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Luttes des classes / Défense des minorités

Limitation à l’examen des anti-racismes

lundi 15 février 2021 par Badia Benjelloun (ANC)

Propos élaborés et tenus dans le cadre du Cercle Manouchian de Paris le 9 février 2021 par Badia Benjelloun.

À part, il faudra traiter la question féministe qui ne concerne pas une minorité et qui mérite un long développement à elle seule. Elle a surgi surtout au moment où les femmes ont commencé à exercer les métiers réservés aux hommes partis faire la guerre et mourir pour le grand capital.

À part, il conviendra aussi de consacrer un autre développement à l’islamophobie, phénomène nouveau dans son expression actuelle qui revêt une importance internationale car contrairement à l’opinion commune, il ne fait pas suite au colonialisme de la vieille Europe. Il répond surtout aux besoins du colonialisme israélien et au stade actuel de l’hégémonie étasunienne.

Il faudrait un autre temps également pour exposer comment l’Union soviétique a traité la question de ses minorités qui a connu plusieurs phases.

Un autre encore pour examiner la solution que propose la Bolivie avec son État plurinational.

Un autre encore pour passer en revue l’accueil des différentes immigrations par la France, celle des Polonais et des Italiens par exemple. Il a loin d’avoir été favorable, et c’est compréhensible vu sous l’angle de la lutte pour les ressources quand elles sont rares.


L’Occident a attribué à chaque groupe social rencontré des compétences psychologiques et intellectuelles particulières, la biologie a été convoquée pour conforter cette prétention. Le racisme, c’est la croyance que des caractères acquis culturellement au sein d’une population que l’on définit par des traits morphologiques ou par leur appartenance à une sphère civilisationnelle donnée sont immuables et transmis génétiquement.
Un imaginaire collectif a alors été construit autours de ce discours à une époque où les scientifiques avaient encore une autorité.
Ceci a conforté et a servi un ethnocentrisme naturel.

Des politiques et des conduites discriminatoires à l’égard de certains groupes ethniques et/ou culturels sont constatées tous les jours dans les pays du Centre du capitalisme.
Comment y répondre de nos jours et quelles en sont les origines ?

Nous avons à répondre en tant que révolutionnaires marxistes à un certain nombre de questions :

  • - Est-ce que les racialistes et indigénistes ont raison de penser et de déclarer que le racisme structure la société ?
  • - Quelle pertinence a l’expression « racisme institutionnel et racisme d’État » ?
  • - Est-il juste de proclamer que le racisme vécu ici aujourd’hui est de la même substance que celui qui a prévalu au moment du Code Noir et de celui du Code de l’Indigénat ?
  • - En Europe, et en France particulièrement, est-on en droit d’assimiler le racisme aux Usa à celui vécu sur le ’vieux’ continent européen ?
  • - Les luttes des mouvements racialistes et indigénistes qui passent surtout par une énorme présence médiatique et sur les réseaux sociaux peuvent-elles aboutir à l’abolition de l’expression publique du racisme ?
  • - Sont-elles émancipatrices ?
  • - Que nous enseigne l’histoire à cet égard ?
  • - Ces luttes sont-elles culturelles ou politiques, et/ou économiques ?

Ces questions ont refait surface à l’occasion de l’assassinat de Georges Floyd à Minneapolis par un policier blanc, le 25 mai 2020. Cet Afro-américain a été étouffé lors d’une arrestation. Son supplice et sa longue agonie ont été filmées et transmises en direct par un téléphone cellulaire.
Nous étions à la fin du premier confinement, en pleine pandémie de la Covid-19. Les images ont immédiatement fait le tour du monde et provoqué une indignation planétaire.
Des manifestations contre les violences policières ont eu lieu dans plusieurs capitales européennes. Ce fut le cas à Paris où l’association Justice pour Adama Traore s’est appropriée cette vague de colère d’une jeunesse contenue des semaines chez elle par la contrainte des mesures sanitaires.

Des émeutes promues par le mouvement Black Lives Matter ont alors débuté aux Usa. BLM a été initié par 3 jeunes femmes noires, il a des sources de financement explicites [1]. L’actuel président de la Fondation Ford, Darren Walker ancien banquier de l’Union des Banques Suisses, a accordé 100 millions de dollars à BLM ‘pour un monde plus juste et équitable’.

La fondation Ford créée en 1936 par l’initiateur de la Ford Motor Company dispose de 12,4 milliards de dollars, soit la 3ème dotation parmi les fondations américaines. Son Conseil d’Administration regroupe des PDG d’entreprises influentes et des avocats de Wall Street. Elle travaille avec les agences militaires et de renseignement américaines depuis des décennies.

En 2015, la Fondation Open Society a octroyé 650 000 dollars aux différents groupes qui ont rejoint la coalition BLM. Il est difficile d’ignorer l’implication de l’Open Society dans les « révolutions colorées » et les régime change dans les anciennes républiques socialistes de l’Europe de l’Est et dans les « Les trois fondatrices de BLM ».
Ils dirigent ou appartiennent à des groupes centrés sur la défense des gens de couleur qui reçoivent des sommes d’argent de divers fonds caritatifs ou de « défense des droits de l’homme » qui, à leur tour, sont contributeurs de BLM.

BLM revendique que soient abolies la police et les prisons. La police doit recevoir un budget plus réduit, moins d’armes, moins de personnel et son périmètre d’intervention devrait être réduit. Les émeutes se sont transformées en mouvement anti Trump dans un contexte social très péjoratif, avec l’effondrement de l’emploi lié à la pandémie, les difficultés majeures des étudiants et des travailleurs pauvres.

L’agitation en France de certains groupes très médiatisés comme le club Adama Traore a donné lieu à la révision du cas de ce jeune homme mort en 2016 alors qu’il tentait d’échapper à la police et au réexamen des expertises médicales qui attribuaient son décès à une cause médicale indépendante du traitement infligé par les forces de l’ordre.
De son cas à lui seul.

Elle a abouti également à l’élection par la presse bourgeoise internationale de Assa Traore, la sœur de la victime transfigurée en Antigone des banlieues comme personnage de l’année. La presse de droite a alors eu beau jeu de se gausser de la fratrie Traore pour ses démêlés avec la justice et ses nombreuses condamnations.

L’arrivée au pouvoir d’un mouvement politique qui a réussi à percer en envoyant dans les rebuts de l’histoire les partis traditionnels qui assuraient jusque là une alternance confortable pour la démocratie représentative, ravive la question des minorités.

Elle va être propulsée au devant de la scène médiatique faute d’un programme politique qui puisse désamorcer le désenchantement face à la série des lois réduisant les droits conquis par les travailleurs (chômage, retraite, facilités accrues pour les licenciements).
Les manœuvres des communicants vont également tenter d’enrayer les critiques d’une gestion calamiteuse de l’épidémie, un chapelet de mesures contradictoires entrelaçant incompétence, irresponsabilité et obéissance aveugle aux poids lourds de l’industrie pharmaceutique.

Dès l’automne le ton était donné, l’émotion suscitée par un fait divers a généré des lois qui sous couvert de garantir la sécurité publique restreint les libertés, en particulier celles de manifester et de la presse. Ces dispositions législatives visent à étendre les pouvoirs et l’arbitraire de la police.
Faute de remédier à l’inégalité des territoires et à la précarité économique, le pouvoir a choisi de polariser le pays en désignant un ennemi de l’intérieur totalement fantasmé, les musulmans français qui revendiqueraient un séparatisme politique.

La tradition ancienne rabinnique de charger un animal, en réalité deux boucs, l’un sacrifié, l’autre envoyé dans le désert, de tous les péchés de la communauté pour la purifier semble reprise encore une fois à l’encontre de ceux accusés de semer le trouble dans la cité.
Le bouc émissaire est désigné, il est à expulser/ et ou à tuer.

Faut-il dès lors nourrir la diversion organisée presque rituellement à chaque campagne électorale et riposter sur le terrain choisi par l’adversaire politique ? Ne serait-ce pas alors collaborer à l’échappement choisi par les fondés du pouvoir du capitalisme de moins en moins national ?

Ne faut-il pas plutôt se concentrer sur la privatisation du service public qui prive en particulier le peuple français de lits d’hôpitaux et de compétences médicales en cette période critique ?
Ne faut-il pas dénoncer la privatisation programmée de nos retraites plutôt que de s’engager dans la démonstration imposée et jamais satisfaisante que le musulman français n’est qu’un Français musulman ?

Néanmoins, on ne peut esquiver la nécessaire défense des minorités nationales discriminées et offertes à la vindicte médiatique tout en examinant comment les indigénistes répondent en miroir aux injonctions (dys)identitaires des fondés de pouvoir du capital.

Égalité et différence

Les termes dans lesquels est posée la double revendication de l’égalité et du droit à la différence par des représentants auto-proclamés de la cause minoritaire raciale, sans avoir été mandatés par quiconque, met face à une problématique sans issue possible. De la manière dont ils la formulent, la contradiction différence-égalité ne peut trouver de solution ni de dépassement.

Folklore ?

Tous les peuples ont été exposés au capitalisme et ont subi sous son rouleau compresseur des transformations irréversibles de leur mode de vie et de consommation. Revendiquer une tradition perdue pour signifier sa différence cache mal cette perte d’identité. L’insistance à évoquer une spécificité culturelle se fait le plus souvent au travers d’une tradition inventée ou réinventée.

Aujourd’hui, proclamer son identité en la reliant au pays d’origine dans lequel tout retour est exclu relève d’une imposture ou d’un déni de la réalité. Le plus souvent, cette fragile définition identitaire se limite au port d’un accessoire vestimentaire ou à la reproduction de recettes culinaires. Les ’modes’ de consommation inventées par la petite-bourgeoisie des pays du centre du capitalisme s’imposent dans les zones de la périphérie, depuis l’accoutrement vestimentaire au menu Mac Do ou la distinction vegan.

Les systèmes pré-capitalistes sont cohésifs et se sont reproduits grâce à différentes stratégies de solidarité collective. Il en a persisté par endroits des traces mnésiques, et il peut en résulter une forme de nostalgie. La logique du capital est au contraire dispersive. Sa reproduction reste un mystère si, justement, on oublie qu’il se nourrit de divisions.

À un moment où les alternatives historiques manquent, si on veut avoir une histoire, on l’invente et on substitue une histoire irréelle à la fabrication d’une histoire. Le blocage de possibilités concrètes traduit une impuissance sociale et historique et débride un imaginaire régressif.

Tolérance à la différence ?

La différence soulève la question attenante impossible à résoudre de l’identité. La tolérance à la différence est postérieure à l’ère de l’exotisme quand le touriste bourgeois se trouvait face à des femmes aux seins nus ou à des fatmas voilées.

Les « Autres » sont désormais les immigrés de plus en plus visibles car ils ne sont plus strictement cantonnés dans des ghettos suburbains et dissimulés à la vue dans des fonctions subalternes. La rencontre de ces multiples autres rend vulnérable le statut du « moi » qui gagne en précarité.
Elle peut générer le sentiment terrifiant d’un effondrement imminent. Cette peur est plus ou moins habilement exploitée par des partis d’opposition d’extrême droite nostalgiques d’une colonisation directe qui finissent par dicter leur programme xénophobe aux organisations politiques plus traditionnelles en voie de disparition.
Programme qui est une absence de programme.

Le plus souvent, défendre le droit à la différence débouche sur une tolérance libérale avec toutes les complaisances choquantes, comme l’acceptation des mutilations sexuelles des petites filles ou l’incinération des veuves hindoues sur le bûcher de leur mari défunt.
Cela pointe aussi sur l’embarrassante question de savoir si elle n’est pas une réponse à une homogénéisation sociale. Une réaction épidermique à la standardisation.
La néo-ethnicité pour une catégorie de jeunes citadins aisés est une affaire de mode donc de marché. La pratique des pantalons au-dessus de la cheville a été inspirée par les fondamentalistes musulmans qui ont interprété à la lettre une recommandation prophétique transmise oralement ‘L’excès de vêtement qui dépasse la cheville témoigne d’une forme d’orgueil.’
La jeunesse branchée fournit de nouvelles formes culturelles qui articulent le monde de la façon la plus fonctionnelle pour le système capitaliste.

Par ailleurs, la tolérance à la différence peut déclencher des signaux de racisme quand est trop bien dessinée la différence.

Le slogan douteux du droit à la différence ne met pas en tension des termes susceptibles de déboucher sur un dépassement. En effet, on doit distinguer les différences inertes, celle de l’ordre du naturel, et celles qui s’analysent selon une contradiction. Typiquement, cette prolifération de revendications du droit à la différence et dans le même temps à une égalité sans véritable contenu relève d’une régression à la philosophie de l’Être pré-marxiste.

Égalité ?

Par ailleurs quelle égalité peut-on exiger dans ce cadre sinon celle possiblement acquise sous le régime du capitalisme, l’égalité devant la consommation ?

Que peut vouloir dire l’égalité dans une société capitaliste entre les ethnies et entre les genres dans un système qui génère toujours plus d’inégalités et qui creuse un fossé infranchissable entre des pauvres de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres et une fraction sans patrie ni ethnicité ni religion qui commande les leviers de l’économie mondialisée.
Il ne peut y avoir d’égalité possible dans un monde où est organisée la rareté des moyens de subsistance les plus basiques et du travail salarié qui y fait accéder.

Émancipation ?

Les micro-luttes des racialistes et des indigénistes qui analysent le fonctionnement social selon le prisme de la race ou de l’ethnie ou encore de la culture ne peuvent conduire à l’émancipation de leurs groupes d’abord, encore moins à celle de toute l’humanité. Elles dissipent beaucoup d’énergie militante, ce qui est finalement favorable à l’idéologie bourgeoise. Elles sont alliées objectives du statu quo auquel travaillent les idéologues du capitalisme.
Le système capitaliste les génèrent, les entretient et finalement en tire profit.

Dans le groupe et le groupe micro-identitaire, l’investissement libidinal est très gratifiant. La catégorie qui est visée par leur critique n’est pas la sphère de la production, celle où doit se livrer la bataille idéologique et matérielle mais l’institution immédiatement saisissable. D’où la puissante force de mobilisation du micro-groupe. Il est plus facile d’aimer sa confrérie ou sa secte que de s’engager dans une lutte de classes moins immédiatement mobilisante.

S’investir dans la classe sociale c’est s’avancer dans une abstraction qui a vocation à s’abolir.

En tant que marxistes révolutionnaires, nous pouvons répondre à la question de l’émancipation en priorité. Dans la société sans classe que nous voulons construire, il ne subsistera aucune des inégalités de traitement entre des groupes ethniques et culturels.

Nous sommes portés par un projet collectif qui peut sembler utopique tant qu’il n’est pas réalisé, celui de l’abolition de la propriété privée des moyens de production. Le mode de production capitaliste a socialisé à un point inégalé les moyens de productions, il suffit de les faire approprier par ceux qui réellement produisent, les travailleurs.
Cette utopie n’en est pas une car le capitalisme a construit déjà les possibilités du mode qui va lui succéder.

Continuum historique. Déterminisme de race.

La prétendue existence d’un continuum et d’une filiation directe entre le Code de l’Indigénat et le Code Noir avec les pratiques discriminatoires à l’accès à l’emploi et au logement de nos jours est pure illusion, car le capitalisme n’a cessé d’évoluer et de s’adapter à ses propres contradictions depuis sa naissance dans les décombres du féodalisme en Europe.

Tout d’abord, non, ce ne sont pas les déterminations de la couleur de peau, de l’origine ou de la nature du sexe qui structurent l’ensemble de la formation sociale.
Les éléments qui déterminent la structure sociale sont ceux regroupés sous le concept à la fois éminemment abstrait et concret de mode de production. Ils ne sont pas immédiatement accessibles à l’expérience vécue et ne peuvent être appréhendés par la plupart des gens.

Aussi, il existe bien une disjonction entre le VRAI d’une situation et l’AUTHENTICITÉ du vécu. Cette « cause absente » (exemple de la force gravitationnelle) ne peut pas émerger de la perception. Se passer d’une analyse historique matérialiste qui discute de la mutation profonde du capitalisme, c’est se priver de moyens d’agir.

En épousant cette perception erronée de l’histoire, l’idéologie des groupes révèle son objectif, il s’agit d’obtenir un consentement à une simple différence. À un mode de production qu’il est impérieux d’abolir, on substitue l’objectif d’une réforme de la démocratie représentative avec ses scrutins et ses sondages d’opinion, laquelle est en crise depuis quelque temps.

Faire coexister sur un même espace des personnes d’origines et de traditions différentes est l’une de ses stratégies d’émiettement et de divisions des luttes. Les représentants politiques des États-Nations moribonds n’ont plus aucune puissance d’agir. Ils chérissent et favorisent des divisions en faisant une large propagande à des antagonismes culturels fantasmés.

Les révolutionnaires ne dévient pas de leur objectif, la conquête par les êtres humains des « lois » de la fatalité socio-économique en apparence aveugles et naturelles. Notre rôle n’est pas de se placer sur le terrain d’une concurrence culturelle mythique.

Or le rapport du capitalisme français avec les colonies est passé au moins par trois phases.

Au cours de la première, il a été orienté selon sa concurrence avec le capitalisme britannique pour l’accaparement des matières premières acquises gratuitement afin de satisfaire les besoins de l’industrie et, au-delà, pour la spoliation de terres agricoles et le déversement d’un trop plein de population vers des zones sinon de bannissement du moins de population. Ce sont surtout les Français indésirables que l’on a envoyé aux colonies. La Nouvelle Calédonie et la Guyane ont été typiquement des terres de bagne. L’Algérie a accueilli les vagabonds et les aventuriers, les indésirables, dans un premier temps.

L’Arabe et le Noir ne pouvaient plus être bestialisés au 19ème siècle comme le furent les Amérindiens et les Africains capturés pour l’esclavage les siècles précédents. Ils étaient cependant déclarés de culture inférieure, à civiliser. Les peuples colonisés, s’ils ont été exterminés en raison de leur résistance à l’occupation et à la spoliation, n’ont pas été génocidés comme le furent les Amérindiens. L’ethos de la bourgeoisie issu des ‘Lumières’ ne le permettait plus et le génocide n’était pas nécessaire à la réalisation des ambitions coloniales.

Le colon bien sûr a détruit les modes de production antérieurs tout en essayant d’annihiler les ressorts culturels des peuples colonisés pour les briser. L’armée coloniale a fait disparaître dès le début de la conquête de l’Algérie les mosquées qui sont non seulement des lieux de culte mais aussi et surtout des lieux d’alphabétisation et d’enseignement.
Les dommages furent le plus souvent irréversibles. La très forte imprégnation par la culture arabo-islamique en particulier a permis toutefois une résistance culturelle passive qui a permis le maintien d’une identité propre, laquelle fut réactivée pendant la guerre d’indépendance.
Le colon pratiquait une séparation spatiale en résidant dans des villes et des quartiers réservés. Pas de mélange des populations, ce qui est une figuration de l’apartheid colonial.

Lors des guerres mondiales, les impérialistes avaient recruté des indigènes des colonies dans des bataillons où ils furent sacrifiés. Une fois la démobilisation prononcée, les survivants furent priés instamment de retourner chez eux. Le colonisé est alors indésirable en métropole.

Une deuxième phase après les indépendances politiques des colonies, au cours de laquelle une classe ouvrière a été importée. Il lui fut attribuée la fonction de concurrencer la classe ouvrière française autochtone, voire de la remplacer. La fin des années soixante correspond à l’émergence d’une forme nouvelle du capitalisme obligé sans cesse de muter sous la loi de son fonctionnement, la baisse du taux de profit.

Les indépendances des pays colonisés ont été promues par des Usa qui ont triomphé des anciens empires entre-déchirés par les guerres mondiales alors que ces mêmes USA peinaient à liquider la phase esclavagiste de leur préhistoire.
Apartheid et discriminations raciales continuaient d’être le lot des Afro-américains. Pour les Usa, l’aide à la décolonisation permettait la construction de leur hégémonie par la création d’un marché sans protection de frontières et participait aussi d’une lutte idéologique contre l’URSS et le communisme.

Des paysans illettrés et peu susceptibles de se syndiquer ont été arrachés à leur monde agricole et pastoral. Ils devaient remplacer des travailleurs autochtones encadrés par des organisations ouvrières très combatives.

Quelle ne fut la déconvenue du patronat et du gouvernement social-démocrate lorsque des ouvriers de l’automobile, majoritairement immigrés, ont entamé des grèves très dures dans les premières années du règne mitterrandien. Dans les années 1982-1984, leur présence au sein de la contestation au moment de la restructuration de l’industrie automobile avec un mouvement de concentration accrue du capital et des licenciements collectifs les avait fait disqualifier en tant qu’ouvriers, ils sont devenus des « musulmans intégristes ».

Jusque là encadrés par des syndicats de droite (Confédération des Syndicats Libres), la CGT a fini par progresser sur des sites qui employaient entre 70% à 80% d’ouvriers immigrés.

Cette dérivation dans le langage médiatique qui a consisté à transformer une lutte de classe en lutte de races a bien été le fait du patronat français. Fallait-il et faut-il pour autant pour les forces progressistes authentiques reprendre à leur compte cette (dis)qualification, ne voir dans l’ouvrier musulman que le musulman et pas l’ouvrier et affaiblir la lutte des classes ?

La révolution islamique venait d’avoir lieu en Iran et menaçait de se propager dans le Moyen-Orient. Elle mettait en péril les intérêts économiques (accès aux ressources pétrolières) et stratégiques de l’Occident.
De plus, la défense d’Israël a été transformée en impératif pour l’Occident par un lobby étasunien déjà fort influent. Ici se situent les débuts de l’islamophobie que l’on devra traiter à part tant ses mécanismes sont particuliers car surtout alimentés par la puissance hégémonique étasunienne au travers des néoconservateurs, anciens trotskystes devenus bellicistes et surtout ultra-sionistes.

Dans ces mêmes années, le MIB, Mouvement Immigration Banlieue, avec sa célèbre marche pour l’Égalité faisait état de la non intégration des enfants de ces ouvriers, masse excédentaire et inemployée, qui souffraient déjà de la phase ultérieure du capitalisme.

Enfin, la phase qui recouvre celle que nous vivons où le travail de l’immigré ou de ses enfants ne sont plus nécessaires.

Le chômage a été théorisé comme une nécessité pour une bonne santé économique et la lutte contre l’inflation qui avait mis en péril les économies occidentales dans les années soixante-dix. Des réflexions intenses ont été menées par les économistes bourgeois, le premier d’entre eux le Néo-zélandais Phillips qui montrait une relation inverse et assez évidente entre chômage et niveaux des salaires qui participent à l’inflation s’ils augmentaient trop.

Le NAIRU acronyme en anglais pour un taux de chômage compatible avec un taux d’inflation constant ou n’accélérant pas celle-ci (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment) fut donc adopté comme technique gouvernementale de régulation de l’économie et calculé par l’OCDE pour les pays occidentaux. Pour l’année 1999 et pour la France, il était évalué à 9,5%. Pendant des décennies, des politiques macro-économiques qui ne cherchaient pas le plein emploi mais favorisaient le chômage ont été prises pour ne pas rogner sur l’épargne monétaire.

Cette opinion qui prenait allure de science économique désastreuse pour la stabilité sociale fut abandonnée quand eut lieu le boom des actifs boursiers avec la bulle internet et toute la spéculation boursière qui protégeaient les gros épargnants devenus gros spéculateurs boursiers. Greenspan, le magicien au Trésor américain a fait baisser le chômage à des taux historiques en faisant caracoler les valeurs de Wall Street.

On peut alors dire que le chômage des banlieues qui a conduit à la marginalisation accrue une population vulnérable a été inspiré par le NAIRU plus que par une décision raciste consciente d’un pouvoir aveugle aux effets de ses propres agissements.

Lequel chômage structurel a entraîné des effets de ruptures au travers de cascades d’évènements. L’augmentation de la petite délinquance a été favorisée par l’introduction délibérée de la drogue et de sa commercialisation à l’image des actions du FBI à l’encontre du mouvement des Afro-américains.
L’abandon de l’espoir dans l’ascenseur social par l’école a marqué cette période au cours de laquelle commençaient à s’abattre sur le monde les politiques d’austérité et de retrait de l’État de ses fonctions régaliennes.

Une autre évolution faite de deux facteurs au moins s’est produite de façon presque contemporaine dans la structuration du capitalisme, elle a eu un effet synergique avec les effets de la lutte contre l’inflation.
Il s’agit d’une automatisation des chaînes de production dans des activités autrefois hautement consommatrices de main-d’œuvre. Les Japonais ont été pionniers dans les assemblages pour l’électronique et l’électro-ménager, de plus en plus les chaines de montage se sont automatisées voire digitalisées. Typiquement on a assisté à une augmentation relative du capital organique, élément clé de la tendance à la baisse du taux de profit.

Le deuxième facteur intervient un peu plus tard, il s’agit des délocalisations à mesure que progressaient les mesures de libéralisation de l’économie à l’échelle mondiale et de l’extension de l’Union européenne qui a intégré de plus en plus de pays à l’Est. On y exporte des usines et on en importe des travailleurs détachés, c’est-à-dire avec des salaires inférieurs et non soumis aux prélèvements sociaux encore obligatoires dans les pays de l’Ouest.

Certes, il existe une masse ou une réserve de chômeurs qui fait toujours pression sur les salaires mais le système a de moins en moins besoin de travailleurs, et quand ils sont nécessaires, on expédie la production en périphérie.

Cette nouvelle conformation du capitalisme qui structure la lutte des classes au centre et en périphérie a suscité un autre autre phénomène.
L’irrésistible attraction des Africains du Nord et des Sub-sahéliens vers l’Europe occidentale pour des raisons de guerres inter-impérialistes de basses intensité que l’on fait passer pour des guerres contre le terrorisme islamiste a attiré nombre de nouveaux migrants.

Aux guerres se sont greffées des désertifications dues au dérèglement climatique et à un usage ruineux et dévastateur des sols par des monocultures d’exportation, ce qui apporte un lot toujours renouvelé de migrants sans documents. Pour le travail qui ne peut être délocalisé, entretien, bâtiment, hôtellerie et restauration, ils sont préférés aux enfants des immigrés antérieurs. Moins onéreux, ils apportent une plus-value plus importante dans l’industrie du tourisme.

Les milliers de migrants qui traversent le Sahara et la mer Méditerranée au péril de leurs vies ne sont pas découragés par les discours menés par les anticoloniaux des pays du Centre du capitalisme d’où ils parlent. Les ’anticoloniaux’ bénéficient de la position économique dominante du pays où ils résident avec un minimum de couverture médicale et de prestations éducatives et une relative sécurité. Il n’y a pas d’agression militaire prévisible dans l’immédiat pour les détenteurs de l’arme nucléaire sur les pays occidentaux.

De sorte que l’on peut dire que le capitalisme développe une contradiction entre les migrants sans documents pénétrant le territoire, facilement employables, et les générations de migrants précédents cantonnées au chômage comme armée de réserve.

Un niveau de contradiction supplémentaire est apporté dans l’actuelle forme sociale avec l’importation de Nord-africains et d’Africains sub-sahéliens formés dans des écoles d’ingénieurs ou diplômés en médecine. On observe que la France et les pays occidentaux, frappés par le libéralisme outrancier, ont renoncé à dispenser un enseignement supérieur en quantité et en qualité suffisantes pour certains emplois qualifiés en informatique, en finance et en médecine. Ils se contentent de prélever sans vergogne dans les pays dominés des salariés que le pays receveur n’a pas formés.

Nous sommes donc loin du racisme théorisé au 19ème siècle au moment des conquêtes coloniales. C’est-à-dire tout l’échafaudage d’hypothèses biologiques qui avait alors été élaboré autour de caractères culturels et intellectuels transmissibles génétiquement qui cantonneraient jusqu’à la fin des temps les peuplades à civiliser dans une infériorité insurmontable.

Ce sont les peurs de glisser vers une prolétarisation et d’une perte de confort auquel la petite classe ‘moyenne’ autochtone s’est habituée qui ont nourri des partis d’extrême droite en même temps que reculait l’influence du Parti communiste. Le vertige de la perte d’identité face à l’exposition de ces nombreux « Autres » autrefois invisibles est entretenu par les communicants de la classe politique de ’gauche’ qui a renoncé à ses ambitions de transformation sociale fondamentale pour n’opérer que dans le terrain du sociétal.

La vieillerie conceptuelle du racisme issue du temps du colonialisme a été abandonnée après l’épreuve des génocides de la forme nazie du capitalisme allemand dépourvu de débouchés et de colonies. Ce racisme-là a vécu. Les tenants d’un certain indigénisme le réactualise alors qu’il est caduque, dépassé.

Le racisme aux Usa n’est pas celui des Européens du vieux continent. Pour des raisons historiques et non morales.

La plupart des mouvements antiracistes en France ont tendance à assimiler la situation des descendants d’immigrés des ex-colonies avec celle des Noirs aux Usa. Cette comparaison ou cette assimilation est abusive. Elle est même une escroquerie intellectuelle qui minimise le crime atroce de cet esclavage occidental pré-capitaliste qui ne ressemble en rien à l’esclavage de l’Antiquité, ni à celui pratiqué par les Arabes ni à celui répandu en Afrique noire même.

Tout simplement parce que les modes de production de l’époque ne nécessitaient pas leur travail gratuit. Le laboureur romain travaillait lui-même sa terre de même le fellah égyptien ou d’Afrique du Nord.

Le mode de production capitaliste qui a vu le jour en Occident est bien né des ruines de l’ancien mode féodal qui s’est évanoui. Avant de s’installer en Angleterre, le capitalisme n’avait pas réussi à s’implanter dans de nombreux endroits. Cette disparition d’un mode féodal et son remplacement se sont effectués sur une longue période au cours de laquelle s’est réalisée la condition essentielle du capitalisme : la séparation du producteur des moyens de production.

Et la rencontre de ce travailleur libre avec un manufacturier détenteur de moyens de production acquis autrement que par une épargne résultant de ce mode de production. Cette privation du producteur de ses moyens de production qui a permis de trouver sur le marché des hommes obligés de vendre leur force de travail à autrui a eu lieu essentiellement en Angleterre par la privatisation des terres communes.

La puissance britannique s’est d’abord construite sur l’esclavage de ses propres paysans. Puis la traite négrière a fait le reste. Celle-ci fait réellement partie de la préhistoire du capitalisme, c’est même l’une des conditions qui l’ont permis.
La domination absolue de l’homme par l’homme est instituée en plein siècle des Lumières, à son apogée même.

La Chattel racial slavery (bien meuble esclave) était inconnue dans l’Antiquté et dans l’Angleterre élizabéthaine. 5 millions d’Africains furent transportés en Amérique contre leur gré, à fond de cale, ce qui a constitué le ressort premier et le véritable rouage de toute la machinerie de la richesse de Usa et de l’Angleterre.
Sans extorsion de plus-value, mais par un travail contraint et non rémunéré.

Cette réalité économique a été justifiée par toute une élaboration idéologique qui a servi de fondement à ce que l’on appelle le racisme qui est réellement né à cette occasion.
Après la guerre de Sécession, les esclaves noirs représentaient le patrimoine le plus important du pays. En 1860, leur valeur atteignait trois fois le Capital des actionnaires de l’industrie ferroviaire et manufacturière. Le coton cultivé dans le Sud était le principal produit d’exportation, il était essentiel dans le financement des importations et du développement industriel du pays.

Les Afro-américains ont surtout servi ensuite, depuis leur émancipation formelle, à constituer une armée de réserve pour le système capitaliste. Ils ont été ghettoïsés et lumpénisés. Les revendications et les méthodes de lutte ne peuvent donc être les mêmes de part et d’autre de l’Atlantique.

Aucun espace géographique de retrait ou de recul n’est possible pour le Afro-américains. Les descendants des déportés ont un court instant caressé l’espoir de retourner en Afrique. Certains penseurs et jurisconsultes étasuniens ont envisagé si abolition il y avait, le plus tardivement possible, d’expulser les Noirs soit en Amérique latine où le sang était déjà ’mêlé’ soit en Afrique.

Une association, fondée en 1816, l’American Colonization Company (ACC) s’est donnée comme but de faire retourner les Noirs en Afrique. Elle a fondé le Liberia en 1821. 13 000 personnes y sont allées. Puis ce mouvement a connu un déclin, qui a connu un nouvel essor à partir de 1877 quand les groupes comme le Ku Klux Klan ont multiplié les agressions racistes. A la suite d’escroqueries, de nouveau, ce retour a connu un déclin, d’autant que la plupart des Noirs émancipés reconnaissaient l’Amérique comme leur patrie.

Ceci est une des premières différences fondamentales entre la population afro-américaine et l’émigration coloniale vers les pays du Centre. La capture et la déportation puis la durée de l’esclavage ont fini par supprimer dans les mémoires des Afro-américains leur culture d’origine, voire le souvenir de leur géographie originelle. L’assimilation sans intégration était parfaite.

Le Nord-Africain, le Comorien, le Malien ou le Malgache ont fait un départ ‘volontaire’, certes dicté par les impératifs économiques légués par des décennies de l’économie locale par le colonialisme, mais il ne s’agit pas de déportation forcée (sauf pour certaines situations de soldats enrôlés dans les guerres inter-impérialistes) et de très forts liens ont été conservés avec la patrie d’origine. (Langues, religions, retour en vacances etc..)

Les luttes d’émancipation des Noirs aux Usa ont échoué au 20ième siècle. Deux d’entre elles sont exemplaires, elles n’ont pas abouti alors que leurs revendications ne se contentaient pas d’une simple reconnaissance d’identité mais qu’elles se fondaient sur une analyse de classes. La pleine égalité qui devrait être une indifférence à la couleur de la peau, soit pas de discrimination positive ni négative, n’a pu être établie.

1. Le Black Panther Party est né en 1966 en Californie grâce à deux étudiants en droit, Huwei Newton et Bobby Seale. La revendication principale du BPP est le droit à l’autodéfense des Afro-Américains. Cette fondation faisait suite à la grande marche pour l’égalité des droits civiques sur Washington en 1963. Elle était arrivée dans la capitale fédérale dans la plus grande indifférence des habitants de la ville et des membres du Congrès. En juillet 1964, la fin de la ségrégation est promulguée par Lyndon Johnson avec les garanties de son application.

En août 1965, ont lieu les émeutes de Watts, quartier de Los Angeles, suscitée par une énième exaction policière contre un Noir. Elles ont fait 32 morts et plus de 9 000 blessés. En juillet 1967 eurent lieu les émeutes de Detroit, 42 morts et des milliards de dégâts matériels.

Le BPP est l’aboutissement d’une désillusion du milieu des années 60, les droits civiques n’avaient en rien modifié la vie des Noirs qui sont restés confinés dans leurs ghettos et la misère. L’immense colère des émeutes n’a pas été comprise par les Américains, alors que la pleine citoyenneté n’a pas modifié le chômage, la discrimination et les violences policières.

Les membres du BPP voulaient renverser la légitimité de la violence. Ils s’exhibent en portant des bérets noirs, des blousons en cuir et se promènent en groupe avec des armes bien affichées. Ils en ont le droit constitutionnellement. Ils ont fait la constatation que les marches pacifistes sont inutiles. Ils ont croisé les idées de Mao et de Frantz Fanon. De Ho Chi Minh et Castro mais aussi d’un certain Williams, un militant noir membre de l’Association de défense des peuples de couleur auteur d’un livre ‘Des noirs et des flingues’. Ils développent une véritable fraternité avec les autres peuples colonisés ou ex-colonisés.

Voici les dix éléments de leur programme, ils sont sans comparaison avec les minuscules ambitions du mouvement des Black Lives Matter :

  • - Droit à la liberté et l’autodétermination
  • - Plein emploi pour notre peuple.
  • - Que cesse le pillage de la communauté noire par les Blancs
  • - Logements décents conçus pour des êtres humains
  • - Une véritable éducation pour notre peuple qui expose la vérité de cette société américaine décadente et qui nous enseigne notre véritable histoire et notre rôle dans la société
  • - Exemption de tous les Noirs du service militaire
  • - Arrêt des brutalités policières et de tous les meurtres des Noirs.
  • - Libération de tous les Noirs des prisons fédérales, d’États et des comtés municipaux
  • - Les Noirs s’ils comparaissent en justice doivent le faire devant leurs pairs et les membres de leur communauté
  • - Nous voulons de la terre du pain du logement de l’éducation de quoi nous vêtir, la justice et la paix
  • - Un référendum pour la colonie noire sous les auspices de l‘ONU afin que le peuple noir puisse décider de son destin, en tant que Nation.

Dès lors, le port des armes devient illégal dès 1967 en Californie dont le Gouverneur était Ronald Reagan. Cette loi prive les Noirs à l’auto-défense. Ils manifestent sur les marches du parlement de Sacramento exhibant poings et armes. Dès lors, ils deviennent des images médiatiques, ils sont des révolutionnaires « chics ». Ils élaborent une authentique culture visuelle car ils ont pleinement intégré le rôle de l’image et de la télévision. Certaines images suscitent l’adhésion et la fierté.

Ils organisent des fonds de secours pour les familles, des cantines et des crèches, distribuent des repas aux adultes également. Ils paient des avocats, ils emploient le code pénal pour se défendre légitimement. Ils contre-patrouillent les rondes de la police. Ils installent des lampadaires là où les Noirs se faisaient faucher par des voitures de la police. Ils créent des cliniques gratuites (une trentaine) qui recrutent des médecins noirs. Ils fondent des ÉCOLES GRATUITES = PROGRAMME DE SURVIE

Ils établissent des programme pour les prisonniers et affrètent des cars pour les visites, ils font parvenir des livres aux prisons. Ils développent un programme de protection pour les personnes âgées. En 1967 à l’occasion de l’assassinat par la police d’un jeune Noir, ils font une contre-enquête, interrogent la famille. Ils assurent la sécurité de la famille et financent un avocat.

En 1968, l’assassinat de M. L. King déclenche des révoltes dans plusieurs villes et ce sont les Noirs qui se feront sont punir. Johnson envoient des chars contre le peuple noir inconsolable.

Le BPP est très hiérarchisé, il a un comité central et plusieurs ministres. Il est impératif d’être discipliné et sobre. Malgré un succès phénoménal, Huey Newton est arrêté et mis en prison. Tous les autres chefs seront arrêtés, ce parti devient un parti de dissidence. Ils développent une littérature politique carcérale. Le corps noir en prison ne cesse pas d’être révolutionnaire. De sorte que ce parti est aux mains de femmes, Elaine Brown (74/77), Erika Huggins et Kathleen Cleaver essaient d’exister en tant que femmes dirigeantes noires.

Le programme de répression ContreIntelpro et le FBI initient des harcèlements, lancent des rumeurs et finissent par organiser des luttes intestines et des affrontements entre stratégies et tactiques. S’adonner à la lutte armée clandestine, participer à des élections ? Les dissensions, la drogue et les assassinats (28 chefs du BPP ont été assassinés) ont eu raison du parti qui a été dissous dans le début des années 1980.

2-La deuxième expérience remarquable et signicative est celle qui fut menée par l’organisation de la League of Revolutionnary Black Workers à la fin des années soixante.

La grande rébellion de 1967 à Detroit a été le soulèvement le plus coûteux de l’histoire américaine jusqu’à ce jour. Elle avait fait 42 morts et plusieurs milliards de dégâts matériels. Après que les flammes aient été étouffées, l’esprit d’insurrection ne s’est pas éteint. Les sections de la sous-classe noire qui sont retournées au travail après le soulèvement ont clairement indiqué qu’elles considéraient les usines des trois grandes sociétés de l’industrie automobile comme des « usines-prison », l’équivalent contemporain du travail des esclaves.

Le journal militant noir, The Inner City Voice, a commencé sa publication en octobre 1967. Le journal visait les participants au soulèvement de 1967, les travailleurs noirs qui se trouvaient aux prises avec l’accélération des chaînes de montage des usines.

Le 8 juillet 1968, un groupe de travailleurs noirs dans l’automobile a mené une grève sauvage qui a partiellement fermé l’usine Dodge Main de la Chrysler Corporation à Hamtramck, au Michigan. La grève multiraciale non autorisée, la première en quatorze ans, a montré un fort sentiment de solidarité parmi les travailleurs noirs de l’usine, une profonde méfiance à l’égard du syndicat existant des ’Travailleurs unis de l’automobile’ (UAW) et une forte sensibilité anti-impérialiste.
Cet arrêt de travail a préparé le terrain pour la création de DRUM moins de deux mois plus tard, le Dodge Revolutionary Union Movement (DRUM), une organisation résolue non seulement à arrêter la production automobile pour la journée, mais aussi à construire un mouvement révolutionnaire capable de défier l’exploitation capitaliste, la complaisance des syndicats, l’impérialisme et la violence étatique.

La perspective globale des militants de DRUM s’est reflétée dans leur première liste de revendications, publiée en juillet 1968. Outre les demandes de réformes syndicales, telles que la demande de licencier le président Walter Reuther et de le remplacer par un président noir, ils ont également exigé « que l’UAW mettre fin à sa collusion avec la C.I.A., le F.B.I. et toutes les autres institutions d’espionnage racistes blanches », une réponse à la fois à la persécution politique des radicaux nationaux et à l’implication de la CIA dans des activités contre-révolutionnaires à l’étranger.

La solidarité internationale s’est également étendue aux travailleurs noirs des usines automobiles de l’apartheid en Afrique du Sud. DRUM a exigé « que nos collègues noirs de Chrysler Corp et de ses filiales en Afrique du Sud soient payés sur un pied d’égalité avec leurs collègues racistes blancs ». Les demandes initiales de DRUM exprimaient également une forte opposition à la guerre américaine au Viêt-nam. Ils ont appelé l’UAW à organiser une grève générale pour mettre immédiatement fin à la guerre.

En 1969, le modèle du Mouvement des syndicats révolutionnaires (RUM) avait proliféré autour de Détroit et une fédération appelée Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires a été fondée. Les intellectuels ouvriers noirs de la Ligue ont développé une politique vitale pour l’histoire de la pensée noire. C’était une fusion d’idéaux révolutionnaires transnationaux et de l’histoire du syndicalisme militant de Detroit.
C’étaient des communistes, qui ont tiré leurs expériences à Motor City, pas à Moscou.

La League a été capable de conquérir le pouvoir dans les entreprises. Elle a réussi à enfoncer un coin dans le monopole médiatique et informationnel de la ville grâce à un journal étudiant. Elle a fait élire des juges. Puis elle a réussi à faire élire un maire et à conquérir le pouvoir municipal. Cette réussite remarquable est liée à une stratégie qui a impliqué des initiatives sur les plans distincts des processus de travail, des médias et de la culture, de l’appareil judiciaire et de la politique électorale.

Mais limitée à la forme municipale, cette politique allait aboutir à un échec car l’une des forces de l’État et de sa constitution fédérale tient aux discontinuités entre la ville, l’État et le pouvoir fédéral. Ce à quoi tend aujourd’hui la dissémination des pouvoirs entre les instances municipales et régionales en France grâce aux diverses politiques de décentralisation menées ces dernières décennies.

La League a estimé que son modèle pouvait se généraliser. Comment étendre au niveau national un mouvement politique municipal ?
L’équipe dirigeante a commencé à voyager à travers le pays et au-delà, en allant en Suède et en Italie pour expliquer leur modèle et partager sur place les stratégies des autres travailleurs. Des hommes politiques se sont rendus à Detroit pour enquêter sur ces nouvelles stratégies. S’est posé alors le problème de transposer un modèle local unique à des gens se trouvant dans d’autres situations qui leur sont spécifiques.
Il en est résulté un film et un livre.

Les militants de la League qui parcouraient le monde sont devenus la coqueluche des médias. Ils se sont coupés de leur base et il ne restait plus personne pour garder la boutique. Ayant accédé à un espace plus large, leur base a disparu. Et ainsi se termina l’expérience révolutionnaire la plus réussie de ces années-là.
Elle a laissé des traces sous forme d’acquis sociaux qui lui ont survécu. De plus, toute expérience révolutionnaire continue de nourrir souterrainement la tradition. Ce mouvement est mort d’une certaine manière de son succès.
Le référent du film et du livre, devenus objets et images autonomes, a disparu transformé en image et spectacle.
Comme en avait averti Guy Debord.

Nous ne ferons qu’évoquer l’Afrique du Sud qui a aboli l’apartheid depuis 1991 puis sa démocratie représentative depuis 1994. Mais le chômage touchait toujours en 2019 40% de la population active et frappe surtout les Noirs. L’ANC a manqué de volonté politique une fois installée au pouvoir et n’a pas instauré de réforme agraire, de sorte que trois quarts des terres privées appartiennent toujours à des Blancs. Y travaillent 800 000 ouvriers agricoles noirs dans des conditions souvent indécentes avec souvent absence d’eau courante.

Le gouvernement du Congrès national africain (ANC) est adepte des politiques libérales, il n’a pas élaboré de politique éducative. L’Afrique du Sud a dû depuis la pandémie emprunter 3,6 milliards de dollars au Fonds monétaire international. Les finances publiques sont à bout de ressources et le pays est au bord de la banqueroute.

Conclusions sur le capitalisme tardif

Le capitalisme actuel, pour certains qualifié de tardif, pour d’autres de néolibéral ou de financiarisé, se caractérise par la quasi disparition des États-nations qui étaient la base de lancement de l’entreprise industrielle et marchande.

Le Marché avec sa main invisible est devenu une quasi-divinité. L’idéologie sous-jacente tend à supprimer de la conscience la phase déterminante de l’économie qui est celle de la production. Il est plus que significatif que sur les quatre grandes multinationales dont la capitalisation boursière dépasse l’entendement, trois relèvent du secteur non productif : Amazon, Facebook et Google sont typiquement des intermédiaires qui tirent leurs énormes revenus de la sphère de la circulation et de la publicité, elle-même un artefact de la commercialisation.

Ce capitalisme là se caractérise aussi par une prolifération envahissante des medias, qui de simple appareil de diffusion, se sont transformés en appareil productif d’objets de consommation culturelle et informative. Il n’a jamais eu un tel degré de liberté, il a annulé et neutralisé toutes les structures qui le contrecarraient.

L’économie s’est restructurée sur le plan mondial, l’Asie est devenue l’usine du monde. Le capitalisme actuel, celui du taux d’intérêt négatif, des Dettes publiques sans cesse alourdies par une création monétaire effrénée des banques centrales et des dettes privées, est aidé par les réseaux « sociaux » qui segmentent les informations et nous procurent une compréhension du monde compartimentée.

Ne pas prendre en compte qu’à son stade actuel d’évolution totalement débridée le capitalisme aggrave la précarité des autochtones et qu’il crée les conditions du populisme à la Donald Trump fait courir le risque de voir triompher des régimes autoritaires, ce que nous voyons déjà en Autriche, en Ukraine et en Hongrie.
Et ce que nous voyons se profiler en France.
Ils sont tout aussi furieusement capitalistes mais ils peuvent orienter la colère des précaires et des chômeurs vers des boucs émissaires que sont les descendants d’immigrés, les migrants et des réfugiés. Lesquels sont chassés de chez eux par des guerres faites par les mêmes gouvernements.

L’espace devient en tout point homogène, dans n’importe quelle grande ville de quelque pays que ce soit, les mêmes enseignes rythment la rue et la vue, et pourtant la période actuelle favorise une perception éclatée de la société et s’accommode très bien des micro-luttes, quand elle ne les favorise pas.

À nous de faire en sorte d’axer les efforts sur la disparition de la propriété privée des moyens de production.


[1Dernière minute : une fraction des BLM se sépare de l’organisation pour absence de transparence et accuse les 3 complices d’être un réseau en sous-main du parti Démocrate. Cette fraction conclue :
on ne veut pas remplacer un capitalisme blanc par un capitalisme noir. CQFD

   

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