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À propos de la Crimée..
vendredi 22 septembre 2023 par ms21
Depuis 1991, trois dossiers brûlants opposent Kiev et Moscou : le partage de l’ex-flotte soviétique de la mer Noire, le sort des engins nucléaires basés en Ukraine, et l’avenir de la Crimée, cette traditionnelle terre de discordes en raison de sa situation stratégique.
La Crimée compte environ 70% de Russes ( 80% à Sébastopol) 16% d’Ukrainiens et 13% de Tatars.
Quelques faits historiques
Terre de passage de nombreux conquérants, la Crimée était russe depuis 1783, prise à l’empire ottoman par la tzarine Catherine II. Offerte à la République Socialiste Soviétique d’Ukraine en 1954 par une décision arbitraire et toute personnelle de Nikita Khrouchtchev, cette cession avait surpris, mais le don était symbolique car l’Ukraine faisait partie intégrante de l’URSS.
Après l’effondrement de l’URSS le 26 décembre 1991, l’Ukraine devient un État indépendant mais la Crimée souhaite retrouver le statut d’autonomie qu’elle avait avant 1954 au sein de l’URSS. Le 20 janvier 1991, un premier référendum accorde son indépendance à la Crimée mais c’est une indépendance limitée car un article du Traité stipule qu’elle fait toujours partie de l’Ukraine.
Ce que la population criméenne n’accepte pas.
Le nouveau Président Iouri Mechkov, élu le 16 février 1994, organise un nouveau référendum et la population répond OUI aux 3 questions posées :
élargissement de l’autonomie de la République de Crimée,
possibilité d’obtenir la double nationalité,
élargissement des pouvoirs du Président.
Fort de ces résultats, Mechkov rétablit la constitution de 1992 qui garantit l’indépendance vis-à-vis de l’Ukraine. Mais Kiev déclare ce référendum illégal et ne reconnaît pas la constitution.
Un bras de fer entre Kiev et Simferopol s’engage et le 17 mars 1995, le gouvernement ukrainien destitue le Président Mechkov, abolit la constitution et annexe la Crimée par la force en y envoyant un détachement armé.
Le Président ukrainien gouverne directement la Crimée par décrets.
En 2014, deux événements graves vont traumatiser les populations russes (ou russophones) de Crimée et du Donbass :
l’incendie criminel à Odessa de la Maison des syndicats [1] qui fit une quarantaine de morts et, à Kiev, le coup d’état du Maïdan qui provoqua la fuite du Président Viktor Ianoukovitch pourtant élu démocratiquement [2].
Suite à ces événements, le gouvernement de la Crimée décide alors d’organiser un référendum sur le rattachement à la Russie. Aujourd’hui, l’Ukraine et l’ensemble de la « communauté occidentale », contestent ce référendum et considèrent qu’il s’agit d’une annexion qui viole « le principe d’intégrité des Etats ». [3]
S’agit-il d’une annexion illégale ? Comparons le cas de la Crimée avec celui du Kosovo.
Au cours du processus de démantèlement de la Yougoslavie, un référendum fut organisé au Kosovo, menant ainsi cette province à son détachement de la Serbie. Les Nations Unies (ONU) et plusieurs pays occidentaux ont estimé que la déclaration d’indépendance du Kosovo ne violait aucune norme du droit international, décision confirmée en juillet 2010 par la Cour Internationale de Justice.
Pourquoi le référendum organisé par le Parlement de la Crimée est-il déclaré illégal ? La Russie invoque à juste titre le « deux poids, deux mesures ».
Statut de Sébastopol
Sébastopol fondée en 1783 par Catherine II, est la base navale qui abrite la flotte de la mer Noire de la marine russe. L’importance de Sébastopol est évidente : ce port est le seul accès de la flotte russe à une « mer chaude » lui permettant de naviguer toute l’année.
Pour les Russes, la flotte incarne les épopées navales de la Grande Catherine au XVIIIe siècle contre l’Empire ottoman, la défense héroïque de Sébastopol contre l’alliance turco-franco-anglaise lors de la guerre de Crimée de 1854-1855 ou, plus tard, le second siège de la ville par les Allemands en 1942.
Même lorsque la Crimée fut rattachée à l’Ukraine en 1954, Sébastopol, ville militaire, resta de facto, sous administration russe jusqu’à la dislocation de l’URSS en 1991.
En 1992, lorsque la république autonome de Crimée est instaurée au sein de l’Ukraine indépendante, Sébastopol n’en fait pas partie : la ville devient une ville à statut spécial dans l’État ukrainien. L’usage de la base militaire est concédée par bail à la Russie et en 2010, l’Ukraine prolonge ce bail jusqu’en 2042 .
Moscou conserve donc cette base militaire stratégique où sa flotte de la mer Noire stationne depuis le XVIIIe siècle et paie chaque année un loyer ( 8 millions de dollars ) depuis 1997.
Géopolitiquement, la raison clé de la reprise de la Crimée dès le déclenchement de l’opération militaire spéciale de février 2022, est la base navale de Sébastopol.
Cette base est un élément stratégique pour la défense de la fédération de Russie. Celui qui contrôle la base navale de Sébastopol contrôle la mer Noire. Pour le Kremlin, il était donc inconcevable que les Russes qui s’y trouvent depuis toujours, et non pas seulement depuis 1991, soient chassés et qu’à leur place il y ait des navires de l’Otan, et que les États-Unis s’y installent.
Car c’était bien cela le projet occidental. ( cf. Oleg Nesterenko )
Et maintenant ? A quand la paix ?
Pour les raisons évidentes évoquées précédemment, les Russes n’accepteront jamais de rétrocéder la Crimée à une Ukraine hostile. C’est ce qu’a bien compris Nicolas Sarkozy dans sa récente déclaration au Figaro Magazine :
« La France et la Russie doivent trouver un terrain d’entente. Nous avons besoin d’eux et ils ont besoin de nous » a- t-il plaidé, tout en jugeant un retour de la Crimée dans le giron ukrainien « illusoire » plaidant plutôt pour un référendum incontestable pour entériner l’état de fait. « La majorité de la population [de la Crimée] s’est toujours sentie russe. Quant à l’Ukraine elle doit rester neutre », a-t-il ajouté.
Nicolas Sarkozy s’attire la foudre de politiques après ses propos sur l’Ukraine, a titré le journal Ouest France. L’ancien président est accusé d’être un traître à la solde de Vladimir Poutine….
Ainsi, des propos de bon sens, même prononcés par l’ancien président de la République - qui n’est pas de nos amis - jettent la consternation au sein de la classe politique. Négocier avec la partie adverse, ce qui est la règle dans chaque conflit armé pour y mettre un terme, est devenu de nos jours un "acte de trahison" !( cf . Jean Lévy) .
Photo de Une : Yalta.
[1] Le massacre à Odessa. Le 2 mai 2014 un rassemblement pacifique se tenait sur la place des champs Kulikovo, à Odessa, afin de récolter des signatures pour obtenir un référendum sur une organisation fédérale de l’Ukraine. Ce rassemblement a été violemment attaqué par une expédition terroriste de groupes de néo-nazis de Pravy-sektor, provoquant de nombreux morts parmi les habitants d’Odessa. Certains, pour échapper aux nervis néo-nazis se sont réfugiés dans
la Maison des syndicats qui a été encerclée, puis incendiée. Au moins 42 victimes supplémentaires ont péri par le feu ou en se défenestrant et ont été achevées par les assaillants.
[2] Coup d’État du Maïdan.
Les manifestations en Ukraine, commencées en 2004, se sont accrues en 2013 et 2014 avec la Révolution de la place Maïdan provoquant un coup d’État et amenant au pouvoir Petro Porochenko (2014-2019), un oligarque néolibéral et anti-russe qui soutient l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. La russophobie de ce gouvernement a provoqué la rupture des liens avec la Russie et la ségrégation de la population russophone majoritaire en Crimée et dans le Donbass. Si les
habitants de Crimée ont voté leur rattachement à la Russie, la population des oblasts de Donetsk et de Lougansk a choisi la voie de l’indépendance. L’armée ukrainienne a bombardé ces Républiques dissidentes de façon sporadique mais
pendant des années, faisant quelque 14 000 victimes. Qui en a parlé, qui a protesté, enFrance , en Europe ? Silence radio…
[3] Le principe d’intégrité des États peut entrer en conflit avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est-à-dire soit de choisir de rester au sein d’un État, soit de devenir indépendant, soit de rejoindre un autre État.