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La social-démocratie est morte ?

mercredi 11 septembre 2024 par Francis Arzalier (ANC)

Ce texte a été rédigé pour servir de base de réflexion aux participants à un débat interne sur l’avenir de notre organisation Communiste, lors des Estivales 2024 de l’ANC .Ces Estivales donneront lieu à un compte-rendu prochainement. Mais cela n’interdit pas de livrer cette réflexion personnelle aux lecteurs du site de l’ANC.(F.A/ANC)

On croyait le sigle tombé dans les poubelles de l’histoire, décrié dans nos rangs comme synonyme de toutes les trahisons politiques du siècle dernier, jusqu’à ce jour récent de juin 2024 où l’ami Ruffin, qui était il n’y a pas si longtemps dans le même stand que l’ANC à la Fête de l’Humanité, se proclama fièrement Social-Démocrate, pour se différencier de Jean Luc Mélenchon, qui venait de lui refuser l’investiture LFI aux législatives.
Un indice de plus que le Vingtième siècle est bien fini !

Nos « experts » télévisés nous répétaient à satiété : la Social-Démocratie d’autrefois est en voie de disparition, remplacée partout par des politiques post-modernes, qui ne sont ni de gauche ni de droite, comme Macron et ses émules en France. Communiquants nourris de toutes les technologies de bourrage de crânes, « sachant » parler avec assurance de tout sujet qu’ils ne connaissent pas, méprisant volontiers leurs auditeurs, crétins cloués à leur « News » de quart d’heure en quart d’heure, ils nous racontent une vision du présent dont ce grand acteur du siècle européen dernier ne serait plus.
Et si on y regardait d’un peu plus près ?

Histoire de l’idéologie social- démocrate et de ses versions politiques

Comme bien d’autres concepts liés aux idées socialistes, la social-démocratie politique est née à la fin du 19éme siècle dans les Empires germaniques, Allemagne et Autriche, régimes monarchiques, mais aussi parlementaires, au sein desquels l’industrialisation avait fait naître de puissants partis liés à la classe ouvrière. Ces oppositions furent assez fortes au sein du Reich pour imposer une législation sociale plus avancée que dans le reste de l’Europe, et les dirigeants de la Social-démocratie comme Kautsky envisageaient de progresser jusqu’au socialisme grâce au seul suffrage universel.
En France avant 1914 : le Parti Socialiste de Jean Jaurès partage cette vision « réformiste » (l’accès pacifique au socialisme par des réformes successives) au sein de la Deuxième-Internationale, contrairement à Lénine et aux Bolcheviks (majoritaires au sein du Parti socialiste de Russie.)

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale en été 1914 a changé la donne, en faisant apparaître l’impuissance totale de la Deuxième Internationale, incapable d’empêcher la tuerie impérialiste.

Pire, après l’assassinat de Jaurès, le Parti Socialiste de France se déshonorera en participant au Gouvernement belliciste d’Union Sacrée. Les Sociales-Démocraties d’Allemagne et d’Autriche avaient elles aussi soutenu « leur » bellicisme en votant les crédits de guerre. Cette Social-démocratie germanique, accédant au pouvoir d’État après la défaite des Empires, montra qu’elle ne voulait pas aller au Socialisme, en écrasant militairement les Spartakistes allemands, communistes inspirés de l’insurrection soviétique. Ses impuissances et ses trahisons ont finalement facilité l’accession au pouvoir de l’Extrême-Droite autrichienne (Dollfuss) et du Nazisme à Berlin en 1933.

C’est durant les décennies suivant l’écrasement du Nazisme et ses alliés en 1945 (grâce surtout à l’Armée Rouge !), que la Social -Démocratie a connu son apogée politique, promouvant le « Welfare state » né des milieux Rooseveltiens aux USA, incarné dans les pays capitalistes industriels européens par les « États-Providences », notamment Nordiques et Germaniques, d’Olaf Palme à Helmut Schmidt : en aucun cas anticapitalistes, mais aptes à assurer la « paix sociale », grâce à un niveau de vie élevé, des services collectifs d’État actifs ( et un essor économique grâce notamment aux subsides US du Plan Marshall ! ).
Toutefois, il est vrai que, dans le contexte de la « guerre froide », et des crises périodiques brûlantes (Corée, Vietnam, etc…), certains dirigeants social-démocrates d’Europe ont pu favoriser courageusement le neutralisme, voire les mouvements de décolonisation : ainsi le Suédois Dag Hammarshold, secrétaire général de l’ONU, qui le paya de sa vie en 1961, et le premier Ministre suédois Olaf Palme, assassiné lui aussi par les tenants de l’Impérialisme occidental en 1986.

Mais, durant les dernières décennies du XXème siècle, les partis social-démocrates européens, à commencer par ceux d’Allemagne, de France, et de Grande Bretagne, dénoncèrent tout ce qui restait de leur héritage idéologique marxiste, et se détournèrent de leur ancrage dans une classe ouvrière en déclin et les syndicats. Ainsi, le Parti Travailliste britannique (New Labour) malgré un court intervalle de présidence du militant anti-impérialiste Jeremy Corbin (2015 à 2020) est-il devenu le fidèle gestionnaire du Capitalisme dominant anglo-saxon, incarné par Tony Blair (1997- 2007) et par le nouveau Premier Ministre de 2025 Keir Stammer.

Une social-démocratie en extinction au xxième siècle ?

Évidemment, cette « droitisation » des partis social-démocrates d’Europe (Mitterand et ses épigones en France, Grèce ou Italie, dirigeants allemands et nordiques convertis aux guerres anti-russes de l’OTAN), les a souvent fait s’effondrer électoralement au profit de la Droite, voire de l’Extrême-Droite démagogue et nationaliste.

Ce qui a amené bien des analystes médiatiques à décrire la Social-démocratie contemporaine comme une famille politique en voie de disparition. C’est une véritable distorsion de la réalité mondiale. Car elle est encore au pouvoir sous sa version classique, participant avec enthousiasme à la coalition impérialiste, dans de grands pays industrialisés occidentaux, en Allemagne première puissance économique et bientôt militaire de l’UE, grâce à des coalitions gouvernementales plus ou moins fragiles, et malgré ses récents déboires électoraux. Et le Parti Travailliste expurgé de ses velléités anti-impérialistes vient de retrouver le pouvoir d’État à Londres. Et le PS Espagnol se maintient au pouvoir grâce à un compromis avec les Nationalismes catalans ou basques.

Et on peut observer, notamment dans la France du vingt et unième siècle (mais pas seulement) un paysage politique en grande partie phagocyté par une floraison de groupes très divers, tous inspirés de l’idéal social-démocrate, qui sait concilier le discours de bien-être consumériste, et le refus de se fixer pour objectif la disparition du capitalisme et son remplacement par une société socialiste.

Car, la perte d’influence occasionnelle des Partis Social-démocrates classiques au tournant des deux siècles s’est doublée du délitement bien plus fort encore des Partis Communistes d’inspiration marxiste, amputés de leur base ouvrière antérieure et de leurs capacités d’animer les luttes sociales, englués qu’ils étaient dans le carriérisme et l’électoralisme, au point de disparaître comme le PCI, ou de se réduire à un rôle marginal comme le PCF. Largement dépassé aux récentes élections par un PS un peu revigoré (la Social- Démocratie droitière), mais très largement distancé par la France Insoumise (une Social-Démocratie de gauche, mais fragilisée par l’hétérogénéité idéologique de ses membres et le poids des égos en son sein, comme le fut le mouvement Podemos, au succès éphémère en Espagne).
Ajoutons à ce tableau mouvant que le Macronisme fut durant des années un avatar de plus en plus droitier de la Social-Démocratie française, et que les partis Écologistes sont eux aussi bien souvent un avatar contemporain de la Social-démocratie, affairée à perpétuer le Capitalisme pourvu qu’il s’affirme vert !

Ou des congrès de Tours à l’envers ?

Tant et si bien qu’en Europe Occidentale au XXIème siècle, cette famille Social-démocrate parfois supposée disparue, s’est au contraire multipliée en métastases diversifiées, de l’extrême gauche au centre Droit de l’éventail politique, au détriment à la fois des courants marxistes et des Droites classiques, et au profit du désintérêt politique abstentionniste et de l’extrême droite nationaliste et xénophobe.

S’il fallait une confirmation de cette évolution vers la Social-démocratie du paysage politique français, l’Humanité du 5 août la fournirait dans le portrait très amical par Gaël De Sanctis du nouveau député NFP du Val d’Oise Maurel, un des rares à avoir intégré le groupe parlementaire GDR, avec les élus du PCF. Ce « Politique », au sens professionnel du terme, venu à 16 ans au socialisme, par SOS Racisme, l’UNEF et Sciences Po, comme tant d’autres, n’a jamais exercé d’autre emploi que d’élu au Conseil Régional d’Ile de France et au Parlement Européen. Inspiré de Jean Poperen, passé du PCF à la SFIO en 1956, de « Jaurès », sa principale source d’inspiration, (qui a mis) le réformisme au service de l’espérance révolutionnaire « et pour lequel » le socialisme, c’est d’abord le salaire ». Pourrait-on mieux définir les objectifs social-démocrates, minoritaires en 1920 au Congrès de Tours, et qui ne le sont plus ?

En Europe orientale, où ils ne se sont jamais remis de l’effondrement du socialisme réel, les courants obstinément marxistes, affirmant clairement un objectif de société nouvelle socialiste sont réduits à des groupuscules militants isolés, dont les militants se comptent pour l’instant en centaines, comme en France, Italie, Espagne, Grande Bretagne, etc.
Un émiettement qui les réduit à l’impuissance pour l’instant.

Ce délitement des partis marxistes d’Europe est conforté par « l’éloignement » des pays se réclamant en 2024 du Socialisme. À l’inverse du « messianisme révolutionnaire » longtemps pratiqué par l’URSS autrefois, la Chine en expansion économique fulgurante n’ambitionne nullement de se présenter en modèle de société, et la Corée du Nord ne peut guère espérer l’attractivité d’un système politique spécifique, imprégné de nationalisme et patrimonial.

Cette réalité politique européenne n’est pas identique dans le reste du monde, même si on peut relever des similitudes.

En Amérique Latine, la Social-Démocratie classique est encore puissante, notamment au Brésil de Lula réélu, et au Mexique grâce à la récente élection de la Présidente adoubée par son prédécesseur Obrador, qui, avant de terminer son mandat, a nationalisé les industries d’avenir (électricité, lithium, etc…), à l’inverse des privatisations antérieures du pétrole. D’autres partis social démocrates au pouvoir, au Nicaragua et au Venezuela de Maduro par exemple, sont fragilisés par l’étranglement économique organisé par l’Impérialisme US, comme l’est le Socialisme cubain, qui a perdu à cause du blocus et du Covid (arrêt du flot touristique) une bonne part de son attractivité antérieure. Et comme en Europe, les échecs sociaux des social-démocaties au pouvoir débouchent parfois sur une flambée électorale de l’extrême-droite : Bolsonaro avait battu la Présidente PT à Rio et le démagogue ultra-libéral Millei a été élu Président à Buenos-Ayres en 2024. Le temps des flambées révolutionnaires à la Che Guevara semble clos en Amérique latine comme en Asie ou en Afrique, souvent au profit d’expériences social-démocrates spécifiques, mâtinées de nationalisme et de militarisme.
Ainsi l’ANC sud-africaine, qui en est une variété spécifique locale, ne conserve une majorité que dans une coalition avec ses concurrents de Droite, qui tirent profit du maintien des inégalités sociales, sans qu’émerge une alternative réellement révolutionnaire.

Rompre avec l’hégémonie idéologique social-démocrate

En fait, dans le monde actuel, à l’inverse de celui de 1960, le clivage géopolitique n’est pas lié à la concurrence entre capitalisme et socialisme, mais oppose les trois quarts des nations du globe aux agissements de l’impérialisme, d’autant plus agressif militairement qu’il est en difficulté sur le plan économique.

Ce monde de 2024 en quête de multilatéralisme est très disparate politiquement, de l’Inde capitaliste, nationaliste et xénophobe de Modi, et son milliard et demi d’habitants, à la monarchie pétrolière salafiste d’Arabie Saoudite, et à l’Iran des mollahs chiites, et son cortège de mouvements de libération nationale arabes, islamistes comme le Hamas palestinien, ou marxistes comme le FPLP.

Faut-il le redire ? Cette situation ne peut nous satisfaire, qui réduit l’avenir de la France aux diverses impasses social-démocrates, dans un contexte géopolitique d’où notre nation est de plus en plus exclue. Car jamais dans leur longue histoire, les Social-Démocraties n’ont éradiqué le Capitalisme, ce système social et politique intrinsèquement pervers, qu’il soit teinté de rose, de vert, ou de toute autre couleur.

La seule issue pour sortir de cette voie historique sans issue, est la reconstruction d’un Parti Communiste de France, attaché exclusivement à organiser les luttes pour les revendications de la majorité prolétarienne des citoyens de notre pays, pour la paix et l’égalité entre les peuples, un Parti expurgé de ses dérives carriéristes et électoralistes.

Ce Parti des Communistes à rebâtir, à la différence de toutes les versions de Social-Démocraties y compris les plus « à gauche », unira ses militants autour d’un projet concret de société socialiste, démocratique, égalitaire et pacifique, un projet politique commun, qui, seul, pourra permettre aux Communistes de convaincre la majorité des Citoyens de France qui vivent de leur travail de la nécessité d’abolir d’éradiquer le Capitalisme et de le remplacer par le Socialisme, structuré par les sévices publics aujourd’hui en voie de destruction.

Car on ne saurait oublier cette évidence : on ne pourra construire la société socialiste dont nous rêvons sans le soutien de la plus grande partie de notre nation. C’est encore loin d’être le cas, il nous reste à la convaincre malgré le bourrage de crânes organisé par l’appareil médiatique.

Qu’il soit d’état ou privé, il n’est pas aujourd’hui un service public d’information pluraliste, mais un instrument de manipulation au service du capitalisme et de la guerre impérialiste.

   

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