanyahou et Abou Mazen (NDLR : Mahmoud Abbas) et doit penser que ces deux mêmes acteurs ne sont pas plus susceptibles d’accepter les compromis nécessaires à un accord aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a six ans ».

Nouvel accord sur le nucléaire iranien ?

Au sujet de l’accord sur le nucléaire iranien, Joe Biden va là encore pouvoir s’appuyer sur le travail de l’administration Trump. La nouvelle équipe présidentielle pourrait tirer parti de la pression économique et des lourdes sanctions de l’administration actuelle qui pèsent sur Téhéran. « Trump a donné à Biden un poids considérable, non seulement pour ramener les Iraniens dans l’accord de Vienne sur le nucléaire mais aussi pour les amener à négocier sérieusement sur d’autres questions », ajoute Martin Indyk.

Dans un premier temps, il devrait rétablir une position commune avec les Britanniques, les Français et les Allemands à ce sujet, estime Dennis Ross, membre du Washington Institute for Near East Policy, qui a occupé des postes diplomatiques dans les administrations Clinton, Bush senior et Obama.
Mais là encore, l’entreprise s’annonce périlleuse. Car « les Iraniens ont une façon de négocier avec tout le monde qui ne facilite pas les choses, il ne faut donc pas s’attendre à des avancées rapides. Mais les choses seront différentes car l’administration américaine n’avancera pas seule, vis-à-vis de l’Iran comme l’a fait l’administration Trump », a-t-il déclaré.

En définitive, « il existe un large consensus aux États-Unis sur le fait que l’implication américaine dans les guerres du Moyen-Orient a coûté très cher. Trop cher avec des gains souvent discutables voire inexistants, estime Dennis Ross. Il est donc fort possible que Joe Biden se montre plus prudent sur les engagements qu’il va prendre sur la scène internationale. Mais il précise aussitôt que « nous ne pouvons simplement pas laisser un vide – parce qu’un vide se remplit généralement des plus mauvaises choses ».

Toujours est-il qu’il est opportun de sortir de la catastrophe Pompeo/Trump et qu’on jugera le maçon au pied du mur…


Voir en ligne : https://prochetmoyen-orient.ch/la-c...

   

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